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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, du 9 juillet 2001, 97BX01678, inédit au recueil Lebon

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Rapporteur : Mme Viard

Commissaire du gouvernement : M. Rey


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 28 août 1997, présentée pour le DEPARTEMENT de la CREUSE agissant par le président du conseil général à ce dûment habilité par délibération de la commission permanente en date du 25 juillet 1997 ;
Le DEPARTEMENT de la CREUSE demande à la cour :
1?) d'annuler le jugement en date du 26 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des désordres affectant les toitures des deux salles d'exposition du centre culturel et artistique d'Aubusson ;
2?) de condamner solidairement à lui payer à titre provisionnel une somme de 1 298 670 F toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1991 et capitalisation des intérêts ; MM. André X... et Wladimir Z..., la S.A.R.L. Bureau d'études techniques Arup, la société Ove Arup and Partners, la société Moderne de Construction Barrat (SMC Barrat) ultérieurement dénommée Sogea Auvergne Limousin S.A., la Sogea S.A., la société Sogea Auvergne Limousin SNC, la Sogea Sud-Ouest SNC, le GIE Ceten Apave ;
3?) de condamner les mêmes à lui payer la somme de 232 433,45 F toutes taxes comprises augmentée des intérêts à compter des règlements effectués et ce au titre des dépenses annexes, les intérêts sur le coût des réfections à compter du 4 décembre 1991 avec capitalisation et une somme de 500 000 F au titre des troubles subis du fait des travaux avec intérêts à compter du 4 décembre 1991 avec capitalisation ou subsidiairement avec intérêts à compter du présent mémoire, et, enfin, 70 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n? 78-12 du 4 janvier 1978 ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2001 :
- le rapport de Mme Viard ;
- les observations de Maître A..., collaboratrice de la SCP Ambiehl-Kennouche-Treins, avocat de la société Barrat, de la société Sobea Auvergne, de la société SMC Barrat SNC, de la société Sogea S.A. et de la société Sogea Sud-Ouest ;
- les observations de Maître Y... de la SCP Guy-Vienot-Bryden, avocat du Ceten Apave ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :
Considérant que la réception des travaux concernant le centre culturel et artistique d'Aubusson a été prononcée le 9 décembre 1981 ; que si le centre culturel et artistique qui abrite le musée de la tapisserie, a été inauguré par le ministre de la culture le 22 septembre 1981, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu notamment de l'importance des travaux de finition ou de reprise de malfaçons qui demeuraient à exécuter, les parties aient eu la commune intention de procéder, lors de la prise de possession, à une réception tacite ; qu'il suit de là que le DEPARTEMENT de la CREUSE, propriétaire de l'ouvrage, était fondé le 4 décembre 1991, date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif à demander la condamnation conjointe et solidaire des constructeurs de cet ouvrage sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, le délai décennal n'étant pas expiré à cette date ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande comme irrecevable ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 juin 1997 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le DEPARTEMENT de la CREUSE devant le tribunal administratif de Limoges ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que seule la Sogea Sud-Ouest SNC est venue aux droits et obligations de la SMC Barrat et d'autre part que la société Ove Arup and Partners n'a pas de lien contractuel avec le département ; que, par suite, la société Ove Arup and Partners, la Sogea S.A. et la Sogea Auvergne Limousin SNC doivent être mises hors de cause ;
Considérant, en deuxième lieu, que le Ceten Apave chargé du contrôle technique défini à l'article 8 de la loi du 4 janvier 1978 susvisée a la qualité de constructeur ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, sa responsabilité peut être engagée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant, en troisième lieu, que les désordres constatés qui consistent en l'affaissement des toitures terrasse qui recouvrent deux salles d'exposition et qui compromettent la solidité de l'ouvrage ont pour cause à la fois des erreurs dans la conception de ces toitures et des erreurs dans leur exécution ; que ces désordres sont imputables tant à MM. X... et Z... architectes et au BET Arup chargés de la conception et du contrôle général des travaux qu'à la SMC Barrat chargée de la réalisation de ces travaux et au Ceten Apave chargé du contrôle technique de la solidité de l'ouvrage ; qu'ainsi le DEPARTEMENT de la CREUSE est fondé à soutenir que la responsabilité conjointe et solidaire des architectes et du BET Arup, cosignataires du marché de maîtrise d'oeuvre, de la Sogea Sud-Ouest SNC venue aux droits et obligations de la SMC Barrat et du Ceten Apave est engagée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Sur le préjudice :

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert que les travaux de reprise des désordres constatés, s'élèvent à la somme de 1 095 000 F hors taxes et que le coût des mesures conservatoires prises par le département pour éviter l'aggravation des désordres s'élèvent à la somme de 154 221 F hors taxes ; que, par ailleurs, l'expert évalue à 168 634 F hors taxes l'indemnité due au titre des troubles de jouissance générés par les travaux de reprise ; que si le département fait valoir qu'à ces sommes il y a lieu d'ajouter le coût de location d'échafaudages pour l'année 1994 et de porter l'indemnité pour troubles de jouissance à 500 000 F au prétexte qu'il se serait trouvé dans l'impossibilité de financer les travaux de reprise, il ne justifie pas avoir fait les diligences requises pour se procurer, le cas échéant par un emprunt, les fonds nécessaires ou s'être heurté sur ce plan à des difficultés insurmontables à la date du dépôt au greffe du rapport d'expertise soit le 20 avril 1993 ; qu'il suit de là qu'il y a lieu de condamner conjointement et solidairement les architectes X... et Z... et le BET Arup, la Sogea Sud-Ouest SNC et le Ceten Apave à verser au DEPARTEMENT de la CREUSE la somme de 1 417 855 F hors taxes ; que si le département demande que cette somme soit majorée de la taxe sur la valeur ajoutée, il ne justifie pas que cette taxe doive demeurer à sa charge ; que, par suite, cette demande doit être rejetée ;
Considérant que la somme précitée de 1 417 855 F hors taxes doit à hauteur de 1 263 634 F hors taxes être assortie des intérêts à compter de l'enregistrement de la demande du département devant le tribunal administratif, soit le 4 décembre 1991 ; que le département a demandé les 10 août 1994, 27 septembre 1995 et 28 août 1997, la capitalisation desdits intérêts ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins un an d'intérêt ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit à cette demande ; que s'agissant de la somme de 154 221 F hors taxes correspondant au coût des mesures conservatoires prises par le département, elle doit être assortie des intérêts à compter de la date à laquelle lesdites mesures ont fait l'objet d'un règlement ;
Sur la charge des frais d'expertise :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les frais des expertises ordonnées en première instance, liquidés et taxés à la somme globale de 205 663,22 F, doivent être mis à la charge conjointe et solidaire de MM. X... et Z..., architectes, du BET Arup, de la Sogea Sud-Ouest SNC et du Ceten Apave ;
Sur les appels en garantie :
Considérant que MM. X... et Z... demandent à être garantis des condamnations prononcées à leur encontre par le BET Arup, la Sogea Sud-Ouest SNC, venant aux droits et obligations de la SMC Barrat et le Ceten Apave ; que le BET Arup demande à être garanti par MM. X... et Z..., la Sogea Sud-Ouest SNC, le Ceten Apave et le BET Somete ; qu'enfin, dans le dernier état de ses écritures, le Ceten Apave demande à être garanti par MM. X... et Z..., le BET Arup et la Sogea Sud-Ouest SNC ;
Considérant, en premier lieu, que les conclusions du BET Arup contre la Sogea Sud-Ouest SNC, le Ceten Apave et le BET Somete ont été présentées pour la première fois en appel ; qu'elles sont par suite irrecevables ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise que les désordres constatés révèlent tant des erreurs de conception technique relatives à l'épaisseur de la dalle de couverture, à l'insuffisance des armatures et au caractère inadapté des caissons de plâtre choisis pour effectuer le plafond que de nombreuses défaillances dans l'exécution, la surveillance et le contrôle technique des travaux de couverture ; qu'eu égard à la mission du BET Arup qui, bien que lié au maître d'ouvrage par le même contrat de maîtrise d'oeuvre que les architectes, avait en charge la conception et la surveillance des lots techniques du chantier, à la mission du Ceten Apave chargé du contrôle technique de la solidité des ouvrages tant pendant la phase de conception que d'exécution du projet et à la mission de la Sogea Sud-Ouest SNC venant aux droits de la SMC Barrat chargée de l'exécution desdits travaux, il y a lieu, d'une part, de condamner le BET Arup, le Ceten Apave, la Sogea Sud-Ouest SNC à garantir intégralement MM. X... et Z... des condamnations prononcées à leur encontre, aucune faute ne pouvant leur être reprochée, d'autre part de condamner le BET Arup et la Sogea Sud-Ouest SNC à garantir le Ceten Apave à concurrence de 70 % des condamnations prononcées contre lui et, par voie de conséquence, de rejeter les appels en garantie du BET Arup et du Ceten Apave dirigés contre les architectes ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le DEPARTEMENT de la CREUSE qui n'est pas tenu aux dépens dans la présente instance, soit condamné à verser aux architectes MM. X... et Z..., au BET Arup, à la Sogea Sud-Ouest SNC, au Ceten Apave, à la Société Ove Arup et au BET Somete la somme qu'ils demandent au titre des frais qu'ils ont exposés ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner conjointement et solidairement les architectes MM. X... et Z..., le BET Arup, la Sogea Sud-Ouest SNC, le Ceten Apave à verser au DEPARTEMENT de la CREUSE une somme de 6 000 F en application des dispositions susvisées ; qu'enfin, il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux demandes de condamnation à l'égard de tout succombant présentées par le Ceten Apave et le BET Somete ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 juin 1997 est annulé.
Article 2 :Les architectes MM. X... et Z..., le BET Arup, la Sogea Sud-Ouest SNC et le Ceten Apave sont condamnés conjointement et solidairement à verser au DEPARTEMENT de la CREUSE la somme de 1 417 855 F hors taxes. A hauteur de 1 263 634 F hors taxes, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1991. Les intérêts de ladite somme échus les 10 août 1994, 27 septembre 1995 et 28 août 1997 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. La somme restante de 154 221 F hors taxes sera assortie des intérêts au taux légal au fur et à mesure de son règlement.
Article 3 : Les frais d'expertise qui s'élèvent à la somme globale de 205 663,22 F sont mis à la charge conjointe et solidaire de MM. X... et Z..., du BET Arup, de la Sogea Sud-Ouest SNC et du Ceten Apave.
Article 4 : Les architectes MM. X... et Z..., le BET Arup, la Sogea Sud-Ouest SNC, le Ceten Apave sont condamnés conjointement et solidairement à verser au DEPARTEMENT de la CREUSE la somme de 6 000 F.
Article 5 : Le BET Arup, la Sogea Sud-Ouest SNC, le Ceten Apave sont condamnés à garantir les architectes de la totalité des condamnations prononcées à leur encontre par le présent arrêt.
Article 6 : Le BET Arup et la Sogea Sud-Ouest SNC sont condamnés à garantir le Ceten Apave à concurrence de 70 % des condamnations prononcées à son encontre par le présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions du DEPARTEMENT de la CREUSE, des conclusions du Ceten Apave, des conclusions du BET Arup ainsi que du BET Somete est rejeté.

Abstrats

39-06-01-01-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - RECEPTION DES TRAVAUX
39-06-01-02-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - FAITS DE NATURE A ENTRAINER LA RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR
39-06-01-04-04-03 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS SUSCEPTIBLES D'ATTENUER LA RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 09/07/2001