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Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 7 octobre 1993, 92PA00907 92PA01033, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Président : M. Marlier

Rapporteur : M. Lièvre

Commissaire du gouvernement : M. Dacre-Wright


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


VU I, sous le numéro 92PA00907, la requête enregistrée au greffe de la cour le 30 juillet 1992, présentée pour M. HOLLEY, architecte, par Me BOULLOCHE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. HOLLEY demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 71589/6 et 9109811/6 du 24 mars 1992 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris l'a condamné à payer conjointement et solidairement avec la société G.A. une somme de 1.807.000 F HT assortie des intérêts à compter du 5 décembre 1986 en raison de désordres affectant des appartements construits dans la cité Pablo Picasso pour le compte de l'Office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) de Bobigny et liés au défaut d'isolation des murs des façades des bâtiments ;
2°) de rejeter la demande de l'OPHLM de Bobigny devant le tribunal ;
3°) de condamner le bureau d'études BERIM à le garantir de toutes condamnations prononcées contre lui ;

VU II, sous le numéro 92PA01033 la requête, enregistrée au greffe de la cour le 3 septembre 1992, présentée par la société G.A., par Me ROBERT ; la société G.A. demande à la cour de réformer le jugement susvisé en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a fixé au 5 décembre 1986 le point de départ des intérêts dus sur la somme de 1.807.000 F HT, de n'accorder les intérêts qu'à compter du 1er juillet 1991 et de condamner l'OPHLM de Bobigny à lui payer une somme de 8.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
VU le code civil ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 1993 :
- le rapport de M. LIEVRE, conseiller,
- les observations de la SCP ROBERT, MOREAU, BERNARD et associés pour la société G.A. et celles de Me DELESTRADE, avocat à la cour, pour l'OPHLM de Bobigny,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. HOLLEY et de la société G.A. sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 1992 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
En ce qui concerne les ponts thermiques :
Sur les responsabilités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports de l'expert désigné en première instance que les condensations d'eau et les moisissures qui ont été constatées après la réception des travaux dans un grand nombre d'appartements de l'ensemble immobilier construit cité Pablo Picasso à Bobigny par l'OPHLM de Bobigny étaient de nature, eu égard à leur importance, à leur généralisation et à leur évolution prévisible, à rendre ces locaux insalubres et donc impropres à leur destination ; que ces désordres, qui ne peuvent être imputés aux locataires, ont pour seule origine l'existence de ponts thermiques résultant de ce que l'isolation prévue au descriptif de l'ouvrage n'a pas été réalisée ; que cette malfaçon est imputable tout à la fois à la société G.A., à qui avait été confiée l'exécution des travaux, et aux maîtres d'oeuvre, qui devaient en assurer le contrôle ; que, dès lors, l'architecte HOLLEY n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamné conjointement et solidairement avec la société G.A. à supporter la charge des travaux nécessaires à la réparation de cette malfaçon et de ses conséquences dommageables ;
Sur le préjudice :
Considérant que ces travaux comportaient nécessairement la mise en place d'une isolation thermique partout où elle faisait défaut, même là où la malfaçon n'avait pas encore engendré de désordres à l'intérieur des appartements ; que M. HOLLEY et la société G.A. n'établissent pas, en se fondant sur le prix moyen unitaire par appartement des quelques travaux de reprises déjà effectués par l'OPHLM de Bobigny, qu'en évaluant à 1.807.000 F HT le montant global des réfections restant à entreprendre le tribunal en aurait fait une évaluation exagérée ;
Sur les intérêts :

Considérant que c'est seulement dans un mémoire enregistré au tribunal administratif le 13 juillet 1989 que l'OPHLM de Bobigny a demandé pour la première fois réparation de son préjudice résultant de l'existence de ponts thermiques ; que M. HOLLEY est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a accordé à l'OPHLM les intérêts de la somme de 1.807.000 F à compter du 5 décembre 1986 ; que, si l'office avait demandé dès le 22 juillet 1987 que la mission de l'expert fût étendue aux désordres résultant des ponts thermiques, une telle demande ne valait pas sommation de payer et ne saurait être retenue comme point de départ des intérêts ; que, contrairement à ce que soutient la société G.A. pour demander dans son appel principal que les intérêts de la somme en cause ne soient accordés qu'à compter du 1er juillet 1991, la date d'évaluation du préjudice est sans influence sur le point de départ des intérêts ; que l'OPHLM de Bobigny a droit, dès lors, en tant que son paiement incombe à M. HOLLEY, aux intérêts de la somme de 1.807.000 F qui lui a été allouée par les premiers juges à compter du 13 juillet 1989 ; que le jugement attaqué devra être réformé sur ce point ;
Sur l'appel provoqué de la société G.A. :
Considérant que le présent arrêt n'a pas pour effet d'aggraver la situation de la société G.A., telle qu'elle résulte du jugement attaqué ; que, par suite, les conclusions d'appel provoqué par lesquelles ladite société sollicite la décharge de la condamnation prononcée contre elle en première instance, solidairement, avec M. HOLLEY, ne sont pas recevables ;
Sur l'appel en garantie présenté par M. HOLLEY contre la société BET BERIM :
Considérant que, par acte du 2 mars 1982 accepté par le maître d'ouvrage le 27 mars 1982, M. HOLLEY et la société BET BERIM se sont engagés solidairement envers l'OPHLM de Bobigny à exercer la fonction de maître d'oeuvre pour la réalisation de l'ensemble immobilier de la cité Pablo Picasso ; que, compte tenu des documents contractuels relatifs à la répartition des tâches de maîtrise d'oeuvre entre la société BET BERIM et M. HOLLEY, en vertu desquels la société BET BERIM avait mission d'assister l'architecte dans le contrôle de l'exécution des travaux, il sera fait une juste appréciation de la garantie due par la société BET BERIM à M. HOLLEY en la fixant à 30 % du montant de la condamnation restant à la charge de l'intéressé après application du partage de responsabilité établi entre celui-ci et la société G.A. par l'article 11 du jugement attaqué ; que ledit jugement devra être réformé en ce sens ;
En ce qui concerne les infiltrations par les toitures terrasses et les balcons :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les infiltrations par les toitures terrasses et par les balcons ne sont ni suffisamment nombreuses, ni suffisamment graves pour rendre les immeubles impropres à leur destination ; que, dès lors et en tout état de cause, l'OPHLM de Bobigny n'est pas fondé à soutenir, par la voie d'appels incidents et provoqués, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne les pertes de loyers :

Considérant que l'OPHLM de Bobigny avait demandé en première instance réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de l'impossibilité de louer pendant plusieurs mois deux appartements qui auraient été rendus inhabitables par les désordres provoqués par les ponts thermiques ; qu'il avait chiffré ce chef de préjudice d'abord à 54.759,69 F, puis dans un mémoire ultérieur à 40.112,33 F ; qu'après rejet par le tribunal, faute de justificatifs suffisants, l'OPHLM renouvelle sa demande, par la voie d'appels incidents et provoqués, en la chiffrant à nouveau à 54.759,69 F, mais sans apporter les justifications qui avaient fait défaut en première instance ; que ses conclusions tendant à la réparation de ce chef du préjudice ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de l'OPHLM de Bobigny et de condamner conjointement et solidairement M. HOLLEY et la société G.A. à lui payer la somme de 5.000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions de la société G.A. tendant à la condamnation de l'OPHLM de Bobigny sur le fondement des mêmes dispositions ;
Article 1er : La société BET BERIM garantira M. HOLLEY à concurrence de 30 % du montant de la condamnation restant à sa charge après application du partage de responsabilité établi entre celui-ci et la société G.A. par l'article 11 du jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 1992.
Article 2 : En tant que son paiement incombe à M. HOLLEY, la somme de 1.807.000 F que la société G.A. et M. HOLLEY ont été condamnés conjointement et solidairement à payer à l'OPHLM de Bobigny par le 1° de l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 1992 portera intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 1989.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : M. HOLLEY et la société G.A. sont condamnés conjointement et solidairement à payer la somme de 5.000 F à l'OPHLM de Bobigny au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. HOLLEY et la requête de la société G.A. sont rejetés, ainsi que les appels incidents et provoqués de l'OPHLM de Bobigny et l'appel provoqué de la société G.A..
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. HOLLEY, à la société G.A., à l'OPHLM de Bobigny, à la société BET BERIM, à la société Socotec et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Abstrats

39-06-01-04-03-02,RJ1,RJ2 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE -Condensations et moisissures rendant insalubres les logements affectés (1) (2).
39-06-01-07-03,RJ2 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE -Condensations et moisissures en extension justifiant la mise en place d'une isolation thermique même là où ils ne sont pas encore révélés (2).

Résumé

39-06-01-04-03-02 Des condensations et des moisissures apparues à la suite de défauts d'isolation dans un grand nombre d'appartements d'un ensemble immobilier qu'ils rendent, eu égard à leur importance, leur généralisation et leur évolution prévisible, insalubres et donc impropres à leur destination, relèvent de la garantie décennale.
39-06-01-07-03 Des condensations et des moisissures apparues à la suite de défauts d'isolation et des ponts thermiques en résultant et qui relèvent, en raison de leur importance, de la garantie décennale, justifient, du fait de leur extension constatée et prévisible, la mise en place d'une isolation thermique partout où elle fait défaut, même là où cette malfaçon n'a pas encore engendré de désordres à l'intérieur des appartements.

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 07/10/1993