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Conseil d'État, 7ème chambre, 03/02/2021, 442844, Inédit au recueil Lebon

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Rapporteur : M. Guillaume Leforestier

Commissaire du gouvernement : M. Marc Pichon de Vendeuil

Avocat : SCP PIWNICA, MOLINIE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Can a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la résiliation pour ordre de service tardif du marché conclu le 31 décembre 2013 avec le Grand port maritime de Marseille pour la réalisation de travaux de dragage, et de condamner le Grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 1 432 215,07 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette résiliation. Par un jugement n° 1502332 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné le Grand port maritime de Marseille à verser la somme de 516 316,78 euros à la société Can en réparation de ses préjudices.

Par un arrêt n° 17MA04818 du 15 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel principal du Grand port maritime de Marseille et fait droit partiellement à l'appel incident de la société Can, en portant son indemnité à 644 656,14 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 30 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Grand port maritime de Marseille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Can la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP PIWNICA, MOLINIE, avocat du Grand port maritime de Marseille ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Grand port maritime de Marseille a conclu avec la société Can, le 31 décembre 2013, un marché public portant sur des travaux de dragage d'entretien des postes d'attente fluviaux sur les bassins ouest du port de Marseille. L'ordre de service fixant au 28 juillet 2014 le démarrage des travaux de la première tranche a été notifié le 21 juillet 2014. Par un courrier du 31 juillet 2014, la société Can a demandé la résiliation du marché pour ordre de service tardif en application de l'article 46.2.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux). Le Grand port maritime ayant rejeté sa demande, elle lui a adressé, le 26 février 2015, un mémoire contestant ce refus et réclamant l'indemnisation de son préjudice. Le Grand port maritime de Marseille a, par une décision du 5 mars 2015, résilié le marché aux torts de cette entreprise. La société Can a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à ce qu'il prononce la résiliation du marché pour ordre de service tardif et condamne le Grand port maritime de Marseille à lui verser une indemnité de 1 432 215,07 euros. Par un jugement du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné le Grand port maritime de Marseille à verser à la société Can une indemnité de 516 316,78 euros TTC en compensation des frais engagés pour assurer l'exécution du marché. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel principal du Grand port maritime de Marseille et a fait droit partiellement à l'appel incident de la société Can, en portant son indemnité à 644 656,14 euros.

2. Aux termes de l'article 46.2.1 du CCAG Travaux de 2009 : " Dans le cas où le marché prévoit que les travaux doivent commencer sur un ordre de service intervenant après la notification du marché, si cet ordre de service n'a pas été notifié dans le délai fixé par le marché ou, à défaut d'un tel délai, dans les six mois suivant la notification du marché, le titulaire peut (...) demander, par écrit, la résiliation du marché. / Lorsque la résiliation est demandée par le titulaire en application du présent article, elle ne peut lui être refusée. (...) / Lorsque la résiliation est prononcée à la demande du titulaire en application du présent article, celui-ci est indemnisé des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et nécessaires à son exécution. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la décision de résiliation ".

3. Aux termes de l'article 50.1.1 du même document : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre (...) ".

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter la fin de non-recevoir opposée par le Grand port maritime de Marseille tirée de ce que la société Can n'aurait pas adressé copie de sa réclamation au maître d'oeuvre, conformément aux stipulations de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux de 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé que la méconnaissance de cette formalité ne saurait, dans les circonstances très particulières de l'espèce, être regardée comme substantielle et de nature, en conséquence, à affecter la recevabilité de sa réclamation, dès lors que si la résiliation litigieuse du contrat avait été prononcée par le Grand port maritime de Marseille aux torts de la société requérante, cette décision faisait suite à une demande de résiliation de sa part, qui aurait dû être traitée dans le cadre de la procédure de l'article 46.2.1 du cahier des clauses administratives générales, laquelle n'impose pas l'envoi d'une copie de la demande d'indemnisation au maître d'oeuvre. En statuant ainsi, alors que les stipulations de l'article 46.2.1 ne sauraient avoir pour effet de dispenser le titulaire de respecter la formalité prévue par les stipulations de l'article 50.1.1 du CCAG lorsqu'il transmet au maître d'ouvrage une réclamation en application de ces dernières stipulations, quand bien même il aurait préalablement demandé la résiliation du marché pour ordre de service tardif, la cour administrative d'appel, qui a apprécié la recevabilité de la demande de la société Can au regard des stipulations de l'article 50.1.1, a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le Grand port maritime de Marseille est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Can la somme de 3 000 euros à verser au Grand port maritime de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 15 juin 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La société Can versera au Grand port maritime de Marseille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Grand port maritime de Marseille.
Copie en sera adressée à la société Can.

Source : DILA, 09/02/2021, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CECHS:2021:442844.20210203

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 03/02/2021