Convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2013-2018
NOR : MENE1300072X
convention du 7-2-2013
MEN - DGESCO
PRÉAMBULE
Depuis 1989, « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur [...] contribuent à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d'orientation. [...] Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu'à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. [...] Les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d'information sur les violences et une éducation à la sexualité. » (article L. 121-1 du code de l'éducation).
C'est bien la mission du système éducatif de faire réussir chacun et chacune, fille ou garçon, de la maternelle à l'enseignement supérieur. Cette réussite implique que les valeurs humanistes d'égalité et de respect entre les femmes et les hommes, les filles et les garçons, soient transmises et comprises dès le plus jeune âge. Ces valeurs sont inscrites dans la Constitution et dans les textes internationaux ratifiés par la France comme la Convention des Nations Unies sur « l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes. »
Pourtant, les disparités entre les sexes demeurent bien réelles. La réussite et l'échec scolaire, la réussite et l'échec en matière d'insertion professionnelle restent des phénomènes relativement sexués. La manière d'interroger, de donner la parole, de noter, de sanctionner et évidemment d'orienter, révèlent des représentations profondément ancrées sur les compétences supposées des unes et des autres.
Ces pratiques en classe, le plus souvent involontaires, ont des conséquences significatives sur les parcours scolaires, puis professionnels, des jeunes. Le paradoxe est connu : les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons mais leurs choix d'orientation demeurent très traditionnels et trop souvent restreints à quelques secteurs d'activité. D'une palette plus étendue, les parcours des garçons ne les détournent pas moins de certains domaines professionnels, considérés comme « féminins ». Alors que le taux d'accès au baccalauréat des filles est largement supérieur à celui des garçons (76,6 % pour les filles contre 66,8 % pour les garçons) elles ne représentent que 43,5 % des élèves inscrit(e)s en première année des classes préparatoires aux grandes écoles. Lutter contre cette situation, c'est aussi créer les conditions pour permettre à notre système éducatif d'assurer la réussite de chacun dans la vie sociale et professionnelle.
Préjugés et stéréotypes sexistes, ancrés dans l'inconscient collectif, sont la source directe de discriminations et, à ce titre, doivent être combattus dès le plus jeune âge. Ainsi, la mixité acquise en droit et ancrée dans la pratique demeure une condition nécessaire mais non suffisante à une égalité réelle entre filles et garçons et plus tard entre femmes et hommes. Elle doit être accompagnée d'une action volontariste des pouvoirs publics, de l'ensemble des acteurs de la communauté éducative et des partenaires de l'École.
La présente convention est porteuse d'une vision partagée : la réussite de tous et toutes, élèves, apprentis ou étudiants, qui est au cœur de la mission du service public, suppose de créer les conditions pour que l'École porte à tous niveaux le message de l'Égalité entre les filles et les garçons et participe à modifier la division sexuée des rôles dans la société. Cela nécessite que :
Conclue pour la période 2013-2018, cette convention sera régulièrement suivie et évaluée par un comité de pilotage partenarial associant représentant(e)s des ministères, expert(e)s qualifié(e)s et associations, pour décliner les orientations en priorités opérationnelles et en actions concrètes et pour suivre les résultats.
Le pilotage du comité est assuré conjointement par le/la délégué(e) interministériel(le) aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes et par le/la recteur(trice) représentant(e) du ministère de l'éducation nationale.
L'impulsion donnée au niveau national favorise l'initiative, l'innovation, l'engagement d'expérimentations au niveau local et la mutualisation des expériences. Elle conforte les déclinaisons régionales de la convention et renforce la collaboration entre le réseau des chargé(e)s de mission égalité en académie, le réseau du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (déléguées régionales et chargé(e)s de mission), le réseau « Insertion - Egalité » du ministère en charge de l'agriculture et les référents égalité dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Elle trouvera notamment un appui dans les établissements scolaires au travers des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté et des instances de la vie lycéenne.
Le ministère de l'éducation nationale, le ministère délégué chargé de la réussite éducative, le ministère des droits des femmes, le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sont signataires de la convention.
Celle-ci est articulée autour de 3 chantiers prioritaires qui seront déclinés dès 2013 :
1. Acquérir et transmettre une culture de l'égalité entre les sexes
2. Renforcer l'éducation au respect mutuel et à l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes
3. S'engager pour une plus grande mixité des filières de formation et à tous les niveaux d'étude
Ce fort engagement interministériel dans le système éducatif n'est pas isolé. Il est accompagné par d'autres engagements ambitieux pour l'égalité entre les femmes et les hommes qui seront mis en en œuvre dans le domaine de la culture, du sport, des médias, des violences faites aux femmes, etc.
La création d'un ministère des droits des femmes de plein exercice, la nouvelle démarche interministérielle, fondée sur la création des hauts fonctionnaires à l'égalité, le nouveau comité interministériel et les feuilles de route ministérielles pour l'égalité, marquent la volonté du Président de la République et du Gouvernement tout entier de promouvoir une action renouvelée sur ce sujet, à la fois ambitieuse et exemplaire.
Les ministères signataires de la convention affirment aujourd'hui leur détermination à décliner concrètement la politique publique volontariste en faveur de l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, afin de construire la société de l'égalité réelle entre les hommes et les femmes.
Considérant l'ensemble de ces éléments, les parties s'engagent par la présente convention à conduire les actions définies ci-dessous.
1- Acquérir et transmettre une culture de l'égalité entre les sexes
« Les stéréotypes constituent des barrières à la réalisation des choix individuels tant des femmes que des hommes. Ils contribuent à la persistance des inégalités en influant sur les choix des filières d'éducation, de formation et d'emploi, sur la participation aux tâches domestiques et familiales et sur la représentation aux postes décisionnels. Ils peuvent également affecter la valorisation du travail de chacun. »
Le cinquième rapport de la commission européenne sur l'égalité entre les femmes et les hommes invite à accorder une attention particulière à la lutte contre les stéréotypes sexistes dans l'éducation et ce, dès le plus jeune âge.
En ce sens, les parties s'engagent à :
1.1 Intégrer dans les enseignements dispensés, dans les actions éducatives, dans les supports pédagogiques, la thématique de l'égalité entre les femmes et les hommes
1.2 Prévoir des formations à l'égalité et à la déconstruction des stéréotypes sexistes dans le cahier des charges de la formation des personnels enseignants, d'éducation et d'orientation
1.3 Intégrer des actions de formation à l'égalité et de déconstruction des stéréotypes sexistes dans la formation continue des personnels enseignants, d'éducation et d'orientation
La formation des formateurs et formatrices ainsi que la formation des personnels se destinant à travailler auprès d'enfants, d'adolescent(e)s, de jeunes adultes doivent comprendre une formation au genre et à l'égalité s'appuyant sur des données chiffrées et une vision sensible aux inégalités entre les femmes et les hommes dans l'ensemble des thématiques abordées.
C'est pourquoi :
2 - Renforcer l'éducation au respect mutuel et à l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes
Construire une société où les rapports entre les sexes évoluent vers plus d'égalité, de liberté et d'émancipation implique, dès le plus jeune âge, la reconnaissance et le respect de la dignité de la personne, et l'interdiction absolue des atteintes à autrui.
Ces exigences sont portées par l'École dans une démarche globale impliquant toute la communauté éducative, à travers les enseignements, la vie scolaire et étudiante, les actions éducatives et le soutien aux associations.
L'éducation à la sexualité occupe une place de premier ordre dans ce dispositif, en tant qu'elle touche, au-delà du domaine de l'intime, à des enjeux de société décisifs. « L'éducation à la sexualité contribue de manière spécifique à cette formation dans sa dimension individuelle comme dans son inscription sociale. Cette démarche est d'autant plus importante qu'elle est à la fois constitutive d'une politique nationale de prévention et de réduction des risques [...] et légitimée par la protection des jeunes vis-à-vis des violences ou de l'exploitation sexuelles, de la pornographie ou encore par la lutte contre les préjugés sexistes ou homophobes. » Cette éducation, qui « [...] se fonde sur les valeurs humanistes de tolérance et de liberté, du respect de soi et d'autrui », contribue à « favoriser des attitudes de responsabilité individuelle et collective notamment des comportements de prévention et de protection de soi et de l'autre » (circulaire du 17 février 2003 sur l'éducation à la sexualité).
En ce sens, les parties s'engagent à :
2.1 Mieux connaître et prévenir les situations liées aux comportements et violences à caractère sexiste et sexuel dans le système éducatif
2.2 Promouvoir l'égalité et le respect mutuel entre les sexes : prévenir et agir
2.3 Prendre appui sur une éducation à la sexualité effective pour développer l'égalité entre les sexes et l'accès à la contraception
• réaffirmant l'obligation de plusieurs séances annuelles, comme le prévoit le code de l'éducation ;
• développant, dans le cadre des plans académiques, la formation des équipes transdisciplinaires qui mettent en place l'éducation à la sexualité ;
• renforçant dans ces formations ce qui concerne la prévention et la responsabilité partagée entre les filles et les garçons, l'analyse critique des stéréotypes, le respect mutuel ;
• développant des actions expérimentales pour renforcer l'éducation à la sexualité, en mobilisant les acteurs et actrices de l'éducation nationale, les collectivités locales, notamment les régions, les professionnel(le)s de santé et les partenaires associatifs. Ces actions pourront aborder dans une approche d'ensemble les questions d'éducation à la sexualité et de contraception, dans le contexte notamment de la gratuité des contraceptifs pour les mineures. Elles pourront aussi porter sur la prévention des discriminations en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre ;
• proposant des outils de mise en œuvre, notamment pour l'école primaire.
3 - S'engager pour une plus grande mixité des filières de formation et à tous les niveaux d'étude
Malgré l'engagement des pouvoirs publics, notamment au travers des conventions précédentes, les différences d'orientation entre les filles et les garçons sont encore perçues comme l'expression de différences « naturelles » entre les sexes en termes d'intérêt et d'aptitudes. Filles et garçons sont encore bien trop souvent enfermé(e)s dans des rôles et représentations stéréotypés selon leur sexe. La création d'un monde professionnel pleinement mixte et égalitaire implique que chacun(e), fille et garçon, puisse être guidé(e), accompagné(e) et encouragé(e) pour ouvrir « le champ des possibles ».
La création d'un service public de l'orientation, telle qu'envisagée dans la nouvelle étape de la décentralisation, doit permettre de prendre systématiquement en compte la nécessité de promouvoir la mixité dans les filières de formation, adapter les informations et les conseils délivrés et développer les outils de l'orientation. Les actions à conduire s'appuieront sur celles qui ont déjà été menées dans certaines branches professionnelles, comme par exemple le bâtiment.
Le nouveau service public s'attachera à renforcer et publier les statistiques qui rendent visibles et indiscutables la réalité des disparités d'orientation et de profession. Il rendra visibles les réussites des femmes et des hommes experts dans un métier « de l'autre sexe » pour encourager les vocations.
En ce sens, les parties s'engagent à :
3.1 Renforcer la connaissance des parcours d'études des filles et des garçons et de leur insertion professionnelle, assurer leur visibilité et définir des objectifs pour l'action
3.2 Veiller à exclure tout stéréotype sexiste dans l'information délivrée sur les métiers et les filières de formation
3.3 Promouvoir la mixité dans les parcours de formation et les secteurs professionnels
4 - Mise en œuvre de la convention
Le suivi de la convention est assuré par un comité de pilotage composé des représentants de chaque ministère signataire et d'un représentant de l'Onisep. Il associe également des personnalités qualifiées désignées conjointement par le ministre chargé de l'éducation nationale et le ministre chargé des droits des femmes.
Ce comité national de pilotage est co-présidé par la déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes et la représentante du ministre chargé de l'éducation nationale. Le comité de pilotage constitue tout groupe de travail qu'il juge utile et associe les représentants des services déconcentrés.
La convention fait l'objet de déclinaisons locales dans lesquelles se formalisent les relations entre les partenaires de l'État, se définissent les objectifs prioritaires au regard de la situation locale et s'organisent le suivi et l'évaluation régulière des actions menées.
La présente convention est signée pour une durée de cinq années et pourra être prorogée par voie d'avenant. La mise en œuvre des actions fera l'objet d'une annexe annuelle par ministère signataire.
Une évaluation de l'action de chaque ministère ainsi qu'un bilan de l'activité interministérielle sont réalisés six mois avant la date d'échéance de cette convention.
Fait le 7 février 2013
Le ministre de l'éducation nationale,
Vincent Peillon
La ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement,
Najat Vallaud-Belkacem
Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social,
Michel Sapin
La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche,
Geneviève Fioraso
Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt,
Stéphane Le Foll
La ministre déléguée chargée de la réussite éducative,
George Pau-Langevin
Informations sur ce texte
NOR : MENE1300072X
Date : 07/02/2013
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