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CAA de NANTES, 4ème chambre, 28/02/2025, 23NT03840, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LAINÉ

Rapporteur : M. Benjamin CHABERNAUD

Commissaire du gouvernement : Mme ROSEMBERG

Avocat : CABINET CABANES NEVEU


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire à lui verser une somme de 420 000 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation, du fait de l'irrégularité de l'attribution, le 3 juin 2019, de la délégation de service public afférente à la gestion et à l'exploitation de ce centre à la société Action Développement Loisir-Espace Récréa (ADL Espace Récréa).

Par un jugement n° 2100166 du 2 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire à verser à la société Vert Marine une indemnité de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, correspondant à l'indemnisation des frais que la société a engagés pour présenter son offre dans le cadre de la procédure d'attribution précitée et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 18 juillet 2024, la société Vert Marine, représentée par la SELARL d'avocats Audicit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 novembre 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'indemnisation ;

2°) à titre principal, de condamner le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire à lui verser une somme de 420 000 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation, à titre subsidiaire, de le condamner à lui verser une somme de 10 000 euros, également augmentée des intérêts et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué sera confirmé en tant qu'il retient l'irrégularité de l'offre de la société ADL ; le SIVU était tenu d'écarter cette offre qui ne respectait pas les règles du droit du travail applicables, en l'occurrence la convention collective nationale du sport qui avait force obligatoire en application des dispositions de l'article L. 2261-15 du code du travail ; la convention dite ELAC n'était pas applicable en l'espèce ; ne pas avoir écarté l'offre de la société ADL constitue une faute qui engage la responsabilité du SIVU et une méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats ; l'application de la convention collective ELAC par l'attributaire constitue une irrégularité entraînant des conséquences significatives sur l'offre présentée par les candidats et sur leur appréciation ; la convention nationale du sport est plus favorable aux salariés que la convention dite ELAC, dès lors que le coût pour l'employeur est plus élevé et que les modalités de gestion sont moins souples, notamment en termes d'amplitude de travail, ce qui a nécessairement un effet sur les offres présentées par les candidats ;
- elle avait des chances sérieuses d'obtenir l'attribution du contrat ; son offre a été classée seconde ; il n'y a pas lieu de tenir compte de la possibilité de régulariser l'offre de l'attributaire mais seulement de constater que cette offre n'a pas été régularisée ; le mécanisme de la régularisation des offres en matière de délégation de service public n'est pas prévu par les textes ; aucun élément n'établit que la procédure aurait pu être déclarée infructueuse ;
- elle établit la réalité du manque à gagner qu'elle a subi ; il n'y a pas lieu de déduire de son chiffrage l'impôt sur les sociétés.


Par des mémoires, enregistrés les 11 avril, 28 juin et 24 juillet 2024, le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire, représenté par Me Caradeux, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnisation du manque à gagner de la société Vert Marine soit réévalué à de plus justes proportions ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnisation du manque à gagner invoqué par la société Vert Marine soit réévalué sur la base d'une expertise ordonnée par la cour ;

4°) et à ce qu'une somme de 5000 euros soit mise à la charge de la société Vert Marine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, les moyens invoqués sont infondés ;
- à titre subsidiaire, le quantum du préjudice tiré du manque à gagner n'est pas établi ;
- à titre infiniment subsidiaire, il y a lieu d'ordonner une expertise sur ce point.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 24 juin 2024, la société Action Développement Loisir-Espace Récréa (ADL Espace Récréa), représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1500 euros soit mise à la charge de la société Vert Marine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- son intervention est recevable, dès lors que la requête de la société Vert Marine est susceptible de préjudicier à ses droits ;
- la requête de la société Vert Marine n'est pas recevable, dès lors qu'elle ne démontre pas qu'elle serait lésée par l'attribution de la concession en litige ;
- les moyens invoqués sont infondés.


Par une ordonnance du 11 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2024.

Un mémoire produit pour la requérante a été enregistré le 21 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code du travail ;
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Philippon, substituant Me Boyer, pour la société Vert Marine, de Me Barthelemy, substituant Me Caradeux, pour le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire, et de Me Girard, substituant Me Cabanes, pour la société Action Développement Loisir Espace Récréa.


Considérant ce qui suit :
1. Le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire a attribué, le 3 juin 2019, la délégation de service public afférente à la gestion et à l'exploitation de ce centre à la société ADL Espace Récréa et rejeté l'offre concurrente de la société Vert Marine. A la suite du rejet de sa réclamation préalable le 5 novembre 2020, cette dernière a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le SIVU à lui verser une somme de 420 000 euros du fait de l'irrégularité de cette attribution. Par un jugement du 2 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire à verser à la société Vert Marine une indemnité de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, correspondant à l'indemnisation des frais que la société a engagés pour présenter son offre dans le cadre de la procédure d'attribution précitée et rejeté le surplus des conclusions de sa requête. La société Vert Marine fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 10 000 euros.
Sur l'intervention de la société ADL Espace Récréa :
2. La société ADL Espace Récréa justifie d'un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué. Dès lors, son intervention est recevable et doit être admise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Il résulte de l'instruction que le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire a attribué, le 3 juin 2019, la délégation de service public afférente à la gestion et à l'exploitation de ce centre à la société ADL Espace Récréa et rejeté l'offre de la société Vert Marine en la classant, après une phase de négociation, à la seconde place. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'oppose la société ADL Espace Récréa, la société Vert Marine, qui a la qualité de concurrent évincé, justifie d'un intérêt à agir suffisant pour présenter des conclusions tendant exclusivement à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'irrégularité de l'attribution de la délégation de service public en litige.
En ce qui concerne la demande d'indemnisation :

S'agissant de la régularité du contrat de concession attribué à la société ADL Espace Récréa :
4. Aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, alors applicable : " Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. ".
5. Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail (...) ".
6. En premier lieu, il résulte de ces dispositions du code du travail que les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s'imposent aux candidats à l'octroi d'un marché public ou d'une délégation de service public lorsqu'ils entrent dans le champ d'application de cette convention. Par suite, une offre mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par le pouvoir adjudicateur et doit être écartée comme irrégulière par celui-ci, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette irrégularité peut constituer un avantage pour le candidat.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail : " La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. / En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables ".
8. Par arrêté du ministre en charge du travail du 21 novembre 2006, la convention collective nationale du sport a été étendue et son champ d'application est ainsi défini par son article 1.1 dans sa version alors en vigueur : " La convention collective du sport règle, sur l'ensemble du territoire y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises exerçant leur activité principale dans l'un des domaines suivants : / - organisation, gestion et encadrement d'activités sportives ; / - gestion d'installations et d'équipements sportifs. / (...) ". Le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, étendue par un arrêté ministériel du 25 juillet 1994, est ainsi défini par son article 1er, dans sa rédaction applicable au litige : " La convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels règle, sur l'ensemble des départements français, y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises de droit privé à but lucratif : / (...) - qui gèrent des installations et / ou exploitent à titre principal des activités à vocation récréative et / ou culturelle, dans un espace clos et aménagé avec des installations fixes et permanentes comportant des attractions de diverse nature (...). / Sont notamment, comprises dans le champ d'application, les activités suivantes (...) parc aquatique (...) / Sont exclues du champ d'application les entreprises de droit privé, à but lucratif, répertoriées sous l'ancienne codification NAF 92.6 " gestion d'installations sportives " et " autres activités sportives ", remplacée par la codification suivante : 93. 11Z : " gestion d'installations sportives " (...) / gestion d'installations sportives à caractère récréatif et de loisir. / Et, plus précisément, les installations et les centres des activités suivantes : / les piscines (...) ".
9. L'activité confiée à la société Action développement loisir, attributaire du contrat, a pour objet la gestion et l'exploitation du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire, qui comprend notamment un bassin sportif de 25 mètres de long avec 6 couloirs de nage et un bassin d'apprentissage. Il résulte de l'instruction, notamment du contrat définitif attribué le 3 juin 2019, que ce complexe propose notamment des séances d'aquagym ainsi que des cours de natation pour adultes et enfants, de l'apprentissage au perfectionnement. Un tel équipement a donc principalement une vocation sportive alors même qu'il comporte accessoirement des espaces ludiques et de détente, en particulier un bassin ludique et une lagune de jeux pour enfants. L'activité ainsi exploitée ne se confond pas avec celle des parcs aquatiques entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels et relève dès lors de la convention collective nationale du sport.
10. Contrairement à ce que soutient la société ADL Espace Récréa, le règlement de la consultation imposait aux candidats d'indiquer quelle convention collective leur était applicable. L'offre de la société Vert Marine faisait ainsi référence à la convention collective nationale du sport et il n'est pas sérieusement contesté que l'offre de la société ADL Espace Récréa mentionnait la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, dite convention collective ELAC, qu'elle a d'ailleurs appliquée lors de l'exécution de la concession. La circonstance que la société ADL Espace Récréa aurait finalement, en 2023, décidé d'appliquer la convention collective nationale du sport est sans incidence sur le fait que lors de la procédure de passation en litige, elle a entendu faire application de la convention collective dite ELAC aux salariés placés sous sa responsabilité et qu'elle a ainsi méconnu la législation et la règlementation sociale en vigueur. Son offre était par suite irrégulière et aurait dû, pour ce motif, être écartée dès lors que les modalités d'exécution du marché méconnaissaient les dispositions de la convention collective applicable. La société Vert Marine, dont il n'est pas allégué que l'offre aurait été inappropriée, irrégulière ou inacceptable, est ainsi fondée à soutenir que la procédure de passation du contrat de délégation de service public est entachée d'irrégularité.
S'agissant de l'évaluation du préjudice de la société Vert Marine :
11. D'une part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, lequel est déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu'aurait procuré ce marché à l'entreprise, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.
12. D'autre part, lorsqu'il est saisi par une entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière de l'attribution d'un marché, il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s'agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l'exploitation, de l'aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci. Ce manque à gagner est évalué par la soustraction du total du chiffre d'affaires non réalisé de l'ensemble des charges variables et de la quote-part des coûts fixes qui aurait été affectée à l'exécution du marché si elle en avait été titulaire.
13. Il résulte de l'instruction que le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire a, au terme d'une première phase d'analyse des offres, estimé que les deux seules offres formulées dans le cadre de la procédure de passation par les sociétés ADL Espace Récréa et Vert Marine proposaient des niveaux équivalents en qualité et en performance économique justifiant que soit ouverte une phase de négociation avec ces entreprises. A l'issue de cette dernière, le rapport d'analyse des offres relève que celles-ci sont globalement très proches et de grande qualité mais que celle d'ADL Espace Récréa est la plus intéressante sur le plan économique tout en répondant aux objectifs de la consultation, justifiant que lui soit attribué le contrat et que l'offre de la société Vert Marine soit classée en seconde position. Il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats que l'offre de la société ADL Espace Récréa aurait été régularisable à la demande du SIVU grâce à un changement de convention collective dans des conditions, notamment de délai, lui permettant d'être légalement prise en compte. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'irrégularité de l'attribution du contrat de délégation de service public a donc privé la société Vert Marine, dont l'offre était la seule à être régulière, d'une chance sérieuse de remporter le contrat.
14. Pour justifier de la réalité de son manque à gagner, la société Vert Marine verse aux débats le compte prévisionnel d'exploitation des années 2019 à 2025 qu'elle avait joint à son offre, lequel détaille le total des produits et charges anticipés poste par poste, ainsi que deux attestations de son expert-comptable, datées des 20 février 2021 et 5 septembre 2023, indiquant que la demande de 420 000 euros formulée par la société est fondée sur ce compte de résultat prévisionnel et constitue le bénéfice brut espéré. Il résulte dudit compte d'exploitation que ce bénéfice brut correspond à la marge nette avant déduction de l'impôt sur les sociétés et de la participation des salariés aux bénéfices. Ces éléments de preuve sont de nature à démontrer la réalité du manque à gagner de la société Vert Marine. Si le SIVU et la société ADL Espace Récréa critiquent l'évaluation ainsi opérée, en faisant valoir qu'elle ne serait pas fiable faute d'y intégrer une provision pour risques, qu'elle est basée sur un compte d'exploitation qui ne tient pas compte de la phase de négociation organisée lors de la passation et que ce compte repose sur des valeurs qui ne sont pas justifiées, ils ne produisent toutefois aucun élément probant sur ces différents points. En outre, afin de remettre en cause le chiffrage opéré par la société Vert Marine, ils ne se réfèrent pas au taux de marge nette généralement pratiqué par les entreprises du secteur. En revanche, dès lors qu'il doit être tenu compte des aléas de l'exploitation, ils sont fondés à opposer à la demande de l'appelante le fait que la faible fréquentation de la piscine, en raison de la situation sanitaire des années 2020 et 2021, a fortement impacté le résultat d'exploitation de la concession, tout comme le renchérissement du coût de l'énergie, en particulier en 2022, ce que la société Vert Marine ne conteste d'ailleurs pas sérieusement. Contrairement à ce que soutient le SIVU, il n'est cependant pas certain que la société Vert Marine aurait suspendu l'exécution du contrat du fait de ce renchérissement. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le manque à gagner ne peut être regardé comme établi qu'au titre de la moitié de la période totale d'exécution du contrat courant de 2019 à 2025. Il sera ainsi fait une juste évaluation du montant du manque à gagner indemnisable, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, en le fixant à la somme de 185 000 euros, qui doit être regardée comme correspondant au bénéfice net qu'aurait procuré le contrat litigieux à la société Vert Marine pendant cette période, avant impôt sur les sociétés et après déduction de la participation des salariés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vert Marine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a limité son indemnisation à la somme de 10 000 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation :

16. La société Vert Marine a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 185 000 euros à compter du 16 septembre 2020, date de sa réclamation indemnitaire préalable, ainsi qu'elle le sollicite.
17. La capitalisation des intérêts a été demandée le 5 janvier 2021. À cette date, les intérêts d'une année n'étaient pas encore dus. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 16 septembre 2021 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Vert Marine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
19. Par ailleurs, la société ADL Espace Récréa, qui est intervenante en défense et n'est pas une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut demander une somme au titre de ce dernier.
20. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire la somme de 1 500 euros à verser à la société Vert Marine au titre des frais non compris dans les dépens exposés par celle-ci.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société ADL Espace Récréa est admise.
Article 2 : La somme de 10 000 euros que le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire a été condamnée à verser à la société Vert Marine par le jugement du 2 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est portée au montant de 185 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2020, les intérêts échus étant capitalisés au 16 septembre 2021 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : Le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire versera la somme de 1 500 euros à la société Vert Marine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Vert Marine est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société ADL Espace Récréa et le SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 novembre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vert Marine, au SIVU du centre aquatique de Basse-Goulaine et de Saint-Sébastien-sur-Loire et à la société ADL Espace Récréa.


Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2025.

Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ

Le greffier,
C. WOLF


La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2
N° 23NT03840



Source : DILA, 10/03/2025, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 28/02/2025