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CAA de PARIS, 5ème chambre, 11/02/2021, 18PA03954, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. FORMERY

Rapporteur : Mme Isabelle MARION

Commissaire du gouvernement : Mme LESCAUT

Avocat : SEBAN ET ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2016, par lequel le président du conseil départemental du Val-de-Marne l'a suspendu de ses fonctions, pendant une durée de quatre mois, en application de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'illégalité fautive de la mesure de suspension prononcée à son encontre et d'enjoindre au président du conseil départemental du Val-de-Marne de le réintégrer dans ses fonctions à compter du 20 octobre 2016 dans le délai d'un mois du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1609058 du 18 octobre 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016, mais rejeté les conclusions aux fins d'injonction et condamné le département du Val-de-Marne à verser à M. A... une somme de 500 euros, majorée des intérêts légaux et des intérêts capitalisés, en réparation de son préjudice moral.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2018, le département du Val-de-Marne, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609058 du 18 octobre 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la matérialité de la faute reprochée à M. A... est établie et le refus persistant de M. A... de se conformer aux ordres donnés par son supérieur hiérarchique de porter son équipement individuel de sécurité pour exercer ses fonctions d'électricien est grave et justifiait la mesure de suspension conservatoire prise en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- M. A... n'établit pas avoir subi un préjudice moral du fait de cette mesure de suspension conservatoire et en tout état de cause, la somme de 500 euros allouée par le tribunal en réparation de ce préjudice est excessive.


Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2019, M. A..., représenté par Me E..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à l'annulation du jugement n° 1609058 du 18 octobre 2018 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il limite à la somme de 500 euros l'indemnisation de son préjudice moral ;
- à la condamnation du département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du département du Val-de-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- son équipement de protection individuelle n'ayant pas été déménagé depuis le site de Chérioux à Vitry-sur-Seine à sa nouvelle affectation sur le site de Valenton, et n'ayant pas été doté de chaussures de sécurité neuves adaptées à sa morphologie, il n'a pas été mis à même de porter son équipement de protection individuelle et n'a donc commis aucun manquement à son obligation d'obéissance hiérarchique justifiant la mesure de suspension conservatoire prise à son encontre ;
- l'acharnement de l'administration à son encontre appelle une indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 2 000 euros au lieu des 500 euros alloués par le tribunal.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,
- les observations de Me F..., représentant le département du Val-de-Marne et de Me E..., représentant M. A....


Considérant ce qui suit :

1. M. A... détient le grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe et était affecté, depuis 2009, en qualité d'électricien dans les services techniques du secteur ouest du département du Val-de-Marne, situés sur le domaine de Chérioux, à Vitry-sur-Seine. A compter du 1er avril 2016, il a été affecté pour exercer les mêmes fonctions d'électricien dans les services techniques du secteur est du département, situé sur le site de Valenton. Par un arrêté du 19 octobre 2016, le président du conseil départemental du Val-de-Marne l'a suspendu à titre conservatoire pendant 4 mois en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires. Par un jugement n° 1609058 du 18 octobre 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016 et condamné le département du Val-de-Marne à indemniser M. A... de son préjudice moral à hauteur de la somme de 500 euros. Le département du Val-de-Marne fait appel de ce jugement. M. A... présente des conclusions incidentes tendant à la réformation de ce même jugement afin de porter à 2 000 euros l'indemnisation de son préjudice moral.


Sur la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2016 :

2. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'en vue de permettre à M. A... d'exercer ses fonctions d'électricien, le département du Val-de-Marne a fait l'acquisition, le 29 juin 2015 de cinq paires de chaussures de sécurité de marques différentes puis le 12 avril 2016, de deux autres paires de chaussures de sécurité. M. A... a choisi de porter une seule des cinq paires de chaussures acquises par le département en 2015 et les paires de chaussures de trekking en 2016. A son retour de congés maladie en septembre 2016, M. A... a néanmoins refusé de porter son équipement de protection individuelle composé d'un bleu de travail et de ses chaussures de sécurité en prétextant des motifs variés tels que l'usure de ses chaussures de sécurité, l'inadaptation à la morphologie de ses pieds des autres paires de chaussures acquises par le département, un bleu de travail sale ou, en dernier lieu, l'impossibilité dans laquelle il se trouverait, faute d'être titulaire du permis de conduire, de récupérer son équipement laissé sur le site de son ancienne affectation au domaine de Chérioux. Confronté au refus persistant de M. A... de porter son équipement de sécurité, son supérieur hiérarchique direct a eu recours à un autre électricien pour le suppléer dans ses missions. En parallèle, ne pouvant réaliser ses interventions en électricité, M. A... s'est accommodé de cette situation en passant ses journées à ne rien faire dans l'atelier d'électricité ou la salle de vie du site de Valenton. Le refus de M. A... de porter son équipement de sécurité et d'effectuer tout travail constitue un manquement à l'obligation d'obéissance hiérarchique pouvant donner lieu à une sanction disciplinaire. Il apparaît en outre que le fonctionnement des services techniques du département du Val-de-Marne a été gravement perturbé par le comportement de M. A..., alors que ses collègues ont été contraints de le remplacer pour assurer, en toute sécurité, ses missions de maintenance des installations électriques du site de Valenton. Dans ces conditions, le refus d'obéissance de M. A... présente le caractère d'une faute grave pouvant justifier la mesure de suspension à titre conservatoire prononcée à son encontre. Par suite, le département du Val-de-Marne n'a commis aucune illégalité de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. A....

4. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le département du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016 suspendant l'intéressé à titre conservatoire pendant quatre mois et condamné le département du Val-de-Marne à indemniser M. A... à hauteur d'une somme de 500 euros.


Sur les conclusions incidentes présentées par M. A... :

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les conclusions incidentes tendant à que la Cour porte à 2 000 euros l'indemnisation du préjudice moral dont se prévaut l'intimé ne peuvent qu'être rejetées.


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département du Val-de-Marne, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département du Val-de-Marne présentées sur le fondement des mêmes dispositions.



DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1609058 du 18 octobre 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Les conclusions incidentes présentées par M. A... sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A... et le département du Val-de-Marne sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département du Val-de-Marne et à M. D... A....
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le rapporteur,
I. B...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



2
N° 18PA03954







Abstrats

36-10-06-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Stagiaires.

Source : DILA, 16/03/2021, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 11/02/2021