Président :
M. LAINE
Rapporteur :
Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Commissaire du gouvernement :
M. PONS
Avocat :
CHELIN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Montauban-de-Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Després et la SARL Entreprise Neveu, à lui verser la somme de 23 749,17 euros TTC au titre de la réparation des menuiseries en façade Sud, avec intérêts et capitalisation des intérêts, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie et son mandataire judiciaire, la SCP Després à lui verser la somme de 6 796,01 euros TTC au titre de la réparation de la porte d'entrée du logement 4, avec intérêts et capitalisation de ceux-ci, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie et son mandataire judiciaire, la SCP Després, à lui verser la somme de 89 345,11 euros TTC au titre de la réparation des autres menuiseries, avec intérêts et capitalisation des intérêts, de condamner la société d'assurances Groupama à l'indemniser des travaux de réparation des dommages dans la limite de la somme de 56 042,63 euros correspondant aux montants des travaux nécessaires pour traiter les conséquences des infiltrations, avec intérêts et capitalisation des intérêts, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Després, la SARL Entreprise Neveu et Groupama, à lui verser la somme de 164 524,13 euros TTC au titre de l'indemnité de perte des loyers subie du fait des désordres jusqu'au 31 mai 2019, avec intérêts et capitalisation des intérêts, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Després, la SARL Entreprise Neveu et Groupama, à lui verser la somme de 3 777,82 euros TTC au titre de l'indemnité pour les honoraires de location et des frais de déménagement, avec intérêts et capitalisation des intérêts, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Després, la SARL Entreprise Neveu et Groupama, à lui verser la somme de 7 490,92 euros TTC au titre de l'indemnité pour les investigations, l'assistance technique et les mesures conservatoires, avec intérêts et capitalisation des intérêts, et de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Després et la SARL Entreprise Neveu, à lui verser la somme de 424,03 euros TTC au titre des frais d'huissier, et de 10 741,90 euros TTC au titre des frais d'expertise judiciaire.
Par un jugement n° 1705304 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, condamné solidairement les sociétés Petr Architectes, Entreprise Neveu, et Vilboux Menuiserie à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 23 749,17 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des désordres affectant les menuiseries en façades sud sous déduction des sommes déjà versées, en principal et en intérêts, en exécution de l'ordonnance de référé n° 1705305, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, en deuxième lieu, condamné solidairement les sociétés Petr Architectes et Vilboux Menuiserie, à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 6 796,01 euros TTC au titre de la réparation de la porte d'entrée du logement 4 sous déduction des sommes déjà versées, en principal et en intérêts, en exécution de l'ordonnance de référé n° 1705305, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, en troisième lieu, condamné solidairement les sociétés Petr Architectes et Vilboux Menuiserie à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 89 345,11 euros TTC au titre de la réparation des autres menuiseries, sous déduction des sommes déjà versées, en principal et en intérêts, en exécution de l'ordonnance de référé n° 1705305, avec intérêts au taux légal, et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, en quatrième lieu, condamné solidairement les sociétés Petr Architectes, Entreprise Neveu et Vilboux Menuiserie à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 164 524,13 euros TTC au titre des pertes locatives, sous déduction des sommes déjà versées, en principal et en intérêts, en exécution de l'ordonnance de référé n° 1705305, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, en cinquième lieu, sous les réserves énoncées au point 50 du présent jugement, condamné la société Groupama à verser à la commune de Montauban-de Bretagne la somme de 49 626 euros, au titre de la couverture des pertes locatives dans les limites prévues par le contrat d'assurance, en sixième lieu, condamné solidairement les sociétés Petr Architectes, Entreprise Neveu et Vilboux Menuiserie à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 3 777,82 euros TTC au titre des honoraires de location et d'hébergement, sous déduction des sommes déjà versées, en principal et en intérêts, en exécution de l'ordonnance de référé n° 1705305, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, en septième lieu, condamné solidairement les sociétés Petr Architectes, Entreprise Neveu et Vilboux Menuiserie à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 7 490,92 euros TTC au titre des travaux d'investigations, d'assistance technique et mesures conservatoires, sous déduction des sommes déjà versées, en principal et en intérêts, en exécution de l'ordonnance de référé n° 1705305, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, en huitième lieu, sous les réserves énoncées au point 49 du jugement, condamné la société Groupama à verser la somme de 7 490,92 euros TTC, au titre de la couverture des recherches de fuites, sondages et investigations dans les limites prévues par le contrat d'assurance, en neuvième lieu, condamné la société Groupama à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une somme de 52 468,44 euros TTC au titre du volet dégâts des eaux de la police d'assurance multirisques souscrite, avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2017 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, en dixième lieu, rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées contre la société Qualiconsult par la société Vilboux Menuiserie, en onzième lieu, condamné les sociétés Vilboux Menuiserie et Entreprise Neveu à garantir la société Petr Architectes à hauteur respectivement de 75% et 20% de la condamnation prononcée à l'article 1er, condamné les sociétés Petr Architectes et Vilboux Menuiserie à garantir la société Entreprise Neveu à hauteur respectivement de 5% et 75% de la condamnation prononcée au même article, condamné les sociétés Petr Architectes et Entreprise Neveu à garantir la société Vilboux Menuiserie à hauteur respectivement de 5% et 20% de la condamnation prononcée au même article, en douzième lieu, condamné la société Vilboux Menuiserie à garantir la société Petr Architectes à hauteur de 50% de la condamnation prononcée à l'article 2 et condamné la société Petr Architectes à garantir la société Vilboux Menuiserie à hauteur de 50% de la condamnation prononcée au même article, en treizième lieu, condamné la société Vilboux Menuiserie à garantir la société Petr Architectes à hauteur de 80% de la condamnation prononcée à l'article 3 et condamné la société Petr Architectes à garantir la société Vilboux Menuiserie à hauteur de 20% de la condamnation prononcée au même article, en quatorzième lieu, condamné les sociétés Vilboux Menuiserie et Entreprise Neveu à garantir la société Petr Architectes à hauteur respectivement de 70% et 10% des condamnations prononcées aux articles 4, 6 et 7, condamné les sociétés Petr Architectes et Entreprise Neveu à garantir la société Vilboux Menuiserie à hauteur respectivement de 20% et 10% des condamnations prononcées aux mêmes articles, et condamné les sociétés Petr Architectes et Vilboux Menuiserie à garantir la société Entreprise Neveu à hauteur respectivement de 20% et 70% des condamnations prononcées aux mêmes articles, en quinzième lieu, rejeté les conclusions aux fins de subrogation de la société Groupama et, en dernier lieu, mis les dépens incluant les frais d'expertise judiciaire pour un montant de 10 741,90 euros et les frais d'huissier pour un montant de 424,03 euros, à la charge solidaire des sociétés Petr Architectes, Entreprise Neveu et Vilboux Menuiserie.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2021 et le 22 octobre 2021, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, représentée par Me David, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1705304 du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2020 ;
2°) de condamner in solidum la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie et son mandataire judiciaire la SCP Despres, ainsi que la SARL Entreprise Neveu à lui verser la somme de 93 862, 81 euros en sa qualité d'assureur de la commune de Montauban-de-Bretagne ;
3°) de condamner in solidum la SARL Petr Architecte, la SARL Vilboux Menuiserie et son mandataire judiciaire la SCP Despres, et la SARL Entreprise Neveu à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de cinq mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à présenter des conclusions aux fins de subrogation sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances puisqu'elle a versé par un chèque adressé le 23 avril 2019 à la CARPA la somme de 93 862, 81 euros à la commune de Montauban-de-Bretagne ; elle bénéficie donc de l'effet subrogatoire à cette hauteur ;
- elle est fondée à demander la condamnation in solidum de la SARL Petr Architetes, la SARL Vilboux Menuiserie et son mandataire judiciaire, la SCP Desprès, et la SARL Entreprise Neveu à lui verser la somme de 93 862, 81 euros en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, ou subsidiairement de l'article 1231-1 du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, M. A..., liquidateur judiciaire de la SARL Vilboux Menuiserie, s'en remet à la sagesse de la cour.
Il soutient qu'il a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Vilboux Menuiserie par un jugement du tribunal de commerce de Rennes du 29 juin 2019 et qu'il ne sera pas représenté devant la cour administrative d'appel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2021, la SARL Petr Architectes, représentée par Me Groleau, demande à la cour :
1°) à titre principal de rejeter la requête de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la SARL Vilboux Menuiserie, et la SCP Desprès en qualité de mandataire judiciaire de cette société, ainsi que la société Entreprise Neveu à la garantir à hauteur de 80 % des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire.
Elle soutient que :
- en l'absence de versement effectif de l'indemnité d'assurance versée à la commune, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire ne peut exercer de recours subrogatoire sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances ; la CRAMA ne produit pas la copie du chèque adressée au conseil de la commune de Montauban-de-Bretagne et cette dernière n'a pas confirmé le règlement des indemnités ;
- à titre subsidiaire, elle doit être garantie :
o au titre des désordres relatifs aux menuiseries en façade sud, par la société Vilboux Menuiserie à hauteur de 75 % et par la société Entreprise Neveu à hauteur de 20 % ;
o au titre des désordres relatifs à la porte d'entrée du logement n° 4, par la société Vilboux Menuiserie à hauteur de 50 % ;
o au titre des désordres relatifs aux autres menuiseries, par la société Vilboux Menuiserie à hauteur de 80 % ;
o au titre des pertes locatives, par la société Vilboux Menuiserie à hauteur de 70 % et la société Entreprise Neveu à hauteur de 10 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2021, la SARL Entreprise Neveu, représentée par Me Chélin, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire et toutes conclusions d'appel à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Vilboux Menuiseries et la société Petr Architectes à la garantir de toutes condamnations éventuelles ;
3°) de condamner in solidum la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire et toute autre partie perdante à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle s'en remet à la sagesse de la cour quant à la demande de subrogation de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire sur le fondement de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
- la répartition de responsabilité adoptée par le tribunal administratif de Rennes doit être confirmée, notamment sa seule responsabilité à hauteur de 20 % au titre du désordre affectant les menuiseries en façade Sud et 10 % au titre des pertes locatives, des travaux d'investigation, de l'assistance technique et des mesures conservatoires ;
- à titre subsidiaire, elle doit être entièrement garantie par la société Vilboux Menuiserie et son mandataire et par la société Petr Architectes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2021, la commune de Montauban-de-Bretagne, représentée par Me Grenard, demande à la cour :
1°) de statuer ce que de droit sur la demande de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire ;
2°) de mettre à la charge de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire et in solidum de toute autre partie perdante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle confirme avoir reçu un chèque de 93 862, 81 euros de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire par courrier officiel d'avocat du 23 avril 2019 ; ce règlement n'a pas réglé l'ensemble de la dette de son assureur qui est encore redevable de la somme de 14 634, 16 euros ;
- la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire est donc subrogée dans ses droits à hauteur de 93 862, 81 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, la SAS Qualiconsult, représentée par Me Caillère, demande à la cour de rejeter toutes conclusions qui seraient formées à son encontre.
Elle soutient qu'aucune conclusion n'est dirigée à son encontre.
Par une ordonnance du 22 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des assurances ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Malaurie, représentant la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, et de Me Renoul, représentant la commune de Montauban-de-Bretagne.
Considérant ce qui suit :
1. En 2008, la commune de Montauban-de-Bretagne, propriétaire d'un ensemble immobilier à usage de gendarmerie qu'elle loue à l'Etat, a décidé de réaliser des travaux en vue de l'extension et de la réhabilitation de celle-ci afin de créer quatre nouveaux logements de fonction destinés à accueillir des gendarmes et leurs familles. Par acte d'engagement du 22 octobre 2008, la commune de Montauban-de-Bretagne a confié la maîtrise d'œuvre à un groupement composé de la SARL Petr Architectes, anciennement dénommée Fred Petr, et de la société SIMEC Ingénierie. La mission de contrôleur technique a été confiée à la SAS Qualiconsult. La SARL Entreprise Neveu est intervenue au titre du lot n° 4 " couverture ", selon un marché public de travaux du 21 septembre 2010. Par acte d'engagement du 21 septembre 2010, le lot n° 5 " menuiseries extérieures " a été attribué à la SARL Vilboux menuiserie. La commune de Montauban-de-Bretagne a constaté en juin 2012 des désordres de mouille affectant les quatre logements. A sa demande, un rapport de recherche de fuite a été dressé par un cabinet spécialisé le 20 février 2014, suivi d'un rapport complémentaire du 14 août 2014. Le cabinet a notamment constaté des défauts d'étanchéité des menuiseries de l'étage, une infiltration par la toiture en zinc ainsi que des infiltrations par la porte d'entrée du logement n° 4. La commune de Montauban-de-Bretagne a déclaré le sinistre en 2012 auprès de son assureur multirisques, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne. Une expertise amiable contradictoire a été réalisée par un autre cabinet spécialisé. Par procès-verbal de constatations suite aux réunions contradictoires des 24 juin et 29 septembre 2014, ce cabinet a relevé un défaut d'étanchéité entre la cheminée et la chaudière dans le logement n° l, des infiltrations d'eau par défaut d'étanchéité des menuiseries de l'étage, salon et cuisine dans le logement n° 2, une infiltration par la toiture zinc dans le logement n° 3 et des infiltrations d'eau par la porte d'entrée du studio constituant le logement n° 4. A la demande de la commune, le tribunal de grande instance de Rennes a désigné par ordonnance du 21 janvier 2016 un expert, qui a remis son rapport le 8 juin 2017.
2. Au vu des conclusions du rapport d'expertise, la commune de Montauban-de-Bretagne a demandé la condamnation des constructeurs et de son assureur, la société Groupama, au versement à titre provisionnel de diverses sommes afin d'assurer la réparation des différents préjudices subis. Par ailleurs, la société Groupama a demandé la condamnation in solidum de la société Petr Architectes, de la société Vilboux Menuiserie et son mandataire la société Després, et de la SARL Entreprise Neveu à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre. Par un jugement du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné solidairement les sociétés Petr Architectes, Entreprise Neveu et Vilboux Menuiserie à indemniser la commune des désordres affectant les menuiseries en façade sud, les sociétés Petr Architectes et Vilboux Menuiserie à indemniser la commune des désordres affectant la porte d'entrée du logement 4 ainsi que des désordres affectant les autres menuiseries, et les sociétés Petr Architectes, Entreprise Neveu et Vilboux à indemniser la commune des pertes locatives, des honoraires de location et d'hébergement, des travaux d'investigations, d'assistance technique et des mesures conservatoires. Par ce même jugement, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Groupama, assureur de la commune, à verser à cette dernière les sommes de 7 490, 92 euros et de 52 468, 44 euros, s'ajoutant à des condamnations prononcées en référé. Le tribunal administratif de Rennes a par ailleurs rejeté les conclusions aux fins de subrogation présentées par la société Groupama.
3. La Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de subrogation. De leur côté, les sociétés Petr Architectes et Entreprise Neveu présentent respectivement, à titre subsidiaire, des conclusions d'appel provoqué tendant à ce qu'elles soient garanties par les autres constructeurs impliqués.
Sur l'appel principal de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire :
4. En premier lieu, l'article L. 121-12 du code des assurances dispose que : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur (...) ". Il résulte de ces dispositions que le versement par l'assureur de l'indemnité à laquelle il est tenu en vertu du contrat d'assurance le liant à son assuré le subroge, dès cet instant et à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de son assuré contre le tiers responsable du dommage. Par ailleurs, il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré.
5. Par ailleurs, le cahier des clauses techniques générales annexé au contrat d'assurance des dommages relatifs aux biens et risques annexes conclu le 5 avril 2012 entre la commune de Montauban-de-Bretagne et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, avec effet au 1er janvier 2012, stipule que : " article 2 - Evénements dommageables assurés : / La garantie intervient lorsque le bien assuré a été directement endommagé par la réalisation de l'un des événements définis ci-après, ou par les moyens de secours pris pour en atténuer les effets : (...) / 2.6 Les dégâts des eaux / C'est-à-dire les dommages causés par : / (...) les pénétrations accidentelles par les toitures, façades, ciels vitrés, terrasses et balcons formant terrasses, qu'il s'agisse de pluie, de neige ou de grêle / (...) les entrées d'eau ou les infiltrations accidentelles par des ouvertures telle que baies, portes et fenêtres, normalement fermées, ou par les gaines d'aération ou de ventilation des conduits de fumées (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 23 avril 2019, l'avocat de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire a adressé au conseil de la commune de Montauban-de-Bretagne un chèque de 93 862, 81 euros établi à l'ordre de la CARPA en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes qui, le 26 mars 2019, avait condamné la société Groupama à verser à la commune de Montauban-de-Bretagne une provision de 49 626 euros toutes taxes comprises au titre des pertes locatives subies par la commune en raison des dégâts des eaux, et une provision de 44 236, 81 euros hors taxes au titre de la réparation des dégâts des eaux. L'assureur de la commune joignait également à ce courrier une quittance subrogative en invitant le représentant de la commune à apposer sa signature sur ce document. Il résulte également de l'instruction que par un courrier du 24 juin 2019, le conseil de la commune de Montauban-de-Bretagne a indiqué que la commune refusait de signer cette quittance dès lors que le montant acquitté ne soldait pas l'intégralité de la dette de l'assureur. Néanmoins, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le versement effectif de l'indemnité à son assuré peut être établi par tout moyen par l'assureur qui invoque le bénéfice de la subrogation résultant des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances. La circonstance que la société d'assurance appelante ne peut produire une quittance subrogatoire signée par la commune de Montauban-de-Bretagne n'est pas de nature à empêcher la société appelante d'invoquer le bénéfice de ces dispositions à hauteur du montant de la somme effectivement versée à son assurée. Par ailleurs, si à l'appui de ses écritures devant la juridiction administrative, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire ne produit pas la copie du chèque de 93 862, 81 euros établi à l'ordre de la CARPA, la commune de Montauban-de-Bretagne reconnait explicitement, à la fois par un courrier de son conseil du 25 octobre 2021 et dans ses écritures en appel, avoir effectivement reçu le versement de son assureur. Dans ces conditions, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire est fondée à soutenir qu'elle est subrogée dans les droits de la commune de Montauban-de-Bretagne, son assurée, à hauteur de 93 862, 81 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances.
7. En second lieu, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.
8. La Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire demande la condamnation de la SARL Petr Architectes, de la SARL Vilboux Menuiserie représentée par son mandataire judiciaire la SCP Despres, et de la SARL Entreprise Neveu à lui verser une somme globale de 93 862, 81 euros. Ce montant correspond à une indemnité de 49 626 euros TTC au titre des pertes de loyers subis par la commune de Montauban-de-Bretagne du fait des infiltrations ayant affecté les logements de la gendarmerie et une somme de 44 236, 81 euros correspondant aux travaux de réfection des logements en conséquence des dégâts des eaux subis, concernant notamment des cloisons sèches, des peintures et des plinthes. Il résulte de l'instruction que les désordres subis par les nouveaux logements de la gendarmerie de Montauban-de-Bretagne sont imputables, pour les menuiseries en façade sud, à un défaut de pose du zinc par la société Entreprise Neveu, intervenue au titre du lot n°4 " couverture ", à un défaut de fabrication lors de l'assemblage des tapées par la société Vilboux Menuiserie, titulaire du lot n°5 " menuiseries extérieures ", et à la société Petr Architectes du fait de la mission de direction de l'exécution des travaux (DET) qu'elle s'était vu confier. En ce qui concerne les désordres affectant la porte d'entrée du logement n° 4, il résulte de l'instruction qu'ils sont dus d'une part à un défaut de conception du palier d'accès au logement par la société Petr Architectes, d'autre part à un défaut de conseil de la société Vilboux Menuiserie qui a accepté de poser la porte en dépit de ce vice. En ce qui concerne, enfin, les désordres affectant les autres menuiseries, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'ils sont dus à un défaut de fabrication des menuiseries que la société Vilboux Menuiserie avait, dans un premier temps, commandées auprès de la société K-Line puis, compte tenu des délais demandés par cette dernière, liés aux exigences de couleur formulées par l'architecte, auprès de la société Technal qui s'est bornée à lui fournir les pièces détachées permettant de les fabriquer. D'autre part, ils sont également imputables à la société Petr Architectes qui, en qualité de maître d'œuvre, a validé la fourniture et la pose des menuiseries de la gamme Technal, en lieu et place des menuiseries K-Line, fabriquées en usine, n'a pas réagi alors que l'entreprise Vilboux Menuiserie lui présentait un dossier des ouvrages exécutés (DOE) imprécis, et n'a pas vérifié que cette entreprise était assurée pour une activité de fabrication de menuiseries alors qu'il lui incombait, dans le cadre de ses missions, notamment DET et VISA, de s'assurer que la réalisation, dans ces conditions, de cette prestation, répondait bien aux spécifications du cahier des clauses techniques particulières, en particulier par la présentation des études d'exécution et d'un dossier d'ouvrages exécutés permettant de vérifier les modes de fabrication, d'identifier les références utilisées et de s'assurer de l'étanchéité entre les différentes pièces.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, dès lors qu'elle justifie devant la cour de la subrogation dont elle se réclame, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire est fondée à demander la condamnation in solidum de la SARL Petr Architectes, de la SARL Vilboux Menuiserie représentée par son mandataire judiciaire la SCP Despres, et de la SARL Entreprise Neveu à lui verser la somme de 93 862, 81 euros, et à solliciter, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué.
Sur les appels provoqués de la SARL Petr Architectes et de la SARL Entreprise Neveu:
10. Compte tenu des manquements respectifs de la SARL Petr Architectes, maître d'œuvre, de la SARL Vilboux Menuiserie et de la SARL Entreprise Neveu, tels que décrits au point 8, auxquels est imputable la survenance de l'un ou des trois désordres qui sont eux-mêmes à l'origine des sommes versées par la société Groupama en conséquence du contrat d'assurance conclu avec la commune de Montauban-de-Bretagne, il sera fait une exacte appréciation de la charge de la réparation des préjudices correspondant à ces sommes en la répartissant entre ces constructeurs à hauteur respectivement de 20%, 70% et 10%.
11. Il résulte de ce qui précède que la SARL Petr Architectes, dont la situation est aggravée par l'appel principal de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, est recevable et fondée à demander la condamnation de la SARL Vilboux Menuiserie, représentée par son mandataire judiciaire, à la garantir à hauteur de 70 % des sommes mises à sa charge par le point 9 et de la SARL Entreprise Neveu à la garantir à hauteur de 10 % de ces mêmes sommes. Par ailleurs, la SARL Entreprise Neveu, dont la situation est également aggravée par l'appel principal, est fondée à demander la condamnation de la SARL Petr Architectes à la garantir à hauteur de 20 % des sommes mises à sa charge par le point 9 et la condamnation de la SARL Vilboux Menuiserie, représentée par son mandataire judiciaire, à la garantir à hauteur de 70 % de ces mêmes sommes.
Sur les frais du litige :
12. En premier lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la SARL Petr Architectes, de la SARL Vilboux Menuiserie et de la SARL Entreprise Neveu, la somme de 1 500 euros à verser à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
13. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent la SARL Petr Architectes, la SARL Entreprise Neveu et la commune de Montauban-de-Bretagne, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie, représentée par son mandataire judiciaire la SCP Despres, et la SARL Entreprise Neveu sont condamnées in solidum à verser à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire la somme de 93 862, 81 euros.
Article 2 : La SARL Vilboux Menuiserie, représentée par son mandataire judiciaire, garantira la SARL Petr Architectes et la SARL Entreprise Neveu à hauteur de 70 % de la somme mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : La SARL Petr Architectes garantira la SARL Entreprise Neveu à hauteur de 20 % de cette même somme.
Article 4 : La SARL Entreprise Neveu garantira la SARL Petr Architectes à hauteur de 10 % de cette même somme.
Article 5 : Le jugement n° 1705304 du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 4 du présent arrêt.
Article 6 : La SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie et la SARL Entreprise Neveu verseront in solidum la somme de 1 500 euros à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, de la SARL Petr Architectes, de la SARL Vilboux Menuiserie, de la SARL Entreprise Neveu et de la commune de Montauban-de-Bretagne est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux Menuiserie, la société A... Despres es qualité de mandataire judiciaire de la société Vilboux Menuiseries, la SARL Entreprise Neveu, la commune de Montauban-de-Bretagne et à la société Qualiconsult.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2022.
La rapporteure,
M. BÉRIA-GUILLAUMIELe président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00273
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Source : DILA, 14/06/2022, https://www.legifrance.gouv.fr/