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CAA de DOUAI, 1ère chambre, 03/11/2020, 18DA02487, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. Heinis

Rapporteur : Mme Claire Rollet-Perraud

Commissaire du gouvernement : M. Gloux-Saliou

Avocat : CAMUZET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 9 octobre 2015 par lesquels le maire de Saint-Martin-Choquel lui a délivré au nom de l'Etat deux certificats d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération destinée, d'une part, à diviser sa parcelle, d'autre part, à créer deux maisons à usage d'habitation, ensemble la décision du 1er février 2016 qui a rejeté ses recours gracieux.

Par un jugement n° 1602572, 1602573 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés en date du 9 octobre 2015 et la décision du 1er février 2016.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2018, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C....


Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 20151174 du 23 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me A... D..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a sollicité la délivrance de deux certificats d'urbanisme pour un projet consistant, d'une part, à diviser la parcelle cadastrée B337 située route de Lottinghen à Saint-Martin-Choquel, d'autre part, à créer deux maisons à usage d'habitation ou de béguinage. Le maire de la commune, agissant au nom de l'Etat, lui a délivré, le 9 octobre 2015, deux certificats d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération. Par une décision du 1er février 2016, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressé. Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions des 9 octobre 2015 et 1er février 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour accueillir le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de Saint-Martin-Choquel en estimant que le projet était incompatible avec le caractère naturel des lieux, les premiers juges ont relevé d'abord que si la parcelle d'assiette du projet en litige était incluse dans le périmètre d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique, elle était vierge de toute plantation et voisine de plusieurs parcelles construites et sa superficie était de 11 ares alors que cette zone portait sur plus de 20 000 hectares, ensuite qu'il n'était pas établi que les constructions prévues contribueraient au " mitage " de la zone protégée. Toutefois, ils n'ont exposé ni dans les motifs ni même dans les visas du jugement le motif de droit en vertu duquel un projet peut être refusé lorsqu'il est incompatible avec le caractère naturel des lieux. Le jugement attaqué était ainsi insuffisamment motivé et doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les conclusions à fin d'annulation des certificats d'urbanisme négatifs :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'inapplicabilité de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme du fait de son abrogation :

4. Aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme : " Sont abrogées : 1° La partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure à la présente ordonnance. (...) ". L'article 15 de la même ordonnance énonce que ses dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2016.

5. La légalité d'une décision administrative s'apprécie au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle elle a été prise. A la date à laquelle les certificats d'urbanisme ont été délivrés, le 9 octobre 2015, les dispositions de l'article L. 111-1-2 tel qu'il figurait dans le livre Ier de la partie législative du code de l'urbanisme étaient toujours applicables. Dès lors, le moyen soulevé par M. C... et tiré de ce que les décisions en litige seraient fondées sur des dispositions législatives abrogées manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme :

6. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / (...) b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 111-1-2 du même code alors applicable : " I. - En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seuls sont autorisés, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; / 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ; / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 110 et aux dispositions des chapitres V et VI du titre IV du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application (...) ".

8. Ainsi, l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme interdit en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de construction. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-1-2, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.

9. Il ressort d'abord des pièces du dossier que le projet en vue duquel M. C... a demandé un certificat d'urbanisme n'est pas au nombre des constructions et installations mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme.

10. Il ressort ensuite des pièces du dossier que les parcelles en litige sont desservies par la voirie et par les réseaux d'eau potable et d'électricité et qu'elles sont situées à proximité immédiate du bourg, qui comporte de nombreuses constructions dont une église et une école. Si lesdites parcelles sont séparées du bourg au nord par une route départementale et à l'est par une voie communale, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles occupent un compartiment de terrain nettement différent. Si elles sont situées à la marge du complexe bocager du bas boulonnais et de la Liane classé en zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique de type II, leur surface n'est pas significative au regard de celle de cette zone, elles sont en friche ou cultivées et le bourg est lui-même compris dans ce périmètre. Dans ces conditions, les parcelles en cause ne pouvaient pas être regardées comme situées en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

11. Enfin, le projet, qui consiste seulement à construire deux maisons d'habitation sur des parcelles d'une superficie de 582 m2 et de 570 m2, ne pouvait pas être regardé comme ayant pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.

12. Il résulte de ce qui précède que les décisions attaquées ont fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R 111-14 du code de l'urbanisme :

13. Aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (...) ".

14. Si la circonstance qu'un terrain soit situé à l'intérieur des parties actuellement urbanisées de la commune n'interdit pas par principe à l'autorité administrative, dès lors qu'une construction sur ce terrain serait de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, de se fonder sur ce motif pour délivrer un certificat d'urbanisme négatif, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet soit de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants.

15. Dans ces conditions, le maire de Saint-Martin-Choquel ne pouvait légalement se fonder sur l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme pour délivrer à M. C... les deux certificats d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation, d'une part, des arrêtés du 9 octobre 2015 par lesquels le maire de Saint-Martin-Choquel lui a délivré au nom de l'Etat deux certificats d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération destinée à diviser sa parcelle et à créer deux maisons à usage d'habitation, d'autre part, de la décision du 1er février 2016 qui a rejeté ses recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

17. Il résulte de l'instruction que le maire de Saint Martin-Choquel a délivré à M. C... au nom de l'Etat, le 19 avril 2019, deux certificats d'urbanisme positifs pour son projet consistant à diviser la parcelle cadastrée B337 et créer deux maisons à usage d'habitation. Par suite, il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui délivrer des certificats d'urbanisme positifs.

Sur les frais liés au litige :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande présentée par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 9 octobre 2015 par lesquels le maire de Saint-Martin-Choquel a délivré au nom de l'Etat à M. C... deux certificats d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération destinée, d'une part, à diviser sa parcelle, d'autre part, à créer deux maisons à usage d'habitation, ensemble la décision du 1er février 2016 rejetant ses recours gracieux sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais et au maire de Saint-Martin-Choquel.






N°18DA02487 6



Abstrats

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.

Source : DILA, 21/12/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Douai

Date : 03/11/2020