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CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 06/03/2025, 24VE02695, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme SIGNERIN-ICRE

Rapporteur : Mme Julie FLORENT

Commissaire du gouvernement : Mme JANICOT

Avocat : CANDON


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. A... C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2024 par lequel la préfète de l'Essonne les a mis en demeure de quitter les lieux qu'ils occupent 140 avenue Charles de Gaulle à Morangis dans un délai de vingt-quatre heures.

Par un jugement n° 2408461 du 4 octobre 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2024, et un mémoire enregistré le 19 janvier 2025, non communiqué, MM. C... et D..., représentés par Me Candon, avocat, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de ce que l'arrêté de délégation de signature ne vise pas les mises en demeure de quitter les lieux adressées aux gens du voyage, ni à celui tiré de ce que l'arrêté est dépourvu de base légale et est constitutif d'une grave et illégale discrimination dès lors que le maire ne dispose d'aucun pouvoir pour interdire le stationnement à une catégorie de la population sur l'ensemble de sa commune ;
- en l'absence d'élément nouveau, l'arrêté attaqué méconnaît l'autorité de chose jugée par le tribunal administratif de Versailles dans son jugement n° 2407432 du 30 août 2024 qui ne constitue pas une ordonnance de référé mais un jugement rendu en application de l'article R. 779-1 du code de justice administrative ;
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente, la décision en cause ne figurant pas au sein de la délégation produite ;
- l'arrêté du maire de Morangis du 11 juillet 2019 ne pouvait fonder l'arrêté attaqué dès lors que le pouvoir de police spéciale en matière de gestion des aires d'accueil des gens du voyage relevait de la compétence de l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre ; l'arrêté est dépourvu de base légale et est constitutif d'une grave et illégale discrimination dès lors que les pouvoirs de police générale du maire ne lui permettent pas d'interdire le stationnement à une catégorie de la population sur l'ensemble de sa commune ; par ailleurs, l'arrêté de renonciation au transfert des compétences de police spéciale du président de l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre n'avait pas de portée rétroactive, n'était pas exécutoire et n'émanait pas d'une autorité compétente, la métropole du Grand Paris étant seule compétente en la matière ; en outre, l'aire d'accueil de Morangis ne remplissait plus, et depuis longtemps, sa mission d'accueil puisque cette aire était dédiée à des familles sédentarisées, empêchant les voyageurs en caravane de s'y installer ; cette aire doit ainsi être regardée comme fermée ou comme n'étant pas mise à disposition des gens du voyage conformément à l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 en l'absence d'atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 dès lors que le délai de vingt-quatre heures était insuffisant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2024, la préfète de l'Essonne conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens invoqués par MM. C... et D... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la métropole du Grand Paris, à l'établissement public territorial Orly Seine-Bièvre et à la commune de Morangis qui n'ont pas produit d'observations.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;
- le décret n° 2019-1478 du 26 décembre 2019 ;
- l'arrêté conjoint n° 153 DDT-SHRU du 24 avril 2019 portant approbation du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage pour la période 2019-2024 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.




Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique.

Une note en délibéré présentée pour MM. C... et D... a été enregistrée le 14 février 2025.


Considérant ce qui suit :

1. MM. C... et D... relèvent appel du jugement du 4 octobre 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Essonne du 27 septembre 2024 les mettant en demeure de quitter, dans un délai de vingt-quatre heures, les lieux qu'ils occupent au 140 avenue Charles de Gaulle à Morangis en application du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : " I.- Le maire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage (...) peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles (...), dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie : 1° L'établissement public de coopération intercommunale a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l'article 2 ; / (...) / 6° La commune est dotée d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n'ait pas satisfait à l'ensemble de ses obligations. (...) / II.- En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I ou au I bis, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. (...) ".

3. Si l'arrêté attaqué relève que la commune de Morangis dispose sur son territoire d'une aire permanente d'accueil conforme aux prescriptions du schéma départemental d'accueil des gens du voyage et qu'ainsi, la commune remplit les conditions permettant à son maire d'interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors de cette aire, il ressort toutefois des pièces du dossier que, par une convention conclue le 15 juillet 2021 notamment par la commune de Morangis et l'établissement public territorial Orly Seine-Bièvre, l'aire d'accueil de la commune de Morangis, d'une capacité de vingt-six places, a été mise à la disposition de huit ménages, dans l'attente de leur relogement, pour une période de deux ans qui a été prolongée jusqu'au 15 octobre 2024. Il ressort, ainsi, des pièces du dossier que cette aire d'accueil était, sur décision de l'administration, dédiée depuis plus de trois ans à la date de la décision attaquée à des familles sédentarisées. Par suite, compte tenu de la durée de cette occupation, elle ne pouvait plus être regardée comme ouverte à l'accueil des gens du voyage itinérants dont la durée maximum du séjour sur ces aires est fixée en principe à trois mois consécutifs en application de l'article 8 du décret du 26 décembre 2019. Il s'ensuit que la commune de Morangis ne pouvait, à la date de la mise en demeure litigieuse, être regardée comme dotée d'une aire permanente d'accueil conforme aux prescriptions du schéma départemental autorisant son maire à interdire le stationnement en dehors de cette aire. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre des conditions énumérées à l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 aurait permis de fonder l'interdiction de stationnement litigieuse. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'interdiction de stationnement adoptée par le maire de Morangis par arrêté du 11 juillet 2019 ne pouvait plus servir de base légale à la mise en demeure du 27 septembre 2024 contestée et, pour ce motif, à demander l'annulation de cette décision.
4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, MM. C... et D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais d'avocats exposés par MM. C... et D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2408461 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles en date du 4 octobre 2024 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète de l'Essonne du 27 septembre 2024 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à MM. C... et D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Essonne, à la commune de Morangis, à la métropole du Grand Paris et à l'établissement public territorial Orly Seine-Bièvre.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.

La rapporteure,
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 24VE02695 2



Abstrats

49-05-03 Police. - Polices spéciales. - Police des gens du voyage.

Source : DILA, 17/03/2025, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Versailles

Date : 06/03/2025