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CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 23/01/2020, 17VE02705, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. GUÉVEL

Rapporteur : Mme Barbara AVENTINO-MARTIN

Commissaire du gouvernement : M. BOUZAR

Avocat : CABINET SEBAN & ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Saint Rémy a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération du 10 décembre 2015 par laquelle le conseil municipal de Saint-Denis a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune en plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1601201-1604301-1604408 du 8 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette délibération en tant seulement que :
- elle adopte les modifications apportées après enquête publique aux articles 7.1 et 10.3 des règlements des zones UM et UTT ainsi qu'à l'article 13.3.2 du règlement de la zone UHP ;
- l'article 16 des dispositions générales du règlement et le règlement applicable à la zone UM interdisent les changements de destination et omettent de fixer un seuil de superficie au-dessus duquel les installations et constructions sont interdites dans les périmètres de constructibilité limitée institués en application des dispositions du a) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme ;
- les documents graphiques ne font pas apparaître ces seuils de superficie et la date à laquelle la servitude sera levée ;
- l'article 12.3.1 du règlement de la zone UEM impose des obligations spécifiques en matière de réalisation de places de stationnement aux hôtels de tourisme.

Le tribunal a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.


Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 août 2017 et le 13 octobre 2019, la SAS Saint Rémy, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation totale de la délibération du 10 décembre 2015 ;

2° d'annuler la totalité de la délibération du 10 décembre 2015 par laquelle le conseil municipal de Saint-Denis a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ;

3° de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les illégalités tirées de ce que des modifications ont été apportées au plan local d'urbanisme après enquête publique sans procéder de celle-ci et de ce que l'article 16 des dispositions générales du règlement, le règlement applicable à la zone UM et les documents graphiques sont contraires aux dispositions des articles L. 123-2 et R. 123-12 du code de l'urbanisme, ne pouvaient conduire à une annulation partielle de la délibération ;
- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ;
- la délibération contestée méconnait les dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la délibération du 24 octobre 2002 prescrivant la révision du plan d'occupation des sols en plan local d'urbanisme dès lors que les modalités de concertation étaient insuffisantes, qu'elles n'ont pas été respectées et ont été dénaturées et qu'un délai anormalement long s'est écoulé ;
- la délibération du 24 octobre 2002 n'a pas été notifiée aux personnes publiques associées ;
- la création d'un périmètre de constructibilité limitée sur l'îlot Strasbourg / Jean Baptiste Clément n'est pas justifiée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'article UM 2 du règlement et le document graphique du plan local d'urbanisme méconnaissent les dispositions des articles L. 123-1-5 et R. 123-12 du code de l'urbanisme et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'est fixée une proportion de logements d'une taille minimale différente selon le nombre de logements prévus dans l'opération et que le document graphique ne fait pas apparaître la taille minimale retenue dans le règlement ;
- l'article 12.3.1 du règlement applicable à la zone UEM est contraire aux dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dès lors qu'il impose des obligations spécifiques en matière de stationnement à la catégorie des bâtiments à usage d'activités et à usage de logements sociaux qu'il crée ;
- ce même article 12.3.1 du règlement applicable à la zone UM en tant qu'il prévoit 0,7 aire de stationnement par logement est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'offre de transports en commun dans la commune.

.....................................................................................................................

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la SAS Saint Rémy et de Me A..., substituant Me C..., pour la commune de Saint-Denis et l'établissement public territorial Plaine-Commune.


Considérant ce qui suit :

1. La SAS Saint Rémy relève appel, en tant seulement qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions en annulation, du jugement du 8 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé partiellement la délibération du 10 décembre 2015, en ce qu'elle adopte les modifications apportées après enquête publique aux articles 7.1 et 10.3 des règlements des zones UM et UTT ainsi qu'à l'article 13.3.2 du règlement de la zone UHP, que l'article 16 des dispositions générales du règlement et le règlement applicable à la zone UM interdisent les changements de destination et omettent de fixer un seuil de superficie au-dessus duquel les installations et constructions sont interdites dans les périmètres de constructibilité limitée institués en application des dispositions du a) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, que les documents graphiques ne font pas apparaître ces seuils de superficie et la date à laquelle la servitude sera levée, que l'article 12.3.1 du règlement de la zone UEM impose des obligations spécifiques en matière de réalisation de places de stationnement aux hôtels de tourisme.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que ni les attestations des conseillers municipaux, certifiant qu'ils ont reçu leur convocation au conseil municipal du 10 décembre 2015 le 4 décembre précédent et qu'elle était accompagnée d'une note de synthèse, ni les courriers du 4 décembre 2002, annexés au mémoire en défense de la commune enregistré au Tribunal administratif de Montreuil le 25 juillet 2016, accompagnés de leurs accusés de réception postaux, par lesquels la commune a notifié la délibération du 24 octobre 2002 aux personnes publiques associées, n'ont été communiqués à la société Saint Rémy, et, d'autre part, que les premiers juges ont tenu compte de ces attestations et courriers pour rendre le jugement attaqué. Ainsi le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 8 juin 2017 est entaché d'irrégularité et doit, dès lors, être annulé, en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la requête n° 1601201 de la société Saint Rémy.

4. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de régularité du jugement, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Saint Rémy devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur l'étendue du litige :
5. Dans la mesure, d'une part, où la SAS Saint Rémy ne demande en appel que l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté en son article 3 le surplus de ses conclusions en annulation de la délibération du 10 décembre 2015, et, d'autre part, où la commune de Saint-Denis et l'établissement public territorial Plaine-Commune ne présentent pas de conclusions incidentes, ne restent en litige devant la Cour que le surplus des conclusions de la demande présentées par la société Saint Rémy devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel, qui tendent à l'annulation totale de cette délibération.
Sur la légalité de la délibération du 10 décembre 2015 attaquée :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée. ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc (...) ".
7. Il ressort des mentions du registre des délibérations du conseil municipal de la commune de Saint-Denis que les conseillers municipaux ont été convoqués le 4 décembre 2015 pour la séance du conseil municipal du 10 décembre 2015 au cours de laquelle a été adoptée la délibération du même jour approuvant la révision du plan d'occupation des sols en plan local d'urbanisme conformément aux dispositions précitées de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales. Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire et est en outre corroborée par le versement au dossier d'une copie du courrier de convocation daté du 4 décembre 2015 mentionnant " Vous voudrez bien trouver, sous ce pli, l'ordre du jour ainsi que les différents rapports y afférents " " P. J : Rapports. ". Figure également au dossier une copie de ce rapport faisant office de note explicative de synthèse qui y a été joint. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la délibération du 10 décembre 2015 attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet, au président du conseil régional, au président du conseil général et, le cas échéant, au président de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, ainsi qu'aux représentants de l'autorité compétente en matière d'organisation des transports urbains et des organismes mentionnés à l'article L. 121-4. (...) ". L'article L. 300-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée, dispose que : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme / (...) ". Enfin, il est précisé au cinquième alinéa du I du même article, applicable au présent litige, que : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. Si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Ainsi que le prévoit l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme précité, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d'urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé.

10. Par une délibération du 24 octobre 2002 le conseil municipal de Saint-Denis a défini les modalités de la concertation en prévoyant une information régulière de la population au moyen du journal d'informations municipales, des réunions publiques de concertation dans le cadre des " démarches quartiers " à différentes étapes du projet et une exposition publique synthétisant le travail accompli.

11. D'une part, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que les modalités de concertation, prévues par cette délibération sont insuffisantes et de ce que l'article 5 de ladite délibération, aux termes duquel le conseil municipal a décidé de " (...) donner délégation au maire pour signer tout contrat, avenant ou convention de passation de services concernant la révision générale du POS ", a attribué au maire une délégation de signature trop large, doivent être écartés.

12. D'autre part, il ressort de la délibération du 20 novembre 2014 approuvant le bilan de la concertation que celle-ci a débuté en 2007, après sélection du bureau d'études chargé d'assister la commune, puis s'est poursuivie jusqu'en 2010, année au cours de laquelle a été adoptée la délibération prenant acte des débats sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables. Au cours de cette période deux numéros du journal d'informations municipales ont été distribués en juin 2007 et en juin 2008. Une vingtaine de réunions se sont tenues dans le cadre des " démarches quartiers " et ont conduit à l'instauration d'un comité consultatif associant les élus, les habitants, les associations et les organismes locaux. Cette concertation a été interrompue en décembre 2010, à la suite de la faillite du bureau d'études, pour reprendre en 2014. Une exposition de synthèse s'est tenue du 4 au 19 novembre 2014 avant que ne soit adoptée la délibération approuvant le bilan de la concertation. Le seul fait qu'a été offert au public la possibilité de déposer des contributions sur une adresse électronique dédiée et qu'une exposition supplémentaire a été organisée du 8 au 26 septembre 2010, en sus des modalités de concertation prévues par la délibération du 24 octobre 2002, n'a pas, eu égard aux conditions dans lesquelles la concertation s'est déroulée, entaché d'irrégularité la procédure de concertation prescrite par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme en vue de l'adoption de la délibération du 10 décembre 2015 approuvant le plan local d'urbanisme. En outre, la circonstance que la concertation a été interrompue entre 2010 et 2014 est sans incidence, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que d'autres étapes essentielles de l'élaboration du plan local d'urbanisme soient intervenues durant cette période. Enfin, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la délibération fixant les modalités de la concertation soit exécutée dans un délai raisonnable. Par suite, le moyen tiré de ce que les modalités de concertation prévues par l'article 4 de la délibération du 24 octobre 2002 n'ont pas été respectées doit être écarté.

13. Enfin, la commune de Saint-Denis a versé aux débats les courriers du 4 décembre 2002, accompagnés de leurs accusés de réception postaux, par lesquels elle a notifié la délibération du 24 octobre 2002 au préfet de la Seine-Saint-Denis, au président du conseil général, au président du conseil régional, aux présidents de la chambre de commerce et d'industrie, de la chambre des métiers, de la chambre d'agriculture, au président du syndicat des transports d'Ile-de-France et au président de la communauté d'agglomération Plaine-Commune, à laquelle a succédé l'établissement public territorial éponyme. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure ayant conduit à l'approbation de la délibération du 15 décembre 2015 approuvant la révision du plan d'occupation des sols en plan local d'urbanisme est entachée d'un vice tenant à l'absence de notification de cette délibération du 24 octobre 2002 à l'ensemble des personnes publiques associées, prévue par les dispositions de son article 8 ainsi que celles sus-rappelées, de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, manque en fait et ne peut qu'être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant : a) A interdire, sous réserve d'une justification particulière, dans un périmètre qu'il délimite et pour une durée au plus de cinq ans dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement ; les travaux ayant pour objet l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes sont toutefois autorisés ; (...) ".

15. En l'espèce, il ressort de la lecture du rapport de présentation du plan local d'urbanisme qu'il comporte aux pages 537 et suivantes un titre consacré à la justification de l'institution de dispositions particulières du plan. Au sein de ce rapport, chacun des sept périmètres délimités fait l'objet d'une justification particulière comportant une courte description de l'état actuel du bâti, de l'objectif poursuivi et des études à mener. En ce qui concerne en particulier le périmètre intitulé " Ilot Strasbourg / Jean Baptiste Clément ", portant sur plus de 6 500 m² de superficie, au sein duquel les terrains de la société requérante se situent, le rapport fait état d'immeubles vétustes ou de parcelles peu construites, d'un objectif de mise en oeuvre d'un programme d'accession mixte avec des commerces et des espaces permettant de désenclaver l'ilot et de ce qu'un tel projet d'aménagement doit être conçu en liaison avec l'office public d'habitat intercommunal " Plaine commune Habitat " qui possède un parc de logements important à proximité. Il en résulte que la société requérante, qui n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude matérielle sur le constat de l'état du bâti et l'ampleur du projet, n'est pas fondée à soutenir que la création de périmètres de constructibilité limitée ne serait pas justifiée par un projet d'aménagement global et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme applicable : " (...) II.- Le règlement peut fixer les règles suivantes relatives à l'usage des sols et la destination des constructions : (...) 3° Délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels les programmes de logements comportent une proportion de logements d'une taille minimale qu'il fixe ; (...) ". L'article R. 123-12 du même code précise en outre que " Les documents graphiques prévus à l'article R. * 123-11 font également apparaître, s'il y a lieu : (...) e) Les secteurs où les programmes de logements doivent, en application du 15° de l'article L. 123-1-5, comporter une proportion de logements d'une taille minimale, en précisant cette taille minimale ; (...) ".

17. Ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet d'empêcher les auteurs d'un document d'urbanisme de moduler la proportion de logements d'une taille minimale en fonction de l'importance du programme de logement. Il en résulte que la délibération en litige, qui approuve l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UM prévoyant que la réalisation de programmes de logements est subordonnée à la création d'un pourcentage minimum de logements dont la surface de plancher est supérieure à 60 m² croissant en fonction du nombre total de logements prévus, n'est pas entachée d'erreur de droit.

18. Il ressort par ailleurs du rapport de présentation que la taille moyenne des ménages à Saint-Denis est de 2,5 personnes et que les petits ménages d'1 à 2 personnes représentent 56% des ménages. Les petits logements représentent en outre près de 43% du parc des résidences principales et représentent les nouveaux logements dont la progression est la plus importante. Dans sa partie relative aux justifications des servitudes particulières, le rapport de présentation précise qu'imposer une taille minimale des logements permet de corriger la tendance à la surproduction de petits logements, due au plafonnement de dispositifs fiscaux d'aide à la production de logements locatifs, et de favoriser une offre diversifiée de logements répondant à tous les besoins. Le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) a ainsi pour objectif de " poursuivre la diversification et la qualité des produits logements " en construisant des logements à destination de toutes les catégories de population grâce notamment à des actions sur la diversité des tailles de logements. Dès lors en imposant en zone urbaine mixte UM un nombre minimal de logements d'une taille supérieure à 60 m² représentant 50 à 70% du nombre de logements selon la taille de l'opération, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas davantage entaché les dispositions précitées de l'article UM2 d'erreur manifeste d'appréciation.

19. Enfin, si le document graphique ne fait pas apparaître la taille minimale des logements, en méconnaissance des dispositions, mentionnées au point 16, de l'article R. 123-12 du code de l'urbanisme, cette circonstance n'est pas en l'espèce de nature à entacher d'irrégularité la délibération attaquée dès lors que cette précision est apportée dans le règlement.

20. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme applicable " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : (...) 12° Les obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d'aires de stationnement compatibles, lorsque le plan local d'urbanisme ne tient pas lieu de plan de déplacements urbains, avec les obligations définies par le schéma de cohérence territoriale en application des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 122-1-8 ; (...) Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif. ". S'il est loisible aux auteurs des plans locaux d'urbanisme de préciser, pour des motifs d'urbanisme et sous le contrôle du juge, le contenu des catégories énumérées à l'article R. 123-9, les dispositions de cet article ne leur permettent, toutefois, ni de créer de nouvelles catégories de destination pour lesquelles seraient prévues des règles spécifiques, ni de soumettre certains des locaux relevant de l'une des catégories qu'il énumère aux règles applicables à une autre catégorie.

21. L'article 12 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UM impose une norme de réalisation de places de stationnement différente selon les destinations suivantes : logements / hébergement hôtelier / bureaux / activité et industrie / commerce et artisanat / CINASPIC. Toutefois, il ne ressort pas du règlement qu'en utilisant les termes " activité et industrie ", les auteurs du plan aient entendu créer une nouvelle catégorie non prévue à l'article R. 123-9 précité.

22. Si cet article prévoit également un nombre de places de stationnement distinct d'une part, pour les logements, et, d'autre part, pour les logements locatifs sociaux, cette distinction trouve son fondement à l'article L. 123-1-13 du code de l'urbanisme alors applicable, lequel prévoit que les documents d'urbanisme doivent comprendre des normes de stationnement propres aux logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'Etat. Il en résulte que le moyen doit être écarté dans ses deux branches.

23. En sixième lieu, si l'offre de transport et de parcs de stationnement publics et privés est importante à Saint-Denis, il ressort du rapport de présentation qu'un peu plus de 46 % des ménages de la commune disposent d'un véhicule. En outre, il est tenu compte de la proximité des transports en commun par l'instauration d'un plan des périmètres de transports en commun au sein desquels les obligations en matière de réalisation d'aires de stationnement sont moindres. Dès lors en prévoyant à l'article 12.3.1 du règlement applicable à la zone UM, qui constitue une zone urbaine mixte couvrant une grande partie du territoire communal et composée de quartiers aux constructions récentes dont le développement urbain est encore appelé à se renforcer et de quartiers ayant fait l'objet de requalifications urbaines profondes, une norme de 0,7 place de stationnement par logement, les auteurs de ce plan local d'urbanisme n'ont pas entaché leur appréciation d'une erreur manifeste sur ce point.
24. En septième et dernier lieu, en prononçant l'annulation de la délibération attaquée, en tant notamment, d'une part, qu'elle adopte les modifications apportées après enquête publique aux articles 7.1 et 10.3 des règlements des zones UM et UTT ainsi qu'à l'article 13.3.2 du règlement de la zone UHP et, d'autre part, que l'article 16 des dispositions générales du règlement et le règlement applicable à la zone UM interdisent les changements de destination et omettent de fixer un seuil de superficie au-dessus duquel les installations et constructions sont interdites dans les périmètres de constructibilité limitée institués en application des dispositions du a) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme et que les documents graphiques ne font pas apparaître ces seuils de superficie et la date à laquelle la servitude sera levée, les premiers juges n'ont pas méconnu leur office en limitant leur annulation aux dispositions, précitées, divisibles du reste des dispositions des documents du plan local d'urbanisme approuvés par cette délibération.
25. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Saint Rémy aux fins d'annulation de la totalité de la délibération du 10 décembre 2015 et de l'article 3 du jugement attaqué doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SAS Saint Remy, qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à la commune de Saint-Denis et à l'établissement public territorial Plaine-Commune. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme que la SAS Saint Remy demande au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601201-1604301-1604408 du Tribunal administratif de Montreuil du 8 juin 2017 est annulé en tant qu'il rejette à l'article 3 le surplus des conclusions de la demande n° 1601201 de la SAS Saint Rémy.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande n° 1601201 présentées par la SAS Saint Rémy devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Saint Rémy, de la commune de Saint-Denis et de l'établissement public territorial Plaine-Commune présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE02705



Abstrats

68-01-01-01-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans. Modification et révision des plans. Procédures de révision.

Source : DILA, 04/02/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Versailles

Date : 23/01/2020