Président :
Mme BROTONS
Rapporteur :
Mme Sylvie APPECHE
Commissaire du gouvernement :
M. CHEYLAN
Avocat :
WILLAUME
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 décembre 2014 par laquelle l'institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE) à mis fin à ses fonctions, et de condamner cet institut à lui verser la somme de 5 100 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation de la rupture brutale et injustifiée de sa mission d'enseignement.
Par un jugement n° 1508985/8 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508985/8 du 29 mars 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2014 attaquée devant ce tribunal ;
3°) de requalifier son engagement en qualité de professeur assurant le cours magistral de droit public du cycle 2014-2015 de préparation au concours interne et au troisième concours d'accès à l'Ecole nationale d'administration (ENA) en recrutement suivant contrat à durée déterminée relevant des principes et des règles du droit du travail en matière de rupture anticipée d'un tel
contrat ;
4°) de condamner l'institut de la gestion publique et du développement économique à lui payer la somme de 5 100 euros en principal au titre de la rupture brutale et injustifiée de sa mission d'enseignement, avec intérêts de droit à compter du 3 juillet 2015 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que les faits qui lui ont été reprochés n'étaient pas contestés par lui et étaient établis ;
- il a, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, été privé des garanties essentielles prévues par la loi en matière de licenciement, et n'a pas pu démontrer que les difficultés rencontrées ne tenaient pas à son insuffisance professionnelle mais à de toutes autres raisons ;
- les illégalités formelles entachant la décision prise par l'administration de le recruter et la méconnaissance de la règle de limite d'âge qui aurait dû y faire obstacle sont imputables à l'IGPDE et à l'origine d'un préjudice ouvrant droit à réparation ;
- la décision d'éviction doit s'analyser comme la rupture d'une " fausse promesse " ;
- le point 22 du jugement ne répond pas l'exigence d'intelligibilité du droit posée par le conseil constitutionnel ;
- il a bien présenté, tant dans son recours gracieux que devant le tribunal, des conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de la rupture illégale de son engagement.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2018, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié ;
- l'arrêté du 5 juillet 2001 portant création de l'Institut de la gestion publique et du développement économique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations deB..., avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., administrateur civil hors classe admis à faire valoir ses droits à la retraite, a été recruté, à compter du mois de février 2014, pour assurer le cours magistral de droit public du cycle préparatoire au concours de l'Ecole nationale d'administration au sein de l'Institut de la Gestion Publique et du Développement Economique (IGPDE) pour la période 2013-2014, puis pour l'année 2014-2015. Par un courriel du 17 décembre 2014, le responsable du secteur interministériel " préparation concours et examens professionnels " l'a informé que la direction de l'Institut avait décidé " un changement rapide d'intervenant ". Le 9 janvier 2015, M. A...a présenté un recours gracieux à l'encontre de la décision révélée par ce courriel, lequel a été rejeté par une décision du 28 janvier 2015. Le 3 juillet 2015, il a sollicité le versement de la somme de
5 100 euros. Il a été reçu lors d'un entretien qui s'est déroulé le 15 juillet 2015 par la directrice de l'Institut et la directrice des études. Après avoir demandé en vain au Tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision par laquelle il a été mis fin à ses fonctions et la condamnation de l'Institut à lui verser la somme de 5 100 euros, assortie des intérêts, M. A...relève appel du jugement
n° 1508985/8 du 29 mars 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, (...) sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. ". L'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat énonce que : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre 1er du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l'Etat à l 'étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. ". Le décret n° 86-83 du
17 janvier 1986 prévu par l'article 7 de ladite loi fixe les dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat recrutés dans les conditions définies aux articles 4, 6, 6 quater,
6 quinquies et 6 sexies de cette loi, et précise notamment les conditions dans lesquelles lesdits agents peuvent être recrutés et celles dans lesquelles il peut être mis fin à leur engagement, les articles 45 et suivants de ce texte régissant notamment la procédure de licenciement des agents non titulaires et l'article 51 instituant à leur profit le versement d'une indemnité de licenciement. Toutefois, les dispositions de ce décret, ne s'appliquent pas, comme le précise son article 1er " aux agents en service à l'étranger et aux personnes engagées pour une tâche précise, ponctuelle et limitée à l'exécution d'actes déterminés. ".
3. Un agent doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu'il a été recruté pour ponctuellement répondre à un besoin de l'administration et non à un besoin permanent de celle-ci. La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois, au cours de différentes années, pour exécuter des actes déterminés n'a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d'agent contractuel. Par ailleurs, l'existence, ou l'absence du caractère permanent d'un emploi doit s'apprécier au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi et ne saurait résulter de la seule durée pendant laquelle il est occupé.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été employé par l'IGPDE, service chargé notamment, en application des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 5 juillet 2001, de mettre en oeuvre, dans le cadre de la politique ministérielle de formation, des activités de formation pour l'ensemble des personnels des ministères économiques et financiers, de concevoir et de réaliser des activités de formation, notamment dans le domaine de la gestion publique, pour assurer le cycle annuel d'enseignement magistral de droit public destiné à la préparation au concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration au cours de l'année 2014, puis pour l'année 2014-2015. Cet enseignement est dispensé de manière récurrente au sein de ce service à compétence nationale en vue de la préparation de concours qui se tiennent chaque année et comportent de manière constante une épreuve de droit public. Ainsi, si l'intéressé a été en premier lieu recruté pour répondre à un besoin ponctuel, l'Institut a confié à M. A...cet enseignement pour l'ensemble de l'année 2014-2015, en vue de satisfaire un besoin permanent de l'institut. Ces fonctions doivent être regardées comme correspondant, pour cet organisme, à un besoin non occasionnel, la circonstance que la rémunération de ces fonctions exercées à temps incomplet aient été opérées sous forme de vacations ne s'opposant pas à ce que l'intéressé soit considéré comme un agent contractuel.
5. Par suite, M. A...doit être regardé comme ayant eu, au sein de cet institut, la qualité d'agent contractuel recruté par la voie d'un contrat à durée déterminée auquel les dispositions du décret précité du 17 janvier 1986 ont vocation à s'appliquer.
6. Toutefois, aux termes de l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'article 115 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 : c : " I.-Sous réserve des exceptions légalement prévues par des dispositions spéciales, la limite d'âge des agents contractuels employés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que par toutes autres personnes morales de droit public recrutant sous un régime de droit public est fixée à soixante-sept ans. / II.-La limite d'âge mentionnée au I est, le cas échéant, reculée conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, sans préjudice des règles applicables en matière de recrutement, de renouvellement et de fin de contrat./ III.-Après application, le cas échéant, du II du présent article, les agents contractuels dont la durée d'assurance tous régimes est inférieure à celle définie à l'article 5 de la loi n° 2003-775 du
21 août 2003 portant réforme des retraites peuvent sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique et sans préjudice des règles applicables en matière de recrutement, de renouvellement et de fin de contrat, être maintenus en activité. Cette prolongation d'activité ne peut avoir pour effet de maintenir l'agent concerné en activité au-delà de la durée d'assurance définie au même article 5, ni au-delà d'une durée de dix trimestres. ". Aux termes de l'article 6-2 de cette même loi : " La limite d'âge définie à l'article 6-1 n'est pas opposable aux personnes qui accomplissent, pour le compte et à la demande des employeurs publics mentionnés au même article, une mission ponctuelle en l'absence de tout lien de subordination juridique. (...) ". L'article 8 du décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 modifié portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2012 précise : " I. - Comme il est dit aux II des articles 28 et 31 de la loi du 9 novembre 2010 susvisée, les limites d'âge applicables aux agents nés avant les dates mentionnées aux I de ces mêmes articles sont fixées, à titre transitoire, pour ceux atteignant avant le 1er janvier 2015 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite qui leur était applicable avant l'entrée en vigueur de ladite loi, de manière croissante (...) " .
7. Sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée normalement des droits au profit de celui-ci. En revanche, il ne saurait en créer en tant qu'il porterait sur une période postérieure à la limite d'âge, dès lors que la seule survenance de cette limite, définie par voie législative ou réglementaire, entraîne de plein droit la rupture de tout lien entre l'agent concerné et le service. Ainsi, en dehors des hypothèses expressément prévues par les dispositions précitées de l'article 6-1 de la loi du
13 septembre 1984, l'Etat ne peut procéder au recrutement ou au maintien en fonctions d'un agent contractuel au-delà de la limite d'âge applicable à l'intéressé.
8. Il est constant que M.A..., qui est né le 20 juillet 1947 et avait d'ailleurs été admis à faire valoir ses droits à la retraite en qualité de fonctionnaire de l'Etat, était à la date de la décision contestée âgé d'un peu plus de 67 ans et avait dépassé la limite d'âge qui lui était applicable en vertu des dispositions énoncées ci-dessus. Comme le fait valoir à bon droit l'IGPDE, la survenance de cette limite d'âge entraînait d'elle-même, dès lors que M. A...ne pouvait être regardé comme remplissant une mission ponctuelle au sens des dispositions de l'article 6-2 rappelé ci-dessus, la rupture du lien qui l'unissait avec le service et rendait son contrat, en tant qu'il s'appliquait au-delà du dépassement de cette limite, nul et non avenu et donc insusceptible de créer des droits au profit de l'intéressé. Dès lors, l'IGPDE avait compétence liée pour constater cette rupture et cela indépendamment de toute appréciation notamment sur la manière de servir de M.A.... En conséquence, tous les moyens invoqués par le requérant, tirés notamment de la privation des garanties procédurales applicables en cas de licenciement, de la rupture d'un engagement pris par l'administration et des difficultés inhérentes au type même d'enseignement dont il était chargé, sont inopérants.
9 M. A...ne saurait davantage se prévaloir utilement, pour contester la légalité de la décision du 17 décembre 2014 relative à son éviction, de ce que son contrat d'engagement était entaché de vices de forme et méconnaissait les règles de limite d'âge applicables aux agents publics.
10. Il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de M. A...à fin d'annulation de la décision de l'IGPDE du 17 décembre 2014.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice résultant de la décision litigieuse du 17 décembre 2014 :
11. En l'absence d'illégalité fautive entachant la décision administrative du
17 décembre 2014, les conclusions de M. A...tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées.
12. La survenance de la limite d'âge entrainant, ainsi qu'il a été dit, de plein droit la rupture des liens entre un agent contractuel de l'Etat et ce dernier, l'intéressé n'a pas droit aux indemnités prévues en cas de résiliation du contrat et ne peut davantage prétendre à être indemnisé au titre des rémunérations non perçues pour la période postérieure à l'atteinte de cette limite.
13. M. A...qui, tant dans son recours indemnitaire préalable que dans ses écritures produites devant le tribunal et en appel, présente des conclusions tendant à être indemnisé des seuls préjudices résultant de la décision du 17 décembre 2014 relative à son éviction, ne peut utilement invoquer, à l'appui de telles conclusions, les illégalités, sans lien direct avec le préjudice en cause, entachant la décision distincte par laquelle il a été engagé pour assurer les enseignements de droits public du cycle de préparation aux concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration.
14. Enfin, la cessation des fonctions de M. A...auprès de l'IGPDE n'a causé à
l'intéressé aucun préjudice anormal et spécial dont il serait fondé à demander réparation.
15. De tout ce qui précède, il résulte que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est motivé de manière suffisante et intelligible, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation présentées devant la Cour doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, en conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 avril 2019.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01607
Source : DILA, 23/04/2019, https://www.legifrance.gouv.fr/