Base de données juridiques

Effectuer une recherche

CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 19/12/2018, 17MA04344, Inédit au recueil Lebon

  • Favori

    Ajoutez ce texte à vos favoris et attribuez lui des libellés et annotations personnels

    Libellés

    Séparez les libellés par une virgule

    Annotations

  • Partager
  • Imprimer

Président : M. ZUPAN

Rapporteur : M. Philippe GRIMAUD

Commissaire du gouvernement : M. THIELÉ

Avocat : SCP MANUEL GROS, HÉLOÏSE HICTER & ASSOCIÉS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

La société Bureau vérification chapiteaux tentes structures a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, de condamner la communauté de communes Leins-Gardonnenque à lui verser la somme de 2 737,68 euros toutes taxes comprises en règlement du prix des marchés de contrôle des chapiteaux, tentes et structures mobiles qu'elle lui avait confiés ou, à titre subsidiaire, de lui verser une indemnité du même montant sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour promesses non tenues.

Par un jugement n° 1503877 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2017, la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures, représentée par la SCP Gros et Hicter, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner la communauté de communes Leins-Gardonnenque à lui verser la somme de 2 737,68 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires au taux légal en règlement du prix des marchés de contrôle des chapiteaux, tentes et structures mobiles qu'elle lui avait confiés ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la communauté de communes Leins-Gardonnenque à lui verser une indemnité du même montant, augmentée des intérêts moratoires au taux légal, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour promesses non tenues ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes Leins-Gardonnenque la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- elle est titulaire de deux marchés publics conclus avec la communauté de communes Leins-Gardonnenque ;
- l'éventuelle incompétence des signataires des contrats ne constitue pas un vice suffisamment grave pour écarter leur application entre les parties ;
- elle était titulaire d'un marché à bons de commande et disposait donc de l'exclusivité de la fourniture de la prestation y afférente, de telle sorte que la communauté de communes Leins-Gardonnenque a manqué à ses obligations contractuelles en ne lui confiant pas la vérification des structures concernées par les contrats au titre des années 2015 et 2017 ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ces contrats, les vérifications pouvant être effectuées le 4 mars 2015 sans que la réglementation soit méconnue ;
- dans l'hypothèse où le contrat serait déclaré nul, elle serait en droit d'obtenir le remboursement des dépenses utiles exposées pour son application ainsi que l'indemnisation du préjudice résultant de la conclusion d'un contrat entaché de nullité ;
- à défaut, la responsabilité de la communauté de communes Leins-Gardonnenque est engagée à raison des promesses non tenues à son égard.


Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2018, la communauté de communes Leins-Gardonnenque, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- elle n'a conclu aucun contrat avec la requérante au-delà des prestations qui lui ont été demandées en 2013 ;
- à supposer qu'un contrat ait été conclu, son signataire était incompétent, ce qui constitue un vice grave de nature à écarter son application ;
- elle n'a fait aucune promesse à la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures ;
- les moyens et demandes présentés par cette société sont infondés.

Par ordonnance du 9 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2018.


Un mémoire présenté par la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures et enregistré le 24 octobre 2018 n'a pas été communiqué.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la communauté de communes Leins-Gardonnenque.


Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Leins-Gardonnenque a sollicité la société Bureau vérification chapiteaux tentes et structures, en février 2013 et décembre 2013, afin de faire précéder à la vérification de structures temporaires en toile au regard des exigences de la législation sur les établissements recevant du public. Deux documents intitulés " demande d'intervention contrat " ont été signés par des agents communaux à cette fin les 25 février 2013 et 13 décembre 2013. La société Bureau vérification chapiteaux tentes structures, s'estimant titulaire de deux marchés publics d'une durée de quatre ans portant sur la vérification biennale des trois structures mobiles concernées, a saisi la communauté de communes Leins-Gardonnenque d'une demande indemnitaire destinée à réparer le préjudice résultant du recours à un autre prestataire pour effectuer les vérifications à compter de l'année 2015.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence et la validité des contrats :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les deux documents signés par les agents de la communauté de communes Leins-Gardonnenque les 25 février 2013 et 13 décembre 2013, qui revêtent d'ailleurs l'un et l'autre l'appellation de " contrat ", mentionnent les prestations confiées à la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures ainsi que leur prix forfaitaire et comportent diverses stipulations encadrant l'intervention de cette société. Celle-ci est dès lors fondée à soutenir que ces documents, qui matérialisent formellement l'accord des parties tant sur les missions à effectuer que sur leur rémunération, constituent, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, des contrats.



3. En deuxième lieu, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.


4. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'en application d'une délibération du conseil communautaire du 15 avril 2014, adoptée sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, seul M. Martin, président de la communauté de communes Leins-Gardonnenque, disposait de la compétence pour conclure un marché au nom de l'établissement, Mme D..., directrice générale des services, ne disposant pour sa part que d'une délégation de signature relative à l'" acceptation des devis de fonctionnement ". Mme B..., agent administratif chargé du secrétariat et M. A..., agent technique chargé du suivi du matériel, signataires respectifs des marchés en cause, étaient dès lors incompétents pour les conclure.


5. L'intitulé des contrats ainsi que le fait qu'ils se réfèrent à plusieurs reprises à la notion de " demande " pouvant laisser à penser qu'ils n'impliquent que la simple commande d'une intervention ponctuelle, la circonstance qu'ils libellent certaines de leurs stipulations prévoyant une durée d'exécution de quatre ans sous la forme de " conditions d'intervention valables " pour cette même durée et qu'ils mentionnent un tarif forfaitaire par visite assorti de la possibilité pour l'administration de solliciter des devis, a pu légitimement induire en erreur les préposés de la commune ayant signé ces documents quant à leur nature et à leur portée exactes. En outre, il résulte de l'instruction, d'une part, que la signature de ces contrats par des agents dépourvus de toute capacité à engager juridiquement la commune est intervenue le jour même de l'intervention de la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures, laquelle était nécessairement de courte durée eu égard à son contenu, d'autre part, que ces prestations d'un montant modeste ont été réglées peu de temps après leur réalisation et, enfin, que les stipulations des deux contrats en cause n'ont plus eu ensuite aucune manifestation concrète dans les relations entre la requérante et l'administration en raison du caractère biennal des vérifications. Il n'apparaît pas, compte tenu du contexte qui vient d'être rappelé, qu'une autorité de l'établissement public de coopération intercommunale, et notamment son assemblée délibérante ou son président, ait pu à un quelconque moment prendre connaissance de ces pièces dans un contexte pouvant les faire regarder comme ayant exprimé explicitement ou implicitement leur assentiment à la conclusion de marchés publics d'une durée de quatre ans impliquant la vérification des équipements communaux en 2013, 2015 et 2017. La communauté de communes Leins-Gardonnenque est dès lors fondée à soutenir que, dans les circonstances où il a été commis, le vice d'incompétence relevé ci-dessus, qui est d'une particulière gravité, affecte l'existence même de son consentement et qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter l'application des deux contrats signés le 25 février 2013 et le 13 décembre 2013.






6. Il résulte de ce qui précède que la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures n'est pas fondée à se prévaloir des stipulations de ces contrats et n'est par suite pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la communauté de communes Leins-Gardonnenque.
En ce qui concerne la responsabilité extra-contractuelle :

7. L'entrepreneur dont le contrat est écarté peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action. Dans le cas où le contrat est écarté en raison d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. A ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée. Saisi d'une demande d'indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice.

8. En l'espèce, la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures ne fait état d'aucune dépense utile à la communauté de communes, ni d'aucun manque à gagner, et se borne à demander le paiement du montant total de la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait réalisé les prestations. Dès lors, en l'absence de toute indication quant à la part de charges variables exposées pour la réalisation de ces prestations, la société requérante n'établit nullement l'existence d'un bénéfice manqué.

9. La société Bureau vérification chapiteaux tentes structures, à laquelle au demeurant aucune promesse n'avait été faite ; n'est ainsi pas fondée à se plaindre, en tout état de cause, de ce que les premiers juges ont rejeté sa demande. Il y a lieu dès lors de rejeter sa requête.


Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Bureau vérification chapiteaux tentes et structures sur leur fondement soit mise à la charge de la communauté de communes Leins-Gardonnenque, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures, à verser à la communauté de communes Leins-Gardonnenque en application de ces mêmes dispositions.


D É C I D E :



Article 1er : La requête de la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures est rejetée.
Article 2 : La société Bureau vérification chapiteaux tentes structures versera une somme de 2 000 euros à la communauté de communes Leins-Gardonnenque en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau vérification chapiteaux tentes structures et à la communauté de communes Leins-Gardonnenque.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2018, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,
- M. E... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2018.
4
N° 17MA04344



Abstrats

39-01-01 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Existence d'un contrat.
39-04-01 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Nullité.

Source : DILA, 26/12/2018, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 19/12/2018