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CAA de MARSEILLE, , 02/05/2018, 17MA04231, Inédit au recueil Lebon

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Avocat : CABINET MUSCATELLI


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Rocca, la SARL Rocca Transports, la SARL Orrazi et fils, l'association " Union des marocains de la Corse du Sud " et la SAS Muffragi Matériaux ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de prescrire une expertise, aux fins de déterminer les préjudices de toute nature que leur cause l'aménagement d'un giratoire au carrefour de la RT 22 et de la route devant desservir le centre commercial Leclerc drive, sur le territoire de la commune de Sarrola Carcopino, tenant notamment à l'empiètement de l'aménagement litigieux sur certaines de leurs parcelles et aux atteintes portées aux conditions de desserte de leurs fonds respectifs.

Par une ordonnance n° 1700820 du 18 octobre 2017, cette demande a été rejetée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2017, la SA Rocca, la SARL Rocca Transports, la SARL Orrazi et fils et l'association " Union des marocains de la Corse du Sud ", représentées par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 18 octobre 2017 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de première instance.

Ils soutiennent que :

- le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la collectivité territoriale de Corse n'avait pas contesté l'empiètement de l'aménagement litigieux sur des parcelles appartenant à la société Rocca et avait envisagé de lui proposer un accord amiable, sauf à ce qu'un mémoire en ce sens n'ait pas été communiqué aux requérants, ce qui entacherait la procédure d'irrégularité ;
- la SARL Orazzi et fils ainsi que l'association " Union des marocains de la Corse du Sud " ne sont pas présentes dans les instances initiées par la SA Rocca et la SARL Rocca Transports dans lesquelles le président du tribunal administratif de Bastia a proposé une médiation aux parties ;
- en tout état de cause, la circonstance que le tribunal demeurait dans l'attente des suites que les parties aux instances pendantes entendaient donner à cette proposition ne saurait priver d'utilité la mesure d'instruction sollicitée ;
- les troubles et difficultés de desserte affectant leurs fonds sont constitutifs non pas d'une voie de fait mais d'une emprise irrégulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2017, la collectivité territoriale de Corse, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérantes, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la médiation proposée à la SA Rocca et la SARL Rocca Transports, à laquelle peuvent s'associer la SARL Orazzi et fils ainsi que l'association " Union des marocains de la Corse du Sud ", était bien susceptible de remettre en cause l'utilité de la mesure d'expertise, à l'instar de ce qui s'est produit avec la SAS Muffragi Matériaux. A titre subsidiaire, elle demande un élargissement des missions de l'expert et que le périmètre de l'expertise ne comprenne pas la SAS Muffragi Matériaux qui n'a pas relevé appel de l'ordonnance.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. La SA Rocca, la SARL Rocca Transports, la SARL Orrazi et fils, l'association " Union des marocains de la Corse du Sud " et la SAS Muffragi Matériaux, propriétaires ou occupantes de parcelles riveraines de l'aménagement litigieux, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de prescrire une expertise, aux fins de déterminer les préjudices de toute nature que leur cause l'aménagement d'un giratoire au carrefour de la RT 22 et de la route devant desservir le centre commercial Leclerc drive, sur le territoire de la commune de Sarrola Carcopino, tenant notamment à l'empiètement de cet aménagement sur certaines de leurs parcelles et aux atteintes portées aux conditions de desserte de leurs fonds respectifs. Par l'ordonnance du 18 octobre 2017, dont la SA Rocca, la SARL Rocca Transports, la SARL Orrazi et fils et l'association " Union des marocains de la Corse du Sud " relèvent appel, le juge des référés a refusé de faire droit à leur demande, au motif que, dans le cadre des instances initiées par la SA Rocca et la SARL Rocca Transports tendant à l'annulation, d'une part, de la délibération de l'assemblée de Corse du 28 mai 2015 approuvant le principe et les caractéristiques principales de ce projet d'aménagement, et, d'autre part, du permis de construire délivré à la société Corsica commercial, une proposition de médiation avait été adressée à l'ensemble des parties concernées et qu'en l'attente de leurs réponses à cette proposition, la mesure d'instruction demandée n'apparaissait pas utile.
3. A supposer même que le juge des référés a pu estimer, à la date à laquelle il s'est prononcé, que la proposition de médiation adressée par le président du tribunal administratif, dans le cadre d'instances en excès de pouvoir initiées par certaines des parties à la procédure de référé et ayant un objet distinct du litige de plein contentieux auquel la mesure d'expertise demandée pourrait se rattacher, rendait inutile cette mesure, il résulte de l'instruction que seule la SAS Muffragi Matériaux a donné suite à cette proposition et que le tribunal administratif a statué par deux jugements des 22 mars et 5 avril 2018 sur les requêtes tendant respectivement à l'annulation de la délibération de l'assemblée de Corse du 28 mai 2015 et du permis de construire délivré à la société Corsica commercial. Dans le cadre de l'action en responsabilité du maître d'ouvrage que les riverains d'un ouvrage public sont susceptibles d'exercer, l'expertise demandée, qui a notamment pour objet la détermination des troubles de toute nature que l'aménagement du giratoire litigieux a pu causer aux sociétés et à l'association requérantes, présente le caractère utile exigé par l'article R. 532-1 du code de justice administrative
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elles invoquent, que les sociétés et l'association requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.
5. En conséquence, l'ordonnance attaquée du 18 octobre 2017 doit être annulée et il y a lieu d'ordonner la mission d'expertise demandée ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, de confier également à l'expert, si les requérantes sont désormais prêtes à y souscrire, une mission de médiation, en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés et de l'association requérantes qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
O R D O N N E :


Article 1er : L'ordonnance n° 1700820 du 18 octobre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia est annulée.
Article 2 : M. B...A..., demeurant à ...- Le Poseïdon - Route de Ville, est désigné en qualité d'expert. Il aura pour mission de :

- visiter le site en cause, convoquer les parties, recueillir contradictoirement leurs observations et se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
- décrire les troubles de toute nature que l'aménagement du giratoire au carrefour de la RT 22 et de la route devant desservir le centre commercial Leclerc drive, sur le territoire de la commune de Sarrola Carcopino, a provoqué à la SA Rocca, à la SARL Rocca Transports, à la SARL Orrazi et fils ainsi qu'à l'association " Union des marocains de la Corse du Sud ", et procéder notamment à la constatation et au relevé précis et détaillé, d'une part, des empiètements que ces travaux auraient réalisés sur les propriétés qu'elles occupent, et, d'autre part, des atteintes apportées aux conditions de desserte de celles-ci ;
- préciser, le cas échéant, les avantages retirés par ces sociétés et cette association de cet aménagement ;
- indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires pour remédier à la situation actuelle ou, le cas échéant, les mesures palliatives qui pourraient être prises pour, s'il y a lieu, restaurer les propriétés occupées par les sociétés et l'association intéressée ou améliorer leur conditions de desserte, et en chiffrer le coût ;
- chiffrer le coût des préjudices de toute nature subis, depuis l'aménagement litigieux, par ces sociétés et cette association ;
- d'une manière générale, recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles à la résolution du litige entre, d'une part, la SA Rocca, la SARL Rocca Transports, la SARL Orrazi et fils ainsi que l'association " Union des marocains de la Corse du Sud " et, d'autre part, la collectivité de Corse.
Article 3 : Avec leur accord, l'expert pourra assurer une mission de médiation afin de permettre aux parties de trouver un accord sur le litige qui les oppose concernant l'aménagement du giratoire et la desserte de leurs fonds.
Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.
Article 5 : L'expertise aura lieu en présence de la SA Rocca, de la SARL Rocca Transports, de la SARL Orrazi et fils, de l'association " Union des marocains de la Corse du Sud " et de la collectivité de Corse.
En application de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, l'une des parties, dans le délai de deux mois suivant la première réunion d'expertise, ou, à tout moment, l'expert lui-même pourront demander au juge des référés que l'expertise soit étendue à d'autres personnes, et notamment aux entreprises titulaires des marchés des travaux litigieux.
Article 6 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.
Article 7 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.
Article 8 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.
Dans le cas où l'expert conduirait une mission de médiation, son rapport ne doit pas rendre compte des constatations et déclarations recueillies dans le cadre de cet office que les parties entendent garder confidentielles.
Dans le cas où la médiation a donné lieu à un accord entre les parties, son rapport peut se borner, après avoir indiqué les diligences qu'il a effectuées, à rendre compte de cet accord, en y joignant, si les parties ne s'y opposent pas, la transaction qu'elles auront, le cas échéant, conclue et en précisant si cet accord règle l'attribution de la charge des frais d'expertise.
Article 9 : Sous réserve d'un éventuel accord, les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.
Article 10 : Les conclusions de la collectivité de Corse présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 11 : La présente ordonnance sera notifiée à la SA Rocca, à la SARL Rocca Transports, à la SARL Orrazi et fils, à l'association " Union des marocains de la Corse du Sud ", à la collectivité de Corse et à M.A..., expert.
Fait à Marseille, le 2 mai 2018


N° 17MA042312
LH



Source : DILA, 05/06/2018, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 02/05/2018