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Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, du 26 décembre 1991, 91NC00388, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Président : M. Woehrling

Rapporteur : M. Le Carpentier

Commissaire du gouvernement : Mme Felmy


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête enregistrée le 24 juin 1991 présentée pour la commune de Proviseux-et-Plesnoy représentée par son maire en exercice ;
La commune de Proviseux-et-Plesnoy demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 18 avril 1991 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser une somme de 32 139,71 F avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 1986 à la S.A.R.L. Emile X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par la S.A.R.L. Emile X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 5 septembre 1991 présenté pour la S.A.R.L. Emile X... ; la S.A.R.L. Emile X... conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident demande à la Cour de condamner la commune de Proviseux-et-Plesnoy à lui verser une somme de 10 000 F en application de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des marchés ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 1991 :
- le rapport de M. LE CARPENTIER, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'en vue d'améliorer le fonctionnement du château d'eau de la commune, le maire de Proviseux-et-Plesnoy a demandé à M. Michel X... la fourniture d'une pompe de relevage d'eau et de réaliser les travaux nécessaires à l'installation de ladite pompe ; que M. Michel X... s'est engagé à réaliser des travaux d'installation selon un devis en date du 11 avril 1984 pour un montant de 13 784,64 F T.T.C. ; qu'après avoir effectué par ailleurs l'achat de ladite pompe et en avoir reçu de la commune le prix convenu, M. Michel X... a dû renoncer à réaliser lui-même les travaux d'installation, lesquels ont été finalement effectués par la S.A.R.L. Emile X... ; que le maire de Proviseux-et-Plesnoy déclare ne pas avoir été informé de cette substitution et ne pas y avoir donné son accord ; que la S.A.R.L. Emile X... affirme quant à elle que le maire a verbalement consenti après la défection de M. Michel X... à lui confier les travaux en cause, sans qu'elle se soit engagée à reprendre à son compte le devis présenté par le précédent entrepreneur ; qu'elle conteste le refus de la commune de Proviseux-et-Plesnoy de lui régler la facture du 9 juillet 1985 d'un montant de 32 139,71 F T.T.C qu'elle lui a présentée ; que la commune estime ne devoir au titre des travaux en cause que le paiement du montant du devis initialement établi par M. X... ;
Considérant en premier lieu qu'en vertu de l'article L. 121-26 du code des communes la décision de conclure des contrats et marchés au nom de la commune relève de la compétence du conseil municipal ; qu'un marché ou une commande passé par un maire sans autorisation du conseil municipal ou en des termes sensiblement différents des stipulations approuvées par le conseil municipal sont nulles et ne peuvent faire naître aucune obligation contractuelle à la charge de la commune ; que si, en vertu de l'article L. 122-20 du code des communes, le maire peut, par délégation du conseil municipal, être chargé de la passation de marchés de travaux, cette faculté de délégation ne concerne en tout état de cause que les marchés qui, non seulement peuvent être réglementairement passés de gré à gré en raison de leur montant, mais aussi dont les crédits correspondants sont prévus au budget ;
Considérant qu'il est constant qu'en l'espèce le conseil municipal n'a pas approuvé la conclusion d'un marché de travaux avec la S.A.R.L. X... ; que s'il a approuvé le marché conclu avec M. Michel X..., un transfert de ce marché à la S.A.R.L. X... ne pouvait intervenir, compte tenu des nouvelles stipulations, sans approbation du conseil municipal ; qu'aucune délégation n'a été donnée au maire par le conseil municipal de Proviseux-et-Plesnoy pour la conclusion d'un marché avec la S.A.R.L. X... en vue de la réfection de l'installation de la station de pompage d'eau, ni de crédits votés pour un montant supérieur au devis présenté par la M. Michel X... ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que même en admettant que, contrairement à ce qu'il affirme, le maire de la commune de Proviseux-et-Plesnoy aurait chargé la S.A.R.L. X... d'effectuer les travaux en cause, un tel accord serait entaché de nullité à défaut d'avoir été approuvé par le conseil municipal ou d'avoir été précédé d'une délégation donnée par celui-ci au maire dans les conditions de l'article L. 122-20- 4° du code des communes ; que par suite, la S.A.R.L. X... n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir d'un accord donné par le maire à la réalisation par ladite commune desdits travaux ;
Considérant en deuxième lieu que la réalisation des travaux en cause était nécessaire et avait été décidée par la commune ; qu'elle a profité des prestations de la S.A.R.L. X... ; que la qualité et l'adéquation desdites prestations ne sont pas contestées ; que cette société est par suite fondée à demander à être indemnisée sur le fondement de l'enrichissement procuré à la commune ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux auraient pu être réalisés à un coût moindre que celui facturé par la S.A.R.L. X... ; qu'en particulier la commune n'a apporté aucun élément probant à l'appui de son affirmation selon laquelle le prix de certains matériaux ou fournitures mis en oeuvre par la S.A.R.L. X... serait excessif ; que par contre, cette dernière ne peut mettre en compte, au titre de l'enrichissement sans cause de la commune, que le seul montant de ses débours ; qu'il y a lieu, compte tenu des pièces versées au dossier et notamment des justificatifs produits par la S.A.R.L. X..., d'évaluer ces derniers à un montant de 25 700 F ; que la S.A.R.L. X... ne peut prétendre à ce que la commune soit condamnée à lui verser une somme supérieure à ce montant en raison de la faute qu'aurait commise le maire en ne soumettant pas au conseil municipal l'approbation d'un nouveau marché, dès lors, qu'à supposer même qu'une telle faute soit établie, elle n'ouvrirait pas droit à une indemnisation supérieure au montant défini ci-dessus ;
Considérant en troisième lieu qu'il ne résulte pas du dossier que la S.A.R.L. X... se serait engagée explicitement ou implicitement à reprendre à son compte le devis réalisé par M. X... ; que par suite, pour justifier le paiement d'une somme inférieure à celle retenue ci-dessus, la commune n'est pas fondée à opposer à ladite S.A.R.L. le devis établi par un autre entrepreneur ; que les moyens soulevés par le maire de Proviseux-et-Plesnoy relatifs au fait que le budget communal était plafonné à 120 000 F en 1985 année de réalisation des travaux litigieux et que le plan de financement avait limité après souscription d'un emprunt le coût total de l'opération à 29 000 F sont inopérants et doivent être rejetés ; qu'enfin pour justifier sa proposition de ramener le règlement définitif des travaux à 20 743,97 F, le maire ne saurait utilement faire valoir que les habitants de la commune auraient participé à la réalisation des travaux sus-mentionnés ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le maire de Proviseux-et-Plesnoy est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser une somme supérieure à 25 700 F à la S.A.R.L. Emile X... ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner la commune de Proviseux-et-Plesnoy à payer à la S.A.R.L. Emile X... une somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : Le montant de la somme que la commune de Proviseux-et-Plesnoy est condamnée à payer à la S.A.R.L. Emile X... est ramené à 25 700 F.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif d'Amiens en date du 18 avril 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1 ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Proviseux-et-Plesnoy est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la S.A.R.L. Emile X... tendant à bénéficier de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Proviseux-et-Plesnoy et la S.A.R.L. Michel X....

Abstrats

39-05-01,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU COCONTRACTANT -Absence de contrat régulier - Rémunération en fonction de l'enrichissement sans cause retiré des travaux effectués (1) - Montant de l'indemnité.
60-01-02-01-04-02,RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - ENRICHISSEMENT SANS CAUSE - EXISTENCE -Travaux nécessaires réalisés sans contrat régulier (1) - Montant de l'indemnité.

Résumé

39-05-01, 60-01-02-01-04-02 Même en l'absence d'un marché ou d'un transfert du marché passé avec un premier entrepreneur et faute d'accord du conseil municipal ou de délégation consentie par lui au maire à cet effet, l'entrepreneur qui effectue des travaux nécessaires pour la commune et dont l'exécution avait été décidée par elle a droit au titre de l'enrichissement sans cause au paiement par la commune de ses débours dès lors que celle-ci a profité desdits travaux et que le prix des matériaux et fournitures ne présente pas de caractère excessif.

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 26/12/1991