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CAA de NANTES, 4ème chambre, 16/10/2020, 19NT04940, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LAINE

Rapporteur : M. Thurian JOUNO

Commissaire du gouvernement : M. BESSE

Avocat : GIROUD


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Léger-sous-Cholet a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, de prononcer la résolution du contrat qu'elle avait conclu avec la société Mobidecor, portant sur la fourniture de 700 chaises, et de condamner cette société à lui rembourser la somme de 46 532,88 euros en contrepartie de la restitution des chaises et, à titre subsidiaire, de condamner la société Mobidecor à lui verser une somme globale de 51 532,88 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1801746 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Mobidecor à verser une somme de 15 000 euros à la commune de Saint-Léger-sous-Cholet (article 1er), a mis à la charge de cette société le versement à cette commune d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, et des mémoires enregistrés les 16 mars 2020 et 22 juin 2020, la société Mobidecor, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Saint-Léger-sous-Cholet ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Léger-sous-Cholet la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il retient que le cahier des charges est une pièce contractuelle ;
- le cahier des charges n'est pas une des pièces contractuelles du marché ;
- la commune ne peut utilement lui reprocher le fait que les chaises ne sont pas empilables dès lors que le cahier des charges n'est pas une des pièces contractuelles du marché ;
- l'absence de caractère empilable des chaises n'a causé aucun préjudice.


Par un mémoire, enregistré le 19 mars 2020, la commune de Saint-Léger-sous-Cholet demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, de prononcer la résolution du contrat qu'elle avait conclu avec la société Mobidecor, portant sur la fourniture de 700 chaises, et de condamner cette société à lui rembourser la somme de 46 532,88 euros en contrepartie de la restitution des chaises, sur le fondement de la garantie des vices cachés, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de porter de 15 000 à 40 000 euros la somme que la société Mobidecor a été condamnée à lui verser en réparation de ses préjudices ;

2°) de mettre à la charge de la société Mobidecor la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- les chaises comportaient un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil ; la responsabilité de la société Mobidecor est donc engagée à ce titre ;
- à défaut la responsabilité contractuelle de cette société est engagée ;
- la faute de cette société a causé des dommages esthétiques sur les chaises, liés à leur endommagement prématuré, un trouble de jouissance lié à la difficile manipulation des piles de chaises et à la multiplicité des démarches nécessaires pour que la commune fasse valoir ses droits ; ces préjudices s'élèvent à 40 000 euros.


Un mémoire, enregistré le 14 septembre 2020, a été présenté par la commune de Saint-Léger-sous-Cholet, postérieurement à la clôture de l'instruction, fixée au 4 mai 2020 par une ordonnance du 20 mars 2020, et reportée au 23 juin 2020 par application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la société Mobidecor, et de Me B..., représentant la commune de Saint-Léger-sous-Cholet.


Considérant ce qui suit :
1. Le 17 avril 2015, la commune de Saint-Léger-sous-Cholet (Maine-et-Loire) a publié, sur un site internet spécialisé dans la publication d'appels à la concurrence en matière de marchés publics, un document intitulé " achat des tables et chaises - cahier des charges ", par lequel elle indiquait rechercher un prestataire susceptible de lui fournir, pour sa nouvelle salle des fêtes, 760 chaises empilables par dix, ces piles de chaises devant être transportables à l'aide d'un diable. Postérieurement à cet appel public à la concurrence, le maire de cette commune a signé, le 15 décembre 2015, un devis de la société Mobidecor, lequel portait sur la fourniture de 700 chaises " empilables " présentant une " coque monobloc " et de 120 barres d'espacement de rangées. La société Mobidecor a facturé, le 29 février 2016, les chaises et les barres d'espacement de rangées ainsi commandées, pour un montant de 46 532,88 euros TTC. Ces meubles ont été livrés peu avant l'inauguration, le 2 avril 2016, de la salle des fêtes. Dès les premières utilisations, la commune a estimé qu'il était difficile d'empiler les chaises et que ces difficultés engendraient leur altération prématurée. A sa demande, une expertise a été menée, laquelle a conduit au dépôt d'un rapport le 14 février 2018. Le 23 février 2018, la commune a présenté devant le tribunal administratif de Nantes une demande fondée, à titre principal, sur la garantie des vices cachés et tendant à la résolution du contrat de vente ainsi qu'à la condamnation de la société Mobidecor au reversement du prix du marché, soit 46 532,88 euros. A titre subsidiaire, elle demandait, au titre de la responsabilité contractuelle, le versement d'une indemnité compensatrice de ses préjudices par la société Mobidecor.
2. Par un jugement du 23 octobre 2019, les premiers juges ont condamné la société Mobidecor à verser une somme de 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts, à la commune de Saint-Léger-sous-Cholet, mis à la charge de cette société le versement à cette commune d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande de la commune. La société Mobidecor relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable tandis que la commune présente un appel incident.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Les premiers juges ont estimé que le devis établi par la société Mobidecor faisait suite à l'appel à la concurrence émis le 17 avril 2015 par la commune de Saint-Léger-sous-Cholet et que, si le marché attribué à cette société portait, en définitive, uniquement sur l'achat de 700 chaises, et non sur les 760 chaises mentionnées dans l'appel à la concurrence, cette circonstance ne suffisait pas à démontrer que le document intitulé " achat des tables et chaises - cahier des charges " ne constituait pas une pièce contractuelle. En se prononçant de la sorte, les premiers juges ont, sur ce point, suffisamment motivé leur jugement, contrairement à ce qui est soutenu. Le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En l'espèce, ni le devis de la société Mobidecor signé et accepté le 15 décembre 2015 par le maire de la commune de Saint-Léger-sous-Cholet ni aucun autre document émanant de celle-ci ne comprend de mention expresse selon laquelle le document intitulé " achat des tables et chaises - cahier des charges ", unique élément du dossier de consultation publié le 17 avril 2015, serait au nombre des pièces constitutives du marché. Ce dernier document ne saurait par ailleurs être regardé comme une pièce contractuelle au seul motif que le devis a été établi consécutivement à l'appel public à la concurrence émis le 17 avril 2015. En effet, le marché litigieux, qui présente le caractère d'un marché de fournitures, a été passé selon une procédure adaptée. Or, l'article 28 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable, permettait à la commune, en qualité de pouvoir adjudicateur, de négocier avec la société Mobidecor, cette négociation pouvant porter sur tous les éléments de l'offre, et notamment sur les caractéristiques techniques des chaises. Par suite, il résulte de l'instruction que le devis signé et accepté par le maire de la commune, en sa qualité de représentant du pouvoir adjudicateur, doit être regardé comme la seule pièce constitutive du marché. C'est ainsi à tort que, pour condamner la société Mobidecor à verser à la commune, au titre de sa responsabilité contractuelle, une indemnité de 15 000 euros, les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance par cette société des termes du document intitulé " achat des tables et chaises - cahier des charges ", qui prévoyait la livraison de chaises empilables par dix.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le surplus des moyens soulevés à l'appui des conclusions indemnitaires de la commune devant le tribunal ainsi qu'au soutien de l'appel incident présenté devant la cour.
En ce qui concerne la garantie contre les vices cachés :
6. Le vice caché, lequel se définit comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination, ne donne pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du code civil, applicables aux marchés publics de fourniture.
7. En l'espèce, si les chaises livrées à la commune sont difficilement empilables, il n'est pas contesté qu'elles assurent leur fonction première consistant à permettre l'assise, dans des conditions de confort et de sécurité appropriées, des usagers de la salle municipale qu'elles équipent. Dans ces conditions, les chaises livrées doivent être regardées, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, comme n'étant pas impropres à leur destination. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir, à l'appui de son appel incident, que les chaises comporteraient un vice caché et à demander à ce titre la résolution du contrat la liant à la société Mobidecor ainsi que la restitution du prix du marché.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société Mobidecor :
8. D'une part, le devis signé et accepté le 15 décembre 2015 par le maire de la commune de Saint-Léger-sous-Cholet mentionne expressément que les chaises commandées par cette dernière devaient présenter un caractère " empilable ", mention qui n'est au demeurant pas contredite par la fiche technique fournie à la commune relative à ces chaises, et doit être lu à la lumière de l'avis d'appel public à la concurrence auquel il avait pour objet de répondre. D'autre part, il résulte des circonstances dans lesquelles ce devis a été établi par la société Mobidecor et accepté par la commune, comme de l'objet même du marché, à savoir la fourniture de chaises pour une salle des fêtes, qu'en spécifiant que les chaises présenteraient un tel caractère, les parties ont entendu indiquer qu'un nombre substantiel de celles-ci devait pouvoir être empilé sans occasionner de difficultés de manutention ou de stockage.
9. Or il résulte de l'instruction, notamment des photographies produites par la commune, que, si les chaises livrées sont en principe susceptibles d'être empilées, l'empilement d'un grand nombre d'entre elles n'est en pratique pas aisé. Par ailleurs, lorsqu'elles sont constituées ne serait-ce que de cinq à sept éléments, les piles de chaises présentent un caractère chancelant, ce qui rend leur manutention et leur stockage particulièrement délicat. Par conséquent, ces chaises ne sont pas conformes à l'une des principales spécifications convenues contractuellement, tenant à ce qu'elles puissent être empilées en nombre. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'usage subi par la commune du fait de la non-conformité des chaises aux prévisions du marché en l'indemnisant à hauteur de la moitié du prix des seules chaises, soit à hauteur de la somme de 22 470 euros. Les préjudices esthétiques, résultant d'une détérioration prématurée des chaises, de même que les surcoûts liés à l'engagement de procédures contentieuses destinées à la préservation des droits de la commune ne sont par ailleurs pas suffisamment établis.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Mobidecor n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges l'ont condamnée à verser à la commune à titre d'indemnité une somme de 15 000 euros. En revanche, la commune de Saint-Léger-sous-Cholet est fondée à demander que l'indemnité précitée soit portée à 22 470 euros.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Léger-sous-Cholet, qui n'est pas partie perdante, au titre des frais exposés par la société Mobidecor et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de cette société à ce même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête la société Mobidecor est rejetée.
Article 2 : L'indemnité au versement de laquelle la société Mobidecor a été condamnée par l'article 1er du jugement du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes est portée à 22 470 euros.
Article 3 : Ce jugement est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : La société Mobidecor versera une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Léger-sous-Cholet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel incident de la commune de Saint-Léger-sous-Cholet est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mobidecor et à la commune de Saint-Léger-sous-Cholet.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04940
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Source : DILA, 05/11/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 16/10/2020