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Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 14 décembre 1989, 89NT00257, publié au recueil Lebon

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Président : M. Anton

Rapporteur : M. Lemai

Commissaire du gouvernement : M. Gayet


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 6ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nantes le dossier de la requête présentée par le port autonome du Hâvre et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 septembre 1987 sous le n° 91713 ;
Vu la requête susmentionnée et le mémoire ampliatif enregistré le 27 janvier 1988 présentés pour le port autonome du Hâvre dont le siège est au Hâvre (76), Terre Plein de la Barre, par la S.C.P. Fortunet-Mattei-Dawance, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 89NT00257 et tendant :
- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 7 août 1987 en tant qu'il a mis hors de cause l'entreprise Dodin dans les désordres constatés sur le pont VII bis du port du Hâvre et laissé à sa charge la moitié des frais d'expertise et des conséquences dommageables de ces désordres, l'entreprise Caillard étant condamnée à lui verser seulement la somme de 855 736,50 F,
- à la condamnation conjointe et solidaire des entreprises Dodin et Caillard à lui verser la somme de 1 711 473 F portant intérêt à compter du 9 février 1982,
- à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge des entreprises,
- subsidiairement, à ce que sa part de responsabilité soit notablement réduite,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviose an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-7O7 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 29 novembre 1989 :
- le rapport de M. Lemai, conseiller,
- et les conclusions de M. Gayet, commissaire du gouvernement,

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si le port autonome du Hâvre soutient que le jugement attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière et n'aurait pas répondu à tous les moyens, il ne donne aucune précision de nature à permettre d'apprécier la portée de cette critique ;
Sur la nature et l'origine des désordres :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les fissures affectant la partie métallique du pont basculant VII bis du port du Havre compromettent la solidité de l'ouvrage ; qu'ainsi, ces désordres sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert désigné en référé que les fissures en cause sont imputables à une erreur de conception de la partie mobile de l'ouvrage concernant plus particulièrement la méthode de calcul utilisée pour évaluer les contraintes auxquelles était soumise cette partie de l'ouvrage, le choix du type d'acier et le choix du mode de réalisation des assemblages soudés ;
Sur les conclusions dirigées contre l'entreprise Dodin :
Considérant, en premier lieu, que si l'entreprise Dodin et l'entreprise Caillard se sont, dans l'acte de soumission qu'elles ont signé le 29 septembre 1971, engagées conjointement et solidairement envers le port autonome du Hâvre à réaliser le pont basculant VII bis, le cahier des prescriptions spéciales incorporé au marché, d'une part, distingue clairement les prescriptions relatives aux travaux de génie civil de celles relatives à la réalisation de l'ouvrage mobile, travaux qui avaient d'ailleurs à l'origine fait l'objet d'appels d'offres séparés, et, d'autre part, dans son article 5.14 relatif au nantissement, effectue une répartition du montant total des travaux figurant dans l'acte de soumission entre ceux devant être exécutés par l'entreprise Dodin qui concernent le génie civil et ceux devant être exécutés par l'entreprise Caillard, qui concernent l'ouvrage mobile ; que, par suite, l'entreprise Dodin est fondée à faire valoir qu'elle n'a pris aucune part aux travaux concernant la réalisation de l'ouvrage mobile pour s'opposer à la demande du port autonome tendant à ce que sa responsabilité soit engagée au titre de la garantie décennale conjointement et solidairement avec celle de l'entreprise Caillard ;

Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient le port autonome, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux réalisés par chacune des entreprises étaient matériellement indissociables ni que l'entreprise Dodin aurait participé à la conception de l'ouvrage mobile ou à des travaux de reprise effectués sur cet ouvrage postérieurement à sa réception ; que, par suite, les désordres dus comme il vient d'être dit, à des erreurs de conception de l'ouvrage mobile, ne sont aucunement imputables à l'entreprise Dodin ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis cette entreprise hors de cause ;
Sur la part de la réparation des désordres laissée à la charge du port autonome du Hâvre :
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que les services techniques du port autonome ont rempli la fonction de maître d'oeuvre ; qu'il ressort du cahier des prescriptions spéciales et notamment de ses articles 1.08 et 3.04 que le port autonome a imposé le choix du type d'acier à employer dans la construction de l'ouvrage mobile, a défini les contraintes qui devaient être prises en compte dans les calculs et que, d'une manière générale, les conditions d'exécution des calculs devaient être arrêtées en accord avec lui ; qu'en conséquence le port autonome n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas participé à la conception de l'ouvrage mobile pour demander à titre subsidiaire, que la totalité de la réparation soit mise à la charge de l'entreprise Caillard ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors même que les désordres sont en partie imputables à la conception du mode de réalisation des assemblages soudés, laquelle incombait principalement à l'entreprise Caillard, que le tribunal administratif aurait fait une appréciation inexacte du rôle joué par le port autonome dans la conception de l'ouvrage mobile en laissant à la charge de ce dernier la moitié du montant des réparations ;

Sur les frais d'expertise :
Considérant que le port autonome du Hâvre ne peut être regardé comme ayant succombé dans l'instance qu'il a engagée devant le tribunal administratif contre les constructeurs ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a réparti les frais d'expertise en fonction du partage des responsabilités et le port autonome est fondé à demander que lesdits frais soient intégralement remis à la charge de l'entreprise Caillard ;
Sur les intérêts :
Considérant que le port autonome a demandé le 27 janvier 1988 et le 26 janvier 1989 la capitalisation des intérêts afférents aux sommes allouées au titre des réparations ; qu'à chacune de ces dates, il était dû, sous réserve de l'application des dispositions de la loi du 13 juillet 1967, au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, en application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le port autonome est seulement fondé à demander à ce que les frais d'expertise ne soient pas laissés à sa charge ;
Article 1er - Les frais d'expertise sont entièrement mis à la charge de l'entreprise Caillard.
Article 2 - Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 août 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article précédent.
Article 3 - Les intérêts échus le 27 janvier 1988 et le 26 janvier 1989 afférents à la somme allouée au port autonome du Hâvre par l'article 2 du jugement du tribunal administratif seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête du port autonome du Hâvre est rejeté.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié au port autonome du Hâvre, à l'entreprise Dodin et au syndic de l'entreprise Caillard.

Abstrats

39-06-01-04,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE -Clauses de solidarité entre entreprises cocontractantes - Effets - Solidarité non étendue à la garantie décennale dans un cas où les pièces du marché comportent un partage des travaux à exécuter (1).
39-06-01-07-01,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE -Absence, nonobstant une clause de solidarité entre les entreprises cocontractantes, lorsque les pièces du marché comportent un partage des travaux (1).

Résumé

39-06-01-04, 39-06-01-07-01 Deux entreprises se sont, dans l'acte de soumission, engagées conjointement et solidairement envers le Port autonome du Havre à réaliser un pont basculant. Toutefois, le cahier des prescriptions spéciales incorporé au marché permet de distinguer les travaux relatifs au génie civil des travaux relatifs à la réalisation de l'ouvrage mobile et répartit le montant du marché entre les deux entreprises chargées chacune de l'une de ces deux catégories de travaux. En conséquence, l'entreprise chargée du génie civil est fondée à faire valoir qu'elle n'a pris aucune part à la réalisation de l'ouvrage mobile, travaux auxquels les désordres sont exclusivement imputables, pour faire obstacle à l'engagement de sa responsabilité au titre de la garantie décennale, conjointement et solidairement avec celle de l'entreprise chargée de la réalisation de l'ouvrage mobile.

Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 14/12/1989