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CAA de PARIS, 4ème chambre, 24/09/2021, 19PA00698, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme HEERS

Rapporteur : M. Pascal MANTZ

Commissaire du gouvernement : M. BARONNET

Avocat : GENESIS AVOCATS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande n° 1801026 enregistrée le 23 janvier 2018, la société Actimage Consulting a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) à lui verser la somme de 87 091,74 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 novembre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 18 novembre 2017, au titre du solde du marché signé le 24 mars 2014, ayant pour objet la mise à disposition d'un outil de travail collaboratif unifié pour les collaborateurs du cabinet du PDG de l'institut.

Par une deuxième demande n° 1801043 enregistrée le 23 janvier 2018, la société Actimage Consulting a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de l'INRA du 23 novembre 2017 portant résiliation du marché précité ainsi que la décision du même institut du 22 décembre 2017 portant décompte de résiliation.

L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Actimage Consulting à lui verser la somme de 22 572,38 euros au titre du solde du décompte de résiliation du marché précité.

Par un jugement nos 1801026, 1801043/3-3 du 11 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société Actimage Consulting et condamné cette dernière à verser à l'INRA la somme de 22 572,38 euros au titre du solde du décompte de résiliation du marché ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2019 et le 30 juillet 2020, la société Actimage Consulting, représentée par la SELARL Genesis Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions de l'INRA du 23 novembre 2017 portant résiliation du marché signé le 24 mars 2014, ayant pour objet la mise à disposition d'un outil de travail collaboratif unifié, ainsi que du 22 décembre 2017 portant décompte de résiliation ;

3°) de condamner l'INRA à lui verser la somme de 87 091,74 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 novembre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 18 novembre 2017, au titre du solde du marché précité ;

4°) de mettre à la charge de l'INRA la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de résiliation est illégale dès lors qu'elle est intervenue après la date d'expiration du marché ;
- la date du 31 décembre 2016 a marqué la fin des relations contractuelles et, en conséquence, l'impossibilité d'appliquer des pénalités de retard ou de résilier le marché ;
- la question de la régularité ou du bien-fondé de la décision de résiliation ne saurait être circonscrite à l'hypothèse d'une résiliation aux frais et risques du cocontractant mais se pose également dans l'hypothèse d'une résiliation simple ;
- le décompte de résiliation est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de résiliation ;
- les premiers juges ne pouvaient lui opposer l'irrecevabilité de sa demande de paiement du solde du marché au motif qu'elle n'aurait pas repris sa réclamation formulée antérieurement à la notification du décompte de résiliation dès lors que cette règle n'est pas inscrite au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication (CCAG-TIC) ;
- elle a en tout état de cause réitéré sa réclamation antérieure de paiement du solde du marché dans son courrier du 16 janvier 2018, qui constitue une lettre de réclamation au sens de l'article 47.2 du CCAG-TIC, tant au regard des démarches entreprises par elle pendant près d'un an qu'au regard de l'absence de caractère contradictoire du décompte de résiliation ;
- le montant de la demande contenue dans ce courrier du 16 janvier 2018 était connu de l'INRA et se résumait au paiement du solde du marché ;
- sa lettre du 23 novembre 2017 portant rappel de la demande de paiement du solde du marché satisfait en tout état de cause aux exigences de l'article 47.2 du CCAG-TIC ;
- les premiers juges ne pouvaient lui opposer l'irrecevabilité de ses conclusions relatives au décompte de résiliation au motif que sa lettre du 16 janvier 2018 ne constituerait pas un mémoire de réclamation au sens de l'article 47.2 du CCAG-TIC, permettant à l'INRA d'être pleinement informé des motifs de la contestation et du montant des sommes réclamées ;
- les pénalités que lui a infligées l'INRA en guise de représailles sont infondées ;
- elle a respecté ses engagements contractuels et a livré l'outil commandé en répondant à l'ensemble des spécifications du marché alors que l'INRA n'a jamais été en mesure de mettre à sa disposition un Active Directory fonctionnel.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2019 et le 24 septembre 2020, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), devenu l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Actimage Consulting de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le recours en illégalité de la décision de résiliation est sans objet dès lors que les premiers juges ont statué après le terme du marché ;
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation et, par voie de conséquence, du décompte de résiliation, sont irrecevables dès lors qu'elles ne sont pas assorties d'une demande de reprise des relations contractuelles ;
- le courrier de la société Actimage Consulting du 16 janvier 2018 est insuffisant à la faire regarder comme ayant utilement contesté le décompte de résiliation du 22 décembre 2017 ;
- à supposer que les réclamations antérieures au décompte de résiliation des 12 octobre 2017 et 23 novembre 2017 puissent lui être opposées, celles-ci seraient en tout état de cause tardives au regard de l'article 47.2 du CCAG-TIC.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication (CCAG-TIC) ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de Me Dimondo représentant la société Actimage consulting,
- et les observations de Me Rameau représentant l'Institut national de la recherche agronomique.


Considérant ce qui suit :

1. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et la société Actimage Consulting ont conclu, le 24 mars 2014, un marché ayant pour objet " la mise à disposition d'un outil de travail collaboratif unifié pour les collaborateurs du cabinet du président-directeur général ayant en charge la gestion de son agenda, la coordination de ses productions et déplacements, et ses relations extérieures ", pour un montant de 80 640,50 euros HT. Ce marché, initialement conclu pour une durée de deux ans, a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2016, par avenant du 23 mars 2016. Par décision du 23 novembre 2017, l'INRA a notifié à la société Actimage Consulting une décision de résiliation du marché pour faute, sur le fondement de l'article 42 du CCAG-TIC, au motif d'une inexécution de ses obligations contractuelles. Par lettre du 22 décembre 2017, le pouvoir adjudicateur a notifié au titulaire le décompte de résiliation du marché, arrêté à la somme de 22 572,38 euros en faveur de l'INRA, du fait notamment des pénalités de retard infligées à la société à compter du 1er janvier 2017. La société Actimage Consulting relève appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions de l'INRA des 23 novembre 2017 et 22 décembre 2017 portant respectivement résiliation du marché et décompte de résiliation de ce dernier ainsi qu'à la condamnation de cet établissement à lui verser la somme de 87 091,74 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 novembre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts, au titre du solde du marché, et, d'autre part, l'a condamnée à verser à l'INRA la somme de 22 572,38 euros, correspondant au solde du décompte de résiliation du 22 décembre 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de résiliation :

2. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Dans un tel cas, lorsqu'il résulte de l'instruction que le terme stipulé du contrat est dépassé durant la durée de l'instance, le juge constate un non-lieu à statuer sur ces conclusions. Dans le cas où la décision de résiliation du contrat a cessé de produire ses effets par le dépassement du terme contractuel avant l'introduction de la requête, les conclusions tendant à la contestation de validité de la résiliation du contrat et à la reprise des relations contractuelles sont irrecevables.

3. Tant devant le tribunal administratif que devant la Cour, la société requérante a formé des conclusions à fin d'annulation de la décision de résiliation du marché, qui tendent seulement à l'annulation d'une mesure d'exécution du contrat et qui ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme visant à la reprise des relations contractuelles. De telles conclusions sont irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation du décompte de résiliation :

4. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, la société Actimage Consulting ne saurait utilement soutenir que le décompte de résiliation serait illégal en conséquence de l'illégalité de la décision de résiliation. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la décision de résiliation sont inopérants.

5. En second lieu, aux termes de l'article 47.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication (CCAG-TIC) : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ". Un mémoire ou une lettre du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens de l'article 47.2 précité que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

6. Il résulte de l'instruction qu'aucun accusé de réception n'ayant été produit par l'INRA, devenu l'INRAE, la date de notification du décompte de résiliation du marché du 22 décembre 2017 n'est pas établie. Toutefois, la société Actimage Consulting doit être regardée comme ayant eu connaissance de ce décompte à la date du 16 janvier 2018, date du courrier de son conseil adressé à l'INRA, par lequel celui-ci demande notamment le retrait de cette décision. Si, par ce courrier, dont l'objet est " Recours gracieux, rappel de la réclamation et des tentatives de règlement amiable ", la société Actimage Consulting soutient qu'elle a formé une lettre de réclamation au sens de l'article 47.2 susvisé du CCAG-TIC, elle se borne à y invoquer les vices de forme et de fond entachant, selon elle, la mesure de résiliation, à soutenir que " les pénalités évoquées par l'INRA ne sont pas dues " et à rappeler que sa réclamation " porte sur le solde du marché, soit 72 576,45 euros HT ". Ainsi et alors même que ce courrier comporterait le rappel d'une réclamation antérieure à ce décompte et son montant global, elle n'y expose pas, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation du décompte, notamment, d'une part, l'ensemble des sommes dont le paiement ou la décharge est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, en particulier les bases de calcul des sommes réclamées qui permettraient au maître d'ouvrage d'en apprécier le bien-fondé. A cet égard, si la société Actimage Consulting invoque l'existence de réclamations de paiement du solde du marché formées par des courriers antérieurs au décompte de résiliation, notamment ses courriers de mise en demeure du 12 octobre 2017 et de rappel de cette mise en demeure du 23 novembre 2017, elle n'a fait aucune référence à ces réclamations dans son courrier du 16 janvier 2018 ni ne les a jointes à ce dernier. La lettre du 23 novembre 2017 ne saurait, en outre, satisfaire par elle-même aux exigences de l'article 47.2 du CCAG-TIC dès lors qu'elle est antérieure à la connaissance par la société requérante du décompte de résiliation qui n'y est donc pas contesté. Dans ces conditions, la lettre du 16 janvier 2018 n'étant pas constitutive d'une réclamation au sens de l'article 47.2 susvisé du CCAG-TIC, faute de présenter les bases de calcul de la réclamation, et aucun autre courrier portant contestation du décompte de résiliation n'ayant été communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois courant à compter du jour où le différend est apparu, soit le 16 janvier 2018 au plus tard, le décompte de résiliation est devenu définitif, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la société requérante ait contesté auprès de l'INRAE la régularité de la résiliation et lui ait présenté une demande d'indemnisation. Dès lors, les conclusions de la société Actimage Consulting dirigées contre le décompte de résiliation doivent être regardées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre fin de non-recevoir opposée par l'INRAE et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, comme irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. La société Actimage Consulting reprend en appel, dans des termes similaires, ses prétentions invoquées en première instance relatives au paiement du solde du marché. Il y a lieu de rejeter ces prétentions par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 9 à 11 du jugement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Actimage Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes et l'a condamnée à verser à l'INRAE la somme de 22 572,38 euros au titre du solde du décompte de résiliation du marché.
Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'INRAE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Actimage Consulting demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Actimage Consulting une somme de 1 500 euros à verser à l'INRAE sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Actimage Consulting est rejetée.
Article 2 : La société Actimage Consulting versera à l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Actimage Consulting et à l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2021.
Le rapporteur,




P. MANTZ
La présidente,




M. HEERS La greffière,




S. GASPAR
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l''innovation et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 19PA00698



Abstrats

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation. - Droit à indemnité.
39-08-01 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Recevabilité.

Source : DILA, 05/10/2021, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 24/09/2021