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Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, du 6 février 2001, 97PA02554, inédit au recueil Lebon

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Rapporteur : M. EVEN

Commissaire du gouvernement : Mme LASTIER


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


(4ème chambre A)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 11 septembre 1997 et 9 février 1998, présentés pour la BANQUE DE TAHITI dont le siège social est situé ..., représentée par la SCP GUIGUET, BACHELLIER, DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la BANQUE DE TAHITI demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 10 juin 1997 qui a rejeté sa demande qui tendait à l'annulation du titre de recettes émis le 30 mai 1995 par le payeur du territoire, ensemble la décision du 24 août 1995 par laquelle le ministre territorial de l'équipement a rejeté son recours gracieux ;
2 ) d'annuler le titre de recettes du 30 mai 1995 susvisé ;
3 ) de condamner le territoire de la Polynésie française à lui verser une somme de 12.000 F au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 23 janvier 2001 :
- le rapport de M. EVEN, premier conseiller,
- les observations de Me Y... DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la BANQUE DE TAHITI,
- et les conclusions de Mme LASTIER, commissaire du Gouvernement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que les dispositions de l'article 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985 d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux collectivités publiques comme aux autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés ne comportent pas de dérogation aux règles relatives à la détermination des compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; que, s'il résulte de ces dispositions de la loi du 25 janvier 1985 qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées, il revient au juge administratif de se prononcer sur les conclusions d'une collectivité publique tendant à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite de désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement puis, le cas échéant, de liquidation judiciaire, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la collectivité n'aurait pas déclaré sa créance dans le délai fixé à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 70 du décret du 27 décembre 1985 ; qu'il résulte de ce qui précède que, si l'autorité judiciaire est seule compétente pour déterminer les modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou par son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ; que, dans le cas où l'entreprise défaillante a, dans les conditions prévues par l'article 322 du code des marchés publics, constitué une caution, le juge administratif apprécie de même, indépendamment des conséquences de la procédure de redressement judiciaire, l'étendue des obligations qui s'imposent à celui qui a donné une caution et a ainsi apporté au maître de l'ouvrage une garantie indépendante de la situation de l'entreprise en redressement et constitutive d'une obligation autonome ; que, par suite, la BANQUE DE TAHITI n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Papeete n'était pas compétent pour statuer sur la demande du territoire de la Polynésie française tendant à mettre en jeu la caution qu'elle avait apportée au GIE, groupement d'entreprises de Raiatea, titulaire du marché de travaux pour la construction d'un collège ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le territoire à la demande de première instance :

Considérant que si le territoire de la Polynésie française soutient que la BANQUE DE TAHITI était dépourvue d'intérêt pour solliciter l'annulation du titre de recettes émis le 30 mai 1995 par le payeur du territoire à l'encontre du groupement d'intérêts économiques, groupement d'entreprises de Raiatea, pour avoir paiement de la somme de 5.194.941 FCP, il résulte de l'examen dudit titre de recettes que ce dernier comportait l'indication "Banque de Tahiti, caution" ; que, par suite, ledit ordre de recettes ne peut s'analyser que comme dirigé envers la BANQUE DE TAHITI en sa qualité de caution du groupement précité, comme le reconnaissait le territoire dans sa lettre du 24 août 1995 adressée au conseil de la banque ; que, par suite, cette dernière était recevable à solliciter des premiers juges l'annulation du titre de recettes susvisé et à être en conséquence déchargée de la somme litigieuse ;
Au fond :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 7-1 du cahier des clauses administratives générales concernant les marchés publics passés au nom du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics, auquel fait référence le marché passé le 7 novembre 1991 entre le territoire et le GIE, groupement d'entreprises de Raiatea (G.E.R.) : "Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques ne peut être ordonnée qu'après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la décision de mise en régie ; Le titulaire dont les prestations sont mises en régie est autorisé à en suivre l'exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d'oeuvre et de ses représentants. Il en est de même en cas de nouveau marché passé à ses frais et risques" ; que ces stipulations exigent que la décision prononçant la mise en régie soit notifiée à l'entrepreneur, pour lui permettre d'en suivre les opérations pendant toute sa durée en vue de sauvegarder ses intérêts ; que faute d'avoir procédé à cette notification, le maître d'ouvrage ne peut mettre à la charge de l'entreprise les dépenses supplémentaires qu'il a supportées pour l'achèvement des travaux ;
Considérant, d'autre part, qu'en application des articles 31 et 37 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, l'administrateur désigné par le tribunal de commerce ou par le tribunal de grande instance est chargé soit de surveiller les opérations de gestion, soit d'assister le débiteur, soit d'assurer entièrement ou en partie l'administration de l'entreprise et a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise par l'entreprise à l'administration ; qu'il s'en suit que, lorsque la décision de mise en régie est prononcée pendant la période d'observation ouverte par le jugement de redressement judiciaire, sa notification n'est régulière que si elle a été faite auprès de l'administrateur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal mixte de commerce de Papeete a, par un jugement du 26 avril 1993, prononcé le redressement judiciaire du GIE, groupement d'entreprises de Raiatea, et a désigné M. X... comme administrateur ; que l'ordre de service n 139 du 7 juillet 1993 portant mise en régie des travaux a été adressé au seul représentant légal du GIE et n'a pas été notifié à l'administrateur judiciaire ; que, par suite, le territoire de la Polynésie française ne pouvait, en raison du caractère irrégulier de la procédure de mise en régie, compter au passif du décompte général du GIE les coûts des travaux nécessaires pour terminer l'ouvrage ni, par voie de conséquence, réclamer à la BANQUE DE TAHITI, en sa qualité de caution du GIE, le paiement d'une indemnité correspondant au solde négatif de ce décompte ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la BANQUE DE TAHITI est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recettes émis à son encontre le 30 mai 1995 par le payeur du territoire ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et ce titre de recettes ;
Sur l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que la BANQUE DE TAHITI, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser au territoire de la Polynésie française une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner le territoire de la Polynésie française à payer à la BANQUE DE TAHITI la somme de 12.000 F qu'elle réclame au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 10 juin 1997, le titre de recettes émis le 30 mai 1995 par le payeur du territoire de la Polynésie française et la décision du 24 août 1995 du ministre territorial de l'équipement sont annulés.
Article 2 : Le territoire de la Polynésie française est condamné à verser à la BANQUE DE TAHITI une somme de 12.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 3 : Les conclusions du territoire de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Abstrats

17-03-02-01-02 COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES, CREANCES ET DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - CREANCES
39-04-03 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - MISE EN REGIE
54-01-04-02-01 PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTERET - INTERET LIE A UNE QUALITE PARTICULIERE

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 06/02/2001