Président :
Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur :
M. Jean-Christophe NIOLLET
Commissaire du gouvernement :
M. BAFFRAY
Avocat :
HOURCABIE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société française de réparation automobile a demandé au Tribunal administratif de Melun :
1°) d'annuler, ou, à défaut, de résilier le contrat de délégation de service public de la fourrière automobile dans le Val-de-Marne pour le secteur n° 4 conclu le 28 juillet 2015 entre le préfet du Val-de-Marne et la société Autos Polyservices Remorquages ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 462 029, 04 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle aurait subi.
Par un jugement n° 1509106, 1509871, 1509872 du 13 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a décidé de résilier ce contrat avec un effet différé au 1er octobre 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de la société française de réparation automobile.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 avril 2018, sous le n° 18PA01213, la société Autos Polyservices Remorquages, représentée par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 février 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société française de réparation automobile devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de la société française de réparation automobile le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune irrégularité n'entache la procédure de passation de la convention en litige, et aucune erreur n'entache l'appréciation des offres, notamment au regard du troisième critère ;
- le jugement est irrégulier et entaché d'erreur de droit pour n'avoir pas recherché si les vices dont la société française de réparation automobile avait fait état, pouvaient l'avoir lésée de façon suffisamment directe et certaine dans ses intérêts ; tel n'était pas le cas ; ces vices n'étaient d'ailleurs pas en rapport avec l'éviction de cette société ;
- le jugement est aussi irrégulier et entaché d'erreur de droit pour n'avoir pas recherché si la résiliation prononcée portait atteinte - ou non - à l'intérêt général et aux droits des cocontractants ;
- cette résiliation la conduit à supporter un coût total de l'ordre de 348 120,70 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2018, la société française de réparation automobile, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Autos Polyservices Remorquages le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- le premier critère tenant à la surface des terrains a été mis en oeuvre irrégulièrement ;
- les notes mises sur ce premier critère et sur le deuxième critère tenant à la localisation des dépôts, sont entachées d'erreurs d'appréciation.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 23 juillet 2018, la société Autos Polyservices Remorquages, conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que les moyens de la société française de réparation automobile relatifs à la mise en oeuvre du premier critère et du deuxième critère, ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 juillet 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 août 2018.
II. Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018, sous le n° 18PA01258, la société française de réparation automobile, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 février 2018 en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 462 029, 04 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle a subi.
2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser cette somme de 1 462 029, 04 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 662 910 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation ;
4°) à titre très subsidiaire, d'ordonner au préfet du Val-de-Marne la communication des rapports annuels du délégataire pour les années 2016 et 2017 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison de son éviction irrégulière alors qu'elle avait une chance sérieuse de remporter le marché ;
- en ne tenant pas compte de sa note en délibéré, le tribunal administratif a commis une erreur de droit justifiant l'annulation partielle du jugement ;
- elle a droit à l'indemnisation de son manque à gagner pour un montant de 1 462 029, 04 euros ou, subsidiairement, pour un montant de 662 910 euros, déterminé à partir d'une attestation de son expert-comptable et des données de la précédente délégation ;
- son manque à gagner pourrait également être déterminé à partir des rapports annuels du délégataire pour les années 2016 et 2017.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 juin et le 7 août 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 février 2018 en ce qu'il a décidé de résilier le contrat avec un effet différé au 1er octobre 2018.
Il soutient que :
- le moyen relatif à la note en délibéré n'est pas fondé ;
- la perte de chance sérieuse de remporter le contrat et le préjudice allégués par la société française de réparation automobile ne sont pas justifiés ;
- les premiers juges ont entaché leur jugement de plusieurs erreurs de fait et de droit ; en effet, le pouvoir adjudicateur n'a ni privé de sa portée le troisième critère de sélection, ni neutralisé sa pondération, ni entaché d'illégalité son appréciation des offres au regard de ce troisième critère de sélection ; à la supposer établie, l' "illégalité" qu'ils ont retenue n'a pas eu d'incidence sur le choix de l'attributaire du lot n° 4 de la délégation.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 22 juillet 2018, la société française de réparation automobile, conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elle demande en outre à la Cour de rejeter les conclusions d'appel incident du ministre de l'intérieur.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur à l'appui de ses conclusions d'appel incident ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2018.
Une note en délibéré, enregistrée le 28 septembre 2018, a été présentée pour la société Autos Polyservices Remorquages dans l'instance n° 18PA01213.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
- le décret n° 93-741 du 24 mars 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me A...pour la société française de réparation automobile,
- les observations de Me D...pour la société Autos Polyservices Remorquages,
- et les observations de Mme C...pour le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Val-de-Marne a publié le 26 mars 2015 un avis d'appel public à la concurrence en vue de passer des contrats de délégations de service public de fourrières automobiles dans le département du Val-de-Marne, divisés en six lots correspondant à six secteurs pour la période allant du 1er juillet 2015 au 30 juin 2020 ; que la société française de réparation automobile a été informée au mois de juillet 2015 de ce que l'offre qu'elle avait présentée pour le secteur n° 4 n'avait pas été retenue ; que la convention de délégation de service public pour ce secteur a été conclue entre le préfet du Val-de-Marne et la société Autos Polyservices Remorquages le 28 juillet 2015 ; que la société française de réparation automobile a présenté un recours gracieux le 8 septembre 2015, reçu le lendemain, auquel le préfet n'a pas répondu ; que le préfet a, le 11 septembre 2015, publié l'avis d'attribution au bulletin officiel des annonces de marchés publics ; que la société française de réparation automobile a ensuite saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, de conclusions tendant au prononcé de la nullité de la convention précitée ; que, par une ordonnance du 16 octobre 2015, le juge des référés a rejeté cette requête ; que, par une réclamation du 12 novembre 2015, reçue par le préfet le 17 novembre 2015, la société française de réparation automobile a sollicité le versement d'une indemnité en vue de la réparation des préjudices qu'elle soutenait avoir subis, soit une somme de 15 000 euros au titre des frais engagés en vue de la présentation de l'offre et une somme de 1 462 029,04 euros toutes taxes comprises au titre du lot n° 4, assortie des intérêts moratoires ainsi que de leur capitalisation ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation ou, à tout le moins, la résiliation de la convention du 28 juillet 2015, et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros et la somme de 1 462 029,04 euros toutes taxes comprises au titre du lot n° 4, assortie des intérêts au taux légal ainsi que leur capitalisation ; que, par un jugement du 13 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à sa demande en décidant de résilier la convention du 28 juillet 2015 avec un effet différé au 1er octobre 2018 ; que la société Autos Polyservices Remorquages fait dans cette mesure appel de ce jugement ; que la société française de réparation automobile fait appel du même jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que le ministre de l'intérieur demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en ce qu'il a décidé de résilier le contrat avec un effet différé au 1er octobre 2018 ;
2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête de la société Autos Polyservices Remorquages et sur les conclusions d'appel incident du ministre de l'intérieur, présentées sous le n° 18PA01258 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que le bien-fondé du jugement attaqué est sans incidence sur sa régularité ; que les moyens par lesquels la société Autos Polyservices Remorquages conteste la régularité du jugement en faisant valoir qu'il n'aurait pas recherché si les vices dont la société française de réparation automobile avait fait état, pouvaient l'avoir lésée de façon suffisamment directe et certaine dans ses intérêts, et si la résiliation porterait atteinte à l'intérêt général et aux droits des cocontractants, étant relatifs au bien-fondé du jugement, ils ne peuvent qu'être écartés en ce qu'ils sont invoqués pour contester sa régularité ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité ; que si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ; que le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ;
5. Considérant que, saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ; qu'en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci ; qu'il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés ;
6. Considérant que les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ; que, pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres ; que la personne publique, qui négocie librement les offres avant de choisir, au terme de cette négociation, le délégataire, n'est pas tenue d'informer les candidats des modalités de mise en oeuvre de ces critères ; que, toutefois, si, alors même qu'elle n'y est pas tenue, elle rend publique les modalités de mise en oeuvre des critères de sélection des offres et si elle entend ensuite les modifier, elle ne peut légalement le faire qu'en informant les candidats de cette modification en temps utile avant le dépôt des candidatures, afin que celles-ci puissent être utilement présentées, dans le cas où l'information initiale sur les modalités de mise en oeuvre des critères a elle-même été donnée avant le dépôt des candidatures, ou en temps utile avant le dépôt des offres, pour que celles-ci puissent être utilement présentées, dans le cas où l'information initiale n'a été donnée qu'après le dépôt des candidatures ; que, par suite, lorsque la personne publique a informé les candidats des modalités de mise en oeuvre des critères de sélection des offres, elle ne peut en tout état de cause les modifier après le dépôt des offres sans méconnaître le principe de transparence des procédures ;
7. Considérant que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics ; que, toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 4 " Durée de la convention de délégation de service public " du règlement de la consultation, communiqué aux sociétés qui le souhaitent conformément à l'article 9 : " (...) Le délégataire devra posséder, d'une part, le matériel nécessaire à l'enlèvement des véhicules et d'autre part, un terrain clôturé pour leur gardiennage. Il doit être titulaire de l'agrément prévu à l'article R. 325-24 du code de la route (conditions d'agrément de gardien de fourrière en annexe 1) " ; qu'aux termes de l'article 12 " Critères d'appréciation des offres " de ce même document : " Sans préjudice des normes législatives et réglementaires supérieures au présent document de consultation, les critères retenus pour l'appréciation des offres, seront examinés dans l'ordre décroissant suivant : 1er critère : la surface des terrains, en proportion du nombre d'agréments détenus et leurs équipements (clôture, gardiennage...) : pondération 30 % / 2ème critère : la localisation
du ou des dépôt(s) du candidat au regard de la nécessité d'une intervention rapide en tous points du secteur concerné : pondération 30 % / Ce critère est apprécié en fonction de la distance moyenne en km et de la durée moyenne constatée au moyen du site MAPPY entre le site du candidat et le centre ville de chaque commune du secteur (fournir une copie de la recherche) : Distance moyenne en km : 15 % Durée moyenne : 15 % / 3ème critère : la nature, l'organisation et la performance des moyens de l'entreprise : pondération 20 % nombre de véhicules d'enlèvement et type et capacité d'enlèvement (10 %) nombre de chauffeurs et qualification (10 %) / 4ème critère : Pour chacun des sites du candidat, accès et accueil du public, remise tarifaire proposée aux usagers (pourcentage) par rapport aux tarifs maxima des frais de fourrière pour automobile fixés par l'arrêté interministériel du 14 novembre 2001 modifié et facilités de paiement accordées aux usagers : pondération 20 % Horaires d'ouverture : 5 % Proximité des transports en commun : 5 % Accessibilité aux personnes
à mobilité réduite : 5 % Remise tarifaire proposée aux usagers et facilités de paiement : 5 % / Dans le cas où plusieurs offres jugées les plus intéressantes seraient considérées comme équivalentes, le préfet du Val-de-Marne pourra leur demander de préciser ou compléter la teneur de leurs offres. " ; qu'aux termes de l'article 13 " Choix du délégataire " de ce document : " Au terme de la procédure d'analyse et de négociation des offres, la collectivité publique procèdera au choix de l'entreprise. " ; qu'aux termes de l'article 6 " Conditions relatives aux moyens matériels et humains " de l'annexe 1 au document de la consultation : " (...) Les moyens de l'entreprise doivent être proportionnés au nombre d'agrément dont le candidat est titulaire. (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société française de réparation automobile, a été classée en troisième position s'agissant du premier critère et a reçu la note de 4/4, à l'instar des autres candidats, sur le troisième critère, tandis que la société Autos Polyservices Remorquages, attributaire, a été classée en deuxième position s'agissant du premier critère et a également reçu la note de 4/4 en ce qui concerne le troisième critère ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le premier critère rapportant la superficie des terrains au nombre d'agréments détenus permet à l'autorité délégante d'évaluer concrètement la surface disponible pour l'activité de gardiennage ; que le préfet a donc donné la note la plus importante au candidat qui disposait de la plus grande superficie de terrain, laquelle n'a pas à être plafonnée, une surface plus importante étant susceptible d'accueillir un nombre plus élevé de véhicules ; que le troisième critère permet quant à lui de déterminer le nombre de véhicules d'enlèvement, le type de véhicules, leur capacité d'enlèvement, le nombre de chauffeurs et leur qualification, et ainsi de vérifier les capacités d'enlèvement de chaque candidat admis à présenter une offre ; que, dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, le préfet a précisé que " dans les trois offres proposées, les moyens mis à disposition pour l'exécution de la délégation de service public étaient suffisants, un nombre trop élevé de chauffeurs et de véhicules n'apportant rien pour le service public de mise en fourrière. Tous les candidats ont donc obtenu la note maximale " ; que, toutefois, si le rapport d'analyse des offres confirme que deux points ont été attribués à chaque candidat pour chaque sous-critère, il résulte de ce rapport que la commission a jugé que les moyens proposés par les trois candidats étaient suffisants " afin de ne pas pénaliser les entreprises les plus modestes " ; que les premiers juges ont estimé que la commission avait ainsi privé de sa portée l'un des critères de sélection que le préfet s'était lui-même fixés et qu'il avait communiqués aux sociétés candidates, et avait donc porté atteinte au principe de transparence des procédures et d'égal accès des candidats aux délégations de service public ; qu'ils ont également relevé que la société française de réparation automobile a obtenu la note totale de 16,40/20 en étant classée en troisième position, alors qu'elle proposait, s'agissant du troisième critère, 22 véhicules et 22 chauffeurs, la société Autos Polyservices Remorquages, attributaire, ne disposant que de 8 véhicules et de 8 chauffeurs et la société Parc Auto du Val-de-Marne, classée en deuxième position, détenant 16 véhicules et employant 17 chauffeurs ; que, pour ce troisième critère, la société française de réparation automobile présentait donc la meilleure offre ; que les premiers juges en ont déduit que, dès lors, une telle irrégularité avait eu une incidence sur le choix du délégataire, et entachait d'illégalité la convention ;
10. Considérant que, si la société Autos Polyservices Remorquages et le ministre de l'intérieur contestent l'irrégularité retenue par les premiers juges dans la mise en oeuvre du troisième critère, en soutenant que ce critère n'était qu'un " critère de capacité " visant à vérifier l'adéquation des moyens proposés par les entreprises candidates aux besoins du service, et qu'il ne pouvait donner lieu à une notation proportionnelle aux moyens proposés par chacune ces entreprises, il résulte des termes mêmes des dispositions du règlement de la consultation relatives au troisième critère, citées ci-dessus, qu'elles prévoyaient une notation en fonction du nombre et du type de véhicules d'enlèvement, de leur capacité d'enlèvement, ainsi que du nombre et de la qualification des chauffeurs, sans définir un nombre de véhicules et un nombre de chauffeurs, supposés suffisants ; que la méthode de notation effectivement mise en oeuvre par la commission, selon son rapport " afin de ne pas pénaliser les entreprises les plus modestes ", a donc été par elle-même de nature à priver de sa portée le troisième des quatre critères de sélection en conduisant, pour la mise en oeuvre de ce critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, et a ainsi altéré la pondération des critères ; que ce troisième critère étant au terme du règlement de la consultation, un critère de sélection des offres et non un critère de sélection des candidatures, la société Autos Polyservices Remorquages et le ministre ne sauraient utilement faire valoir que le pouvoir adjudicateur pouvait librement définir les modalités de mise en oeuvre du troisième critère et la méthode de notation s'il estimait les moyens mis en oeuvre suffisants ou faire état du risque d'une surcapacité en véhicules ou en chauffeurs par rapport aux besoins du service public ;
11. Considérant, en outre, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société française de réparation automobile disposait, s'agissant du troisième critère, de la meilleure offre ; que, compte tenu de l'écart séparant sa note totale de 16,40/20, de celle de 18/20 obtenue par la société Autos Polyservices Remorquages, attributaire, et de celle de 16,70/20 obtenue par la société Parc Auto du Val-de-Marne, classée en deuxième position, et compte tenu du coefficient de 20 % de la note totale attribué à ce critère par le règlement de la consultation, l'irrégularité retenue par les premiers juges dans la mise en oeuvre de ce même critère doit être regardée comme ayant exercé une incidence sur le choix du délégataire, et comme étant en rapport direct avec son éviction ; que la société Autos Polyservices Remorquages et le ministre de l'intérieur ne sont donc pas fondés à soutenir qu'elle ne pourrait utilement s'en prévaloir ;
12. Considérant, enfin, que, pour prononcer la résiliation du contrat avec effet différé au 1er octobre 2018, les premiers juges ont relevé que l'irrégularité mentionnée ci-dessus affecte la validité du contrat, ne peut être couverte par une mesure de régularisation et ne permet pas la poursuite de l'exécution du contrat, et ont estimé qu'elle implique, par sa gravité, du fait de l'ampleur du secteur concerné et en l'absence de régularisation possible, que soit prononcée cette résiliation ; que, si la société Autos Polyservices Remorquages soutient que cette résiliation porterait une atteinte excessive à l'intérêt général et aux droits des cocontractants, elle se borne à faire état que du coût total de 348 120,70 euros que cette décision implique pour elle ; que dans ces conditions, en l'absence de tout motif d'intérêt général s'y opposant, les premiers juges ont pu à bon droit, prononcer la résiliation du marché avec effet différé au 1er octobre 2018, pour tenir compte de la nécessité d'assurer la continuité du service public ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Autos Polyservices Remorquages et le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a décidé de résilier le contrat en litige ;
Sur la requête de la société française de réparation automobile :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
14. Considérant que, la société française de réparation automobile conteste la régularité du jugement du Tribunal administratif de Melun en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, en soutenant qu'il n'a pas tenu compte de sa note en délibéré ; qu'il résulte toutefois de ce jugement, qu'ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, qu'il fait mention de la production de cette note dont les premiers juges ont donc pris connaissance ; que si les premiers juges ont toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans cette note, ils ne sont tenus de le faire, à peine d'irrégularité du jugement, que si ce document contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que tel n'était pas le cas des éléments contenus dans cette note en délibéré que la société française de réparation automobile pouvait produire avant la clôture de l'instruction ; que le moyen doit par suite être écarté ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
15. Considérant que, pour rejeter les conclusions indemnitaires de la société française de réparation automobile, les premiers juges ont notamment estimé que, si elle disposait d'une chance sérieuse de remporter le marché, et avait, par suite, droit à l'indemnisation de son manque à gagner, devant être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le contrat si elle l'avait obtenu, la simple indication d'un chiffre d'affaires de 1 462 029,04 euros toutes taxes comprises pour l'ensemble de la durée de la délégation, sans mention des charges inhérentes à son activité, ne permettait pas de déterminer l'existence d'un bénéfice net tiré de la seule activité de fourrière automobile pour le secteur concerné ; qu'il y a lieu pour la Cour de rejeter ses conclusions principales tendant à obtenir la même indemnité par adoption de ces motifs ;
16. Considérant que la société française de réparation automobile se prévaut également, à l'appui de ses conclusions subsidiaires tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 662 910 euros, d'une attestation de son expert-comptable établie le 26 janvier 2018, mentionnant un chiffre d'affaires de 465 663 euros hors taxe dont elle déduit des charges de personnel de 102 445 euros, des charges de matériel de 165 697 euros et des charges de carburant et d'entretien de 64 939 euros ; que, toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, elle ne justifie pas que le chiffre d'affaires de 465 663 euros HT, correspondrait uniquement à son activité de fourrière automobile pour le lot n° 4 dont elle était précédemment délégataire ; qu'elle ne justifie d'ailleurs pas davantage de ses charges pour le lot n° 4 en retenant un pourcentage forfaitaire de 22 % du chiffre d'affaires pour le coût salarial et de 13,85 % des charges totales pour le coût du matériel, eu égard aux 22 camions et 22 chauffeurs qu'elle avait mentionnés dans sa candidature ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner au préfet du Val-de-Marne de produire les rapports annuels du délégataire pour les années 2016 et 2017, la société française de réparation automobile n'est pas fondée a soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société française de réparation automobile, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance n° 18PA01213, le versement de la somme que la société Autos Polyservices Remorquages demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et à la charge de l'Etat le versement de la somme que la société française de réparation automobile demande au même titre dans l'instance n° 18PA01258 ; qu'il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Autos Polyservices Remorquages le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société française de réparation automobile dans l'instance n° 18PA01213 et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Autos Polyservices Remorquages est rejetée.
Article 2 : La requête de la société française de réparation automobile est rejetée.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, sont rejetées.
Article 4 : La société Autos Polyservices Remorquages versera à la société française de réparation automobile une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Autos Polyservices Remorquages, à la société française de réparation automobile et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 septembre 2018.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01213-18PA01258
Source : DILA, 19/02/2019, https://www.legifrance.gouv.fr/