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CAA de NANCY, 4ème chambre - formation à 3, 05/12/2017, 16NC00251, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. KOLBERT

Rapporteur : M. Alexis MICHEL

Commissaire du gouvernement : Mme KOHLER

Avocat : ADVEN AVOCATS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sagena, devenue la société SMA SA, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner in solidum la société Les Couvreurs Rhénans et la société Groupama Grand Est, son assureur, à lui verser une somme de 526 046, 16 euros correspondant aux indemnités qu'elle a versées à la société d'économie mixte de Haute-Alsace (SEMHA), en réparation des désordres affectant des bâtiments du collège Félix Eboué de Fessenheim, déduction faite des sommes qui ont été versées par les assureurs des sociétés Baussan Palanche, Auger Rambeaud Architectes et Apave Alsacienne.

Par un jugement n° 1301972 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Les Couvreurs Rhénans à verser à la société Sagena une somme de 492 921,96 euros en réparation du préjudice subi.


Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 février 2016, le 17 octobre 2016 et le 10 décembre 2016, la société Les Couvreurs Rhénans, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la société Sagena ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Baussan Palanche et la société Auger Rambeaud Architectes à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

4°) de mettre à la charge de la société Sagena le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que la minute n'est pas signée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le mémoire de la société Apave Alsacienne du 18 septembre 2015 n'a pas été visé en méconnaissance des dispositions l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- ce jugement a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, du fait de l'imprécision du sens des conclusions du rapporteur public ;
- en admettant la recevabilité de l'action de la société Sagena, il est entaché d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit ;
- les premiers juges ne pouvaient uniquement se fonder sur le rapport d'expertise de la Société d'arbitrage et d'expertise technique (Saretec), qui ne lui était pas opposable en l'absence de caractère contradictoire de cette expertise ;
- sa responsabilité au titre de la garantie décennale ne pouvait être engagée dès lors qu'il n'est pas établi que les désordres étaient de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ;
- ces désordres ne lui sont pas imputables car ils trouvent leur origine dans la conception de l'ouvrage ;
- elle a exécuté les ouvrages selon les prescriptions du cahier des charges et selon les indications du maître d'oeuvre, la société Baussan Palanche et aucun manquement aux règles de l'art ne lui a sérieusement été reproché ;
- la société Baussan Palanche et la société Auger Rambeaud Architectes qui sont, même en partie, à l'origine des désordres doivent la garantir de toute condamnation.


Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2016, la société SMA SA, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a limité à 492 921,96 euros le montant de la condamnation prononcée contre la société Les Couvreurs Rhénans, de porter cette condamnation à la somme de 526 046,16 euros et à lui rembourser toutes indemnités complémentaires qu'elle serait amenée à verser au propriétaire des ouvrages sinistrés ;

3°) de mettre à la charge de chacune des parties requises le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les opérations d'expertise ont été menées contradictoirement avec la société Les Couvreurs Rhénans et son assureur, la société Groupama ;
- les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 741-7, R. 742-2 et R. 711-3 du code de justice administrative ne sont pas fondés ;
- elle était légalement subrogée dans les droits du département du Haut-Rhin ;
- les désordres d'infiltrations d'eau des bâtiments revêtent un caractère décennal ;
- en l'absence de contestation de l'étendue de sa subrogation et du règlement de la somme de 697 160,55 euros toutes taxes comprises ainsi que de la réalisation des travaux, les premiers juges ont irrégulièrement estimé qu'elle n'était subrogée que pour une somme de 667 457,55 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2016, la société Baussan Palanche, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner la société Les Couvreurs Rhénans au versement d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts légaux à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la société Les Couvreurs Rhénans le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les opérations d'expertise ont été contradictoires ;
- l'appel en garantie présenté par la société Les Couvreurs Rhénans ne pourra qu'être rejeté dès lors qu'elle n'a commis aucune faute ;
- cet appel en garantie est abusif et justifie le règlement de dommages et intérêts.


Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, la société Auger Rambeaud Architectes, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) de rejeter l'appel en garantie présenté par la société Les Couvreurs Rhénans ;

2°) de mettre à la charge de la société Les Couvreurs Rhénans le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Elle soutient que :

- l'appel en garantie de la société appelante est irrecevable dès lors qu'il a été présenté pour la première fois en appel ;
- à titre subsidiaire, toute action à son encontre est prescrite en raison de l'expiration du délai de garantie décennale ;
- très subsidiairement, sa part de responsabilité ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise de la Saretec est très partielle et il n'y a donc pas lieu de la faire contribuer à la dette de manière plus importante.


La cour a été informée par Me F...que la société Les Couvreurs Rhénans a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire laquelle a été prononcée par un jugement du 14 novembre 2016 du tribunal de grande instance de Strasbourg.

La procédure a été communiquée à MeA..., liquidateur de la société Les Couvreurs Rhénans, qui n'a pas présenté de mémoire.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations Me D... pour la société Baussan Palanche ainsi que celles de Me B... pour la société Auger Rambeaud Architectes.


1. Considérant que par une convention du 28 novembre 1997, le département du Haut-Rhin a confié à la société d'économie mixte de Haute-Alsace (SEMHA), la réalisation en son nom et pour son compte, de l'opération de construction du collège Félix Eboué à Fessenheim ; que par un acte d'engagement du 23 avril 2001, la SEMHA a confié le lot n° 9 " couverture zinc " à la société Les Couvreurs Rhénans et la maîtrise d'oeuvre à la société d'architectes Baussan Palanche, s'agissant des bâtiments E1 à E6 et à la société Auger Rambeaud Architectes, s'agissant des bâtiments A et B ; que les travaux du lot n° 9 ont été réceptionnés sans réserves au mois de mai 2003 ; qu'à la suite du constat d'infiltrations d'eau provenant des toitures de l'ouvrage, la SEMHA a déclaré ce sinistre auprès de son assureur dommages-ouvrage, la société Sagena ; que par un jugement du 10 décembre 2015, dont la société Les Couvreurs Rhénans relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Les Couvreurs Rhénans à verser à la société Sagena, devenue SMA SA, une somme de 492 921,96 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la société SMA SA demande l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de condamnation de la société Les Couvreurs Rhénans ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de signature du jugement attaqué soulevé par la société Les Couvreurs Rhénans manque en fait et doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que si le mémoire de la société Apave Alsacienne enregistré au greffe du tribunal le 18 septembre 2015 en réponse au moyen relevé d'office par les premiers juges n'est pas visé par le jugement attaqué, le contenu de ce mémoire relatif au moyen relevé d'office ne comportait aucun élément auquel il n'a pas été répondu dans les motifs du jugement ; que s'agissant des autres éléments dont faisait état la société Apave dans ce mémoire, ils ont été repris par la société Apave Alsacienne dans un mémoire du 19 octobre 2015 qui a été analysé par le tribunal ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'avant la tenue de l'audience du tribunal, le rapporteur public a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants : " Satisfaction totale ou partielle ; condamnation des Couvreurs Rhénans à verser 492 921,96 euros à la Sagena ; rejet du surplus des conclusions des parties (étant précisé que les conclusions dirigées contre Groupama aussi bien que par la Sagena que par les Couvreurs Rhénans ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative, que les conclusions de la Sagena sont infondées pour le surplus, que les appels en garantie des autres parties que les Couvreurs Rhénans sont sans objet faute de condamnation et que, enfin, les conclusions reconventionnelles de l'Apave ne sont pas fondées) " ; qu'eu égard à la teneur de ces indications et alors que l'absence de mention du fondement de responsabilité retenu à l'appui de la solution que proposait le rapporteur public ainsi que le défaut de mention d'un désistement, ne sont pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué, les parties ont été en mesure d'apprécier s'il y avait lieu d'assister à l'audience publique et de préparer utilement leurs observations orales ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative doit être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, que les moyens tirés de l'erreur de droit, d'une contradiction des motifs et d'une erreur d'appréciation concernent le bien-fondé et non la régularité du jugement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Les Couvreurs Rhénans n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;


En ce qui concerne l'appel incident :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances, l'assurance de dommages, souscrite pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs par toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de bâtiment, garantit " (...) en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 du code civil " ; qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, " l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'assurance de dommages est une assurance de choses bénéficiant au maître de l'ouvrage et aux propriétaires successifs ou à ceux qui sont subrogés dans leurs droits et que l'assureur qui a pris en charge la réparation de dommages ayant affecté l'ouvrage de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 du code civil se trouve subrogé dans les droits et actions du propriétaire à l'encontre des constructeurs ; que l'application des dispositions précitées n'est pas subordonnée à la condition que le paiement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même ; que, par ailleurs, la circonstance qu'une telle indemnité n'a été accordée qu'à titre provisionnel n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à l'exercice de la subrogation à concurrence de son montant ; qu'il appartient seulement à l'assureur, pour en bénéficier, d'apporter par tout moyen la preuve du paiement de l'indemnité, au plus tard à la date de clôture de l'instruction ;

10. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la société Sagena s'était prévalue dans le dernier état de ses écritures de la qualité de subrogée dans les droits du département du Haut-Rhin, bénéficiaire de la police d'assurance dommages-ouvrage, souscrite pour le compte des propriétaires successifs du collège, par la SEMHA, maître d'ouvrage délégué ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des lettres de la SEMHA du 10 décembre 2009 et du 14 août 2010 déclarant accepter les indemnités d'assurance proposées, qu'il avait déjà été procédé au règlement des sommes de 15 950 euros et de 13 753 euros respectivement à la société Auger Rambeaud Architectes et à la société Galopin ; que, par suite, la société SMA SA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la condamnation de la société Les Couvreurs Rhénans en sa qualité de subrogée dans les droits et actions du département du Haut-Rhin à concurrence d'une somme de 29 703 euros ; que, dans cette mesure, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg doit être annulé ;

11. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la société SMA SA, anciennement dénommée Sagena, devant le tribunal administratif de Strasbourg à hauteur d'une somme de 29 703 euros et, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus de la demande ;

Sur la fin de non recevoir soulevée en première instance :

12. Considérant, en premier lieu, que, dans ses premières écritures, la société Sagena s'était prévalue de la qualité de subrogée dans les droits de la SEMHA ; qu'il résulte des stipulations de l'article 4 de la convention de mandat de maîtrise d'ouvrage conclue le 28 novembre 1997 entre le département du Haut-Rhin et la SEMHA, que cette société n'avait plus qualité pour rechercher la responsabilité décennale des constructeurs au terme de l'année de parfait achèvement, cette action relevant, à l'expiration de ce terme, de la compétence du seul département du Haut-Rhin, propriétaire de l'ouvrage ; que, par suite, la demande de la société Sagena en tant qu'elle était présentée en qualité de subrogée dans les droits et actions de la SEMHA était irrecevable ;

13. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que par des lettres du 10 décembre 2009 et du 2 août 2010, la SEMHA a déclaré accepter deux indemnités d'un montant de 269 267,33 et 398 190,22 euros destinées à la prise en charge des réparations de dommages affectant le collège ; que par une lettre du 11 octobre 2010, le SEMHA a reconnu le paiement effectif de ces sommes, intervenu par virements bancaires effectués respectivement le 23 octobre 2009 et le 16 septembre 2010 ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la société Les Couvreurs Rhénans, la société SMA SA était valablement subrogée, à concurrence d'une somme de 667 457,55 euros , dans les droits et actions du département du Haut-Rhin, propriétaire de l'ouvrage, quand bien même ce paiement avait été fait entre les mains de la SEMHA ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit et sans contradiction de motifs que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable la demande de la société Sagena en tant qu'elle s'était d'abord prévalue de la qualité de subrogée dans les droits et actions de la SEMHA et l'ont ensuite regardée comme régulièrement subrogée dans ceux du département du Haut-Rhin pour une somme de 667 457,55 euros ;




Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les opérations d'expertise :

15. Considérant que si la société Les Couvreurs Rhénans soutient que les opérations d'expertise amiable n'ont pas été menées de manière contradictoire, il résulte des mentions des rapports " préliminaire " et " intermédiaire " n° 1 à 4 établis par la Société d'arbitrage et d'expertise technique (Saretec) que la société Les Couvreurs Rhénans ou son assureur ont été représentés au cours des réunions qui ont été organisées ; qu'à supposer même que certaines des opérations n'aient pas été conduites de façon contradictoire, cette irrégularité ne fait en tout état de cause pas obstacle à ce que le rapport d'expertise soit retenu à titre d'élément d'information dans le cadre de la présente instance dans la mesure où la société Les Couvreurs Rhénans et son assureur, à qui il a été communiqué par le tribunal administratif, ont pu utilement présenter des observations ;

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

16. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que des infiltrations d'eau en provenance des toits des bâtiments scolaires et administratifs du collège se sont produites postérieurement à la réception des travaux intervenue sans réserves au mois de mai 2003 ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports de la Saretec, qui ne sont pas sérieusement contestés par la société Les Couvreurs Rhénans, que des fissures généralisées sont apparues sur la couverture en zinc des bâtiments A, B, E1 à E6 provoquant des ruissellements dans les locaux administratifs ainsi que dans les salles de classe, endommageant l'isolant, les faux plafonds, ainsi que des placards menuisés ; que compte tenu de la nature du désordre relatif à l'étanchéité de l'ouvrage ainsi que de leur ampleur, ces infiltrations d'eau sont de nature à rendre les bâtiments en cause impropres à leur destination ;

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports de la Saretec que les désordres affectant les bâtiments A, B, E1 à E6, ne sont pas uniquement imputables à un défaut de conception des toitures, à savoir des longueurs de versants excessives et des pentes trop faibles, mais résultent également de l'assemblage des feuilles de zinc par la société Les Couvreurs Rhénans réalisé sans qu'un jeu suffisant ait été ménagé au droit des pattes coulissantes, provoquant le blocage de ces dernières puis la fissuration généralisée des feuilles de zinc elles-mêmes, lesquelles ondulent sous l'effet de la température ; que, s'agissant plus particulièrement des bâtiments A et B, qui hébergent respectivement les bureaux de l'administration et le centre de documentation et d'information, les désordres trouvent aussi leur origine dans les multiples perforations de la membrane en " PVC " assurant l'étanchéité des feuilles de zinc, ainsi que dans la fissuration des joints de murs d'édicule saillant sur toiture, mis en oeuvre par la société ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'elle soutient, la société Les Couvreurs Rhénans a concouru à la réalisation des désordres affectant l'ouvrage et sa responsabilité décennale est engagée ;
En ce qui concerne le préjudice :

19. Considérant que si le maître d'ouvrage, ou l'assureur subrogé dans ses droits, a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a subi, l'indemnisation qui lui est allouée ne doit pas dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possibles ;

20. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'ampleur et de l'étendue des désordres affectant la couverture des bâtiments A, B, E1 à E6 de l'ouvrage, ceux-ci ne peuvent être rendus conformes à leur destination que par une réfection complète de leur couverture ; que, sur la base de devis comparatifs, produits à l'appui du rapport d'expertise amiable du 20 avril 2010, et dont les montants ne sont pas sérieusement contestés par les parties, l'expert estime les travaux de reprise à une somme de 278 834,77 euros pour les bâtiments A et B, et à 418 325,78 euros pour les bâtiments E1 à E6, soit une somme globale de 697 160,55 euros sur laquelle, eu égard à ce qui a été dit plus haut, s'étend intégralement la subrogation dont bénéficie la société SMA SA ; que les parties ne contestent pas, comme en ont décidé les premiers juges, de déduire de cette somme celle de 50 190,30 euros versée à la société Sagena par l'assureur dommages-ouvrage de la société Auger Rambeaud Architectes, maître d'oeuvre responsable des bâtiments A et B, ainsi qu'une somme de 40 680,30 euros dont s'est acquitté l'assureur de la société Apave Alsacienne, chargée du contrôle technique, de même qu'une somme de 81 073,39 euros versée en cours d'instance par l'assureur dommages-ouvrage de la société Baussan Palanche, maître d'oeuvre responsable des bâtiments E1 à E6 et enfin une somme de 2 591 euros correspondant au montant de la franchise restée à la charge de cette société et qui s'en est acquittée ; qu'ainsi, la société SMA SA est fondée à demander que la condamnation de la société Les Couvreurs Rhénans soit portée à la somme de 522 625,56 euros en réparation du préjudice subi ;
Sur l'appel en garantie :

21. Considérant qu'il résulte de l'examen des écritures de première instance de la société Les Couvreurs Rhénans qu'elle n'a présenté aucun en appel en garantie dirigé contre les sociétés Auger Rambeaud Architectes et Baussan Palanche ; qu'il suit de là que ses conclusions tendant à ce que ces sociétés la garantisse des condamnations prononcées à son encontre, présentées pour la première fois en appel, sont nouvelles, et, par suite, irrecevables ;


Sur les conclusions de la société Baussan Palanche tendant à la condamnation de la société Les Couvreurs Rhénans pour procédure abusive :

22. Considérant que les conclusions d'appel en garantie de la société Les Couvreurs Rhénans dirigées contre la société Baussan Palanche ne présentant pas un caractère abusif, les conclusions de cette dernière tendant à la condamnation de la société Les Couvreurs Rhénans à une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive doivent être rejetées ;




Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société SMA SA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Les Couvreurs Rhénans demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

24. Considérant, en deuxième lieu, que ces dispositions font de même obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Baussan Palanche et Auger Rambeaud Architectes, quelque versement que ce soit à la société SMA SA, à l'égard de laquelle elles ne sont pas parties perdantes ;

25. Considérant, en dernier lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Couvreurs Rhénans, par son liquidateur, le versement des sommes que la société SMA SA, la société Baussan Palanche et la société Auger Rambeaud Architectes demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :


Article 1er : Le jugement n° 1301972 du 10 décembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société SMA SA comme irrecevable pour une somme de 29 703 euros.
Article 2 : L'indemnité que la société Les Couvreurs Rhénans est condamnée à verser à la société SMA SA est portée à la somme de 522 625,56 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à MeA..., liquidateur de la société Les Couvreurs Rhénans, à la société SMA SA, à la société Baussan Palanche et à la société Auger Rambeaud Architectes.


2
N° 16NC00251



Abstrats

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.
60-05-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation. Subrogation de l'assureur.

Source : DILA, 07/12/2017, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 05/12/2017