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Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 21/10/2022, 456254

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Rapporteur : M. Clément Tonon

Commissaire du gouvernement : M. Clément Malverti

Avocat : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 septembre et 1er décembre 2021 et les 6 mai et 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République, en date du 2 juillet 2021, mettant fin à ses fonctions de sous-préfet de Lorient ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B... ;





Considérant ce qui suit :

1. Par décret du Président de la République en date du 23 février 2017, M. B... a été nommé sous-préfet de Lorient. Le 2 juillet 2021, il a été mis fin à ses fonctions par un décret du Président de la République dont l'intéressé demande l'annulation pour excès de pouvoir.

2. En premier lieu, il ressort de l'examen de la copie du décret versée au dossier par le ministre de l'intérieur que le moyen tiré du défaut de signature du décret attaqué par le Président de la République ainsi que par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur contresignataires manque en fait.

3. En deuxième lieu, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier.

4. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public ou porte sur des faits qui, s'ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d'un tel agent, l'intéressé doit, en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, être mis à même d'obtenir communication du rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, des procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision de mettre fin aux fonctions de M. B... a été prise, notamment, au vu d'un rapport du conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation d'avril 2021, qui avait été diligenté seulement seize mois après la précédente évaluation dont l'intéressé avait fait l'objet, après des alertes sur des problèmes de risques psycho-sociaux à la sous-préfecture de Lorient, et qui a fait état d'un comportement et d'un management inadaptés de celui-ci et a recommandé qu'il quitte son poste à brève échéance au regard de la détérioration du climat au sein de la sous-préfecture et des interrogations des partenaires extérieurs sur ses méthodes. La décision de mettre fin aux fonctions de M. B... ayant été prise, à la suite de ce rapport, en considération de son comportement, elle devait être précédée de la formalité instituée par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été informé, lors d'un entretien avec le préfet, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale, qu'il allait être proposé au Président de la République de mettre fin à ses fonctions de sous-préfet de Lorient et qu'il avait la possibilité de consulter son dossier et de formuler des observations, ce qu'il a fait. Si le dossier consulté ne comprenait pas les cinquante-huit procès-verbaux des auditions d'agents et personnalités réalisées dans le cadre de la mission d'évaluation menée par le conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui avait connaissance de cette liste qui figurait en annexe du rapport qui lui avait été communiqué et qui était au dossier consulté, n'a pas demandé la communication de ces pièces. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis à même d'obtenir communication de l'intégralité de son dossier en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et que la mesure mettant fin à ses fonctions a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

7. En troisième et dernier lieu, le décret attaqué, pris dans le seul intérêt du service, notamment au vu des considérations énoncées au point 5, ne constitue pas une mesure disciplinaire et n'avait pas à être motivé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Abstrats

36-07-07 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. - STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES. - COMMUNICATION DU DOSSIER. - DROIT DU FONCTIONNAIRE FAISANT L'OBJET D'UNE MESURE PRISE EN CONSIDÉRATION DE SA PERSONNE D'OBTENIR COMMUNICATION DU DOSSIER (ART. 65 DE LA LOI DU 22 AVRIL 1905) – PIÈCES DEVANT Y FIGURER – PROCÈS-VERBAUX DES TÉMOIGNAGES RECUEILLIS DANS LE CADRE D'UNE ENQUÊTE ADMINISTRATIVE [RJ1] – ESPÈCE – DÉCISION METTANT FIN AUX FONCTIONS D’UN SOUS-PRÉFET– 1) DÉCISION DEVANT ÊTRE PRÉCÉDÉE DE LA MISE EN ŒUVRE DE CE DROIT – EXISTENCE – 2) DOSSIER CONSULTÉ COMPRENANT LE RAPPORT D’ENQUÊTE ET LA LISTE DES TÉMOIGNAGES RECUEILLIS MAIS PAS LES PROCÈS-VERBAUX – IRRÉGULARITÉ – ABSENCE, L’INTÉRESSÉ N’AYANT PAS DEMANDÉ LEUR COMMUNICATION [RJ2].

Résumé

36-07-07 En vertu de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier. Lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public ou porte sur des faits qui, s’ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d’un tel agent, l’intéressé doit, en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, être mis à même d’obtenir communication du rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, des procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné....Décision mettant fin aux fonctions d’un sous-préfet prise, notamment, au vu d’un rapport du conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation (CSATE) d’avril 2021 faisant état d’un comportement et d’un management inadaptés et recommandant qu’il quitte son poste à brève échéance. ...1) La décision de mettre fin aux fonctions de l’intéressé ayant été prise, à la suite de ce rapport, en considération de son comportement, elle devait être précédée de la formalité instituée par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905....2) Intéressé ayant été informé, lors d’un entretien avec le préfet, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, qu’il allait être proposé au Président de la République de mettre fin à ses fonctions de sous-préfet et qu’il avait la possibilité de consulter son dossier et de formuler des observations, ce qu’il a fait. Si le dossier consulté ne comprenait pas les cinquante-huit procès-verbaux des auditions d’agents et personnalités réalisées dans le cadre de la mission d’évaluation menée par le CSATE, l’intéressé, qui avait connaissance de cette liste qui figurait en annexe du rapport qui lui avait été communiqué et qui était au dossier consulté, n’a pas demandé la communication de ces pièces. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir qu’il n’a pas été mis à même d’obtenir communication de l’intégralité de son dossier en méconnaissance de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 et que la mesure mettant fin à ses fonctions a été prise au terme d’une procédure irrégulière.

Source : DILA, 24/10/2022, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CECHR:2022:456254.20221021

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 21/10/2022