Base de données juridiques

Effectuer une recherche

Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 26 septembre 1991, 90NT00165, mentionné aux tables du recueil Lebon

  • Favori

    Ajoutez ce texte à vos favoris et attribuez lui des libellés et annotations personnels

    Libellés

    Séparez les libellés par une virgule

    Annotations

  • Partager
  • Imprimer

Président : M. Verot

Rapporteur : M. Dupuy

Commissaire du gouvernement : M. Cadenat


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


VU le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 22 mars 1990, sous le n° 90NT00165, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER (sous-direction des transports par voies navigables) ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 décembre 1989 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société anonyme Joseph Paris au paiement de la somme de 263 221,31 F toutes taxes comprises représentant les frais engagés par le service maritime et de navigation de Loire-Atlantique pour la mise en sécurité et le remplacement du système de levage de la porte de l'écluse Saint-Félix à Nantes ;
2°) de condamner la société Joseph Paris à la réparation des désordres affectant les chaînes "Galle", sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
3°) de condamner ladite société au paiement de tous les dépens et, notamment, des frais d'expertise ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil, notamment, les articles 1792 et 2270 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 1991 :
- le rapport de M. DUPUY, conseiller,
- les observations de M. X..., représentant le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE et de Me LESORT, avocat de la société Joseph Paris,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R.211. Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nantes a été notifié au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER, dans les conditions prévues à l'article R.211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le 22 janvier 1990 ; que le recours du ministre dirigé contre ce jugement a été enregistré au greffe de la Cour le 22 mars 1990, soit, avant l'expiration du délai de deux mois imparti par l'article R.229 pour faire appel ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société Joseph Paris, il est recevable ;
Sur le fondement de la responsabilité :

Considérant que, par un marché négocié du 6 juin 1983, passé en application de l'article 104.2 du code des marchés publics, le service maritime et de navigation de Nantes a, au nom de l'Etat, confié à la société Joseph Paris le remplacement des chaînes "Galle" et de leurs pignons moteurs et porteurs de l'écluse Saint-Félix située sur la rivière "l'ERDRE" au confluent de cette dernière avec la Loire ; que la réception des travaux, qui se sont déroulés du 3 au 18 août 1983, a été prononcée le 4 juin 1983 "avec réserves sur la tenue des chaînes et dans l'attente d'une proposition de délais de garantie plus importants sur la fourniture des quatre chaînes Galle" ; qu'il est constant que les opérations préalables à cette réception se sont déroulées en présence de l'entrepreneur, lequel a apposé sa signature sur le procès-verbal ; que, par lettre du 22 février 1985, la société Joseph Paris a demandé la levée des réserves figurant sur ce procès-verbal ; qu'il résulte des justifications produites par le ministre, pour la première fois en appel, que le service maritime et de navigation, agissant comme responsable du marché au nom de l'Etat, a prononcé la levée de ces réserves par décision du 27 février 1985 prise conformément aux propositions et compte tenu des constatations faites par le maître d'oeuvre, respectivement, le 25 et le 27 février 1985 ; que la réception des travaux doit donc être regardée comme étant intervenue sans réserve et, par suite, comme ayant été acquise à la date précitée du 27 février 1985 ; que la circonstance que l'entreprise n'ait pas été invitée à participer aux dernières constatations qui ont précédé la levée des réserves, qu'elle n'ait pas reçu notification de cette décision ni été invitée à la contresigner ne saurait avoir privé la procédure de réception de son caractère contradictoire, alors qu'il est constant que ce constructeur a été associé aux opérations préalables à cette réception dans les conditions rappelées plus haut ; qu'ainsi, la réparation des désordres qu'ont présenté les chaînes "Galle" à partir du mois de mai 1985, pouvait être demandée par l'Etat à la société Joseph Paris non sur la base des obligations contractuelles de cette dernière lesquelles avaient pris fin du fait de la réception des travaux, mais sur le fondement de la garantie qui résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; qu'il est constant que la demande du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER reposait sur cette garantie ; qu'il suit de là que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'indemnité comme non recevable et, par suite, à demander l'annulation de ce jugement pour ce motif ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le recours présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER devant le Tribunal administratif de Nantes ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport que l'expert désigné par une ordonnance de référé du président du Tribunal administratif de Nantes du 30 juillet 1985 a établi à la suite d'un examen qui, contrairement à ce que soutient la société Joseph Paris, n'a pas été limité à une seule chaîne de l'écluse Saint-Félix, que les désordres qui ont affecté l'ensemble des chaînes "Galle" équipant le système de levage des portes situées en aval et en amont de cette écluse, consistaient en une usure anormale et une déformation importante des éléments constitutifs de ces équipements ; que ces désordres, qui ne permettaient plus une utilisation normale et en toute sécurité de l'écluse par ses usagers étaient de nature, alors même qu'ils concernaient des parties mobiles de l'ouvrage, à rendre ce dernier impropre à sa destination et, par suite, à entraîner la mise en oeuvre des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise, que la cause des usures et déformations qu'ont présentées les chaînes du système de levage des portes de l'écluse Saint-Félix doit être attribuée, d'une part, aux caractéristiques insuffisantes de dureté et d'épaisseur des plaques d'acier utilisées pour la confection des maillons lesquels ont été réalisés en acier doux A.50 d'une épaisseur de 4,6 mm, alors que les prescriptions du cahier des charges prévoyaient l'utilisation d'un acier demi-dur A.60 d'une épaisseur de 5 mm, d'autre part, à un manque de lubrification des pignons, enfin, à un mauvais état général de la superstructure dont certains éléments se sont affaissés et ne présentaient plus les qualités de stabilité et de verticalité nécessaires ;
Considérant que les conséquences dommageables résultant des vices affectant le matériau utilisé sont imputables à la société Joseph Paris à qui incombaient la fourniture et l'installation de chaînes correspondant exactement aux normes exigées par les prescriptions du marché ; qu'il ne saurait en aller différemment en ce qui concerne le défaut de lubrification des pignons qui, constaté seulement cinq mois 1/2 après la réception des travaux, révèle, non un défaut d'entretien du maître de l'ouvrage, mais une mauvaise exécution par l'entrepreneur de son obligation de mise en état de fonctionnement du système de levage ; qu'en revanche, le service maritime et de navigation, qui disposait de techniciens compétents, a commis une faute en demandant l'installation de chaînes neuves sur des superstructures vétustes, dont le défaut de verticalité, admis par le ministre, a contribué à accélérer le processus de dégradation incriminé et qui, d'ailleurs, ont dû être entièrement remplacées en novembre 1990 ; qu'il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité imputable à l'Etat à raison de la faute qu'il a commise en limitant à 50 % la charge de la réparation devant incomber à la société Joseph Paris ; que, de même, il y a lieu de fixer à 50 % la part des frais d'expertise devant être mis à la charge de cette société ;
Sur l'indemnité due à l'Etat :

Considérant que le ministre soutient, sur la base de factures qu'il produit, que la réparation des conséquences dommageables des désordres affectant les chaînes du système de levage de l'écluse Saint-Félix, à laquelle il a été procédé en 1988, a nécessité des travaux de mise en sécurité d'un montant de 36 103,50 F toutes taxes comprises, la fourniture de nouvelles chaînes pour un montant de 140 035,76 F toutes taxes comprises et des travaux de montage desdites chaînes d'un montant de 87 082,05 F toutes taxes comprises, soit une dépense totale de 263 221,31 F toutes taxes comprises qui apparaît en accord avec le rapport de l'expert, bien qu'il ne se prononce pas sur le coût des réparations, et que la société Joseph Paris ne conteste pas utilement en se bornant à invoquer la circonstance, d'ailleurs inexacte, que "l'expertise ne s'est intéressée qu'à la chaîne dont l'usure prématurée avait été constatée" ; qu'à défaut d'élément, de la part de cette société, permettant de contester le bien-fondé de ces travaux et l'exactitude de leur montant, il y a lieu de retenir ce dernier, soit, la somme de 263 221,31 F toutes taxes comprises, comme constitutif de l'entier préjudice subi par l'Etat à raison des désordres litigieux ; que, dès lors, compte tenu du partage de responsabilité retenu, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER est fondé à demander que la société Joseph Paris soit condamnée au versement à l'Etat de la somme de 131 610,65 F toutes taxes comprises ;
Sur le recours incident de la société Joseph Paris et les frais d'expertise :
Considérant, d'une part, que la société Joseph Paris demande, par voie de recours incident, que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 79 619 F toutes taxes comprises au titre de travaux de mise en sécurité provisoire de l'ouvrage ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert, que ces travaux ont été exécutés par cette entreprise pour les besoins de l'expertise ; qu'il suit de là que la société Joseph Paris a droit au remboursement de ces frais, dont le montant n'est pas contesté, dans une limite qui ne saurait, toutefois, excéder la moitié de ce dernier pour tenir compte de la part de responsabilité laissée à la charge de cette entreprise dans la survenance des désordres qui ont nécessité cette mesure d'instruction ; qu'elle est donc en droit d'obtenir, à ce titre, le versement par l'Etat (MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER) d'une somme de 39 809,86 F toutes taxes comprises, majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 1988, date d'enregistrement de ses conclusions reconventionnelles devant le tribunal administratif ;
Considérant, d'autre part, que les frais d'expertise exposés en première instance ont été taxés et liquidés à la somme de 32 950 F par le président du Tribunal administratif de Nantes ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge de l'Etat et la société Joseph Paris, à concurrence, chacun, de la moitié de leur montant, soit d'une somme de 16 475 F ;
Sur la demande de la société Joseph Paris tendant à l'application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article R.222 du code et de condamner l'Etat à verser à la société Joseph Paris la somme de 15 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 28 décembre 1989 est annulé.
Article 2 - La société anonyme Joseph Paris est condamnée à verser à l'Etat (MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER) la somme de cent trente et un mille six cent dix francs soixante cinq centimes (131 610,65 F) toutes taxes comprises.
Article 3 - L'Etat (MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER) est condamné à verser à la société Joseph Paris la somme de trente neuf mille huit cent neuf francs quatre vingt six centimes (39 809,86 F) toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 1988.
Article 4 - Les frais d'expertise exposés en première instance et liquidés à la somme de trente deux mille neuf cent cinquante francs (32 950 F) sont mis à la charge de l'Etat et de la société Joseph Paris, à concurrence, chacun, de la moitié de leur montant, soit, de la somme de seize mille quatre cent soixante quinze francs (16 475 F).
Article 5 - Le surplus des conclusions du recours présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER devant le Tribunal administratif de Nantes et de ses conclusions d'appel est rejeté.
Article 6 - Le surplus des conclusions de la demande reconventionnelle présentée par la société Joseph Paris devant le Tribunal administratif de Nantes et des conclusions de son recours incident est rejeté.
Article 7 - Les conclusions de la société Joseph Paris tendant au bénéfice de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 8 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE et à la société Joseph Paris.

Abstrats

39-06-01-01-01-02,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - RECEPTION DES TRAVAUX - RECEPTION DEFINITIVE -Réception avec réserves - Levée des réserves - Nécessité de la participation de l'entrepreneur - Absence en l'espèce (1).

Résumé

39-06-01-01-01-02 Travaux ayant donné lieu à une réception prononcée avec réserves. Il est constant que les opérations préalables à cette réception se sont déroulées en présence de l'entrepreneur lequel a apposé sa signature sur le procès-verbal. En réponse à la demande de l'entreprise, le responsable du marché a prononcé la levée des réserves le 27 février 1985 conformément aux propositions faites par le maître d'oeuvre. Dès lors, la réception des travaux doit être regardée comme étant intervenue sans réserve et comme ayant été acquise à la date précitée du 27 février 1985. La circonstance que l'entreprise n'ait pas été invitée à participer aux dernières constatations qui ont précédé la levée des réserves, qu'elle n'ait pas reçu notification de cette décision ni été invitée à la contresigner ne saurait avoir privé la procédure de réception de son caractère contradictoire, alors qu'il est constant que ce constructeur a été associé aux opérations préalables à cette réception dans les conditions rappelées plus haut. Il s'ensuit que la réparation des désordres constatés ne pouvait être demandée par l'Etat à l'entrepreneur que sur le fondement de la garantie décennale.

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 26/09/1991