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CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 26/11/2019, 17BX02797, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. NAVES

Rapporteur : Mme Agnès BOURJOL

Commissaire du gouvernement : M. BASSET

Avocat : RICARD


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision verbale du 14 juin 2012 par laquelle le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) n'a pas renouvelé son engagement en qualité de formatrice, et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 44 626 euros, assortie des intérêts au taux légal en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de cette décision.

Par un jugement n° 1403128 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 août 2017 et le 1er février 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 14 juin 2017 en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le Centre national de la fonction publique territoriale à lui verser la somme de 39 626 euros en réparation des préjudices matériels subis et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, assorties des intérêts au taux légal à compter du dépôt de sa requête, ainsi que la capitalisation des intérêts ;

3°) d'enjoindre au Centre national de la fonction publique territoriale de reconstituer ses droits à la retraite et à la sécurité sociale sur la période de son engagement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du Centre national de la fonction publique territoriale la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, et des articles 3, 3-1, 3-2 et 3-3 de la loi du 24 janvier 1984, dès lors qu'elle doit être regardée comme ayant été recrutée par le Centre national de la fonction publique territoriale pour occuper un emploi permanent de formatrice et, non pas " pour exercer un acte déterminé ", caractéristique d'un emploi de vacataire au sens de l'article 1er du décret du 15 février 1988 ;
- c'est à tort que le tribunal ne s'est pas fondé exclusivement sur le critère lié à la permanence de l'emploi occupé pour apprécier la réalité de sa situation d'agent non-titulaire ; les modalités de son recrutement, le nombre d'heures effectuées, les modalités d'organisation et les besoins des stagiaires, sont sans incidence sur la qualification d'emploi permanent, tout comme l'exercice de son activité dans des conditions non révélatrices d'un lien de subordination avec l'administration ;
- c'est à tort que les premiers juges ont déduit du caractère ponctuel de ses missions qu'elle exécutait " un acte déterminé " au sens du décret du 15 février 1988 ;
- elle n'est pas vacataire mais agent non-titulaire de la fonction publique territoriale, dès lors qu'en vertu de l'article 12-1 de la loi du 26 janvier 1984, le Centre national de la fonction publique territoriale a pour mission générale de dispenser des formations ; l'emploi de formateur au sein de cet établissement public présente nécessairement le caractère d'un emploi permanent, pour lequel le recours à des vacataires est exclu, alors qu'elle a été recrutée sans discontinuité entre 2007 et 2012 tous les mois de l'année, à l'exception des mois de juillet et août ;
- la décision verbale du 14 juin 2012 contestée portant non-renouvellement de son contrat à durée déterminée doit être regardée comme une décision de licenciement intervenue en méconnaissance du décret du 15 février 1988 ;
- il s'agit d'un licenciement déguisé, l'administration ayant entaché sa décision de détournement de procédure ;
- l'illégalité commise résultant de son éviction fautive engage la responsabilité du Centre national de la fonction publique territoriale à son égard dès lors que l'administration n'a pas mis en oeuvre la procédure de licenciement prévue par le décret du 15 février 1988 ;
- le préjudice matériel qu'elle a subi, lié à l'absence de versement d'une indemnité de licenciement, doit être réparé à hauteur de 4 263 euros ;
- le préjudice matériel résultant de ce qu'elle n'a pas bénéficié du délai de préavis prévu par l'article 38 du décret du 15 février 1988 justifie l'allocation d'une somme de 4 536,35 euros ;
- son préjudice de carrière lié à son manque à gagner justifie le versement d'une indemnité de 30 827 euros ;
- ayant fait l'objet d'un licenciement déguisé, alors qu'elle était âgée de 50 ans, elle a dû entamer une activité d'autoentrepreneur qui génère des revenus très inférieurs à ceux qu'elle percevait en qualité de formatrice ; elle est fondée à demander la condamnation du Centre national de la fonction publique territoriale à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 novembre 2017 et le 26 février 2018, le Centre national de la fonction publique territoriale, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de Mme C... et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- les conclusions à fin d'annulation sont irrecevables, dès lors que la requérante ne peut se prévaloir d'aucune décision verbale ; les conclusions indemnitaires sont tardives et par suite irrecevables ;
- Mme C... a été recrutée en qualité de vacataire, afin de dispenser des actions de formation, dont la rémunération a été assurée, en fonction du nombre d'heures effectuées, au regard d'un barème fixé par une délibération de son conseil d'administration en date du 19 octobre 2005 ; la requérante a ainsi effectué durant près de cinq ans entre les mois d'octobre 2007 et juin 2012 un total de 420 journées de formation, selon une quotité variant entre deux et quinze jours par mois, à l'exception des mois d'août ; les actions de formation animées par l'intéressée après 2007 concernaient des ateliers des savoirs et des compétences mais également des formations relatives aux pratiques professionnelles en crèche, au stress du professionnel de la petite enfance et à l'apaisement des groupements d'enfants par la relaxation ;
- Mme C... ne peut se prévaloir d'une activité pérenne, dès lors que les formations dispensées étaient organisées en fonction des besoins des agents territoriaux et des disponibilités des intervenants ;
- en l'absence de lien permanent entre le Centre national de la fonction publique territoriale et Mme C... eu égard au caractère fluctuant du volume de ses participations consistant en une succession d'actes déterminés destinés à satisfaire des besoins ponctuels, la décision de ne plus recourir à ses services en qualité de formatrice n'est pas un licenciement et n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions des articles 38 et 39 du décret du 15 février 1988 ; la circonstance que les interventions ponctuelles de l'intéressée se sont déroulées sur une longue période ne peut avoir pour effet de conférer à son emploi un caractère permanent, et alors même qu'aucun cadre d'emplois de la fonction publique territoriale n'est susceptible de correspondre à ses missions ;
- n'ayant pas été licenciée, Mme C... ne saurait se prévaloir de la commission d'une faute mise à sa charge dès lors qu'aucune garantie statutaire ne devait s'appliquer à sa situation ;
- les préjudices matériels allégués ne sont pas établis dès lors qu'elle ne dispose pas d'un droit à voir ses recrutements renouvelés ou prolongés ;
- son préjudice de carrière n'est pas établi, dès lors qu'elle n'a aucun droit à être titularisée ou recrutée par contrat à durée indéterminée ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute commise et les préjudices allégués.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n°88-145 du 15 février 1988, modifié ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... E...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par le Centre national de la fonction publique territoriale entre 2007 et 2012 pour assurer des actions de formation pour le compte de la délégation Midi-Pyrénées. Le Centre national de la fonction publique territoriale a décidé, le 14 juin 2012, de ne plus recourir à ses services en qualité de formatrice. Mme C... relève appel du jugement du 14 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision verbale du 14 juin 2012 de ne pas renouveler son engagement, à la condamnation du Centre national de la fonction publique territoriale à lui verser la somme de 39 626 euros en réparation des préjudices matériels subis résultant de l'illégalité fautive de cette décision, et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, et d'enjoindre à cet établissement public de procéder à la reconstitution de ses droits à la retraite et à la sécurité sociale sur la période considérée, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. La loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable, fixe aux articles 3-1, 3-2 et 3-3, les cas dans lesquels les emplois permanents des collectivités territoriales peuvent par exception être pourvus par des agents non-titulaires. L'article 136 de cette loi fixe les règles d'emploi de ces agents et précise qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de cet article. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 février 1988 relatif aux agents non-titulaires de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux agents non titulaires de droit public des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...) Les dispositions du présent décret ne sont toutefois pas applicables aux agents engagés pour un acte déterminé ".

3. Un agent doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu'il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l'administration et non à un besoin permanent de celle-ci. La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois, au cours de différentes années, pour exécuter des actes déterminés n'a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d'agent contractuel. Par ailleurs l'existence, ou l'absence, du caractère permanent d'un emploi doit s'apprécier au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi et ne saurait résulter de la seule durée pendant laquelle il est occupé.

4. Le Centre national de la fonction publique territoriale, établissement public administratif regroupant l'ensemble des collectivités territoriales et leurs établissements publics, est notamment chargé d'organiser la formation des agents relevant de la loi du 26 janvier 1984. Dans le cadre de cette mission, la délégation Midi-Pyrénées de cet établissement a recruté Mme C... en qualité de vacataire entre 2007 et juin 2012, afin de dispenser des actions de formation, dont la rémunération a été assurée, en fonction du nombre d'heures effectuées, au regard d'un barème fixé par une délibération de son conseil d'administration en date du 19 octobre 2005.

5. Il résulte des bulletins de salaires de l'intéressée que le nombre d'heures d'enseignement diffère sensiblement d'une année à l'autre et que le volume horaire est variable en fonction des mois, oscillant entre 133 heures et 741 heures. Ainsi, selon les propres calculs de Mme C..., le nombre d'heures effectuées annuellement, soit durant près de cinq ans entre les mois d'octobre 2007 et juin 2012, s'élève à un total de 420 journées de formation, selon une quotité variant entre deux et quinze jours par mois, à l'exception du mois d'août. Par ailleurs, Mme C... ne conteste pas avoir dispensé, outre des actions de formation dans le cadre du module " ateliers du savoir et des compétences ", des formations relatives aux pratiques professionnelles en crèche, au stress du professionnel de la petite enfance et à l'apaisement des groupements d'enfants par la relaxation. La circonstance invoquée que l'appelante est intervenue dans la mise en oeuvre d'un programme pédagogique de lutte contre l'illettrisme, et que les formations qu'elle dispensait s'inscrivaient dans le cadre de modules pédagogiques intitulés " ateliers du savoir et des compétences ", dispensés sur vingt jours et prévus plusieurs fois dans l'année et qui se seraient poursuivis après 2012, ce qu'elle n'établit d'ailleurs pas, n'est pas suffisant pour établir le caractère pérenne de cette mission. De surcroît, Mme C... ne justifie ni même n'allègue que les formations qu'elle a dispensées ont fait l'objet d'une programmation annuelle. Le Centre national de la fonction publique territoriale fait valoir au contraire, sans aucun contredit, que les besoins en matière de formations concernant l'intéressée ont été ponctuels dès lors que le recours à des formateurs de ces disciplines dépend des besoins exprimés par les agents de la fonction publique territoriale et des disponibilités des intervenants qui en étaient chargés. Ainsi, en dépit de la répétition de ses engagements dans le temps, les missions de formation dispensées par Mme C... ne peuvent être regardées comme ayant eu pour objet de répondre à un besoin permanent de l'administration mais seulement à des besoins ponctuels, fussent-ils fréquents, de celle-ci. Dans ces conditions, Mme C... ne pouvait être regardée comme un agent non-titulaire ni a fortiori comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée, mais comme accomplissant des vacations. Par suite, la décision notifiée verbalement à l'intéressée le 14 juin 2012 de ne plus recourir à ses services de formatrice n'a pas le caractère d'un licenciement. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit liée à la méconnaissance des dispositions des articles 3-1, 3-2 et 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, ainsi que de celles de l'article 1er du décret du 15 février 1988, ne peut qu'être écarté.

6. Ainsi qu'il a été dit précédemment au point 5, Mme C... avait la qualité de vacataire. Par conséquent, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prise dans le seul but de la priver du bénéfice des garanties prévues par le décret du 15 février 1988. Le détournement de procédure allégué n'est, dès lors, pas établi.

7. Il résulte de ce qui précède que le Centre national de la fonction publique territoriale n'ayant pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'encontre de Mme C... en prenant la décision verbale contestée, les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre national de la fonction publique territoriale à lui verser la somme de 39 626 euros en réparation des préjudices matériels résultant de l'illégalité fautive de cette décision, et 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête présentée par Mme C..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... ne peuvent être accueillies.

Sur les frais d'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que le Centre national de la fonction publique territoriale, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à verser à Mme C... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par le Centre national de la fonction publique territoriale sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :


Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le Centre national de la fonction publique territoriale tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... et au Centre national de la fonction publique territoriale.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme F... H..., présidente-assesseure,
Mme A... E..., conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

Le rapporteur,
Agnès E...Le président,
Dominique NAVESLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02797



Abstrats

36-12-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Nature du contrat.

Source : DILA, 03/12/2019, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 26/11/2019