Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur : M. François POINT
Commissaire du gouvernement : M. THIELÉ
Avocat : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER & ASSOCIES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la région Occitanie à lui verser la somme de 1 860 485 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité du rejet de sa candidature en vue de la réalisation d'un service de remorquage dans le port de Sète, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2015. Elle a également demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la région Occitanie à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1601630 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 30 janvier 2020, la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage, représentée par Me G... demande à la Cour : 1°) d'ordonner avant dire droit une expertise utile à la solution de l'affaire ; 2°) d'annuler ce jugement ; 3°) de condamner la région Occitanie à lui verser la somme de 1 803 875 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2015 ; 4°) de condamner la région Occitanie à lui verser la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - il y a lieu d'ordonner la communication avant dire droit du rapport d'analyse des offres complet et non occulté ; - la décision l'évinçant du marché est illégale ; - la décision d'attribution de l'agrément à la société Thomas Services Maritimes est illégale ; - le principe d'égalité de traitement des candidats, de publicité, de mise en concurrence et de transparence des procédures de passation des marchés publics ont été méconnus ; - la modification des critères de choix des offres en cours de procédure a porté atteinte au principe de transparence des procédures ; la modification du critère relatif à la protection incendie, deux jours avant la date limite de remise des offres, a permis de rendre recevable la candidature de la société Thomas Services Maritimes ; - une telle modification était substantielle ; elle est constitutive d'un détournement de pouvoir et de procédure ; - l'abaissement de la norme " Fifi " est incompatible avec les exigences de la lutte incendie dans le port de Sète ; - le choix a été porté sur la société Thomas Services Maritimes en vertu d'un critère qui ne figurait pas dans le règlement de consultation ; l'obligation de publicité s'étend aux sous-critères ; la région Occitanie a fait usage de sous-critères qui ne découlaient pas des critères affichés ; - l'appréciation de la valeur de son offre est entachée d'erreur manifeste concernant les trois critères de l'offre ; - elle a subi un manque à gagner d'un montant de 1 365 225 euros ; - elle a droit à l'indemnisation des frais liés aux licenciements résultant de la perte du marché, établis à la somme de 403 650,65 euros ; - elle a droit à l'indemnisation des frais liés au nettoyage du site pour un montant de 12 000 euros et au transfert des remorqueurs pour une somme de 22 830 euros. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 mai 2019 et le 7 février 2020, la région Occitanie, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) de mettre à la charge de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête d'appel est irrecevable ; elle ne présente aucun moyen propre à critiquer le jugement attaqué ; - les moyens soulevés sont irrecevables ; - les règles de publicité et de mise en concurrence n'ont pas été méconnues ; - la capacité " Fifi one " était un critère de recevabilité des candidatures et non de sélection des offres ; aucune modification n'est intervenue dans les critères de sélection des offres ; les équipements de lutte contre l'incendie n'ont pas été pris en compte dans l'appréciation du mérite respectif des offres ; - la modification relative aux équipements de lutte contre l'incendie était justifiée par les besoins du port de Sète ; le matériel " Fifi 1/4 " était suffisant ; - la société Thomas Service Maritimes disposait du matériel requis pour la lutte contre les incendies ; - le principe de transparence a été respecté ; les conditions mentionnées dans l'avis d'appel d'offre sont restées inchangées, et l'ensemble des entreprises ayant retiré un dossier ont été informées des modifications ; - le principe d'égalité de traitement n'a pas été méconnu ; - la société requérante n'a pas été lésée de façon directe et certaine ; - le moyen tiré du détournement de pouvoir et de procédure est irrecevable et infondé ; - elle n'a eu recours à aucun critère nouveau ; la diversification de l'activité n'a pas été prise en compte pour l'évaluation des offres ; - la qualité du matériel proposé par la société Thomas Services Maritimes était supérieure ; - la diversification des activités a été appréciée par rapport au critère de l'organisation du travail ; - aucun sous-critère lié à la présentation d'une garantie financière n'a été mis en oeuvre ; - la valeur respective des offres a été évaluée justement ; - la société requérante n'avait aucune chance sérieuse d'obtenir l'agrément de remorquage portuaire ; - les préjudices invoqués par la requérante ne sont pas établis ; la réalité du manque à gagner n'est pas établie ; les coûts de licenciement ne sont pas justifiés ; les autres frais ne sont pas justifiés ; - la demande de communication du rapport d'analyse des offres non cancellé est contraire au principe du respect du secret en matière commerciale et industrielle ; - la demande d'expertise avant dire droit ne présente pas un caractère utile et n'est pas justifiée. Par ordonnance en date du 3 février 2020, le président de la 6e chambre de la Cour administrative d'appel de Marseille a reporté la clôture de l'instruction au 17 février 2020. La Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a produit un mémoire enregistré le 26 février 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des transports ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C... Point, rapporteur, - les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public, - les observations de Me G... pour la Compagnie sétoise de remorquage et de Me A... pour la région Occitanie. Considérant ce qui suit : 1. L'établissement public régional Port Sud de France, à qui la région Occitanie a confié la gestion et l'exploitation du port de Sète, a lancé le 24 avril 2015 un appel à candidatures " pour la réalisation d'un service de remorquage portuaire en vue d'une présentation à l'agrément de l'autorité portuaire ". Après audition de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage et de la société Thomas Services Maritimes, seules candidates ayant déposé un dossier, la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a été informée par courrier du 22 juillet 2015 du rejet de sa candidature. Par un courrier du 26 novembre 2015, la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a présenté une demande d'indemnisation auprès de la région Occitanie. En l'absence de réponse à cette demande préalable, une décision implicite de rejet est née le 26 janvier 2016. La Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage fait appel du jugement en date du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la région Occitanie à lui verser la somme de 1 860 485 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sur la recevabilité de la requête : 2. Il ressort des pièces du dossier que la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a présenté devant la Cour, dans les délais d'appel, une requête qui ne constituait pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonçait à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant sa demande. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, les fins de non-recevoir opposées sur ce point par la région Occitanie doivent être écartées. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne le cadre du litige : 3. Aux termes du premier alinéa de l'article D. 5342-1 du code des transports : " L'exercice du remorquage dans les ports dont l'activité dominante est le commerce et la pêche, à l'exclusion de leurs bassins exclusivement destinés à la plaisance, est subordonné à un agrément délivré, au regard des conditions de sécurité dans le port, par l'autorité portuaire. (...) Le règlement particulier de police du port fixe les conditions nécessaires pour assurer la sécurité portuaire. ". Il résulte de ces dispositions que le service de remorquage dans les ports est soumis à des dispositions particulières, qui donnent compétence à l'autorité portuaire pour autoriser une entreprise à exploiter un tel service. 4. L'appel à candidatures " pour la réalisation d'un service de remorquage portuaire en vue d'une présentation à l'agrément de l'autorité portuaire ", publié le 24 avril 2015, précise que l'agrément, d'une durée de sept ans, est délivré par la région Occitanie, à l'issue de l'analyse des propositions reçues et selon les critères définis dans le règlement de consultation. Dans ce cadre, la région Occitanie et Port Sud de France ont élaboré un cahier des charges définissant les conditions administratives et techniques d'exécution des prestations de remorquage. Il résulte de l'instruction, en particulier du règlement de l'appel à candidatures, que la procédure mise en oeuvre avait pour objet de sélectionner un candidat en vue d'une attribution exclusive de l'agrément visé à l'article D. 5342-1 du code des transports. La région Occitanie, dans sa décision du 22 juillet 2015, a ainsi explicitement motivé son refus de renouveler l'agrément de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage en faisant valoir qu'une autre candidature était plus attractive. Dès lors, la région Occitanie ne s'est pas bornée à agréer les entreprises remplissant les conditions définies dans le cahier des charges pour exécuter les missions de remorquage, mais a choisi, avec son délégataire, l'établissement public régional Port Sud de France, de confier ces missions à un co-contractant. Par ailleurs, le service de remorquage constitue un service connexe au service public de gestion du port. Il résulte à cet égard de l'examen du cahier des charges définissant l'exécution des prestations de remorquage que l'autorité portuaire conserve un droit de contrôle sur le niveau du service, sur l'activité, et sur les comptes d'exploitation. En outre, en cas de non-respect des obligations du cahier des charges et du dossier technique remis par la société de remorquage, l'autorité portuaire dispose de la possibilité de retirer unilatéralement l'agrément. Enfin, la société de remorquage est rémunérée exclusivement par les tarifs prélevés sur les usagers. Dans ces conditions, le contrat envisagé entre l'autorité portuaire et la société de remorquage au terme de la procédure engagée par l'appel à candidature du 24 avril 2015 avait le caractère d'une délégation de service public. La passation d'un tel contrat était ainsi soumise aux règles de passation de la commande publique. En ce qui concerne la régularité de la procédure d'appel à candidature : 5. Aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. (...) /La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. /Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. ". S'agissant de la modification apportée au règlement de l'appel à candidatures : 6. L'avis d'appel à candidatures publié le 24 avril 2015 avait fixé au 26 mai 2015 à 12 h 00 la date limite de dépôt des dossiers de candidature. Le règlement de l'appel à candidatures stipulait, à son point II B, que les dossiers de candidature devraient comprendre une annexe technique dans laquelle le candidat justifait disposer d'un remorqueur équipé de moyens de lutte contre l'incendie conforme à la norme " Fifi one ", correspondant à une capacité de débit en eau de 2 400 m3/h. Par un courriel du 24 mai 2015, l'établissement public régional Port Sud de France, gestionnaire du port de Sète, a informé les candidats de la diminution des exigences concernant le matériel de lutte contre les incendies, limitée à la norme " Fifi 1/4 ", correspondant à une capacité de débit de 600 m3/h. La Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage soutient que la modification des exigences en matière de niveau de protection contre l'incendie, deux jours avant la date limite de remise des dossiers, était irrégulière et a porté atteinte au principe de transparence et d'égalité des candidats devant la commande publique. 7. Dès lors que l'autorité délégante choisit de faire connaître ses critères de sélection des offres dans l'avis d'appel public à la concurrence, elle ne peut ensuite les modifier sans porter atteinte au principe de la transparence des procédures et d'égal accès des candidats aux délégations de service public. Il lui est en revanche possible de préciser le sens et la portée de ces critères de sélection au cours de la consultation, dès lors que ces précisions n'ont ni pour objet ni pour effet de créer des discriminations injustifiées entre les entreprises candidates. 8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du courriel adressé aux candidats le 22 mai 2015, que si la norme " Fifi one " correspondait au niveau maximum de sécurité incendie, la norme " Fifi 1/4 " représentait un niveau d'équipement satisfaisant, admis par l'autorité portuaire dans le cadre de la délivrance de l'agrément. Il ressort, du reste, de l'arrêté du préfet de région du Languedoc-Roussillon en date du 30 juin 2005, que la norme " Fifi 1/4 " constituait le niveau de sécurité incendie requis pour l'agrément en vigueur jusqu'en 2015. Par ailleurs, la Compagnie sétoise de remorquage n'est pas fondée à soutenir que la convention incendie passée avec le SDIS en 2013 aurait rendu obligatoire la mise en oeuvre d'un dispositif de sécurité incendie de niveau " Fifi one ". Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'abaissement de la norme " Fifi " serait incompatible avec les exigences de la lutte contre les incendies dans le port de Sète. 9. En deuxième lieu, il n'est pas établi que la société Thomas Services Maritimes aurait été dans l'incapacité de présenter un dossier remplissant les exigences initiales, la recevabilité des dossiers de candidature n'étant pas conditionnée à la détention du matériel au moment de la présentation des offres. Dans ces conditions, la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage n'est pas fondée à soutenir que la modification en cause visait à rendre recevable la candidature de la société Thomas Services Maritimes et qu'elle serait constitutive d'un détournement de pouvoir dans le but d'avantager un candidat. 10. En troisième lieu, il résulte de l'examen du règlement de l'appel à candidatures que le niveau de protection contre l'incendie ne constituait pas un critère de sélection des offres. Les candidats devaient seulement produire, pour la composition du dossier de candidature, une annexe technique décrivant les caractéristiques des remorqueurs, dont, à l'origine, au moins un devait être équipé de moyens de lutte contre l'incendie conforme à la norme " Fifi one ". La modification relative à la norme " Fifi " est donc restée sans incidence sur la définition des critères de sélection des offres. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'examen du rapport d'analyse des offres que les moyens de lutte contre l'incendie auraient constitué un sous-critère de sélection, non prévu au règlement de l'appel à candidatures. Cependant, les équipements pour la lutte contre l'incendie étaient au nombre des matériels requis par le cahier des charges pour l'exercice des missions de remorquage. La modification en cause ayant trait au niveau d'équipement exigé, elle pouvait avoir une incidence sur l'appréciation des offres au regard du critère relatif à la qualité du matériel proposé. Il résulte toutefois de l'instruction que la région Occitanie a averti l'ensemble des candidats de la modification des exigences liées au niveau des équipements de lutte contre l'incendie avant la date limite de dépôt des dossiers et avant le commencement de la phase de négociation. La Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage n'établit ni même ne soutient que, par sa portée, cette modification aurait justifié un ajustement de son offre au cours de la phase de négociation. La région a, en outre, précisé dans son courriel du 22 mai 2015 que le niveau d'équipement incendie proposé devait s'inscrire " dans cette fourchette sans pour autant constituer un critère de sélection ". Il résulte de l'examen du rapport d'analyse des offres que le niveau des équipements de lutte contre les incendies n'a pas été pris en compte pour l'appréciation comparative des offres. Dans ces conditions, l'abaissement des exigences en matière de niveau de protection contre l'incendie, qui était justifié par l'adaptation aux besoins du service, avait une portée limitée et n'a pas eu d'incidence significative sur la formation des offres des candidats. Dès lors, une telle modification ne présentait aucun caractère discriminatoire et n'a pas porté atteinte à la transparence de la procédure d'appel à candidature. 11. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir dans le présent litige de règles de publicité et de mise en concurrence applicables en matière de marchés publics. Par suite, le moyen tiré de ce que la modification des exigences en matière de niveau de protection contre l'incendie nécessitait un avis d'appel public à la concurrence rectificatif doit être écarté. S'agissant de la mise en oeuvre de sous-critères : 12. Le règlement de l'appel à candidature stipule que les offres sont appréciées en fonction de trois critères : la qualité du matériel proposé, les tarifs proposés pour le site du port de Sète et leur cohérence avec le compte d'exploitation prévisionnel, ainsi que l'organisation du travail. Pour la note finale, ces critères sont pondérés respectivement à hauteur de 40 %, 50 % et 10 %. Le dossier des candidats devait obligatoirement comporter une proposition pour chacune des deux options définies dans le cahier des charges. 13. En premier lieu, le critère tiré de la " qualité du matériel proposé " a fait l'objet d'une appréciation de la part de la région Occitanie sur la base des quatre indicateurs figurant dans le règlement et qui sont la puissance des remorqueurs, leur ancienneté, le matériel de substitution et le nombre de remorqueurs. L'ensemble de ces indicateurs a été apprécié d'une manière globale et non pondérée. Les capacités d'investissement pour l'achat de nouveaux remorqueurs ont trait au nombre et à la qualité des matériels mis en oeuvre pour l'exercice du service et ont pu dès lors être régulièrement pris en compte dans l'appréciation du premier critère. Par ailleurs, il ressort de l'examen du rapport d'analyse des offres que l'autorité portuaire a porté une appréciation favorable sur la puissance, le nombre et la qualité du matériel proposé par la société Thomas Services Maritimes. Au regard du contenu de cette appréciation, il n'est pas établi que la note de 40 obtenue par la société Thomas Services Maritimes résulterait de la prise en compte de son matériel hauturier, qui ne correspondait pas à l'objet du marché. Par suite, la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage n'est pas fondée à soutenir que la région Occitanie aurait, sur ce point, mis en oeuvre des sous-critères non prévus au règlement de l'appel à candidature. 14. En deuxième lieu, la requérante soutient que l'autorité portuaire, pour évaluer le critère tiré de " l'organisation du travail proposé ", a mis en oeuvre un sous-critère tiré de la " diversification d'activité ", étranger à l'objet de la consultation et non explicite dans le règlement de l'appel à candidature. Toutefois, il ne résulte pas du rapport d'analyse des offres que l'autorité portuaire aurait fondé l'appréciation des mérites des candidats sur un tel sous-critère. S'il est fait mention, dans l'appréciation portée sur l'offre de la société Thomas Services Maritimes, de la diversification des activités permise par le matériel de remorquage hauturier dont elle dispose, il est précisé que " cette diversification ne saurait remettre en cause la qualité de la prestation de remorquage sur le port de Sète et ne pourra donc se faire que de manière accessoire ". En outre, l'appréciation portée sur l'offre de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage pour le critère de l'organisation du travail ne mentionne aucune considération liée à la diversification d'activité. La note obtenue par la société requérante est justifiée par des observations spécifiques sur la qualité de son offre au regard du critère relatif à l'organisation du travail proposé. 15. Il résulte de ce qui précède que la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage n'est pas fondée à soutenir que la région Occitanie aurait méconnu les principes généraux de la commande publique d'égalité de traitement des candidats, de transparence, de publicité et de mise en concurrence, en tenant compte de sous-critères non prévus au règlement de l'appel à candidature. S'agissant de l'appréciation de la valeur des offres : 16. En ce qui concerne le critère tiré de la " qualité du matériel ", la société Thomas Services Maritimes s'est vue attribuer la note de 100 sur 100, alors que la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a obtenu la note de 85 sur 100. S'agissant de la puissance du matériel, il résulte de l'instruction que les deux sociétés candidates ont proposé une flotte de deux remorqueurs, d'une puissance cumulée d'au moins 60 tonnes, conforme au cahier des charges, et un remorqueur de remplacement. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'elle proposait une flotte d'une force globale significativement supérieure à celle présentée par la société attributaire. Si les offres des deux sociétés concurrentes étaient similaires en termes de nombre et de puissance de remorqueur, celle présentée par la société Thomas Services Maritimes se distinguait par du matériel plus récent. Par ailleurs, la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage affirme que la société Thomas Services Maritimes ne dispose actuellement d'aucun remorqueur équipé d'un système de sécurité incendie permanent. Toutefois, le règlement de l'appel à candidature se bornait à exiger la possession d'un remorqueur équipé de moyens de lutte incendie, sans imposer que ce système soit installé de manière permanente sur un remorqueur. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'autorité portuaire était fondée à prendre en compte les capacités financières de renouvellement du matériel pour apprécier la qualité du matériel. Il résulte de ce qui précède que la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation portée sur les offres par la région Occitanie au regard du critère de la qualité du matériel proposé serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 17. Concernant le critère tiré de " l'organisation du travail ", la société Thomas Services Maritimes a obtenu la note de 10 sur 10 tandis que la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a obtenu la note de 4 sur 10. Ainsi qu'il a été dit précédemment au point 13, la note obtenue par la société Thomas Services Maritimes ne résulte pas de l'appréciation de la diversification de ses activités, qui a été explicitement considérée comme accessoire dans le rapport d'analyse des offres. La société requérante soutient, par ailleurs, que le système à trois bordées pour l'option II ne permet pas de garantir la satisfaction des besoins de remorquage dans le port de Sète, alors que le système à quatre bordées qu'elle propose est à même d'y répondre. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'une baisse du trafic amorcée en 2012 a été confirmée en 2013 puis s'est poursuivie en 2015 par une baisse de 3 %. Il résulte également de l'instruction que les représentants de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage, au cours de leur audition par les membres de la commission d'analyse des offres, ont indiqué travailler actuellement avec quatre bordées, même si le trafic 2015 permettait de passer à trois bordées. Ils ont, en outre, indiqué que l'option I risquait de poser des problèmes en terme d'astreintes, entraînant la création d'une bordée supplémentaire. Le rapport d'analyse des offres mentionne à cet égard que cette circonstance pourrait entraîner une augmentation des charges de personnel, déjà importantes. Le rapport indique, en outre, que le dossier de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage présente des lacunes concernant les modalités de fonctionnement des bordées, notamment en ce qui concerne le roulement des équipes. Le rapport relève au contraire que la société Thomas Services Maritimes avait présenté son système de roulement des équipes de manière détaillée et que l'organisation proposée permettait une certaine souplesse, de nature à atténuer les charges de personnel. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation des offres au regard de ce critère serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 18. Enfin, il résulte de l'instruction que, pour procéder à la notation du critère tiré des " tarifs proposés sur le site du port de Sète et leur cohérence avec le compte d'exploitation prévisionnel ", pondéré à 50 %, l'autorité portuaire a appliqué une formule mettant en rapport le tarif de l'offre la moins-disante et le tarif de l'offre évaluée. La Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage a obtenu la note de 50 et la société Thomas Services Maritimes la note de 48,37, soit un écart de 1,63 point représentant une différence de 3,26 % entre les deux offres. Si la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage soutient que son offre était 5 % moins chère que celle l'entreprise concurrente, cet écart de tarif a été pris en compte dans l'application de la formule de calcul précitée. Ainsi, la méthode de notation retenue a permis de procéder au classement des offres selon le critère tarifaire et n'a pas eu pour effet de neutraliser les écarts entre les prix des deux sociétés candidates. Par suite, le moyen doit être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'appel à candidatures ayant conduit à l'attribution du service de remorquage à la société Thomas Services Maritimes aurait été entachée d'illégalité. En l'absence de toute faute de la région Occitanie, la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage n'est pas fondée à lui demander réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise ou d'enjoindre à la région Occitanie de communiquer une version non occultée du rapport d'analyse des offres, les conclusions indemnitaires présentées par la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage doivent être rejetées. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la région Occitanie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage le versement à la région Occitanie d'une somme de 2 000 euros, au titre de ces mêmes dispositions. D É C I D E :Article 1er : La requête de la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage est rejetée. Article 2 : La Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage versera à la région Occitanie la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Compagnie sétoise de remorquage et de sauvetage et à la région Occitanie. Délibéré après l'audience du 22 février 2021, à laquelle siégeaient : - Mme D... F..., présidente, - Mme E... H..., présidente assesseure, - M. C... Point, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.2N° 18MA03091Abstrats
39-01-01 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Existence d'un contrat.Source : DILA, 30/03/2021, https://www.legifrance.gouv.fr/
Informations sur ce texte
TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative
JURIDICTION : Cour administrative d'appel
SIEGE : CAA Marseille
Date : 18/03/2021
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