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CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 10/03/2020, 18BX02909, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. NAVES

Rapporteur : Mme Déborah DE PAZ

Commissaire du gouvernement : Mme MOLINA-ANDREO

Avocat : SELARL INTERBARREAUX RACINE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cabinet Bringer, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier Charles Perrens à lui verser la somme de 27 436,24 euros assortie des intérêts moratoires à titre d'indemnisation des préjudices subis en raison de l'absence de règlement de ses prestations effectuées en sa qualité de sous-traitant de la société Aquitaine Chauffage Thermique Environnement Service Innovation (ACTESI) dans le cadre du marché n° 111042 de construction réhabilitation des unités d'admission et du centre de gestion médicale du pôle Bordeaux Santé Mentale.

Par un jugement n° 1601859 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 juillet 2018 et 4 juin 2019, la société Cabinet Bringer, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner le centre hospitalier Charles Perrens à lui verser la somme de 27 436,24 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 28 avril 2016 à titre d'indemnisation des préjudices subis en raison de l'absence de règlement de ses prestations effectuées en sa qualité de sous-traitant de la société Actesi dans le cadre du marché n° 111042 de construction réhabilitation des unités d'admission et du centre de gestion médicale du pôle Bordeaux Santé Mentale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Charles Perrens la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la responsabilité du centre hospitalier Charles Perrens est engagée car en dépit de la connaissance certaine de son intervention, le maître d'ouvrage s'est abstenu de mettre en demeure la société Actesi de régulariser la situation ;
- le maître d'ouvrage a l'obligation de s'assurer que tous les sous-traitants intervenants sur le chantier ont été acceptés et les conditions de règlements agréées ;
- n'ayant aucune obligation déclarative, elle n'avait aucune raison de douter de la régularité de sa situation ;
-le non-respect de cette obligation engage sa responsabilité si le défaut d'agrément a pour origine l'abstention fautive de ce dernier ;
-en l'espèce, elle a informé directement le centre hospitalier Charles Perrens de son intervention ;
- son intervention en tant que sous-traitant de la société Actesi était connue de la maîtrise d'oeuvre et ne pouvait être ignorée du maître d'ouvrage dès le 11 juillet 2011, date de son accès à l'application DOC6 ;
-elle assistait aux réunions de chantier ;
- elle est fondée à demander la somme de 27 436, 24 euros au titre des prestations qui ne lui ont pas été réglées ;
- ce préjudice est en lien de causalité directe avec la faute commise par le centre hospitalier Charles Perrens ;
- le centre hospitalier ne peut utilement soutenir que les prestations réalisées par elle auraient été au nombre de celles qu'il aurait pu refuser.


Par un mémoire enregistré le 17 décembre 2018, le centre hospitalier Charles Perrens, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Cabinet Bringer ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- sa responsabilité n'est pas engagée car il n'a pas entretenu de relations directes et caractérisées avec cette société ;
-il n'avait pas connaissance de cette intervention, dès lors qu'il n'était pas destinataire de courriels de notification de dépôt de documents sur l'application DOC 6 ;
- le courriel du 24 juillet 2013 qu'il a reçu a été envoyé postérieurement à l'achèvement de ses prestations ;
- elle ne participait pas aux réunions de chantiers ;
- les conditions ouvrant droit au paiement direct ne sont pas réunies ;
- elle ne justifie pas l'existence et le montant de son préjudice ;
- son préjudice est sans lien direct avec la faute commise.

Vu :
- les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics alors en vigueur ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... B...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., représentant le centre hospitalier Charles Perrens.


Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 27 juin 2011, le centre hospitalier Charles Perrens a confié le lot n° 16 " Chauffage - Ventilation - Conditionnement d'air - Plomberie sanitaire " du marché de construction réhabilitation des unités d'admission et du centre de gestion médicale du pôle Bordeaux Santé Mentale à un groupement d'entreprises constitué par les sociétés IC entreprise et Aquitaine Chauffage Thermique Environnement Service Innovation (ACTESI). La société ACTESI a sous-traité à la société Cabinet Bringer l'exécution des plans et schémas de ce lot, pour un montant de 71 000 euros. La société Cabinet Bringer n'ayant pas été payée de la totalité de sa prestation par la société ACTESI, elle a adressé le 27 novembre 2012 une demande tendant au paiement de ses prestations. Par courrier du 12 décembre 2012, le centre hospitalier lui a indiqué qu'elle n'avait pas été agréée comme sous-traitant. La société ACTESI a été déclarée en liquidation judiciaire le 20 février 2013 et le marché du lot n° 16 a été résilié par le centre hospitalier au 21 janvier 2013. Par lettre recommandée du 29 décembre 2015, la société Cabinet Bringer a adressé au centre hospitalier une demande indemnitaire d'un montant de 27 436,24 euros correspondant à la somme lui restant due. Suite à la décision implicite de rejet du centre hospitalier, la société Cabinet Bringer a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à réparer les préjudices qu'elle prétend avoir subis et résultant d'une faute quasi-délictuelle qu'il aurait selon elle commise. Par un jugement du 22 mai 2018, dont la société Cabinet Bringer relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité quasi-délictuelle :

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette loi : " Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel. / En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage. ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) ". Enfin, selon l'article 14-1 de cette loi : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maître d'ouvrage, qui ayant eu connaissance d'une sous-traitance irrégulière, s'abstient de toute mesure propre à y mettre fin, commet une faute de nature à engager sa responsabilité.

3. La société Cabinet Bringer soutient que le centre hospitalier Charles Perrens, qui avait connaissance de son intervention sur le chantier du pôle Bordeaux Santé Mentale, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en négligeant de mettre en demeure la société ACTESI, entrepreneur principal, de s'acquitter de ses obligations à son égard afin qu'elle puisse bénéficier du paiement direct, par le centre hospitalier, des prestations dont elle a assuré l'exécution.

4. S'il résulte de l'instruction que la société Cabinet Bringer était inscrite sur l'annuaire de l'application DOC 6, qui est un logiciel de partage de documents et d'informations pour les professionnels du bâtiment, utilisé pour le marché de réhabilitation du pôle Bordeaux Santé Mentale et s'il ressort du courriel du 11 juillet 2011 adressé par le service client wapp6, administrateur du logiciel précité, à la société Cabinet Bringer, que celle-ci avait eu des codes d'accès à ce logiciel lui permettant comme les autres intervenants au marché public de déposer ses documents, ces éléments n'établissent pas que le centre hospitalier Charles Perrens, maître d'ouvrage, aurait entretenu avec elle, pendant l'exécution des travaux, des relations directes et caractérisées qui conduiraient à regarder cet établissement comme suffisamment informé de la nature de l'intervention de la société Cabinet Bringer sur le chantier et des liens de celle-ci avec l'entrepreneur principal. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la société Cabinet Bringer ait participé aux réunions de chantier. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que ce n'est que le 27 novembre 2012, après que la société ACTESI ait refusé de lui payer la dernière facture d'un montant de 27 436,24 euros, que la société appelante s'est manifestée auprès du centre hospitalier Charles Perrens. Or, à cette date, et à fortiori à la date du mail du 24 juillet 2013 dont se prévaut la société, ses prestations étaient achevées depuis le mois de mars 2012 et la mise en redressement judiciaire de la société ACTESI par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 décembre 2012 était imminente. Dans ces conditions, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Bordeaux, le centre hospitalier ne pouvait plus l'accepter en qualité de sous-traitant, ce qui privait d'effet utile toute demande de régularisation ultérieure adressée au titulaire du marché. Par suite, l'abstention du centre hospitalier Charles Perrens de mettre en demeure la société ACTESI de régulariser la situation de son sous-traitant n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cabinet Bringer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais d'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier Charles Perrens la somme que demande la société Cabinet Bringer au titre de ses frais d'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier Charles Perrens sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Cabinet Bringer est rejetée.
Article 2 : La société Cabinet Bringer versera la somme de 1 500 euros au centre hospitalier Charles Perrens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cabinet Bringer et au centre hospitalier Charles Perrens.
Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme F... G..., présidente-assesseure,
Mme D... B..., premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mars 2020.
Le rapporteur,
Déborah B...Le président,
Dominique NAVESLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 18BX02909



Abstrats

39-03-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Sous-traitance.

Source : DILA, 20/04/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/