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COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 4ème chambre, 02/09/2019, 17LY02937, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme MICHEL

Rapporteur : Mme Sophie LESIEUX

Commissaire du gouvernement : Mme GONDOUIN

Avocat : LIENHARDT


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Sens a demandé au tribunal administratif de Dijon d'ordonner l'expulsion de l'association " Maison des Jeunes et de la Culture " des locaux qu'elle occupe 3 place Etienne Dolet, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1700574 du 22 mai 2017, le tribunal administratif de Dijon, après avoir rejeté la demande d'inscription de faux présentée en défense, a enjoint à l'association de quitter immédiatement les locaux qu'elle occupait, sous astreinte de 500 euros par jour de retard en cas de maintien dans les lieux au-delà du 10 juillet 2017 à midi, de laisser les agents de la commune accéder librement à ces locaux jusqu'à sa sortie des lieux et de veiller à la garde, à la conservation et à l'entretien des locaux et du matériel appartenant à la commune.
Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 juillet 2017 et 26 février 2019, l'association " Maison des Jeunes et de la Culture " (MJC) de Sens, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 22 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Sens ;

3°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, il ne contient pas l'analyse de ses mémoires et ne vise pas les dispositions législatives et réglementaires qu'elle invoquait ; le jugement tient compte d'éléments qui n'ont pas été soumis au débat contradictoire ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'inscription de faux contre les pièces n°s 8 et 9 produites par la commune de Sens ; la mise en demeure de quitter les lieux du 5 janvier 2017 et celle du 27 janvier 2017 sont fondées, notamment, sur la délibération du 21 novembre 2016 qui n'a jamais été soumise au vote du conseil municipal ;
- le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de la légalité d'un bail de droit privé ; les locaux en cause ne sont pas affectés à l'usage direct du public ni à un service public ; la commune n'exerce aucun contrôle sur ses activités et son organisation ; ils n'ont pas été spécialement aménagés par la commune ; contrairement aux affirmations de celle-ci, les locaux qu'elle utilise ne sont pas l'accessoire de la salle " La Fabrique " ; cette salle est, en tout état de cause, gérée par la MJC ; l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ne saurait fonder la compétence du juge administratif ; le contrat ne contient pas de clauses exorbitantes du droit commun ;
- à titre subsidiaire, le refus de conclure une nouvelle convention d'occupation des locaux n'est pas fondé sur un motif d'intérêt général ; la commune n'a pris aucune mesure de nature à assurer le maintien du service public et elle l'empêche de poursuivre ses activités en interrompant son financement ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté d'office pour tardiveté l'exception d'illégalité de la décision du 21 octobre 2016 de non-renouvellement des conventions ; cette décision a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon le 22 décembre 2016 ; elle ne pouvait fonder la demande d'expulsion ; la décision du 21 octobre 2016 et la délibération du 21 novembre 2016 sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; dans ces conditions, elle bénéficiait d'un droit à se maintenir dans les locaux mis à sa disposition au moins jusqu'au 31 décembre 2018.
Par un mémoire, enregistré le 19 janvier 2019, la commune de Sens, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'association appelante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par l'association appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 février 2019, l'instruction a été close le 18 mars 2019.
Un mémoire, présenté pour la commune de Sens, enregistré le 18 mars 2019 n'a pas été communiqué.
Par lettre du 6 juin 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de la commune de Sens de ne pas renouveler les conventions d'occupation de son domaine public conclues pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016.


L'association MJC de Sens a produit un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public enregistré le 12 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., pour la commune de Sens ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) de Sens relève appel du jugement du 22 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a ordonné, à la demande de la commune de Sens, son expulsion des locaux qu'elle occupait 3 Place Etienne Dolet, en vertu de conventions successives conclues en 1997, 2006 et 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, hors le cas où il est directement affecté à l'usage du public, l'appartenance au domaine public d'un bien était, avant l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1.

3. D'une part, indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.

4. Il résulte de l'instruction que l'association MJC de Sens exerce une mission d'intérêt général tendant, selon l'article 2 de ses statuts, à " favoriser l'autonomie et l'épanouissement des personnes, de permettre à tous d'accéder à l'éducation et à la culture, afin que chacun participe à la construction d'une société plus solidaire. ". Selon l'article 10 de ces statuts, le maire de la commune est membre de droit du conseil d'administration de l'association et deux représentants du conseil municipal y sont membres associés. Aux termes de l'article 13 : " Le conseil d'administration a pour mission de définir le projet global de l'association, qui doit être validé par l'assemblée générale. (...). ". Enfin, les ressources de l'association se composent notamment ainsi que le prévoit l'article 16, des subventions de l'Etat et des collectivités territoriales, dont la commune de Sens.

5. Selon le préambule de la convention conclue le 21 novembre 1997 entre la commune de Sens et l'association, la commune " considère la MJC comme un partenaire privilégié pour établir en commun une politique socio-éducative au service de la population " et se " donne les moyens de contrôler efficacement les fonds importants qu'elle consacre au fonctionnement et à l'équipement de la MJC, et les locaux qu'elle met à la disposition ". En application de cette convention, ainsi d'ailleurs que des conventions ultérieures, la commune de Sens a mis à la disposition de l'association, pour l'exercice de ses activités, un ensemble immobilier situé 3 Place Etienne Dolet, ainsi qu'un équipement matériel neuf ou en bon état afin de répondre aux " besoins éducatifs, sociaux et culturels de la population ". La commune s'était également engagée à assurer les moyens financiers du fonctionnement de l'association. Il s'en déduit que, depuis au moins 1997, la commune de Sens mettait à la disposition de l'association MJC des moyens immobiliers, matériels et financiers pour lui permettre d'accomplir des missions d'intérêt général, lesquelles relèvent du service public culturel communal, exercé sous le contrôle de la commune.

6. D'autre part, en vertu de la convention conclue le 21 novembre 1997 mais aussi des conventions ultérieures, la commune de Sens assurait l'entretien et finançait les travaux de rénovation et de mise aux normes en termes de sécurité et d'accessibilité de l'ensemble immobilier mis à la disposition de l'association MJC afin de lui permettre d'accueillir ses adhérents. Dans ces conditions, les bâtiments dont il s'agit bénéficient d'un aménagement spécial nécessaire à l'affectation du bien au service public.

7. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'apprécier si les conventions de mise à disposition de ces bâtiments comportaient des clauses exorbitantes du droit commun, l'ensemble immobilier, situé 3 Place Etienne Dolet, dont à la commune de Sens est propriétaire, appartient au domaine public de cette commune. Ainsi, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'une irrégularité en se reconnaissant compétent pour connaître de la demande de la commune de Sens.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que les premiers juges auraient méconnu le caractère contradictoire de la procédure ou auraient répondu à un moyen qui n'était pas invoqué devant eux, en particulier s'agissant du moyen tiré de la violation de la législation des baux commerciaux, énoncé en page 3 du mémoire en défense de l'association devant les premiers juges, que ces derniers ont au demeurant écarté comme inopérant.

9 En dernier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal a procédé à l'analyse de l'ensemble des moyens de défense présentés par l'association MJC de Sens et comporte dans ses visas et ses motifs la mention des dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application. Par ailleurs, l'article R. 741-2 du code de justice administrative n'interdit pas aux premiers juges de viser les décisions du Conseil d'Etat dont ils entendent faire application au cas d'espèce. La circonstance que l'une des décisions visées par le tribunal comporte une erreur matérielle de numérotation ne suffit pas à entacher le jugement d'une irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

10. Il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les titulaires d'autorisations ou de conventions temporaire du domaine public n'ont pas de droit acquis au renouvellement de leur titre. Lorsqu'il est saisi par une partie à un contrat administratif, d'un litige relatif à une mesure d'exécution de ce contrat, le juge du contrat ne peut, en principe, que rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, si une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, cette exception relative aux décisions de résiliation ne s'étend pas aux décisions de non-renouvellement, qui sont des mesures d'exécution du contrat et qui n'ont ni pour objet, ni pour effet de mettre unilatéralement un terme à une convention en cours.

11. Il résulte de l'instruction que la commune de Sens et l'association MJC de Sens ont conclu deux conventions d'occupation temporaire d'un local situé 3 Place Etienne Dolet et d'une salle dite " la Fabrique " pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'association MJC, cocontractante de la commune, peut seulement si elle s'en croit fondée, saisir le juge du contrat d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis résultant de la décision de la commune de ne pas renouveler ces conventions d'occupation du domaine public. Ainsi, elle ne peut, dans la présente instance, utilement se prévaloir par la voie de l'exception de l'illégalité d'une telle décision pour en déduire qu'elle conservait le droit de se maintenir dans les locaux mis à sa disposition après le 31 décembre 2016, et faire échec à la demande d'expulsion de la commune de Sens.

12. Les conventions d'occupation des locaux situés 3 Place Etienne Dolet à Sens ayant pris fin le 31 décembre 2016, l'association MJC de Sens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon lui a ordonné de libérer les lieux qu'elle occupait sans droit ni titre. Par ailleurs, la solution du litige ne dépendant pas des mises en demeure de quitter les lieux faites par le maire de la commune de Sens les 5 et 27 janvier 2017, l'association appelante n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant, sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative, à l'inscription de faux de ces courriers.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.








DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association MJC de Sens est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Sens présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Maison des Jeunes et de la Culture " de Sens et à la commune de Sens.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, président,
M. Chassagne, premier conseiller,
Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 septembre 2019.
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N° 17LY02937



Abstrats

17-03-02-02-02-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Domaine. Domaine public. Occupation.
24-01-03-02 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Protection contre les occupations irrégulières.

Source : DILA, 10/09/2019, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 02/09/2019