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COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 4ème chambre, 02/09/2019, 17LY00687, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. d'HERVE

Rapporteur : M. Julien CHASSAGNE

Commissaire du gouvernement : Mme GONDOUIN

Avocat : CABINET RACINE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés Socco Travaux publics et Forage et Travaux spéciaux (FTS) ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Bon-Tarentaise à leur verser la somme de 569 854,10 euros dont 327 894,16 euros TTC avec, s'agissant de cette dernière somme, actualisation du prix, intérêts et capitalisation, en règlement du solde du marché portant sur le lot n° 1 " travaux spéciaux-terrassement-démolition " de l'opération de construction d'un gymnase au lieu-dit du Praz ou, subsidiairement, de condamner solidairement les sociétés Chabanne et Partners et Ingénierie Expertise Construction-Génie civil (IEC-GC) à leur verser la somme de 131 712,96 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes commises par ces maîtres d'oeuvre dont seraient résultées les difficultés d'exécution de leur marché de travaux et à les garantir de la réfaction de rémunération pratiquée au titre des pénalités de retard.

Par un jugement n° 1304010 du 13 décembre 2016, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 février 2017, 30 juin 2017, 4 avril 2018 et 1er octobre 2018, les sociétés Socco Travaux Publics et FTS, représentées par Me E..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a validé les pénalités de retard imputées à la société Socco Travaux publics ;

2°) de ramener le montant des pénalités portées au débit du décompte du groupement à la somme de 72 866,50 euros ;

3°) de condamner la commune de Saint-Bon-Tarentaise, ou qui mieux le devra, à rembourser la somme de 216 517,60 euros au titre des pénalités de retard imputées à tort au groupement ;

4°) de mettre à la charge la commune de Sain-Bon-Tarentaise, ou de qui mieux le devra, la somme de 4 000 euros au titre des frais du litige.

Elles soutiennent que :
- les 52 jours d'ajournement de chantier pendant la période estivale dite de " neutralisation du chantier " décidé par l'ordre de service n° 2 notifiant le calendrier détaillé d'exécution, les 11 jours d'interruption de chantier consécutifs à la demande tardive du bureau de contrôle Alpes Contrôles de revoir les hypothèses de cohésion du déroulement du chantier et les 35 jours de retard de démarrage des travaux imputables aux tergiversations de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage sur la solution technique à mettre en oeuvre ne doivent pas être portés au compte des pénalités de retard de la société Socco Travaux publics ;
- en l'absence de stipulation expresse, les pénalités de retard ne sont calculées que sur le délai global d'exécution ; c'est donc la date du 9 novembre 2011 qui doit être retenue pour l'achèvement des travaux et le point de départ des pénalités de retard ;
- subsidiairement, elles sont fondées, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, à rechercher une indemnisation par le groupement de maîtrise d'oeuvre des pénalités indûment supportées au titre des 46 jours de retard imputables à ce groupement et au bureau de contrôle Alpes Contrôles ;
- elles seraient fondées à obtenir une réduction significative du montant des pénalités de retard induit par la prolongation des études d'exécution si la responsabilité de ce retard devait être partagée entre les différents intervenants.

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2017, la société IEC-GC, représentée par Me B..., constate sa mise hors de cause et conclut à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des sociétés Socco Travaux publics et FTS au titre des frais du litige.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 mai 2017 et 20 septembre 2018, la société Chabanne et Partners, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des sociétés Socco Travaux publics et FTS au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 février et 25 septembre 2018, la commune de Saint-Bon-Tarentaise, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge solidaire des sociétés Socco Travaux publics et FTS au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 octobre 2018, l'instruction a été close au 22 octobre 2018.

Un mémoire présenté pour la société Chabanne et Partners, enregistré le 19 octobre 2018, n'a pas été communiqué.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H...,
- les conclusions de Mme G...,
- et les observations de Me F... pour les sociétés Socco Travaux Publics et FTS, de Me A... pour la société Chabanne et Partners et de Me C... pour la société IEC-GC ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 24 mai 2011, la commune de Saint-Bon-Tarentaise a attribué au groupement constitué de la société Socco Travaux Publics, madataire, et de la société FTS, l'exécution du lot n° 1 " travaux spéciaux-terrassement-démolition " de l'opération de construction d'un gymnase au lieu-dit du Praz. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement composé, notamment, de la société d'architecture Chabanne et Partners, mandataire, et de la société IEC-GC, chargée des études de soutènement. Les travaux, achevés avec retard, ont été réceptionnés le 14 juin 2012. Le décompte général notifié à la société Socco Travaux Publics le 8 novembre 2012 incluait des pénalités de retard dans l'exécution du chantier d'un montant de 289 384,10 euros correspondant à 139 jours calendaires. Après avoir adressé un mémoire en réclamation resté sans réponse, les sociétés Socco Travaux Publics et FTS ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Bon-Tarentaise à leur verser la somme de 569 854,10 euros dont 327 894,16 euros TTC avec, s'agissant de cette dernière somme, actualisation du prix, intérêts et capitalisation, en règlement du solde du marché ou, subsidiairement, de condamner solidairement les sociétés Chabanne et Partners et IEC-GC à leur verser la somme de 131 712,96 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes commises par ces maîtres d'oeuvre à l'origine des difficultés d'exécution de leur marché de travaux et à les garantir de la réfaction de rémunération pratiquée au titre des pénalités de retard. Elles relèvent appel du jugement de rejet rendu le 13 décembre 2016 en tant seulement qu'il a validé les pénalités de retard imputées à la société Socco Travaux publics et demandent, dans le dernier état de leurs écritures, de ramener le montant des pénalités portées au débit du décompte du groupement à la somme de 72 866,50 euros et de condamner en conséquence la commune de Saint-Bon-Tarentaise, ou qui mieux le devra, au remboursement de la somme de 216 517,60 euros.

2. Lorsque le cocontractant n'est que partiellement responsable d'un retard dans l'exécution du contrat, les pénalités applicables doivent être calculées seulement d'après le nombre de jours de retard imputables au cocontractant lui-même.

3. L'article 6.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige permet l'application de retenues du simple fait de la constatation du retard dans l'exécution de travaux par le maître d'oeuvre. L'article 6.4.1 de ce cahier des clauses stipule que par dérogation à l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG), le montant de la pénalité journalière de retard dans l'exécution des travaux est de 2/1000ème du montant contractuel des travaux.

4. Aux termes de l'article 19.1.1 du CCAG applicables aux marchés publics de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 : " Le délai d'exécution du marché comprend la période de préparation définie à l'article 28.1 et le délai d'exécution des travaux défini ci-dessous. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre la période de préparation. / Le délai d'exécution des travaux est celui imparti pour la réalisation des travaux incombant au titulaire, y compris le repliement des installations de chantier et la remise en état des terrains et des lieux. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution des travaux. ". Il est stipulé à l'acte d'engagement du marché en litige, auquel renvoie l'article 6.1 du CCAP, que le délai global d'exécution des travaux est de 15 semaines, y compris la période de préparation de 3 semaines, et que le démarrage de ce délai courra à compter de la date qui sera notifiée à l'entreprise par ordre de service.

5. Les sociétés Socco Travaux publics et FTS soutiennent, en premier lieu, que 52 jours de retard dans l'exécution des travaux sont imputables à la trêve estivale imposée par le maître d'ouvrage par l'ordre de service n° 2 du 25 juillet 2011.

6. En vertu de l'article 6.2 du CCAP, le calendrier détaillé d'exécution s'inscrit obligatoirement dans le cadre du calendrier prévisionnel d'exécution et ne peut en aucune façon modifier les obligations de l'entrepreneur qui découlent de ce planning contractuel. Ce calendrier détaillé, établi par le maître d'oeuvre en collaboration avec les entreprises concernées et le coordonnateur de sécurité et de protection de la santé, est soumis à la validation du maître d'ouvrage et sa version définitive est notifiée à chaque entreprise par ordre de service et deviendra contractuelle, notamment pour l'application des pénalités de retard.

7. Il résulte de l'instruction que le calendrier détaillé d'exécution des travaux prévoyait que le chantier serait neutralisé pendant la période courant du lundi 25 juillet au vendredi 19 août 2011. Ce calendrier a été notifié le 7 juillet 2011 à la société Socco Travaux en annexe à l'ordre de service n° 2 et signé le 25 juillet par son représentant qui n'a émis aucune observation. Les appelantes ne sont dès lors pas fondées à se prévaloir de la suspension des travaux qui figurait dans ce calendrier détaillé d'exécution qui a valeur contractuelle.

8. En deuxième lieu, les sociétés appelantes soutiennent que la demande en date du 17 octobre 2011 du bureau de contrôle technique Alpes Contrôles visant à ce que les hypothèses de cohésion du déroulement du chantier soient revues a entraîné une interruption de chantier de 11 jours entre le 14 et le 25 octobre 2011 dans l'attente de la validation d'une note de calculs. Il résulte de l'instruction, et notamment des comptes rendus de réunions de chantier des 14, 21 et 28 octobre 2011, que le bureau Alpes Contrôles a validé une note de calculs établie par le bureau d'études Intersol, intervenant pour le compte de la société FTS, le 19 octobre 2017, après que ce bureau d'études a précisé la valeur de cohésion du béton. Il ne résulte pas de l'instruction que l'interruption alléguée des travaux entre le 14 et le 25 octobre 2011 aurait été causée par le délai de validation dont serait responsable le bureau de contrôle technique Alpes Contrôles ou le bureau d'études Intersol. Le moyen tiré de ce que les pénalités de retard fondées sur 11 jours de retard ont été indûment mises à la charge des sociétés Socco Travaux publics et FTS doit dès lors être écarté.

9. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le début des travaux a été reporté du 22 août au 26 septembre 2011. Il est soutenu que ce report de 35 jours est imputable au comportement du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage, qui a attribué le marché au groupement constitué des sociétés Socco travaux publics et FTS pour son offre variante, moins onéreuse, constituée d'un soutènement en paroi parisienne reposant sur des ancrages actifs alors que les documents de la consultation, notamment le cahier des clauses techniques particulières, comportait des prescriptions sur les seuls ancrages passifs. Lors de la phase de préparation du chantier, la maîtrise d'oeuvre a refusé l'emploi de tirants actifs, que le groupement d'entreprises n'avait pas mentionné dans son offre. La solution technique consistant en une paroi berlinoise avec des clous d'ancrage, proche de la solution de base initialement prévue, a été validée au début du mois de septembre 2011 par le groupement de maîtrise d'oeuvre. Il résulte également de l'instruction que, dans le cadre des discussions précédant la signature du marché, l'attention des sociétés Socco travaux publics et FTS avait été attirée sur les conséquences de la proposition d'une modification de la solution de base par une variante. La maîtrise d'oeuvre les avaient ainsi informées de ce que des études d'exécution devraient être réalisées et validées par le bureau de contrôle et qu'elles devraient justifier de la stabilité de la solution et préciser la manière dont les ancrages seraient réalisés. Dans ces conditions, la maîtrise d'oeuvre et la commune de Saint-Bon-Tarentaise ont fait preuve d'imprudence dès lors qu'elles connaissaient la non-conformité de l'offre variante du groupement des sociétés Socco travaux publics et FTS aux exigences formulées dans les documents de la consultation. Le report du début des travaux qui a découlé de cette non-conformité n'est dès lors pas imputable au seul groupement d'entreprises pour le calcul des pénalités de retard. Il y a lieu en conséquence de ramener le montant des pénalités contractuelles infligées au groupement des sociétés Socco Travaux publics et FTS à la somme de 208 190 euros et d'inscrire au crédit du groupement, au décompte général de son marché, la somme de 81 194 euros.

10. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Socco Travaux publics et FTS sont seulement fondées à obtenir la réintégration au crédit du décompte général de leur groupement de la somme de 81 194 euros.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige.
DÉCIDE :


Article 1er : La somme de 81 194 euros est réintégrée au décompte général du marché au crédit du groupement des sociétés Socco Travaux publics et FTS.

Article 2 : Le jugement n° 1304010 du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Socco Travaux publics, à la société Forage et Travaux spéciaux, à la société Chabanne et Partners, à la société Ingénierie expertise Construction-Génie civil et à la commune de Saint-Bon-Tarentaise.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, président,
M. H..., premier conseiller,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 septembre 2019.
4
N° 17LY00687



Abstrats

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.

Source : DILA, 17/09/2019, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 02/09/2019