Base de données juridiques

Effectuer une recherche

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 23/01/2020, 18MA05445, Inédit au recueil Lebon

  • Favori

    Ajoutez ce texte à vos favoris et attribuez lui des libellés et annotations personnels

    Libellés

    Séparez les libellés par une virgule

    Annotations

  • Partager
  • Imprimer

Président : M. ALFONSI

Rapporteur : Mme Agnes BOURJADE

Commissaire du gouvernement : M. ARGOUD

Avocat : ROSE YVES & CHRISTOPHE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la communauté d'agglomération dracénoise à lui verser les sommes de 6 415 euros correspondant à cinq mois de salaires et de 19 316,44 euros au titre de l'indemnité de départ à la retraite.

Par un jugement n° 1600786 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 31 octobre 2018 ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération dracénoise à lui verser les sommes de 6 415 et de 19 316,44 euros au titre du rappel de salaires et de l'indemnité de départ à la retraite ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération dracénoise la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- son recrutement est illégal dès lors qu'il avait atteint l'âge de départ à la retraite ;
- l'activité du conservatoire municipal de la ville de Draguignan, constitué en association, a été transférée à la communauté d'agglomération dracénoise au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
- il est fondé à solliciter le paiement des deux mois de salaire des mois de juillet et d'août 2015 et de trois mois de salaire en l'absence de préavis ;
- l'indemnité de départ à la retraite est due en raison de la fin du contrat.


Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2019, la communauté d'agglomération dracénoise, représentée par la SELURL Phelip, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611 7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens soulevés d'office, tirés de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'un litige relatif aux conséquences indemnitaires du licenciement d'un salarié de droit privé dont l'activité, par transfert, a été reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif et dès lors que le contrat de droit public conclu en méconnaissance de la limite d'âge est nul et de nul effet et de l'irrégularité du jugement attaqué qui n'a pas relevé l'incompétence du juge administratif.


Une réponse à ce moyen d'ordre public a été présentée le 28 décembre 2019 pour M. C....


Une réponse à ce moyen d'ordre public a été présentée le 30 décembre 2019 pour la communauté d'agglomération dracénoise.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.


Une note en délibéré, produite pour M. C..., a été enregistrée le 13 janvier 2020.


Considérant ce qui suit :

1. M. C... relève appel du jugement du 31 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de condamnation de la communauté d'agglomération dracénoise à lui verser les sommes de 6 415 euros et 19 316,44 euros correspondant à un rappel de salaire et à l'indemnité de départ à la retraite.

2. D'une part, sauf dispositions législatives contraires, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi. Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail que, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette activité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public et qu'en cas de refus des salariés, la personne publique procède à leur licenciement dans les conditions prévues par le droit du travail. La soumission provisoire d'agents d'un service public administratif à un rapport juridique de droit privé, impliquant la compétence de la juridiction judiciaire, suppose la reprise de l'activité d'une entité économique par la personne publique qui gère ce service.

3. D'autre part, les dispositions législatives et réglementaires fixant les limites d'âge des agents publics s'opposent à elles seules au recrutement d'agents ayant atteint la limite d'âge. Les décisions administratives individuelles prises en méconnaissance de cette règle sont entachées d'un vice qui doit les faire regarder comme nulles et non avenues et ne sauraient, en conséquence, faire naître aucun droit au profit des intéressés. De même, le contrat de recrutement d'un agent ayant atteint la limite d'âge ne peut pas davantage faire naître de droits à son profit et doit être également déclaré nul et non avenu.

4. La loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public dispose, en son article 6-1 : " I.- Sous réserve des exceptions légalement prévues par des dispositions spéciales, la limite d'âge des agents contractuels employés par (...) les collectivités territoriales, leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, (...) est fixée à soixante-sept ans. (...) ". Aux termes du II de l'article 28 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'article 88 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 : " II. - Cette limite d'âge est fixée par décret dans la limite de l'âge mentionné au I pour les fonctionnaires atteignant avant le 1er janvier 2015 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite applicable antérieurement à la présente loi et, pour ceux atteignant cet âge entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2014, de manière croissante à raison : (...) 2° De cinq mois par génération pour les fonctionnaires atteignant cet âge entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 ". Aux termes de l'article 115 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " II. - La limite d'âge mentionnée au I de l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l'article 28 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ". Le législateur a, avec la promulgation de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 modifiée portant réforme des retraites, organisé le relèvement progressif de 65 ans à 67 ans de la limite d'âge dans la fonction publique. S'agissant des agents nés antérieurement au 1er juillet 1951, la limite d'âge demeure fixée à soixante-cinq ans.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., né le 11 novembre 1948, a été employé en qualité d'enseignant par contrat de travail de droit privé du 2 octobre 1971 au 30 juin 2014 par l'association du conservatoire municipal de la ville de Draguignan, personne morale de droit privé. Alors qu'il n'avait pas été licencié par l'association qui l'employait jusqu'alors, la communauté d'agglomération dracénoise, qui avait décidé de reprendre l'activité exercée par cette association, lui a proposé, le 1er juillet 2014, un nouveau contrat pour exercer les fonctions de professeur de clarinette et de saxophone. Toutefois, à la date à laquelle il a été recruté par la communauté d'agglomération, l'intéressé avait dépassé l'âge de 65 ans au-delà duquel, en vertu des dispositions légales et réglementaires rappelées aux points précédents, tout recrutement d'un agent public, sous quelque forme que ce soit, est réputé nul et de nul effet. Il en résulte que les arrêtés des 9 juillet 2014 et 14 octobre 2014 par lesquels le président de la communauté d'agglomération dracénoise a, respectivement, recruté M. C... pour la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, puis approuvé la conclusion avec l'intéressé d'un contrat à durée indéterminée à partir du 1er octobre 2014, de même que ce dernier contrat, sont des actes inexistants qui n'ont, en tout état de cause, pu avoir pour effet de conférer le statut d'agent contractuel de droit public à M. C..., dont la situation est demeurée régie par les règles de droit privé auxquelles était soumis le contrat de travail qu'il avait conclu avec son précédent employeur.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon s'est reconnu compétent pour statuer sur le litige que lui avait soumis M. C... qui, comme il vient d'être dit, se rapporte aux modalités d'exécution et de rupture d'un contrat de travail de droit privé. Il suit de là qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulon comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties en litige la charge de ses propres frais de procédure et de rejeter les conclusions qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 31 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la communauté d'agglomération dracénoise
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme E..., présidente-assesseure,
- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2020.
La rapporteure,
signé
A. F...Le président,
signé
J.-F. ALFONSI
La greffière,
signé
M. D...
La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
4
N° 18MA05445



Abstrats

17-03 COMPÉTENCE. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION. - REPRISE PAR UNE PERSONNE MORALE DE DROIT PUBLIC DE L'ACTIVITÉ D'UNE ASSOCIATION EMPLOYANT DES SALARIÉS PAR CONTRATS DE TRAVAIL DE DROIT PRIVÉ - REPRISE DU CONTRAT D'UN AGENT ATTEINT PAR LA LIMITE D'ÂGE - CONTRAT NUL ET DE NUL EFFET - CONSÉQUENCE - INCOMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE.

Résumé

17-03 Les actes par lesquels une collectivité publique recrute un agent atteint par la limite d'âge prévue par les dispositions législatives et réglementaires applicables aux agents contractuels de droit public sont nuls et non avenus et ne peuvent avoir pour effet de conférer à cet agent le statut d'agent contractuel de droit public. La juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige relatif à l'indemnité de départ à la retraite opposant un agent à un employeur public qui l'a recruté au-delà de la limite d'âge en raison de la reprise de l'activité d'une association qui l'employait par contrat de travail de droit privé.

Source : DILA, 20/04/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 23/01/2020