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CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 18/06/2020, 19MA05821, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. POUJADE

Rapporteur : Mme Elisabeth BAIZET

Commissaire du gouvernement : Mme GIOCANTI

Avocat : LE PRADO


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2017 par lequel le maire de la commune de Marseille a délivré à M. A... D... un permis de construire modificatif, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par une ordonnance n° 1709360 du 30 avril 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande pour irrecevabilité.

Par une décision n° 432058 du 27 décembre 2019, le Conseil d'État a renvoyé à la Cour la requête de Mme F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 juin et 10 septembre 2019 et 13 mars 2020, Mme F..., représentée par Me J..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 30 avril 2019 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été invitée à régulariser sa requête ;
- elle avait intérêt pour agir contre le permis.


Par un mémoire en intervention enregistré le 10 mars 2020, Mme I... C..., représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle fait valoir que Mme F... n'a pas d'intérêt pour agir contre le permis.


Par lettre du 27 mai 2020, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire en défense de Mme I... C..., en l'absence de mémoire en défense présenté par la commune de Marseille ou de M. A... D....


Les mémoires produits par M. A... D... les 2 et 3 juin 2020 ont été enregistrés après la clôture automatique de l'instruction intervenue en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative et n'ont pas été communiqués.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :

- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- les observations de Me G... substituant Me H... représentant M. A... D... et Mme I... C....


Considérant ce qui suit :


1. Mme F... relève appel de l'ordonnance du 30 avril 2019 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2017 par lequel le maire de la commune de Marseille a délivré à M. A... D... un permis de construire modificatif portant sur la diminution de la surface d'une piscine et l'augmentation des surfaces végétalisées sur un terrain situé 44 boulevard de la Pinède.


Sur l'intervention de Mme I... C... :


2. Une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions du requérant, soit à celles du défendeur. La commune de Marseille et M. A... D..., intimés, à qui la requête a été communiquée, n'ont pas présenté, avant la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, de mémoire en défense tendant au rejet de la requête de Mme F.... Par suite l'intervention, le 10 mars 2020, de Mme I... C..., qui tend au rejet de la requête, n'est pas recevable.



Sur la régularité de l'ordonnance :


3. En premier lieu, le tribunal administratif a mentionné l'objet limité du permis de construire en litige et indiqué que M. K... et Mme F... n'expliquaient pas en quoi la diminution de la surface piscinable et l'augmentation de la surface végétalisée étaient susceptibles d'affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, et a ainsi suffisamment motivé l'absence d'intérêt pour agir des requérants.


4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes de l'article L. 600-1-3 du même code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire (...) s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. Enfin, lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.



6. Il ressort des pièces du dossier que M. K... et Mme F... n'ont pas contesté le permis de construire initial. Or le permis de construire modificatif porte uniquement sur la diminution de la surface de la piscine et l'augmentation d'une surface végétalisée. M. K... et Mme F... n'ont apporté aucun élément de nature à établir que ces modifications limitées seraient de nature à affecter directement les conditions d'occupation ou d'utilisation de leur bien. Les vues ou pertes d'intimité alléguées sont liées à l'existence de la construction initiale et non à la piscine ou à la surface végétalisée. Enfin, le permis en litige ne porte pas sur des remblaiements ou rehaussement du terrain naturel ou du mur de clôture, ni sur l'ajout d'un garde-corps. Dans ces conditions, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance en litige, le tribunal administratif a considéré que M. K... et elle-même ne disposaient d'aucun intérêt pour agir contre le permis.



7. En troisième lieu et toutefois, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".



8. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de ces dernières dispositions sont, tout d'abord, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, ensuite, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non-recevoir. En pareil cas, à moins que son auteur ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique.


9. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., propriétaire de la maison, a soutenu devant le tribunal administratif, dans un mémoire en intervention enregistré le 18 mars 2019, que les requérants ne justifiaient pas de leur intérêt à agir au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme. Le greffe du tribunal a communiqué ce mémoire à M. K... et Mme F... en leur indiquant que si cette intervention appelait des observations de leur part, celles-ci devraient être produites dans les meilleurs délais. Cette communication ne comportait pas d'invitation à régulariser la requête en apportant les précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ni d'indication sur les conséquences susceptibles de s'attacher à l'absence de régularisation de la requête dans le délai imparti. Par suite, en se fondant sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la requête de M. K... et Mme F... comme manifestement irrecevable, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit.


10. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance en litige est entachée d'irrégularité. Il y a lieu d'annuler cette ordonnance pour irrégularité et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Marseille.



Sur les frais liés au litige :


11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter la demande de Mme F... fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de Mme I... C... n'est pas admise.
Article 2 : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

Article 4 : Les conclusions de Mme F... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F..., à M. L... A... D... et à la commune de Marseille.
Copie en sera adressée pour information à Mme M... C... I....
Délibéré après l'audience du 4 juin 2020 où siégeaient :

- M. Poujade président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 juin 2020
N° 19MA05821 2



Abstrats

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.

Source : DILA, 26/06/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 18/06/2020