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CAA de LYON, 4ème chambre, 27/02/2020, 18LY01136, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. d'HERVE

Rapporteur : Mme Véronique VACCARO-PLANCHET

Commissaire du gouvernement : Mme GONDOUIN

Avocat : BONNET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure
La société Ventoux Bâtiment Second Œuvre (VBSO) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ou, subsidiairement, de résilier les marchés de travaux signés le 9 décembre 2015 pour les lots n°s 13 à 16 du marché lancé par l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat pour des opérations de remise en état de son patrimoine immobilier et de condamner cet office public de l'habitat à lui verser la somme totale de 90 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de ces marchés.

Par un jugement n° 1600790-1600864-1600865-1600867 du 31 janvier 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint ces demandes, les a rejetées.


Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars 2018 et un mémoire enregistré le 14 février 2019, la société VBSO, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 janvier 2018 ;

2°) d'annuler ou à titre subsidiaire de résilier les marchés de travaux signés le 9 décembre 2015 pour les lots n°s 13 à 16 concernant des travaux de peintures et revêtements de sols pour les agences de Valensolles, Polygone, le Plan et Fontbarlettes du marché initié par l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat pour des opérations de remise en état de son patrimoine immobilier ;

3°) de condamner l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat à lui verser la somme totale de 80 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de ces marchés ;

4°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le délai légal pour la production des offres fixé par l'article 57-4 du code des marchés publics n'a pas été respecté et la réduction du délai de présentation des offres entache d'illégalité les marchés ;
- ses manquements antérieurs ne sont pas établis et elle avait produit de nouvelles références pour démonter qu'elle était en capacité d'assurer l'exécution du marché.

Par des mémoires en défense enregistrés le 8 juin 2018 et le 20 mars 2019, l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société VBSO au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme B... ;


Considérant ce qui suit :

1. L'office public de l'habitat Valence Romans Habitat a publié le 6 octobre 2015 un avis d'appel public à la concurrence relatif à un marché, réparti en trente-sept lots, de remise en état de son parc immobilier. La société VBSO a présenté une offre pour les lots n°s 13 à 16 correspondants aux travaux de peinture et de revêtements des sols des agences de Valensolles, Polygone, le Plan et Fombarlettes. Elle a été informée par un courrier du 10 décembre 2015 du rejet de sa candidature pour chacun des lots. La société VBSO relève appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'ensemble de ses demandes, qui tendaient à l'annulation ou, à titre subsidiaire, à la résiliation des marchés de travaux conclus pour les lots n°s 13 à 16 et à la condamnation de l'office public de l'habitat à lui verser la somme totale de 80 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de ces marchés.

2. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat. Dans ce cadre, le tiers que constitue le concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut toutefois utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. Il appartient au juge lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier selon leur nature, l'importance et les conséquences sur la poursuite du contrat, le cas échéant après régularisation, sauf à le résilier voire à l'annuler sous réserve d'une atteinte excessive à l'intérêt général. Si le tiers le demande, les préjudices résultant de l'atteinte à ses droits doivent être indemnisés.


Sur les conclusions aux fins d'annulation ou de résiliation :

3. Ainsi que la société requérante le reconnaît en appel, les marchés en litige sont régis par l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics alors en vigueur. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 57-4 du code des marchés publics est inopérant.

4. La société VBSO soutient que la réduction du délai de présentation des offres entache d'illégalité les marchés, dès lors que le principe d'une intangibilité des délais de présentation des offres procède d'un principe fondamental de sécurité en matière de marchés publics. Un tel vice, qui n'est pas d'ordre public n'est cependant pas en rapport direct avec son éviction, motivée par des manquements constatés dans l'exécution d'un marché précédent, et ce alors que ses offres pour les marchés en litige ont été déposées dans les délais impartis. Elle ne saurait donc utilement critiquer le délai imposé pour la présentation des offres.

5. Le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder uniquement sur les seuls manquements allégués d'une entreprise dans l'exécution de précédents marchés, sans rechercher si d'autres éléments du dossier de la candidature de la société permettent à celle-ci de justifier de garanties suffisantes.

6. Il résulte de l'instruction que la candidature de la société VBSO a été écartée en raison des manquements constatés dans l'exécution d'un marché précédent, dont l'objet était similaire, sur le site de A... Romans au cours des années 2013-2014. Ces manquements sont suffisamment établis par le contenu des lettres recommandées adressées à la société par l'office public de l'habitat maître d'ouvrage et les comptes rendus de chantier, qui font état de nombreux rappels adressés à la société VBSO, même s'ils concernent également d'autres sociétés. Les travaux alors confiés à la société VBSO ont en outre dû être achevés par une autre entreprise. Les références figurant dans le dossier de candidature de la société, qu'elle produit en appel, sont pour la plupart antérieures à ce précédent marché ou non datées, tandis que celles qui sont contemporaines de ce marché précédent et relatives à des travaux également effectués durant l'année 2014, concernent des chantiers de moindre ampleur, réalisés pour des montants de 8 000 et 13 000 euros alors que les marchés en litige s'élèvent à des sommes comprises entre 150 000 et 600 000 euros. L'office public de l'habitat a dès lors valablement pu estimer que la société ne justifiait pas de garanties suffisantes et écarter sa candidature en raison de l'insuffisance de ses capacités professionnelles.


Sur les conclusions indemnitaires :

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'aucune des irrégularités invoquées par la société VBSO n'est établie. Elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait été irrégulièrement évincée de l'attribution des lots n°s 13 à 16 du marché de l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat. Ses conclusions indemnitaires doivent dès lors être rejetées.

8. Il résulte de ce qui précède que la société VBSO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société requérante une somme au titre des frais liés au litige d'appel. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société VBSO une somme de 2 000 euros à verser à l'office public de l'habitat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société VBSO est rejetée.
Article 2 : La société VBSO versera la somme de 2 000 euros à l'office public de l'habitat Valence Romans Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ventoux Bâtiment Second Œuvre et à l'office public d'habitat Valence Romans Habitat.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 février 2020.

2
N° 18LY01136



Abstrats

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.

Source : DILA, 10/03/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 27/02/2020