Base de données juridiques

Effectuer une recherche

Conseil d'État, Juge des référés, 24/02/2023, 471366, Inédit au recueil Lebon

  • Favori

    Ajoutez ce texte à vos favoris et attribuez lui des libellés et annotations personnels

    Libellés

    Séparez les libellés par une virgule

    Annotations

  • Partager
  • Imprimer

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 27 juin 2022 du directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et du président de l'université Paris-Est Créteil prononçant la suspension, à titre conservatoire, de ses fonctions hospitalières et universitaires ;

2°) de suspendre l'exécution des trois décisions implicites du 26 août 2022 par lesquelles la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, le ministre de la santé et de la prévention et le directeur général de l'AP-HP ont rejeté ses recours gracieux ;

3°) de constater que la mesure de suspension à titre conservatoire a atteint une durée excessive ;

4°) d'ordonner sa réintégration effective dans ses fonctions hospitalières et universitaires dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'AP-HP et de l'université de Paris-Est Créteil la somme de 2 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'article 2 de l'arrêté du 27 juin 2022 porte atteinte à la liberté d'aller et venir en ce qu'il ne pourra plus pénétrer dans les locaux de l'hôpital Mondor, engendre une perte d'expertise due à la cessation de son activité qui pourrait être préjudiciable à ses futurs patients, crée à son égard une insécurité juridique en ce qu'il n'a pas été porté à sa connaissance l'existence d'une saisine de la chambre disciplinaire chargée de se prononcer sur les motifs et le bien-fondé de sa suspension, et, en dernier lieu, porte une atteinte grave à son image et à son honneur dès lors que les faits avancés à son encontre dans le communiqué de presse étaient inexacts et excessifs ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 27 juin 2022 ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation des faits dès lors que les conclusions des auditeurs dont il ressort qu'il aurait exercé une pression morale et du harcèlement ne sont pas accompagnées de preuves attestant de leur véracité et n'ont pas fait l'objet d'un traitement impartial par eux ;
- il est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que l'enquête de la direction des systèmes de l'information a appliqué de manière erronée l'article L. 1110-12 du code de la santé publique ;
- il est entaché de plusieurs erreurs de droit dès lors que, d'une part, les droits de la défense et la liberté de circulation ont été méconnus et que, d'autre part, les conditions d'application de l'article 26 du décret n° 2021-1645 n'étaient pas toutes remplies ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que sa suspension n'est pas motivée par la volonté de préserver l'intérêt des patients ;
- la durée de la suspension provisoire est excessive en ce qu'elle est indéfinie en l'absence de l'engagement d'une procédure disciplinaire.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2021-1645 du 13 décembre 2021 ;
- le code de justice administrative ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Le juge des référés du Conseil d'Etat ne peut être régulièrement saisi, en premier et dernier ressort, d'une requête tendant à la mise en œuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prendre ressortit lui-même à la compétence directe du Conseil d'Etat. L'article R. 522-8-1 du même code prévoit que, par dérogation aux dispositions du titre V du livre III relatif au règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative, le juge des référés qui entend décliner la compétence de la juridiction rejette les conclusions dont il est saisi par voie d'ordonnance.

3. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 3° Des litiges concernant le recrutement et la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République en vertu des dispositions de l'article 13 (troisième alinéa) de la Constitution et des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat (...) ".

4. Aux termes du II de l'article 26 du décret relatif au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires : " I - Lorsque l'intérêt du service l'exige, la suspension d'un agent qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire ou d'une procédure pour insuffisance professionnelle peut être prononcée, à titre conservatoire, par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé. (...) A l'issue de la procédure disciplinaire, la suspension prend fin. (...). II. - Par dérogation au I, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients ou celle des étudiants, le directeur général du centre hospitalier universitaire et le président de l'université concernée peuvent décider conjointement de suspendre les activités de l'agent mentionnées à l'article 8. Ils en réfèrent sans délai aux autorités mentionnées au I, qui confirment cette suspension ou y mettent fin. "

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 juin 2022 du directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et du président de l'université Paris-Est Créteil ayant prononcé la suspension de M. A..., à titre conservatoire, de ses fonctions hospitalières et universitaires, a été pris en application des dispositions du II de l'article 26 cité au point précédent. Aux termes de ces dispositions, par dérogation à la suspension d'un agent qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire ou d'une procédure pour insuffisance professionnelle, prévue au I de cet article, que les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé peuvent prendre lorsque l'intérêt du service l'exige, le directeur général du centre hospitalier universitaire et le président de l'université concernée peuvent décider conjointement de suspendre les activités de l'agent concerné, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients ou celle des étudiants. Une telle mesure ne se rattache pas à la procédure disciplinaire mais procède de l'autorité que détiennent le directeur d'un établissement hospitalier et le président d'un établissement universitaire sur l'ensemble du personnel de leurs établissements. Elle ne constitue pas une sanction disciplinaire, de sorte que sa contestation ne soulevant pas un litige concernant la discipline elle ne relève pas de la compétence directe du Conseil d'Etat prévue dans les cas que vise l'article R. 311-1 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête présentée par M. A... n'est manifestement pas au nombre de celles dont il appartient au Conseil d'Etat d'en connaître. Elle ne peut qu'être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.




O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A...
Fait à Paris, le 24 février 2023
Signé : Damien Botteghi

Source : DILA, 02/03/2023, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CEORD:2023:471366.20230224

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 24/02/2023