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CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/10/2021, 20DA01516, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme Borot

Rapporteur : M. Denis Perrin

Commissaire du gouvernement : M. Cassara

Avocat : MAUMONT MOUMNI AVOCATS ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen par une première requête d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours à l'encontre de la décision du 9 juin 2017 portant mutation d'office dans l'intérêt du service et d'ordonner sa réintégration dans une autre brigade de Guadeloupe, sans délai. Par une seconde requête, elle a demandé au même tribunal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 76 532,68 euros, assortie des intérêts en réparation des préjudices résultant de cette mutation d'office.

Par un jugement commun n° 1800237-1802953 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 2 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Elodie Maumont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours contre la décision du 9 juin 2017 de mutation d'office ;
3°) de la rétablir rétroactivement dans ses droits et de l'affecter dans une autre brigade en Guadeloupe ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 75 956,68 euros, avec intérêts à compter de sa demande préalable ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Elodie Maumont pour Mme A....



Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est adjudante de la gendarmerie nationale depuis le 1er décembre 2012, ayant commencé comme gendarme adjoint volontaire, le 27 mars 2000. Elle a été affectée à la brigade territoriale autonome de Saint-Claude en Guadeloupe à compter du 17 juillet 2016. Elle a alors fait l'objet d'une décision de mutation d'office dans l'intérêt du service par décision du 9 juin 2017 avec effet au 15 juin 2017. Elle a contesté cette décision devant la commission de recours des militaires. Ce recours préalable obligatoire a été implicitement rejeté, cette décision se substituant à celle du 9 juin 2017. Parallèlement elle a fait une demande préalable indemnitaire le 22 novembre 2017, également implicitement rejetée. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rouen de deux requêtes, la première tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours contre la décision du 9 juin 2017 et la seconde visant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de cette décision. Elle relève appel du jugement commun du 24 août 2020 qui a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme A... soutient que le jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 août 2020 ne mentionne pas les pièces à l'origine de ses considérations de fait, il ressort des termes de ce jugement qu'il précise les dates de chacun des faits sur lesquels il fonde ses motifs et détaille ces faits de manière à ce que l'appelante puisse utilement en discuter la véracité. De même, si Mme A... soutient que le jugement contesté n'a pas répondu à tous les griefs qu'elle a soulevés, elle n'apporte aucune précision sur les moyens ainsi omis. Or, il ressort également des termes de ce jugement qu'il s'est prononcé sur les trois seuls moyens développés en première instance, tirés de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, du détournement de pouvoir et de l'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 août 2020 est insuffisamment motivé et par suite irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté. ". En vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un militaire faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où le militaire fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.
4. En l'espèce, Mme A... a été informée par un courrier du 16 mai 2017 du projet de la muter dans l'intérêt du service et elle a été invitée à consulter son dossier. Toutefois, elle a expressément renoncé à consulter son dossier. Elle se prévaut des dispositions de l'instruction du 20 novembre 2012 de la direction générale de la gendarmerie nationale relative à la mutation d'office d'un militaire dans l'intérêt du service pour des motifs tenant à la personne qui prévoit qu'est jointe à la lettre d'information sur le projet de mutation d'office, une copie des documents motivant le projet de mutation. Toutefois, le courrier du 16 mai 2017 l'informant de l'intention de procéder à sa mutation, était accompagné d'un rapport du colonel, commandant la gendarmerie en Guadeloupe, qui justifiait la demande de mutation. Ce rapport faisait état des résultats de l'enquête administrative menée à la suite du signalement de discrimination fait par Mme A.... Par ailleurs, celle-ci avait été informée personnellement par une lettre du 15 mars 2017 du général commandant l'inspection de la gendarmerie lui présentant les conclusions de l'enquête et, au vu de celles-ci, les réserves qu'appelaient son comportement. Mme A... a donc été mise à même d'obtenir communication de ce rapport d'enquête comme de tous les éléments motivant sa mutation, contrairement à ce qu'elle prétend. S'il ressort des pièces du dossier qu'elle a demandé le 31 mai 2017, à l'inspection générale de la gendarmerie nationale, le rapport d'enquête administrative, daté du 20 février 2017 et l'ensemble de ces annexes, elle a obtenu communication du rapport d'enquête administrative et de l'ensemble de ses annexes le 3 octobre 2017, préalablement donc à la décision implicite contestée de rejet de son recours. En outre, elle ne faisait état à aucun moment dans sa demande du 31 mai 2017 de communication de l'enquête administrative de la nécessité d'obtenir ses éléments pour assurer sa défense, alors qu'elle ne pouvait ignorer que la mesure la concernant serait décidée dans l'urgence. Si elle fait enfin valoir que la sanction de dix jours d'arrêts, envisagée à son encontre, a été retirée faute qu'elle ait pu prendre connaissance de l'enquête administrative, il s'agit d'une procédure distincte qui n'est pas soumise au même régime juridique. Il ne résulte pas de ce qui précède que Mme A... qui a été mise à même de consulter son dossier et qui n'a pas exercé ce droit, aurait été privée des éléments utiles à sa défense préalablement à la mutation d'office dont elle a fait l'objet. Ce vice de procédure ne peut donc qu'être écarté.
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de l'enquête administrative menée suite au signalement de discrimination de Mme A..., dont les conclusions sont reprises tant dans le courrier adressé par le général commandant l'inspection à Mme A..., le 15 mars 2017 que dans le rapport du commandant de groupement de Guadeloupe, annexé à la lettre du 16 mai 2017 l'informant du projet de la muter dans l'intérêt du service qu'aucun éléments ne permet de laisser présumer des agissements de harcèlement, de dénigrement ou de discrimination à l'encontre de Mme A... et qu'au contraire, les demandes de comptes-rendus qui lui ont été adressées par sa hiérarchie et dont elle se plaignait, étaient justifiées. Il ressort également du rapport d'enquête que l'ambiance de travail de la brigade de Saint-Claude s'est dégradée depuis son affectation alors qu'elle était bonne auparavant. Le rapport d'enquête souligne également que, si l'adjointe au commandant d'unité, objet du signalement de discrimination de Mme A..., peut avoir des manières peu diplomatiques et abruptes, elle est également appréciée pour sa franchise, son professionnalisme et ses conseils par les autres militaires de la brigade. Le rapport souligne que les résultats de la brigade étaient bons alors que l'appelante critiquait le comportement professionnel de ses collègues, y compris dans un rapport adressé au commandant de son unité, le 13 septembre 2016, moins de deux mois après son arrivée. Par ailleurs, si Mme A... a porté plainte contre l'adjointe au commandant d'unité, le 13 septembre 2016, cette plainte a été classée sans suite par le procureur de la République de Basse-Terre pour infraction insuffisamment caractérisée même si l'appelante s'est ultérieurement portée partie civile. Mme A... a ainsi multiplié les rapports sur les dysfonctionnements de sa brigade et les mises en cause de ses collègues, sans que le rapport d'enquête établisse la réalité des faits ainsi dénoncés. Enfin, si l'appelante soutient qu'elle aurait pu être mutée dans une autre brigade de Guadeloupe, comme elle l'avait demandé dans le cadre du mouvement normal de mutation, l'autorité militaire a pu estimer à bon droit que la remise en cause par l'intéressée de ses supérieurs, commandant d'unité et son adjointe mais également commandant de compagnie, ne permettait pas une telle affectation. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que sa mutation d'office serait entachée d'erreur d'appréciation.

6. Une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent. Si Mme A... soutient que sa mutation d'office est contraire à ses intérêts personnels et professionnels, elle a été invitée préalablement à cette décision à formuler des vœux et elle a été affectée sur un poste de " chef de groupe enquêteurs " comprenant des responsabilités plus importantes que celles exercées en Guadeloupe. Par ailleurs, si Mme A... a fait l'objet parallèlement à sa mutation, d'une procédure disciplinaire engagée le 12 avril 2017, la circonstance qu'un militaire ait fait l'objet comme en l'espèce d'une sanction disciplinaire, prononcée en l'occurrence le même jour que la mutation d'office, le 9 juin 2017, ne prive pas l'autorité compétente de la possibilité de prendre en outre à son égard une mesure dans l'intérêt du service. Au demeurant, la sanction disciplinaire a été retirée le 19 mars 2018 pour un vice de procédure. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 5, la mutation d'office de Mme A... était motivée par la dégradation des relations de travail au sein de la brigade où elle était affectée et a également mis fin à la situation de souffrance au travail de l'intéressée, ressentie depuis son affectation dans cette brigade. Par suite, la volonté de sanctionner Mme A... en la mutant d'office dans l'intérêt du service n'est pas établie. Le moyen tiré du détournement de pouvoir, résultant de ce que la mutation d'office constituerait une sanction déguisée ne peut donc qu'être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision implicite de rejet de son recours contre la décision du 9 juin 2017 n'est pas établie. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées uniquement sur cette illégalité fautive, ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.



1
5
N°20DA01516
1
3
N°"Numéro"



Abstrats

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Mutation.

Source : DILA, 26/10/2021, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Douai

Date : 07/10/2021