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Circulaire du 30 juillet 2012 relative la mise en œuvre des zones de sécurité prioritaires

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MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Paris, le 30 JUIL. 2012

Le Ministre de l'Intérieur

à

Monsieur le Préfet de police Mesdames et Messieurs les Préfets de zones, de régions et de départements

(métropole et outre-mer)

Monsieur le Directeur général de la police nationale

Monsieur le Directeur général de la gendarmerie nationale

NORINTK1229197J

OBJET : mise en œuvre des zones de sécurité prioritaires.

La politique de sécurité que j'entends conduire doit être résolument tournée vers les territoires et leurs habitants.

Il s'agit de répondre, au plus près, aux préoccupations de nos concitoyens, souvent parmi les plus démunis, confrontés dans des quartiers urbains ou dans des territoires ruraux à la délinquance, à la violence et aux trafics de toutes sortes qui sapent les fondements même de notre société et mettent en péril le lien social.

Les réponses qu'ils attendent de l'Etat se situent au-delà d'interventions coups de poing ou d'initiatives spectaculaires. Si une opération policière réactive ou d'envergure se justifie face à un évènement grave ayant troublé l'ordre public, la seule succession de tels modes d'intervention sans stratégie se révèle finalement improductive dans la durée.

Le service public de la sécurité intérieure et ses partenaires locaux, au premier rang desquels les collectivités territoriales, doivent traiter les problèmes de sécurité au fond, en s'attaquant aux causes pour mieux prévenir et réprimer la délinquance.

La politique de sécurité et de lutte contre la délinquance que je veux mettre en œuvre doit s'appliquer à l'ensemble du territoire de la République, et je compte sur votre implication et votre dynamisme pour la décliner localement et avec détermination.

Cependant, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre, il faut aller plus loin dans certains territoires particulièrement frappés par une dégradation de l'ordre et de la tranquillité publics. Cette approche renforcée doit privilégier des secteurs géographiques précis, des thématiques lourdes et concerner des publics identifiés.

C'est dans ce cadre que seront mises en place de façon échelonnée, à partir du mois de septembre prochain, les zones de sécurité prioritaires (ZSP).

Un travail de préparation et de coordination sera également assuré en direction des autres ministères concernés par ces enjeux : ministères de la justice, de l'éducation nationale, de l'égalité des territoires, de la ville et des outre-mers.

1- Principes de fonctionnement.

Les zones de sécurité prioritaires correspondent à des territoires ciblés dans lesquels des actes de délinquance ou d'incivilités sont structurellement enracinés. Elles ne couvriront pas forcément des espaces homogènes à travers le pays, et pourront tout à la fois concerner des cités sensibles soumises à des épisodes récurrents de violences urbaines, des centres-villes dont la physionomie est dégradée en raison de nuisances diverses, ou encore des zones périurbaines ou rurales.

Les actions menées devront faire l'objet d'une coordination opérationnelle renforcée, non seulement de l'ensemble des forces de sécurité intérieure mais aussi des moyens et personnels dépendant d'autres ministères et de ceux résultant du partenariat avec les collectivités territoriales déjà initié, plus particulièrement, dans les conseils locaux - ou intercommunaux - de sécurité et de prévention de la délinquance.

1-1 Des réponses adaptées aux problématiques locales.

Les réponses apportées et les moyens engagés seront adaptés à la résolution de ces problèmes de délinquance ou d'incivilités. Pour éviter une dispersion des ressources, ces actions devront être concentrées sur un nombre restreint d'objectifs, clairement identifiés qui pourraient recouvrir, sans être exhaustif, l'économie souterraine, les trafics de stupéfiants et d'armes, les violences acquisitives, les cambriolages, les regroupements dans les parties communes d'immeubles d'habitation, les nuisances de voie publique et autres incivilités.

1-2 Des méthodes de pilotage et d'évaluation renouvelées.

Conçus pour répondre aux problématiques locales, les dispositifs mis en place feront l'objet d'un pilotage au niveau le plus fin. Ce pilotage sera conduit d'une part dans le cadre d'une coordination opérationnelle de l'ensemble des services de sécurité intérieure concernés, et d'autre part à l'aide d'une forme renouvelée, restreinte et pragmatique de partenariat avec les collectivités territoriales.

Ainsi, deux structures locales de coordination opérationnelle devront être créées :

  • - Une cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure. Réunissant, selon une périodicité a minima mensuelle, l'ensemble des services engagés sous la direction du préfet et, s'il le souhaite, la co-direction du procureur de la République, elle aura pour objectif de favoriser les échanges d'informations, de cibler les objectifs à atteindre, de définir puis déployer les moyens nécessaires de façon coordonnée, et d'évaluer les résultats. Les groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD), lorsqu'ils existent, s'intègreront dans cette cellule de coordination.
  • - Une cellule de coordination opérationnelle du partenariat. Distincte du CLSPD, elle conduira les actions de prévention de la délinquance en privilégiant une approche de traitement spécifique des situations individuelles, et pilotera la mise en œuvre des ressources complémentaires, notamment les polices municipales. Il vous appartiendra de déterminer, en fonction des configurations propres à chaque zone, les participants à cette cellule et la périodicité des réunions.

Afin de pouvoir suivre au plus près l'évolution des formes de la délinquance et d'adapter, le cas échéant, les objectifs et les moyens, ces structures de coordination devront être en mesure d'évaluer les actions menées, à l'aide d'indicateurs qui ne seront pas exclusivement quantitatifs.

Outre les indicateurs statistiques de la délinquance et de l'activité judiciaire, par ailleurs en cours de rénovation, vous définirez ainsi des indicateurs qualitatifs, objectivement mesurables, en fonction des problématiques identifiées et des objectifs assignés aux différents services ou partenaires associés.

Je vous demande de faire de ces structures de véritables lieux de pilotage et de décision et pas uniquement des instances d'analyse et de discussion.

S'il est opportun de lui proposer d'être partie prenante à la démarche des zones de sécurité prioritaires, je rappelle que le procureur de la République demeure seul en charge de la définition de la politique pénale sur son ressort, tout comme il demeure seul directeur des enquêtes de police judiciaire.

2- La mobilisation des ressources de sécurité intérieure.

2-1 Un contexte adapté à la situation des effectifs.

L'action menée bénéficiera chaque fois que possible de l'allocation de ressources spécifiques : les personnels supplémentaires prévus pour la sécurité et la justice auront vocation à être prioritairement déployée sur les ZSP. Toutefois, les délais de recrutement et de formation ne permettront pas d'en disposer au cours de la première année de déploiement.

Ce contexte en matière d'effectifs conduit à concevoir un dispositif reposant sur la mobilisation et la coordination des ressources existantes. Sauf exception, l'ouverture d'implantations immobilières ne doit pas être recherchée.

En fonction des problématiques rencontrées sur la zone et de l'organisation des services de police et de gendarmerie, les moyens de ces services seront mobilisés dans les domaines de l'investigation, du renseignement, de l'occupation de la voie publique et de la police technique et scientifique.

Les unités mobiles, CRS ou EGM, apporteront leur concours dans le cadre d'un plan national de sécurisation renforcé.

Les groupes d'intervention régionaux (GIR) seront également engagés lorsque les procédures initiées impliqueront des investigations spécifiques notamment dans le domaine patrimonial.

J'appelle plus particulièrement votre attention sur les aspects tenant au recueil des renseignements opérationnels et à leur exploitation. Outre les missions dévolues aux SDIG qu'il vous appartiendra de développer, vous veillerez à ce que les informations détenues par les unités de voie publique, notamment les BAC, ne soient pas seulement consacrées aux seuls flagrants délits. Les missions assignées à ces brigades, tout comme aux PSIG de la gendarmerie, devront être adaptées aux objectifs à atteindre sur la zone.

Vous veillerez également, en étroite liaison avec les procureurs de la République, à ce que les services spécialisés d'investigation de la sécurité publique (sûretés départementales) et de la police judiciaire (DIPJ, SRPJ) soient pleinement investis dans la réalisation des objectifs territorialisés.

Dans le même esprit, les unités de police judiciaire de la gendarmerie (SR, BR) viendront soutenir et prolonger l'action des formations territoriales.

2-2 L'articulation avec les dispositifs partenariaux existants.

2-2-1 Avec les GLTD :

Lorsqu'ils existent ou que le procureur de la République souhaite en créer sur les mêmes périmètres, vous veillerez à l'articulation étroite de la démarche des zones de sécurité prioritaires avec celle des groupes locaux de traitement de la délinquance, en liaison étroite avec l'autorité judiciaire. En l'espèce, les GLTD peuvent s'intégrer dans des cellules de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieures codirigées par le préfet et le procureur de la République.

2-2-2 Avec les CLSPD :

La présence d'un CISPD ou d'un CLSPD sur le ressort d'une ou plusieurs communes traduit une volonté de chacun des partenaires qui y est engagé de traiter les problématiques de sécurité.

Même s'ils ont permis dans certaines collectivités la constitution de groupes de travail particulièrement dynamiques et créatifs, les CLSPD restent trop souvent un lieu d'échange sans réelle capacité décisionnelle. Ils souffrent du nombre et de la diversité de leurs membres, qui rendent difficile un suivi opérationnel effectif et balaient souvent la problématique de l'insécurité dans toutes ses composantes sans identifier les priorités ou les objectifs à atteindre.

La cellule de coordination opérationnelle du partenariat souhaitée dans le cadre des ZSP ne peut donc pas être le CLSPD ou le CISPD; en revanche, elle pourra opportunément être créée dans le cadre d'un groupe de travail dédié émanant du conseil, dont la composition devra être parfaitement ajustée aux problématiques à traiter et respecter une dimension relativement restreinte afin d'en conserver le caractère opérationnel.

2-2-3 Avec les états-majors de sécurité :

Les états-majors de sécurité constituent le plus souvent le cadre d'échanges formels permettant aux différents partenaires de présenter leur activité au titre de leur participation à la lutte contre l'insécurité. Si certaines décisions peuvent y être prises, elles relèvent le plus souvent de considérations générales ou stratégiques applicables à l'échelle du département, lequel ne saurait constituer le niveau de pilotage fin que nécessite le suivi de l'action menée sur les ZSP.

2-2-4 Avec la politique de la ville :

De façon générale, la cartographie des ZSP ne saurait se calquer sur le zonage actuel de la politique de la ville, qui comprend environ 750 quartiers prioritaires. Bien évidemment, il n'y a aucun obstacle à ce que le ressort d'une ZSP coïncide avec celui d'une ZUS ou d'un quartier CUCS ; pour autant, les critères de la politique de la ville ne doivent pas constituer le seul argument décisif pour la création d'une ZSP.

En revanche, certaines actions relevant de la politique de la ville peuvent utilement être harmonisées ou coordonnées pour compléter l'action menée sur les ZSP, notamment en matière de prévention.

2-2-5 Avec la politique de prévention de la délinquance :

Les crédits délégués du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) devront être en partie mobilisés pour soutenir des actions de prévention dans les ZSP, notamment pour ce qui concerne la mise en place d'actions visant à prévenir la récidive et assurer un suivi individualisé des mineurs prédélinquants. Dans ce cadre vous me ferez connaitre les besoins en financement que vous aurez identifiés.

3- Méthodologie et mise en place des zones de sécurité prioritaires

A compter du mois de septembre, 15 zones de sécurité prioritaires seront progressivement mises en place (6 en secteur de sécurité publique, 3 à la préfecture de police, 5 en secteur de gendarmerie et une zone « mixte » police/gendarmerie).

Elles ont été prédéfinies, exceptionnellement au niveau central, en fonction de critères objectifs de gravité déterminés par la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale. Il appartient maintenant aux préfets concernés de procéder, en lien étroit avec les procureurs de la République et les acteurs locaux, aux ajustements nécessaires en termes de périmètres, d'objectifs et d'indicateurs.

Au-delà de ces 15 premières zones, je souhaite que vous ayez un rôle déterminant dans la définition des suivantes.

Cette phase de définition devra être menée au plus près du terrain, dans le souci permanent de prendre en compte les problématiques locales d'insécurité se posant avec le plus d'acuité. Elle s'appuiera bien entendu sur la connaissance des acteurs locaux de leur domaine de compétence, ainsi que sur l'analyse fine des données statistiques et qualitatives de la délinquance (infractions constatées, indicateurs de pilotage des services, indicateur des violences urbaines, exploitation de la main courante informatisée). Elle devra permettre de déterminer, selon les priorités identifiées à l'échelon local :

  • - les frontières du territoire d'intervention,
  • - les phénomènes de délinquance à traiter (deux à quatre maximum), ainsi que les critères permettant d'en mesurer la prégnance et l'évolution,
  • - les services de sécurité intérieure intervenant sur la ZSP, et les moyens associés,
  • - la composition de la cellule de coordination de ces services,
  • - la composition de la cellule de coordination du partenariat,
  • - les indicateurs de résultat devant permettre l'évaluation de l'action menée sur les ZSP.

Les conditions d'éligibilité remplies, vous pourrez le cas échéant privilégier les collectivités ayant une volonté d'action partenariale particulièrement dynamique en matière de sécurité et de prévention de la délinquance.

Dispositif global, souple et adaptable, correspondant à un engagement renforcé et concret dans un horizon de moyen terme, aux moyens éventuellement renouvelables ou bien redéployables sur d'autres secteurs en cas de succès, la zone de sécurité prioritaire est destinée à lutter en profondeur contre les formes les plus ancrées de la délinquance. Elle est l'une des composantes des nouvelles stratégies de sécurité appelées à se développer au sein des territoires.

Cette mise en synergie doit être l'occasion d'une redéfinition des modalités d'emploi et des missions de certaines unités, notamment celles affectées à la recherche du renseignement ou à la lutte contre la criminalité de voie publique.

Face à l'ampleur des attentes, les zones de sécurité prioritaires correspondent donc à une sélectivité assumée, leur montée en régime étant d'ores et déjà programmée. Cette sélectivité est justifiée par la véritable perte de chances que subissent certains territoires en raison des conditions de sécurité. Vous veillerez toutefois, dans la conduite des services de police et de gendarmerie et dans la définition de votre action locale, à ce que l'affichage de telles priorités géographiquement délimitées ne soit pas perçu comme un désengagement de l'Etat et du service public de la sécurité intérieure dans le reste des territoires, en direction desquels sera déployée ou maintenue une politique de sécurité intérieure dynamique.

Manuel VALLS

Informations sur ce texte

Nature : Circulaire

Date : 30/07/2012