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CAA de NANCY, 1ère chambre, 29/10/2020, 19NC00827, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. WURTZ

Rapporteur : M. Jean-Marc FAVRET

Commissaire du gouvernement : Mme PETON

Avocat : CABINET RACINE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G..., épouse F..., et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du maire de Montreux-Vieux en date du 5 décembre 2016 procédant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2015 leur attribuant la concession n° G6 dans le cimetière communal et, d'autre part, la décision du 2 janvier 2017 portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1706636 du 6 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du maire de Montreux-Vieux du 5 décembre 2016, ainsi que la décision du 2 janvier 2017, et rejeté le surplus des conclusions des parties.



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00827 le 19 mars 2019, la commune de Montreux-Vieux, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2019 ;

2°) de mettre à la charge de Mme G..., épouse F..., et de M. F... une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier : le tribunal aurait dû rejeter la requête pour tardiveté ; le jugement est insuffisamment motivé ;
- la demande de première instance était irrecevable pour tardiveté ;
- elle était tenue, en application des dispositions de l'article L. 2223-15 du code général des collectivités territoriales, de retirer l'arrêté du 3 juin 2015.


Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2019, Mme H... G..., épouse F..., et M. E... F..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montreux-Vieux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Mme H... G..., épouse F..., et M. E... F... ont, par un courrier du 2 juin 2015, sollicité le renouvellement à perpétuité de la concession funéraire n° G6 située dans le cimetière communal de Montreux-Vieux, laquelle appartenait jusqu'alors à M. C... G..., oncle de Mme H... G.... Le maire de Montreux-Vieux a procédé, au profit des intéressés, au renouvellement de cette concession, par un arrêté du 3 juin 2015. Toutefois, M. A... G..., fils de M. C... G..., ayant fait connaître en juin 2016 l'intention de son père de renouveler les concessions familiales G6 et D24, le maire de Montreux-Vieux a procédé au retrait de l'arrêté du 3 juin 2015, par un arrêté du 5 décembre 2016, au motif que la commune avait " accepté par erreur le renouvellement de ladite concession au profit de Mme G... H... et M. F... E... ". La commune de Montreux-Vieux fait appel du jugement du 6 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 5 décembre 2016, ainsi que la décision du 2 janvier 2017 rejetant le recours gracieux de M. et Mme F....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, à supposer même que la demande de première instance était, ainsi que le soutient la commune requérante, tardive, et que le tribunal aurait ainsi accueilli à tort cette demande alors qu'elle était irrecevable, cette circonstance affecterait le bien-fondé du jugement, et non sa régularité.

3. En second lieu, après avoir souligné que " Les décisions portant attribution de concessions funéraires perpétuelles sont des décisions individuelles créatrices d'un droit réel immobilier au profit de leurs bénéficiaires " et rappelé le principe posé par la jurisprudence selon lequel l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits que si elle est illégale et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, le tribunal administratif de Strasbourg en a conclu que " dès lors que le délai de quatre mois était expiré, c'est à tort que le maire de la commune de Montreux-Vieux a procédé, par sa décision du 5 décembre 2016, au retrait de la décision du 3 juin 2015 attribuant la concession funéraire litigieuse aux requérants ". Le jugement est, dès lors, suffisamment motivé.

4. Par suite, la commune de Montreux-Vieux n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
6. Il est constant que ni l'arrêté du 5 décembre 2016 portant retrait de l'arrêté du 3 juin 2015, ni la décision du 2 janvier 2017 rejetant le recours gracieux de M. et Mme F... n'ont été accompagnés d'une mention des voies et délais de recours. Dès lors, les délais de recours contentieux contre ces deux décisions n'avaient pas encore commencé à courir, lorsque la demande de première instance a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2017. Par suite, la commune de Montreux-Vieux n'est pas fondée à soutenir que cette demande était irrecevable pour tardiveté.





Sur le bien-fondé du jugement :

7. Il ressort du point 2 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 5 décembre 2016 et la décision du 2 janvier 2017 au motif que l'administration ne pouvait retirer une décision individuelle créatrice de droits illégale que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

8. Les décisions portant attribution de concessions funéraires perpétuelles sont des décisions individuelles créatrices d'un droit réel immobilier au profit de leurs bénéficiaires. Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle ainsi créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

9. Il est constant que le maire de Montreux-Vieux a procédé au retrait de son arrêté du 3 juin 2015 portant renouvellement, au profit des époux F..., de la concession n° G6, par un arrêté du 5 décembre 2016, soit au-delà du délai de quatre mois au cours duquel l'autorité administrative peut retirer un acte individuel illégal créateur de droit. Dès lors, à supposer même que l'arrêté du 3 juin 2015 serait illégal, le maire de Montreux-Vieux ne pouvait plus le retirer à la date d'adoption de l'arrêté contesté du 5 décembre 2016.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montreux-Vieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 5 décembre 2016 et la décision du 2 janvier 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme F..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Montreux-Vieux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montreux-Vieux une somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme F... au titre des mêmes dispositions.







DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la commune de Montreux-Vieux est rejetée.
Article 2 : La commune de Montreux-Vieux versera à Mme G..., épouse F..., et à M. F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montreux-Vieux, à Mme H... G..., épouse F..., et à M. E... F....
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
2
N° 19NC00827



Abstrats

01-01-06-02-01 Actes législatifs et administratifs. Différentes catégories d'actes. Actes administratifs - classification. Actes individuels ou collectifs. Actes créateurs de droits.
01-03-01-02-01-01-03 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - Forme et procédure. Questions générales. Motivation. Motivation obligatoire. Motivation obligatoire en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979. Décision retirant ou abrogeant une décision créatrice de droit.
01-09-01-02 Actes législatifs et administratifs. Disparition de l'acte. Retrait. Retrait des actes créateurs de droits.
135-02-02-06 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune. Cimetières.

Source : DILA, 09/11/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 29/10/2020