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Les difficultés de déplacement et les chutes

Données épidémiologiques

Le vieillissement est source de troubles sensoriels et moteurs qui limitent et ralentissent les mouvements, entraînant ainsi des troubles de la marche et de l’équilibre.

Les risques de chute en sont accrus et entraînent la personne âgée dans un cercle vicieux : diminution des capacités physiques, trouble de l’équilibre, diminution des déplacements, risque de chute, aides techniques, réduction des capacités motrices…

Les chutes sont fréquentes chez les personnes âgés : 45 % des 80-89 ans et 56 % des plus de 90 ans en sont victimes. Parmi celles-ci, 11 % nécessitent une hospitalisation (Campbell et al., 1981) et peuvent parfois être la cause de décès : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle que la chute est la première cause de décès accidentel après 65 ans pour deux tiers des femmes et un tiers des hommes (OMS, 1983).

Deux études (Quail, 1994, et Nevitt, 1997) ont mis en évidence que, chez les personnes âgées de 65 à 80 ans, une personne sur trois est victime d’une chute par an ou plus. Nikens (1985) et Perry (1982) estiment qu’un tiers à la moitié des sujets de plus de 65 ans tomberont au moins une fois dans l’année.

Dans 30 % des cas, l’hospitalisation peut se prolonger un an après, et parmi ces personnes hospitalisées, la moitié ne retrouvera pas une marche normale (Spirduso, 1995).

Les causes

Les facteurs intrinsèques

  • L’âge et le sexe : augmentation de la fréquence des chutes avec l’âge, surtout chez la femme.
  • Les troubles de l’équilibre : altération des perceptions sensitives, des fonctions vestibulaires et cérébelleuses, ce qui est à l’origine d’une diminution de la capacité de réaction à des déplacements soudains du centre de gravité.
  • Déficit musculaire : La force musculaire diminue, d’où une diminution des possibilités de réponse aux sollicitations déséquilibrantes.
  • Les troubles sensoriels : déficits visuels, altérations de l’ouïe et troubles au niveau labyrinthique ayant aussi un impact sur l’équilibre statique et dynamique ; diminution de la sensibilité tactile, notamment au niveau plantaire, associée à des problèmes podologiques.
  • Processus attentionnel et temps de réaction : La probabilité de chute est plus importante quand le sujet âgé n’est pas concentré sur son adaptation posturale. De plus, le temps de réaction entre l’apparition d’un stimulus et la réponse motrice augmente avec l’âge.
  • Les pathologies associées : Elles sont multiples, et certaines sont plus fréquentes :
    • les maladies rhumatologiques, osseuses ou articulaires ;
    • les affections cardio-vasculaires : hypotension orthostatique, trouble de la conduction cardiaque, rétrécissement aortique, syncope par troubles du rythme ou insuffisance myocardique ;
    • l’hypertension artérielle, qui peut provoquer des troubles de la vision, des étourdissements et des essoufflements ;
    • les affections neurologiques : accidents vasculaires cérébraux (AVC), état lacunaire, maladie de Parkinson, démence, épilepsie, syndrome cérébelleux ;
    • des problèmes divers, comme les troubles nutritionnels et la déshydratation.
  • La peur de chuter : Elle est la fois une conséquence de la chute et un facteur de risque. Elle fait partie des causes de la réduction des activités chez la personne âgée, qui peut mener à une atrophie musculaire, à une diminution des automatismes moteurs et à une réduction de l’équilibre.

A noter

L’état mental (confusion, démence, ivresse…) a également une incidence notable sur le risque de chute.

Les facteurs extrinsèques

  • Les traitements médicamenteux : Les antihypertenseurs (les diurétiques par exemple), les psychotropes (hypnotiques, benzodiazépines ), les dérivés nitrés, les antiparkinsoniens (L-dopa) ou les antidépresseurs tricycliques peuvent être la cause d’une hypotension. Par ailleurs, les antibiotiques ototoxiques peuvent entraîner des vertiges.
  • Les facteurs environnementaux :
    • L’habillement est parfois un problème, car il peut ne pas être adapté : vêtements trop longs ou trop étroits, chaussures inadaptées…
    • L’habitat est une réelle source de danger pour les sujets âgés : éclairage inadéquat, sols en mauvais état ou glissants, disposition d’obstacles inattendus, mobilier trop bas ou trop haut (lit, fauteuil, WC…), etc.

Les conséquences

Les conséquences physiques

Les conséquences sont importantes, car les difficultés de déplacement entraînent leur diminution et souvent une diminution des capacités physiques. On observe alors une réduction de l’autonomie dans les actes du quotidien. L’une des conséquences les plus importantes est le risque de chute, qui a elle-même des conséquences dans la vie du sujet âgé.

La chute a un impact sur la mobilité, car dans les situations où l’hospitalisation se prolonge un an après l’accident, ce qui est le cas pour 30 % des personnes s’étant fracturé le col du fémur (Ray et al., 1990, in Albaret et Aubert, 2001), la moitié de ces sujets ne retrouvera pas une marche normale (Spirduso, 1995, in Albaret et Aubert, 2001).

D’autre part, les chutes sont la cause de décès par accident pour 56,4 % des femmes et pour 32,5 % des hommes (OMS, 1983).

Les fractures peuvent entraîner des douleurs persistantes, qui invalident sur le plan physique mais aussi sur le plan psychologique.

De plus, du fait d’une restriction des activités, il y a diminution de la force du mouvement et de l’endurance, qui influe sur la mobilité fonctionnelle, la déviation de la marche, une mauvaise posture et la réduction de l’équilibre.

La peur de la chute est une conséquence émotionnelle. Néanmoins, cette anxiété, qui se manifeste dans certaines activités telles que la marche sur un terrain accidenté ou tout simplement le fait de se mettre debout, entraîne des états de tension neuro-musculaire qui affectent la mobilité du sujet.

Ces conséquences entraînent le sujet dans un cercle vicieux : chute, peur de tomber, réduction des activités, diminution de la force musculaire, chute à nouveau (Strubel et Jacquot, 1993).

Les conséquences émotionnelles

La chute peut avoir un impact important sur la sphère émotionnelle ; en effet, le vécu de la chute doit être pris en compte puisque « 47 % des sujets ayant chuté n’ont pas pu se relever après une ou plusieurs chutes. Le temps moyen passé au sol était de 11,7 minutes » (Ipsen, in Chaumont, 1997). Plus ce temps est long, plus le vécu est traumatique.

La chute est aussi une confrontation brutale à la réduction des capacités de la personne, qui a l’impression qu’elle ne peut plus faire confiance à son corps. L’image du corps est alors perturbée, et ce dernier est désinvesti.

A noter

La chute, associée à la perte de mobilité, au vieillissement, aux maladies éventuelles, à la peur de chuter, à la perte d’autonomie, à la réduction de la sphère sociale, peut être le point de départ d’une dépression qui doit être évaluée et prise en charge.

La perte d’autonomie

La réduction des activités est associée à une prudence excessive, à un confinement à domicile, à une diminution de l’espace de vie. Cela provoque une restriction de la sphère sociale, voire un isolement.

Le syndrome post-chute

Il peut s’installer rapidement suite à un événement traumatisant, tel qu’un choc physique comme une chute ou une intervention chirurgicale, ou un choc psycho-affectif comme la prise de conscience du vieillissement ou une hospitalisation.

Dans les deux cas, une sidération des automatismes acquis se met en place.

  • Signes posturaux :
    • un déséquilibre arrière, qui se manifeste dans les positions assise et érigée ;
    • un appui podal postérieur ;
    • une incapacité de passage en antépulsion lors de la position assise, expliquant les difficultés que peuvent avoir les sujets quand il s’agit de se mettre debout.
  • Altérations de la marche :
    • absence totale d’initiative motrice, ce qui entraîne une difficulté d’initiation de la marche, que l’on retrouve aussi lors des demi-tours ou face à un obstacle ;
    • abduction des membres supérieurs, avec parfois des réactions d’agrippement à tout objet ou appui ;
    • troubles de la posture cités ci-dessus ;
    • périmètre de marche très restreint, du fait d’une fatigabilité importante liée au coût énergétique très élevé de la marche.
  • Signes neurologiques :
    • une hypertonie oppositionnelle, qui augmente avec la traction exercée sur le segment corporel intéressé. Elle est aussi présente lors des tentatives de changement de position, notamment au niveau du tronc. « Cette hypertonie diminue sous l’effet de la mise en confiance et de la détente » (Pfitzenmeyer, 2001) ;
    • une altération ou une disparition des réactions d’adaptation posturale et des réactions de protection.
  • Signes psycho-comportementaux :
    • une bradyphrénie, qui s’apparente à la bradykinésie sur le plan psychique ;
    • une démotivation associée à l’apathie et à l’indifférence affective ;
    • dans les formes purement motrices, une anxiété majeure face à la mobilisation et au passage debout, voire une véritable phobie de la verticalité (stasobasophobie). Cette anxiété est responsable d’une inhibition psychomotrice intense (Maki et al., 1991 ; Tinetti et al., 1994, in Pfitzenmeyer et Mourey, 2001).

Les domaines d’intervention

La prévention

La prévention est une démarche importante, multidisciplinaire et nécessaire dans plusieurs cas :

  • Tout d’abord, pour éviter la première chute, il est primordial de connaître les facteurs de risque pour les réduire autant que possible.
  • Cette prévention peut aussi intervenir suite à une chute ; dans ce cas, il faut bien en identifier les causes pour les limiter et ainsi éviter une récidive.

Il y a une conduite globale à tenir face à la personne âgée :

  • lui faire prendre conscience des risques potentiels de son habitation, comme ceux décrit auparavant, pour qu’ils puissent être évités ;
  • intervenir au niveau du mobilier pour permettre à la personne âgée de limiter les efforts ou les comportements à risque :
    • les sièges, le lit, les sanitaires doivent être mieux adaptés,
    • des barres d’appui peuvent être installées,
    • on peut proposer un rangement accessible des affaires ;
  • dans la mesure du possible, intervenir sur la médication, dans les cas où elle est trop importante, en la modifiant pour limiter les effets secondaires ;
  • insister sur le fait que les chaussures et les vêtements doivent être bien adaptés, ni trop grands ni trop petits ;
  • proposer à la personne de garder une activité physique, telle que la marche ou des ateliers de gymnastique douce ;
  • éviter l’isolement social et proposer des activités de groupe ;
  • proposer aux personnes qui le souhaitent une rééducation de l’équilibre (cf. L’atelier équilibre) ;
  • proposer à la personne des aides techniques telles que la canne, le déambulateur ou le fauteuil roulant.

Les rééducations

Le kinésithérapeute intervient fréquemment suite à des fractures subies lors d’une chute. Il intervient également pour les troubles de l’équilibre et de la marche. Il permet le maintien des capacités physiques par le biais d’une rééducation adaptée.

Le psychomotricien peut également avoir un impact sur les troubles de la marche et de l’équilibre, tout en incluant un travail sur le schéma corporel, la relaxation, la gestion du tonus, en particulier lorsque la personne présente une importante peur de chuter.

Une activité physique est toujours bénéfique, en privilégiant des activités simples et douces, telles que le yoga, la gymnastique douce, les activités aquatiques…

Notre conseil

  • Il faut toujours être vigilant dans les transferts et les manipulations.
  • La prévention est très importante, que ce soit au niveau des facteurs environnementaux ou concernant le patient lui-même. Réduire les facteurs de risque est la meilleure prévention.
  • La prévention est spécifique à chaque personne ; chacune présente ses propres difficultés, sur lesquelles il convient d’agir.

Évitez les erreurs

Quand une personne a un risque de chute important, évitez de lui parler pendant qu’elle marche, ou soutenez-la bien si vous dialoguez.

Aller plus loin

Bibliographie

  • A. Warenbourg et al., « Évaluation clinique du risque de chute chez la personne âgée », in Jacques Pélissier, Vincent Brun et Michel Enjalbert (dir.), Posture, équilibration et médecine de rééducation, Masson, 1993
  • Cynthia L. Arfken et al., « The prevalence and correlates of fear of falling in elderly persons living in the community », American Journal of Public Health, vol. 84, n° 4, 1994
  • Virginie Chaumont, « Le sujet âgé et la chute : approche psychomotrice », Évolutions psychomotrices, n° 35, 1997
  • George F. Fuller, « Falls in the elderly », American Family Physician, avril 2000. Disponible à l’adresse suivante : www.aafp.org/afp/20000401/2159.html
  • Jean-Michel Albaret et Éric Aubert, « Aspects psychomoteurs du vieillissement normal », in Vieillissement et psychomotricité, Éditions Solal, coll. « Psychomotricité », 2001
  • Nadine Gagnon et Alastair J. Flint, « Fear of falling in the elderly », Geriatrics and aging, vol. 6, n° 7, 2003
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