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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 17/12/2018, 16BX03829, 16BX03843, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LARROUMEC

Rapporteur : M. Axel BASSET

Commissaire du gouvernement : Mme MOLINA-ANDREO

Avocat : ROUX


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Bordeaux (CUB), à laquelle s'est substituée Bordeaux Métropole à compter du 1er janvier 2015, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de condamner in solidum le groupement de maîtrise d'oeuvre (les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil) et les entreprises chargées des travaux (sociétés Novello et Cie et Colas sud-ouest), sur le fondement de leur responsabilité décennale, à lui verser la somme de 4 149 580,78 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des désordres affectant la place de la Victoire et, à titre subsidiaire, de condamner in solidum le seul groupement de maîtrise d'oeuvre, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à lui verser ladite somme.

Par un jugement n° 1400907 en date du 3 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest, Cosil, Novello et Cie et Colas sud-ouest à verser à Bordeaux Métropole la somme totale de 949 161,87 euros TTC en réparation de trois chefs de préjudice et la somme de 13 547,35 euros correspondant à 70 % des frais et honoraires d'expertise, condamné les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil à garantir les sociétés Novello et Cie et Colas sud-ouest à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elles et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 2 décembre 2016, 13 février 2018 et 16 mai 2018 sous le n° 16BX03829, la société Egis bâtiments Sud-ouest, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 3 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a retenu la responsabilité décennale in solidum du groupement de maitrise d'oeuvre ainsi que des constructeurs concernés ;

2°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre sur le fondement de sa garantie décennale dès lors que, d'une part, il ne pouvait attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des vices de conception et de mise en oeuvre ignorés et qu'il n'est donc pas en défaut dans l'exercice de son obligation d'assistance et de conseil et que, d'autre part, Bordeaux Métropole, dont la taille lui interdit de ne pas être normalement précautionneux et qui dispose nécessairement de services compétents, aurait dû réaliser diverses analyses au stade de la réception et faire procéder à des vérifications et études en cours d'exécution avant la réception ;
- en outre, le critère de l'impropriété à sa destination n'était pas rempli en l'espèce dès lors que la circulation n'était pas empêchée de façon excessive sur l'ouvrage en cause et que l'expert a seulement relevé une atteinte partielle à la solidité de l'ouvrage ;
- en tout état de cause, à supposer que la cour considérerait que les désordres affectant la chaussée autour de la place de la Victoire revêtiraient un caractère décennal, il conviendrait d'en exclure la partie piétonne ;
- c'est également à tort que les premiers juges n'ont pas laissé à la charge de Bordeaux Métropole une part plus importante des conséquences dommageables des désordres affectant la place de la Victoire dès lors que le rapport d'expertise ne retient pas explicitement une faute de conception de la maîtrise d'oeuvre mais une faute du maître d'ouvrage et des erreurs d'exécution des entreprise chargées des travaux, que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination en ce que les véhicules peuvent circuler dessus et ne s'est dégradé que huit ans après la réception, et que s'il n'est pas contesté que des désordres sont imputables à la maîtrise d'oeuvre, en revanche l'obligation de vigilance du maître d'ouvrage a été réalisée avec une certaine inattention, tant au stade de la définition de ses besoins que de la modification insuffisante du mortier demandé (OS n° 6) et de la réception, ce qui constitue un comportement fautif au regard de la taille de la métropole ;
- en outre, alors que la garantie décennale vient sanctionner une obligation de résultat, en l'espèce, le résultat était, du fait du cadre contractuel erroné dès l'origine, impossible à atteindre, et l'est demeuré malgré la rectification intervenue par l'OS n° 6, ce qui impactera à la baisse le pourcentage de responsabilité laissé in solidum à la charge de la maîtrise d'oeuvre et majorera à l'inverse celui de la maîtrise d'ouvrage ;
- ainsi, la faute commise par Bordeaux Métropole est de nature à exonérer et, à défaut, à minorer la part de responsabilité de la maîtrise d'oeuvre, qui devra être fixée à un pourcentage plus raisonnable que celui retenu par les juges du premier degré ;
- s'agissant des appels en garantie, les sociétés Colas Sud-Ouest et Novello devront la relever indemne de toute condamnation et, en cas de condamnation, la cour répartira les pourcentages d'imputabilité également entre les cinq parties, à hauteur de 20 % chacune ;
- contrairement à ce que fait valoir la société Colas, il résulte du rapport d'expertise de M. I...que la cause prépondérante des désordres réside dans la sous-évaluation du trafic routier journalier imputable à la CUB ainsi que la substitution du mortier dans le lit de pose par un sable ciment pas assez résistant du fait des sociétés Novello et Colas ;
- si, en appel, le maître d'ouvrage tente de s'exonérer de toute responsabilité dans la survenance des désordres, il convient de rappeler, d'une part, qu'au stade de la conception, les documents (DCE et CCTP) mis par elle à la disposition des entreprises sont basés sur ses estimations et ont été nécessairement validés par ses services qui auraient pu, en temps utile, formuler des observations sur le volume de circulation prévu et que, d'autre part, alors qu'il est reproché à la société Egis un défaut de suivi du chantier, son OS n° 6 a très précisément eu pour objet de tenter de rectifier l'erreur de prévision en cours de marché ;
- à cet égard, Bordeaux Métropole prétend ne pas avoir commis d'erreur d'estimation initiale et ne pas avoir eu à réagir à l'OS n° 6 en arguant de ce que ses services ne disposaient pas de l'ensemble des compétences en la matière, sans craindre d'affirmer parallèlement qu'elle aurait pu assurer la maîtrise d'oeuvre en interne ;
- par ailleurs, son argumentation portant sur l'entretien des ouvrages pendant les années ayant suivi la réception, notamment pour la partie piétonne, ne trompera pas la cour, dans la mesure où la date d'apparition des désordres liés ne peut pas être rattachée à la responsabilité décennale, ainsi que l'a estimé le tribunal ;
- s'agissant de la responsabilité contractuelle invoquée par Bordeaux Métropole à titre subsidiaire, il importe de relever que dès lors que la pose du mortier sur la partie piétonne de la place remplissait les exigences techniques, la maîtrise d'oeuvre n'avait pas à attirer l'attention du maître d'ouvrage sur une éventuelle inadéquation à l'usage attendu ;
- alors que le rapport d'expertise ne permet pas d'individualiser les tâches des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et, partant, les fautes éventuellement commises par chacun d'eux, il est établi que le maître d'ouvrage était, si ce n'est depuis l'origine des travaux, au moins depuis l'émission de l'OS n° 6, informé de l'inadéquation des prévisions de trafic initiales et qu'il disposait lui-même de la compétence de ses services techniques, de sorte que le maître d'oeuvre n'avait pas à l'alerter spécifiquement sur ce point.



Par un mémoire en défense et deux mémoires complémentaires enregistrés les 5 mai 2017, 16 mai 2018 et 27 juin 2018, la société Colas Sud-Ouest, représentée par Me G..., conclut :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a retenu la responsabilité des deux entreprises de travaux dans la survenance des désordres et alloué une indemnité à Bordeaux Métropole au titre des deux chefs de préjudice portant sur la surveillance de chantier ainsi que la pose d'un enrobé à module élevé (EME) ;

2°) à titre subsidiaire, à la réformation de ce jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil à garantir les sociétés Novello et Cie et Colas Sud-ouest à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elles ;

3°) à ce que les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments Sud-ouest et Cosil soient condamnées in solidum à la relever intégralement indemne de l'ensemble des condamnations qui pourraient être formulées à son encontre ;

4°) à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole ou de toute partie succombante à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Elle fait valoir que :
- la requête des sociétés Cosil et Ville et Architecture est irrecevable dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, ces deux sociétés n'indiquent pas leur siège social et les personnes qui les représentent ;
- en outre, dès lors que la société Ville et Architecture a fait l'objet d'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 novembre 2014 portant ouverture de la procédure de liquidation judiciaire puis un jugement du 11 février 2016 de ce même tribunal prononçant la clôture pour insuffisance d'actif, c'est-à-dire antérieurement au dépôt de sa requête en appel, elle n'avait alors plus de personnalité morale, sachant, de surcroit, que la requête n'a pas été présentée par une personne habilitée, à savoir le mandataire liquidateur ;
- les demandes contenues dans le mémoire de Bordeaux Métropole devront être rejetées comme irrecevables dès lors qu'elle ne produit pas au dossier de délégation du conseil municipal l'habilitant à ester en justice en instance d'appel ;
- sur le fond, les désordres affectant la place de la Victoire trouvent leur cause dans plusieurs fautes commises par Bordeaux Métropole, à savoir un sous-dimensionnement du trafic par rapport à la chaussée, l'absence d'une étude particulière au stade de la conception afin de donner dans le CCTP des prescriptions précises et, contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, un défaut d'entretien régulier et préventif de la chaussée pavée, de sorte que seule la responsabilité du maître d'ouvrage pouvait être engagée ;
- à cet égard, la pose d'enrobés par Bordeaux Métropole, pour pallier des problèmes de sécurité, démontre que le stade de l'entretien préventif a été dépassé en l'espèce et qu'il n'a pas été effectué dans les règles, alors que les entreprises lui avaient communiqué les documents fournis après exécution (DOE), dont les notices d'entretien, conformément à l'article 40 du CCAG Travaux alors applicable ;
- à cet égard, la réalisation d'une chaussée même conforme de la part des sociétés Colas Sud-Ouest et Novello et Compagnie n'aurait pu empêcher la survenance des désordres dont est aujourd'hui affectée la partie ouverte à la circulation de la place de la Victoire ;
- au demeurant, l'appréciation technique portée par M. I...est en contradiction avec celle de M. K...dans son rapport d'expertise judiciaire du 6 mars 2008, dans lequel celui-ci a relevé, d'une part, que la nature de la chaussée est inadaptée au trafic poids-lourds et, d'autre part, que le mortier de pause avait une insuffisance en épaisseur et en dosage, ce qui constitue un défaut de conception ;
- il appartenait sur ce point à Bordeaux Métropole, et à elle seule, de procéder au contrôle de la qualité du mortier si elle avait un doute quant à sa teneur ;
- les conclusions contenues dans le rapport Rincent BTP de 2013 sont contestables à plusieurs égards, dès lors que, d'une part, il ne se base que sur deux essais dont la représentativité mérite un questionnement dans la mesure où les résultats vont du simple au double et ne corroborent pas les résultats obtenus dans le rapport du CEBTP de 2007 et que, d'autre part, les dosages qu'il mentionne font référence à la méthode par la silice soluble, qui impose de connaître la teneur de ce composant dans le ciment utilisé, laquelle n'a pu être effectuée en l'espèce faute de traçabilité de l'ensemble des fabrications qui ont pu être faites in situ conformément au CCTP ;
- s'agissant des préjudices, la cour ne pourra que rejeter la demande de Bordeaux Métropole tendant à ce que soit indemnisé le poste relatif à l'ensemble des charges indirectes liées aux difficultés d'accès des riverains et usagers pendant la durée des travaux, dès lors que le rapport de M. J...sur lequel elle se fonde a été émis sans qu'aucune investigation technique n'ait été réalisée sur la place en elle-même, qu'il n'est nullement établi que des désordres affectent effectivement le dallage de la place de la Victoire en sa partie piétonne et, en admettant même que tel serait le cas, il n'est pas démontré que la réalisation de ces travaux entraînerait effectivement la nécessité d'une indemnisation des commerces riverains, sachant que la somme de référence invoquée, d'un montant de 1 414 333 euros, n'est justifiée par aucune pièce probante ;
- si Bordeaux Métropole considère que le montant des travaux de reprise dédiés à la partie ouverte à la circulation de la place devrait s'élever à 1 304 387,87 euros TTC, il conviendra de retenir le montant retenu par l'expert dans son rapport, soit la somme de 925 550 euros HT, étant précisé que la CUB a souhaité, de sa propre initiative, faire réaliser à la hâte des travaux de reprise alors que l'expertise judiciaire était en cours et qu'il lui appartenait de surseoir à l'exécution de ces travaux si elle souhaitait que la réalité du montant du préjudice qu'elle estime avoir subi soit examiné contradictoirement dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire ;
- à cet égard, c'est à bon droit que l'expert a rejeté la demande d'indemnisation du poste enrobé à module élevé (EME), dès lors que ce changement de structure, d'une part, constitue une adaptation à un mauvais retour d'expérience de ce type de structure trop rigide pour une place à fort trafic et, d'autre part, apporte une plus-value à l'ouvrage, de sorte que c'est à tort que le tribunal a alloué à Bordeaux Métropole une somme de 85 344,56 euros HT à ce titre ;
- par ailleurs, et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les frais de surveillance, qui auraient été majorés de 80 040 euros HT, devront être supportés par Bordeaux Métropole, sachant qu'il n'est pas démontré que les exigences du SDIS en terme d'accès permanent à la place de la Victoire avec priorité sur l'ensemble des feux de signalisation auraient engendré des contraintes supplémentaires majorant le coût de cette prestation, laquelle a été de surcroit manifestement surévaluée par la société concernée ;
- alors que l'expertise judiciaire qui avait été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux concernait uniquement la chaussée circulée et ouverte à la circulation automobile faisant le tour de la place de la Victoire, ce qui explique qu'aucune investigation technique n'a été menée par l'expert dans cette zone, Bordeaux Métropole entend s'appuyer sur un procès-verbal de constat d'huissier du 6 décembre 2013 établi non contradictoirement et qui ne saurait fonder techniquement la réalité, l'existence et la nature des désordres allégués sur la partie piétonne de la place de la Victoire ;
- ainsi, la demande de paiement de la somme de 1 167 003 euros HT au titre des travaux de reprise de la partie piétonne de la place de la Victoire ne pourra être que rejetée ;
- à titre subsidiaire, elle souhaite être intégralement relevée et garantie in solidum de l'ensemble des condamnations qui pourraient être mises à sa charge par les sociétés Egis Bâtiments Sud-Ouest, Ville et Architecture et Cosil sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle ;
- sur ce point, le groupement de maîtrise d'oeuvre doit être appelé en garantie au titre de diverses carences dans sa mission de conception et de direction du chantier consistant, notamment, à ne pas avoir contrôlé le dimensionnement de la chaussée pavée au trafic réel et à avoir remplacé du sable ciment dosé à 125 kg / m3 prévu initialement par un mortier à 350 kg / m3 suivant un ordre de service du 12 décembre 2002, sachant que si le mortier était aussi faiblement dosé que le rapport de M. I...l'indique, le maître d'oeuvre ne pouvait pas ne pas s'en apercevoir ;
- ainsi, le défaut de conception lié au choix des pavés et au sous-dimensionnement de la voirie au regard du trafic poids-lourds est imputable au groupement de maîtrise d'oeuvre est la cause prépondérante des désordres ayant affecté la voie circulante de la place de la Victoire ;
- de même, il convient de ramener à leurs justes proportions les erreurs d'exécution des deux entreprises, qui ne concernent que des points ponctuels, le surdosage en ciment n'ayant fait qu'aggraver le sinistre.



Par un mémoire en défense, complété par des pièces, enregistrés les 19 avril et 28 mai 2018, Bordeaux Métropole, représentée par MeE..., conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel de la société Egis et de l'appel incident de la société Colas Sud Ouest ;

2°) à la confirmation du jugement attaqué en ce que les sociétés Ville et architecture, Egis Bâtiments sud-ouest, Cosil, Novello et Cie et Colas sud-ouest ont été condamnées in solidum à lui verser la somme de 949 161,87 euros, assortie des intérêts capitalisés ;

3°) à la réformation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

4°) à la condamnation des sociétés Ville et architecture, Egis Bâtiments Sud-ouest, Cosil, Novello et Cie et Colas Sud-ouest à lui verser la somme totale de 4 149 580,78 euros TTC en réparation des préjudices subis du fait de l'apparition des désordres affectant la place de la Victoire, tant pour sa partie chaussée que pour sa partie piétonne ;

5°) à ce que lesdites sociétés lui versent chacune la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et prennent en charge l'ensemble des frais d'expertise

Elle fait valoir que :
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu la garantie décennale des constructeurs dès lors que, d'une part, les vices, qui n'étaient pas apparents lors de la réception des ouvrages, sont apparus postérieurement dans le délai de garantie décennale, et que, d'autre part, l'enfoncement des pavés dans le sable mortier sous l'effet de la circulation affecte la solidité de l'ouvrage et que la déformation de la surface de roulement est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, compte tenu des risques engendrés pour les usagers, ainsi qu'il ressort des constats d'huissier et d'un référé constat qu'elle a fait réaliser en 2012 avant la mise en oeuvre de travaux d'urgence en mai-juillet 2013, consistant en la pose d'une couche d'enrobée temporaire pour combler les vides les plus importants ;
- à cet égard, la circonstance alléguée par la société Egis que sa responsabilité ne pourrait pas être engagée pour manquement à son devoir de conseil est indifférente à la question de la mise en oeuvre de la responsabilité décennale ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ces désordres de nature décennale concernent aussi bien la partie chaussée de la place de la Victoire que sa partie piétonne, qui a été réalisée dans le cadre du même projet et d'un même contrat, ainsi que par la même équipe de maitrise d'oeuvre et le même groupement d'entreprises, sachant que la seule différence entre ces deux espaces de la place réside dans la sollicitation différente des revêtements, laquelle a pour seule conséquence l'apparition différée des désordres ;
- à cet égard, la circonstance que les désordres apparus sur la partie piétonne de la place n'aient pas été examinés dans le cadre de l'expertiseI..., sur lesquels elle ne portait pas, ne saurait justifier la position du tribunal alors même d'ailleurs que la CUB avait d'ailleurs pris le soin de faire procéder à des constats sur cette partie ;
- s'agissant de l'imputabilité des désordres, il conviendra de confirmer l'analyse du tribunal selon laquelle l'affaissement de la chaussée est lié d'une part, à la conception de l'ouvrage, confiée aux sociétés Huet, Cosil et Oth Sud Ouest, et d'autre part, à un défaut d'exécution des travaux, imputable aux sociétés Novello et Colas Sud-Ouest ;
- sur ce point, il résulte du rapport d'expertise que la cause principale des désordres sur la partie chaussée réside dans l'utilisation, par les entreprises Colas et Novello, d'un sable avec quelques concrétions cimentées comme lit de pose au lieu du mortier prévu par le marché, et notamment le CCTP ;
- ainsi, la société Colas est malvenue de prétendre que les désordres auraient pour origine une prétendue faute dans le dimensionnement de l'ouvrage par la Métropole, du contrôle des travaux ou encore en une absence d'entretien de la chaussée ;
- de même, la société Egis ne peut prétendre être exonérée de sa responsabilité du fait de la Métropole, dès lors que le groupement de maîtrise d'oeuvre était titulaire d'une mission complète pour les travaux d'infrastructure de la place de la Victoire, comprenant les structures et les revêtements de surface, étant précisé que l'équipe de maitrise d'oeuvre était tenue d'une obligation de vérification des documents et informations délivrés par le maitre d'ouvrage ;
- en outre, c'est à tort que le tribunal a fixé un pourcentage de responsabilité de Bordeaux Métropole dans la survenance des désordres à hauteur de 30 %, dès lors que, d'une part, le maitre d'oeuvre était tenu de vérifier les informations et données transmises par le maitre d'ouvrage, en vertu tant du dossier de consultation du concours de maitrise d'oeuvre que des articles 3, 4 et 6 de l'annexe III de l'arrêté du 21 décembre 1993 et de l'article 2.14 du CCAP, de sorte qu'il ne revenait pas au maitre d'ouvrage d'alerter le maitre d'oeuvre sur la sous-estimation du trafic, d'autant que ce dernier disposait d'informations suffisantes à un dimensionnement cohérent de l'ouvrage et que, d'autre part, le maitre d'oeuvre avait pour mission le suivi de l'exécution des travaux en vertu de l'article 22 du CCAP et, à ce titre, était chargé de la rédaction des ordres de service, de sorte qu'en considérant que le maitre d'ouvrage aurait dû rectifier l'OS n° 6 modifié par le maitre d'oeuvre, le tribunal s'est fondé sur le postulat erroné selon lequel le maitre d'ouvrage aurait remis des informations qu'il savait erronées et aurait dû contrôler le maître d'oeuvre, alors que la Métropole a fait le choix de confier les missions de maitrise d'oeuvre à un groupement spécialisé compte tenu de ce que ses services techniques ne disposaient pas de l'ensemble des compétences au vu de l'importance, de l'étendue et de la complexité des travaux, qui s'inscrivaient dans un projet plus large comprenant les travaux de déploiement des premières lignes de tramway ;
- d'ailleurs, le rapport I...mentionne le caractère " expérimental " de l'ouvrage, ce qui témoigne d'un niveau de complexité certain ;
- en outre, le maitre d'oeuvre ne pouvait s'abstenir de vérifier les données transmises par le maître d'ouvrage qu'à la condition que celui-ci déclare et garantisse l'exactitude, le caractère complet et la pertinence des informations transmises ;
- les désordres sont également imputables à la mauvaise exécution des travaux par les entreprises, qui révèle d'ailleurs un mauvais suivi des travaux par le maitre d'oeuvre, consistant notamment dans des défaillances dans la pose des revêtements, ce que l'expert a relevé dans son rapport, de sorte que la société Colas est malvenue à faire valoir que Bordeaux Métropole aurait dû procéder à un contrôle de la qualité du mortier si elle avait un doute sur sa teneur ;
- ainsi que l'a relevé en revanche le tribunal, les désordres constatés sont sans lien avec l'entretien de la voirie, les développements de la société Colas sur ce point résultant d'une lecture orientée de la norme NPF 98-335 citée par le rapport d'expertise, étant précisé que les entreprises, d'une part, n'explicitent à aucun moment à quel type d'entretien elles font référence dans leurs écritures et, d'autre part, n'ont remis aucun dossier d'entretien au maître d'ouvrage ;
- au demeurant, alors que le petit entretien incombait à cette époque en toute hypothèse à la Ville de Bordeaux, qui utilise, pour l'ensemble des voies du centre-ville, les mêmes produits d'entretien sans que l'on puisse constater une dégradation généralisée dans l'ensemble des rues pavées, Bordeaux Métropole a, pour sa part, multiplié l'application d'enrobés à chaud sur la chaussée afin de limiter les risques pour la circulation dans l'attente d'une solution de réparation plus pérenne et procédé à des réparations de mai à juillet 2013 ;
- en outre, il résulte des stipulations de l'article 3.4 du CCTP que les essais / vérifications étaient à la charge des entreprises, sous le contrôle du maître d'oeuvre ;
- si, par extraordinaire, les désordres devaient être considérés comme ne relevant pas de la garantie décennale, la cour condamnera le maître d'oeuvre à indemniser Bordeaux Métropole de l'intégralité du préjudice subi au titre du manquement à ses obligations contractuelles, et notamment à son obligation de conseil, la jurisprudence rappelant de manière constante qu'il appartient au maître d'oeuvre d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur les éventuelles défectuosités dont il pourrait avoir connaissance et faisant obstacle à ce que ce dernier puisse procéder à une réception sans réserve ;
- en effet, en l'espèce, le groupement de maîtrise d'oeuvre n'a pas alerté le maître de l'ouvrage sur l'existence d'éventuels désordres faisant obstacle à ce que Bordeaux Métropole puisse procéder aux opérations de réception, ou sur l'inadéquation du lit de pose réalisé par les entreprises, alors que le maitre d'oeuvre aurait dû en avoir connaissance s'il avait rempli correctement sa mission, en procédant à la vérification des données d'entrée transmises par le maitre d'ouvrage sur le trafic, alors qu'il y était contractuellement tenu, et n'a pas rempli ses obligations au titre du suivi de l'exécution du contrat ;
- s'agissant des préjudices, si le tribunal a fait droit à ses demandes indemnitaires au titre du montant total des travaux de réparation de la chaussée autour de la place de la Victoire 1 106 956,80 euros TTC), de l'utilisation et de la mise en oeuvre d'un enrobé à module élevé (EME) (153 260,89 euros TTC) ainsi que les surcoûts de surveillance de chantier non pris en compte par l'expert (95 727,84 euros TTC), il a rejeté à tort les postes de préjudices liés aux surcoûts générés par les malfaçons découvertes lors des travaux de reprise effectués sous maîtrise d'ouvrage de la CUB (34 251,29 euros TTC), à la réparation des désordres constatés sur la partie piétonne (1 304 387,87 euros TTC) ainsi que les charges indirectes liées aux difficultés d'accès des riverains et usagers pendant la durée des travaux (1 414 333 euros) ;
- enfin, dès lors qu'aucune part de responsabilité ne peut être imputée à Bordeaux Métropole dans la survenance des désordres, elle a droit au remboursement, d'une part, de la somme correspondant au pourcentage de 30 % laissé à sa charge par le tribunal au titre des travaux de réparation de la chaussée autour de la place de la Victoire, soit 406 783,66 euros TTC et, d'autre part, de la somme de 6 257,50 euros TTC au titre des frais liés à l'expertise judiciaire.



Par ordonnance du 29 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 juin 2018.


Un mémoire présenté pour la société Cosil a été enregistré le 12 octobre 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.



II. Par une requête et deux mémoires complémentaire enregistrés les 5 décembre 2016, 27 janvier 2017 et 12 octobre 2018 sous le n° 16BX03843, la société Cosil et la société Ville et architecture, représentées par MeH..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1400907 du 3 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et de rejeter toute demande de Bordeaux Métropole dirigées contre elles ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la société Egis Bâtiments Sud-Ouest les garantisse et relève intégralement indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée au profit de Bordeaux Métropole ou, à défaut, que la part de la condamnation laissée à la charge de la société Ville et architecture soit réduite à due proportion du caractère résiduel de la mission de maîtrise d'oeuvre qui lui avait été confiée ;

3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif est allé au-delà des estimations expertales en incluant dans le préjudice indemnisable de Bordeaux Métropole, d'une part, la pose d'un enrobé en couche d'assise que l'expert considérait comme une plus-value non indemnisable et, d'autre part, le coût de surveillance du chantier de réfection ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre était de 60 %, en se bornant à relever que les préconisations de l'OS n° 6, non respectées par le groupement d'entreprises, étaient de toute façon insuffisantes, alors que l'expertise a clairement démontré que les désordres ont pour cause exclusivement une faute de la maîtrise d'ouvrage, d'ailleurs reconnue par le tribunal, pour ce qui est des défauts de conception, ainsi qu'une faute des entreprises dans l'exécution des travaux ;
- à cet égard, la faute du maître d'ouvrage, qui a manqué à l'obligation de renseignement lui incombant en termes d'évaluation du trafic dont il a la gestion exclusive, constitue une cause exonératoire de responsabilité des constructeurs ;
- si, toutefois, la responsabilité des constructeurs devait être partiellement retenue sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, les entreprises devront les garantir intégralement de toute condamnation prononcée à leur encontre, dès lors que l'expertise a démontré que les désordres sont exclusivement dus à des fautes d'exécution de ces dernières ;
- enfin, si la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre était partiellement retenue, le rapport d'expertise n'a relevé aucune faute de la société d'architecture Ville et architecture et, moins encore, de la société Cosil, consultant éclairagiste, de telle sorte que ces dernières doivent être intégralement garanties et relevées indemnes par leur cotraitant, en l'occurrence le bureau d'études techniques ;
- à cet égard, l'acte d'engagement du contrat d'architecte prévoyait expressément que le groupement de maîtrise d'oeuvre était un groupement conjoint, impliquant que chacun de ses membres ne peut être déclaré responsable que dans la limite des prestations qui lui ont été attribuées, telles qu'elles sont détaillées dans la convention de cotraitance conclue le 11 octobre 2000 par les trois membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ;
- or en l'espèce, la SARL Cosil était seulement chargée du lot technique portant sur l'éclairage et la mise en lumière, représentant d'ailleurs une rémunération inférieure à 5 % du montant de la rémunération globale du groupement de la maîtrise d'oeuvre, de sorte qu'elle est parfaitement étrangère aux travaux ayant conduit aux désordres litigieux, ce qui justifie qu'elle soit relevée intégralement indemne par la société Egis Bâtiments Sud-Ouest ;
- s'agissant de l'architecte, à savoir la SARL Ville et architecture, elle s'était vu confier le lot " voiries - Revêtements de sols (revêtement uniquement) ", le lot technique portant sur les " Terrassements généraux et fondations des ouvrages des surfaces " ayant, quant à lui, été exclusivement confié à la SARL Oth Sud-Ouest, aux droits de laquelle se trouve la société Egis Bâtiments Sud-Ouest, qui devra la garantir de toute condamnation ou, à tout le moins, en assumer une part prépondérante.



Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 mars 2017 et 16 mai 2018, la société Egis bâtiments Sud-ouest, représentée par MeA..., demande à la cour de rejeter la requête d'appel de la société Cosil et de la société Ville et architecture.

Elle fait valoir que :
- elle maintient l'ensemble des éléments exposés dans sa requête d'appel, enregistrée sous le n° 16BX03829, dont elle demande la jonction avec la présente instance ;
- s'agissant de la charge finale de l'indemnité, dès lors que l'acte d'engagement ne répartit pas de façon satisfaisante les tâches entre les membres du groupement conjoint, chacun d'entre eux peut se voir imputer l'ensemble des fautes du groupement avec des conséquences financières in solidum ;
- si les sociétés Cosil et Ville et architecture produisent une convention de cotraitance, signée entre les membres du groupement le 11 octobre 2000 ainsi qu'une annexe ultérieure, elles ont largement participé à l'opération litigieuse et exécuté de nombreux lots, de sorte que leur part de responsabilité dans la survenance des désordres peut être bien plus grande que la proportion de ses honoraires dans ladite convention, qui pose sur ce point une difficulté d'interprétation sérieuse, de sorte que la Cour ne pourra en tenir compte.



Par un mémoire en défense et deux mémoires complémentaires enregistrés les 5 mai 2017, 16 mai 2018 et 27 juin 2018, la société Colas Sud-Ouest, représentée par Me G..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête d'appel de la société Cosil et de la société Ville et architecture ;

2°) à la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a retenu la responsabilité des deux entreprises de travaux dans la survenance des désordres et alloué une indemnité à Bordeaux Métropole au titre des deux chefs de préjudice portant sur la surveillance de chantier ainsi que la pose d'un enrobé à module élevé (EME) ;

3°) à titre subsidiaire, à la réformation de ce jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil à garantir les sociétés Novello et Cie et Colas sud-ouest à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elles ;

4°) à ce que les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments Sud-ouest et Cosil soient condamnées in solidum à la relever intégralement indemne de l'ensemble des condamnations qui pourraient être formulées à son encontre ;

5°) de condamner Bordeaux Métropole ou toute partie succombante à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Elle reprend les mêmes fins de non-recevoir, moyens et arguments que ceux précédemment exposés dans le cadre de la première requête n° 16BX03829.



Par un mémoire en défense complété par des pièces, enregistrés les 19 avril et 28 mai 2018, Bordeaux Métropole, représentée par MeE..., conclut :

1°) au rejet de la requête d'appel de la société Cosil et de la société Ville et architecture et de l'appel incident de la société Colas Sud-Ouest ;

2°) à la confirmation du jugement attaqué en ce que les sociétés Ville et architecture, Egis Bâtiments sud-ouest, Cosil, Novello et Cie et Colas sud-ouest ont été condamnées in solidum à lui verser la somme de 949 161,87 euros, assortie des intérêts capitalisés ;

3°) à la réformation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

4°) à la condamnation des sociétés Ville et architecture, Egis Bâtiments sud-ouest, Cosil, Novello et Cie et Colas Sud-ouest à lui verser la somme totale de 4 149 580,78 euros TTC en réparation des préjudices subis du fait de l'apparition des désordres affectant la place de la Victoire, tant pour sa partie chaussée que pour sa partie piétonne ;

5°) à ce que lesdites sociétés lui versent chacune la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et prennent en charge l'ensemble des frais d'expertise.

Elle reprend les mêmes moyens et arguments que ceux précédemment exposés dans le cadre de la première requête n° 16BX03829.



Par ordonnance du 1er octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 octobre 2018.



Vu les autres pièces des dossiers.


Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la société Egis Bâtiment, de Me F..., représentant Bordeaux Métropole, de MeH..., représentant, la société Cosil et de Me D..., représentant la société Colas Sud-Ouest.



Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un projet d'aménagement d'ampleur de la chaussée et de la partie piétonne de la place de la Victoire à Bordeaux concomitant aux travaux de déploiement des premières lignes de tramway, la communauté urbaine de Bordeaux (CUB), à laquelle s'est substituée Bordeaux Métropole à compter du 1er janvier 2015, a, par acte d'engagement du 4 avril 2001, confié la maîtrise d'oeuvre de cette opération à un groupement conjoint composé de la SARL Huet, aux droits de laquelle est venue la SARL Ville et architecture, désignée comme mandataire du groupement, du bureau d'études Oth Sud-Ouest, aux droits duquel vient la société Egis Bâtiments Sud-Ouest et de la SARL Cosil, éclairagiste, pour un montant total de 603 788,76 euros TTC. La réalisation des travaux a, par acte d'engagement du 16 septembre 2002, été confiée au groupement d'entreprises composé de la société anonyme Novello et Cie, mandataire solidaire, et de la société Colas Sud-ouest, pour un montant total de 3 967 898,85 euros TTC. A la suite de la réception des travaux, prononcée avec réserves par procès-verbal du 22 mars 2004, lesquelles ont été intégralement levées par procès-verbal du 29 avril 2004, de nombreux désordres affectant la place de la Victoire, consistant en particulier dans des affaissements de la chaussée, des déchaussements des pavés et des éclatements de bordures, ont été constatés sur et hors de la plateforme du tramway au cours de l'année 2007. Compte tenu de l'aggravation des désordres, la communauté urbaine de Bordeaux a saisi à deux reprises le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, lequel a d'abord, par ordonnance n° 1200567 du 21 février 2012, désigné M. B...comme expert à l'effet de constater l'état de la chaussée de la place de la Victoire, puis, par ordonnance n° 1200973 du 15 mai 2012, diligenté une expertise contradictoire et désigné M. J... afin que celui-ci inspecte la chaussée de l'espace routier contournant la place de la Victoire, décrive les causes et les conséquences des désordres l'affectant ainsi que la nature et le montant des travaux de réparation requis pour y remédier. A la suite du dépôt du rapport de l'expert, le 20 septembre 2013, la communauté urbaine de Bordeaux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de condamner in solidum les trois membres du groupement de maîtrise d'oeuvre susmentionnés et les deux entreprises chargées des travaux, sur le fondement de leur responsabilité décennale, à lui verser la somme de 4 149 580,78 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des désordres affectant la place de la Victoire et, à titre subsidiaire, de condamner in solidum le seul groupement de maîtrise d'oeuvre, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à lui verser ladite somme. Par un jugement en date du 3 octobre 2016, ce tribunal a condamné in solidum les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest, Cosil, Novello et Cie et Colas Sud-ouest à verser à Bordeaux Métropole la somme de 949 161,87 euros TTC en réparation de trois chefs de préjudice et la somme de 13 547,35 euros correspondant à 70 % des frais et honoraires d'expertise, condamné les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil à garantir les sociétés Novello et Cie et Colas Sud-ouest à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elles et rejeté le surplus des conclusions des parties.

2. Par la première requête susvisée n° 16BX03829, la société Egis bâtiments Sud-ouest, qui a contesté le jugement du tribunal administratif de Bordeaux dans le délai d'appel et a donc la qualité d'appelante principale, relève appel dudit jugement en tant qu'il a reconnu la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre. Par la seconde requête susvisée n° 16BX03843, également introduite dans le délai d'appel, la société Cosil et la société Ville et architecture demandent, à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter toute demande de Bordeaux Métropole dirigées contre elles ainsi que, à titre subsidiaire, à ce que la société Egis Bâtiments Sud-Ouest les garantisse et relève intégralement indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée au profit de Bordeaux Métropole. La société Colas Sud-Ouest, qui a absorbé, à compter du 1er janvier 2016, la société Novello et Compagnie, demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a retenu la responsabilité des deux entreprises de travaux dans la survenance des désordres affectant la place de la Victoire et alloué une indemnité à Bordeaux Métropole au titre des deux chefs de préjudice portant sur la surveillance de chantier ainsi que la pose d'un enrobé à module élevé (EME). Bordeaux Métropole demande, également par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires dirigées contre les constructeurs.

3. Les requêtes n°s 16BX03829 et 16BX03843 des sociétés Egis bâtiments Sud-ouest, Cosil et Ville et architecture sont relatives à la contestation du même jugement, présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Colas Sud-Ouest :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel des deux sociétés Cosil et Ville et Architecture :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 237-2 du code de commerce : " La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention " société en liquidation ". / La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. / La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés. ". Aux termes de l'article L. 237-11 de ce code : " L'avis de clôture de la liquidation est publié selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 237-9 de ce même code : " La société est radiée du registre du commerce et des sociétés sur justification de l'accomplissement des formalités prévues par les articles R. 237-7 et R. 237-8. ". Il résulte de ces dispositions qu'une société n'ayant plus d'existence juridique à compter de la date de la clôture de la liquidation, une requête d'appel présentée par elle est irrecevable.

5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir fait l'objet d'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 novembre 2014 prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, la société Ville et Architecture a vu cette liquidation close pour insuffisance d'actif par un jugement dudit tribunal du 11 février 2016. Ainsi, à la date d'introduction de la requête d'appel, le 5 décembre 2016, la société Ville et Architecture n'avait plus d'existence juridique et était, dès lors, dépourvue de capacité à agir. Il s'ensuit que la requête enregistrée sous le n°16BX03843 est irrecevable en tant qu'elle émane de la société Ville et Architecture.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".

7. Si, ainsi que le fait valoir la société Colas, la requête d'appel de la société Cosil ne comporte aucune indication quant à son siège social, son domicile peut être identifié dans les pièces du dossier, en particulier l'acte d'engagement du groupement de maîtrise d'oeuvre du 4 avril 2001, sur lequel ont été apposés les tampons humides des trois membres du groupement indiquant leurs adresses respectives. En outre, la seule circonstance, dont la société Colas se prévaut, tirée de ce que la requête d'appel de la société Cosil ne précise pas quelle personne physique aurait été habilitée à la représenter en justice est sans incidence sur sa conformité aux dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

8. Il s'ensuit que la recevabilité de requête d'appel, en tant qu'elle émane de la société Cosil, doit être admise.


En ce qui concerne la recevabilité du mémoire en appel incident de Bordeaux Métropole :

9. En vertu de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, contenu au chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal : " Le maire peut (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...). ". Aux termes de l'article L. 5211-1 de ce code : " A l'exception de celles des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 2122-4, les dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au maire et aux adjoints sont applicables au président et aux membres du bureau des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. ". Aux termes de l'article L. 5211-9 dudit code : " Le président est l'organe exécutif de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) / Il représente en justice l'établissement public de coopération intercommunale. (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que par une délibération n° 2017-149 du 17 mars 2017, le conseil de Bordeaux Métropole a délégué à son président le pouvoir de " décider d'ester en justice et représenter Bordeaux Métropole devant toute juridiction tant en défense qu'en action ". Par suite, et contrairement à ce que soutient la société Colas Sud-Ouest, le mémoire en défense présenté pour Bordeaux Métropole en appel est recevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

A/ En ce qui concerne les conclusions des parties relatives à la chaussée autour de la place de la Victoire :

11. Pour solliciter devant les premiers juges la condamnation des constructeurs à lui verser la somme totale de 4 149 580,78 euros TTC, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des désordres affectant tant la chaussée autour de la place de la Victoire que sa partie piétonne, Bordeaux Métropole s'est prévalue, à titre principal, de la garantie décennale des constructeurs et, à titre subsidiaire, de la responsabilité contractuelle du seul groupement de maîtrise d'oeuvre.

S'agissant de la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs :

12. D'une part, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, sans qu'il soit nécessaire que ces désordres revêtent un caractère général et permanent. En application de ces principes, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire. D'autre part, le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables (CE, n° 387428, 26 février 2016, Commune de Rennes-les-Bains). A cet égard, en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles.

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Bordeaux du 17 septembre 2013, que la chaussée ouverte à la circulation des deux roues, des automobiles et des poids lourds entourant la place de la Victoire est affectée par de nombreux affaissements ainsi qu'un tassement des pavés dans la couche du sable mortier combiné à un délitement de leurs joints, insuffisamment rigides pour absorber le trafic, pouvant former des creux allant jusqu'à 6,5 cm de profondeur, et qui sont de nature à affecter partiellement la solidité de l'ouvrage. Il résulte également de l'instruction, et notamment d'une précédente expertise rendue par M. de la Fouchardière le 6 mars 2008 ainsi que du rapport de M. B...du 1er mars 2012 saisi dans le cadre d'un référé constat, dont les éléments factuels ne sont pas sérieusement remis en cause par les constructeurs, que ces désordres sont importants et excèdent les défauts habituels des voiries après trois années de mise en service et qu'au moins 80 % de la surface de roulement de la chaussée autour de la place se trouvait en mauvais état et pouvait constituer un danger pour les deux roues compte tenu de sa déformation. A cet égard, l'expertise du 17 septembre 2013 a relevé qu'il est probable que les travaux de confortement réalisés par la communauté urbaine de Bordeaux, d'abord en février-mars 2012, puis en mai-juillet 2013, consistant en la pose d'enrobés à chaud sur la chaussée, ont permis d'éviter une impropriété à destination avant l'expiration du délai de la garantie décennale, le 22 mars 2014. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la société Egis bâtiments Sud-ouest, ces désordres, non apparents à la réception, revêtent un caractère décennal, bien que la partie à usage de voirie de la place de la Victoire n'eût pas cessé d'être utilisée par les différents véhicules y transitant après leur apparition au cours de l'année 2007.

14. En second lieu, il résulte de l'instruction que ces désordres sont imputables aux sociétés Novello et Compagnie et Colas, membres du groupement d'entreprises chargées de la fourniture et de la pose des revêtements de surface, qui ont substitué, lors de l'exécution des travaux, un sable ciment moins résistant au mortier contractuellement prévu dans le lit de pose, en particulier dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché. A cet égard, tant le rapport du 10 septembre 2007 établi par le CEBTP Solen que celui remis par l'expert commis par le président du tribunal administratif de Toulouse le 17 septembre 2013, dont la société Colas ne remet pas sérieusement en cause les conclusions en arguant de leur caractère supposément contradictoire, ont relevé, d'une part, une insuffisance en ciment du mortier servant de support à la chaussée, à l'état pulvérulent et d'une très faible compacité, les différents sondages réalisés par carottage sur le site et les analyses en laboratoire ayant mesuré un dosage en ciment peu élevé de 180 kg / m3 nettement inférieur à la valeur théorique de 350 kg / m3 indiquée sur la fiche de composition du mortier transmise et, d'autre part, que ce lit de pose a été, à la suite de la destruction du mortier de joint, poinçonné par les pavés, entraînant la remontée de sable à travers les fissures et la déformation de la chaussée. Il est vrai, ainsi que le soutient la société Egis bâtiments Sud-ouest que, dans son rapport du 17 septembre 2013, l'expert n'a pas retenu de responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre dans la survenance de ces désordres. Toutefois, il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de M. de la Fouchardière du 6 mars 2008 susmentionné, que ces désordres trouvent aussi leur origine dans la conception même de l'ouvrage et, en particulier, la nature inadaptée de la chaussée au trafic poids lourds, configurée sur une base prévue de 150 poids lourds par jour, alors que celui-ci est d'environ 800 poids lourds par jour. Il est constant que dans son acte d'engagement du 4 avril 2001, le groupement de maitrise d'oeuvre s'était vu confier une mission de maîtrise d'oeuvre complète en ce qui concerne notamment le lot n° 1 " infrastructures " ainsi que le lot n° 4 " superstructures ", laquelle incluait notamment une mission de conception de l'ouvrage. Or le bureau d'études Oth Sud-Ouest, aux droits duquel vient la société Egis Bâtiments Sud-Ouest, n'a pas prévu une teneur en ciment suffisante du mortier de pose, tant lors de l'élaboration des documents contractuels, et notamment du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché, qui prescrivait un sable stabilisé par incorporation d'un liant à 125 kg de ciment par m³, que lors de l'édiction d'un ordre de service n° 6 du 3 février 2003, qui a ajusté ce dosage en un mortier à 350 kg/m³, lequel s'est toutefois avéré insuffisant au trafic réel. En outre, ledit groupement de maîtrise d'oeuvre, qui s'était vu confier également une mission de surveillance et de direction du chantier, n'a pas procédé à un contrôle suffisant des travaux réalisés par les sociétés Novello et Compagnie et Colas.

15. Dès lors, c'est à juste titre qu'en vertu des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs, les premiers juges ont condamné in solidum les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ainsi que les sociétés Novello et Compagnie et Colas à réparer les dommages subis par le maître d'ouvrage du fait des désordres affectant la chaussée autour de la place de la Victoire.


S'agissant de la faute de la victime :

16. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert du 17 septembre 2013 susmentionné, que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de travaux élaboré par le maître d'oeuvre, sur la base de diverses données transmises par la communauté urbaine de Bordeaux, faisait référence à un trafic " TC " correspondant à des hypothèses de trafic quotidien de 30 poids lourds et 80 bus, manifestement insuffisantes au regard de l'utilisation effective de la chaussée autour de la place de la Victoire. Pourtant, le maître d'ouvrage, à qui le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) avait été communiqué par le maître d'oeuvre et qui avait lui-même conçu un programme d'aménagement d'espaces publics concomitants au projet de tramway pour la place de la Victoire renvoyant, pour les espaces liés à la circulation, à la référence de trafic TC5 20 selon la norme LCPC-SETRA, ce qui correspond à la circulation de 2,5 à 6,5 millions de poids lourds sur une durée de vingt années, soit une fourchette de 287 à 748 poids lourds par jour et par sens de circulation, soit, au total, entre 574 et 1 496 poids lourds par jour, n'a pas alerté le maître d'oeuvre sur la nature inadaptée de la chaussée au trafic poids lourds. Si Bordeaux Métropole fait valoir qu'il incombait à ce dernier de vérifier les informations et données qui lui avaient été transmises, en vertu tant du dossier de consultation du concours de maitrise d'oeuvre que des articles 3, 4 et 6 de l'annexe III de l'arrêté du 21 décembre 1993 et de l'article 2.14 du CCAP, le rapport rendu par M. de la Fouchardière le 6 mars 2008 relève lui-même que les insuffisances dans la conception de l'ouvrage pouvaient être décelées alors par la communauté urbaine de Bordeaux, laquelle ne saurait sérieusement nier qu'elle dispose de services compétents pour appréhender les enjeux inhérents aux travaux de voirie, capables de concevoir les ouvrages en cause et d'exercer un contrôle sur le choix et la mise en oeuvre des procédés utilisés, alors même que l'opération d'aménagement de la place dont s'agit s'inscrivait dans un programme de plus grande ampleur lié à l'instauration des premières lignes de tramways à Bordeaux. D'ailleurs, le document dont elle se prévaut, portant sur les " éléments de programme techniques et fonctionnels " du " programme d'aménagement d'espaces publics concomitants du projet tramway ", précisait que " sur la base de ces hypothèses, les calculs de dimensionnement et l'ajustement de ces structures devront être validés par le laboratoire de la voirie de la CUB et les entreprises de mises en oeuvre ". En outre, la communauté urbaine de Bordeaux n'est pas davantage intervenue lorsqu'elle a été rendue destinataire de l'ordre de service n° 6, lequel, ainsi qu'il vient d'être dit au point 14, s'est toutefois avéré encore insuffisant pour que la chaussée soit adaptée au passage quotidien de 800 poids lourds. Ainsi, et contrairement à ce qu'elle soutient, en s'abstenant d'intervenir pour permettre la correction de cette erreur d'estimation, Bordeaux Métropole a elle-même commis une faute de nature à exonérer les constructeurs pour partie de leur responsabilité.

17. En second lieu, en revanche, en se bornant à faire valoir que la pose d'enrobés par la communauté urbaine de Bordeaux, avant le dépôt du rapport de l'expert du 17 septembre 2013, démontre que le stade de l'entretien préventif a été dépassé en l'espèce et qu'il n'a pas été effectué dans les règles, alors que les entreprises de travaux lui avaient communiqué les documents fournis après exécution (DOE), dont les notices d'entretien, conformément à l'article 40 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, la société Colas n'établit pas plus en appel qu'en première instance que le maître d'ouvrage aurait commis une faute dans l'entretien courant de la chaussée entourant la place de la Victoire et aurait, ce faisant, concouru à sa dégradation progressive. Au demeurant, c'est en considération de l'aggravation des désordres affectant la chaussée et des risques qu'ils faisaient courir pour la sécurité des usagers que Bordeaux Métropole a entrepris d'intervenir à deux reprises au cours des années 2012 et 2013 pour tenter d'en minimiser les effets immédiats.

18. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction qu'en laissant 30 % des conséquences dommageables des désordres affectant la chaussée routière à la charge de Bordeaux Métropole, les premiers juges auraient fait une appréciation erronée de sa part de responsabilité au regard de ses propres fautes commises dans le cadre de l'opération litigieuse, telles qu'elles viennent d'être exposées au point 16. Dès lors, ni la société Egis bâtiments sud-ouest, ni Bordeaux Métropole, dans le cadre de son appel incident, ne sont fondées à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point.


S'agissant du préjudice indemnisable :

19. Le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais générés par les travaux de réfection indispensables à engager afin de le rendre à nouveau conforme à sa destination, sans que de tels travaux puissent apporter une plus-value à l'ouvrage dont s'agit.

20. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 17 septembre 2013, et il n'est d'ailleurs pas plus contesté en appel par les constructeurs qu'en première instance, que les frais liés aux travaux nécessaires à la remise en état de la chaussée routière, qui impliquent l'enlèvement des pavés, l'excavation du lit de pose, la remise d'un mortier et la pose des pavés, s'élèvent à la somme de 925 550 euros HT, soit 1 106 956,80 euros TTC.

21. En deuxième lieu, pour contester la condamnation des constructeurs, prononcée par les premiers juges, à verser à Bordeaux Métropole la somme totale de 153 260 euros TTC, correspondant, d'une part, à la fourniture et la pose d'un enrobé à module élevé (EME) en couche d'assise (85 344,56 euros HT) et, d'autre part, au rabotage de la dalle béton (42 800 euros HT), dans le cadre des travaux de réfection de la chaussée défectueuse, la société Colas Sud-Ouest et la société Cosil soutiennent que l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux avait estimé, dans son rapport du 17 septembre 2013, que ce changement de structure constitue une adaptation à un mauvais retour d'expérience de ce type de structure trop rigide pour une place à fort trafic et apporte une plus-value à l'ouvrage. Toutefois, il ressort des explications circonstanciées et détaillées fournies par Bordeaux Métropole sur ce point, qui ne font pas l'objet d'un contredit sérieux, que le choix d'utiliser un EME n'a pas été guidé en l'espèce par des retours d'expérience quant au trafic mais en raison des défauts affectant la dalle béton située en dessous de la chaussée et sur laquelle les pavés devaient être posés, l'expert ayant relevé par ailleurs que, compte tenu du caractère très variable des épaisseurs de mortier utilisées (entre un et 7,5 cm), une mise en oeuvre à l'identique aurait nécessité de reprendre dans son intégralité la dalle béton, pour un coût total excédant les frais liés à l'utilisation d'un tel enrobé à module élevé. Dès lors, la société Colas Sud-Ouest et la société Cosil ne sont pas fondées à demander la réformation du jugement attaqué que ce point.

22. En troisième lieu, Bordeaux Métropole se prévaut de ce qu'elle a subi un préjudice au titre des surcoûts de surveillance du chantier non pris en compte par l'expert et correspondant, selon elle, à 68 jours de surveillance du chantier au prix journalier majoré de 2 070 euros HT, liés à diverses exigences du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) en termes d'accessibilité des lieux. Toutefois, les documents qu'elle produit, constitués d'un compte-rendu d'une réunion de chantier du 15 mai 2013 réalisé par ses services, le détail quantitatif estimatif de reconstruction des chaussées en pavés de la place de la victoire ainsi qu'un certificat de paiement du maître d'ouvrage à la société Somopa, ne suffisent pas à démontrer l'existence de telles exigences du SDIS à l'origine de ce chef de préjudice. Il s'ensuit qu'ainsi que le fait valoir la société Colas, c'est à tort que les premiers juges ont condamné les constructeurs à verser à l'établissement public de coopération intercommunale la somme de 95 727,84 euros TTC à ce titre. Il y a lieu, dès lors, de réformer le jugement attaqué dans cette mesure.

23. En quatrième lieu, Bordeaux Métropole ne justifie pas plus en appel qu'en première instance de la réalité des préjudices, en lien direct et certain avec les désordres affectant la chaussée routière, qu'elle invoque au titre, d'une part, des surcoûts générés par les malfaçons découvertes lors des travaux de reprise effectués sous maîtrise d'ouvrage de la CUB (34 251,29 euros TTC) et, d'autre part, des charges indirectes liées aux difficultés d'accès des riverains et usagers pendant la durée des travaux, qui ne manqueraient pas selon elle de solliciter une indemnisation en raison des préjudices anormaux et spéciaux liés aux opérations de travaux se déroulant sur une place très animée abritant de multiples établissements de restauration et bars (1 414 333 euros TTC). Dès lors, ses conclusions aux fins d'indemnisation de ces deux chefs de préjudice doivent être rejetées.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total du préjudice indemnisable dont le maître d'ouvrage peut obtenir la réparation auprès des constructeurs doit être réduit, compte tenu du pourcentage de responsabilité de 30 % mentionné au point 18, à la somme de 882 152, 38 euros TTC. Dès lors, les sociétés Colas et Cosil sont fondées à demander la réformation du jugement attaqué dans cette seule mesure. Pour les mêmes motifs, les conclusions de Bordeaux Métropole, présentées dans le cadre de son appel incident, tendant à ce que la condamnation des constructeurs soit portée à la somme totale de 4 149 580,78 euros TTC, doivent être rejetées.


S'agissant de la charge définitive des frais d'expertise :

25. Le présent arrêt confirmant le pourcentage de responsabilité opéré par les premiers juges entre le maître d'ouvrage (30 %) et les constructeurs à l'origine des désordres litigieux (70 %), les conclusions de Bordeaux Métropole tendant à la condamnation de ces derniers à lui verser la somme de 6 257,50 euros TTC correspondant à la part de 30 % laissée à sa charge au titre des frais d'expertise doivent être rejetées.


S'agissant des appels en garantie formés par les constructeurs :

26. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse (TC, n° 3983, A, 9 février 2015, Société Ace European Group Limited c/ M. C...et autres).

Sur les appels en garantie croisés formés par la société Colas Sud-Ouest et le groupement de maîtrise d'oeuvre :

27. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 14, il résulte de l'instruction, et notamment des différents rapports d'expertise produits au dossier, que les désordres litigieux affectant la chaussée routière autour de la place de la Victoire sont imputables, de manière prépondérante, au groupement de maîtrise d'oeuvre, qui a commis une faute de conception de la chaussée et a manqué à son obligation de suivi de la bonne exécution de leurs prestations par les sociétés Colas et Novello et Compagnie, alors que l'acte d'engagement du 4 avril 2001 lui avait imparti une mission de maîtrise d'oeuvre complète de l'opération en ce qui concerne notamment le lot n° 1 " infrastructures " ainsi que le lot n° 4 " superstructures ". Il résulte également de l'instruction que les désordres litigieux sont imputables, dans une moindre mesure, aux deux entreprises Colas et Novello et Compagnie, chargées de la fourniture et de la pose des revêtements de surface, qui ont substitué, lors de l'exécution des travaux, un sable ciment moins résistant au mortier contractuellement prévu dans le lit de pose.

28. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, c'est par une juste appréciation des responsabilités respectives des constructeurs concernés que le tribunal administratif de Bordeaux a fixé à 60 % la part incombant au groupement de maîtrise d'oeuvre et 40 % celle incombant au deux entreprises Colas et Novello et Compagnie dans la survenance des désordres litigieux.

29. Dès lors, la société Egis bâtiments Sud-ouest n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point.


Sur les appels en garantie croisés formés par la société Egis bâtiments sud-ouest et la société Cosil :

30. Il résulte de l'instruction, et notamment du tableau de répartition des tâches annexé à l'acte d'engagement du groupement de maîtrise d'oeuvre du 4 avril 2001 ainsi que de la convention de cotraitance conclue le 11 octobre 2000 par les trois membres dudit groupement que la SARL Cosil était - ainsi qu'elle le souligne - seulement chargée du lot technique portant sur l'éclairage public et la mise en lumière des édifices patrimoniaux de la place de la Victoire, représentant d'ailleurs une rémunération inférieure à 5 % du montant de la rémunération globale du groupement de la maîtrise d'oeuvre. Il résulte ainsi de l'instruction que la SARL Cosil n'a pas concouru, fût-ce de manière partielle, à la survenance des désordres litigieux. Dès lors, l'appelante est fondée à demander que la société Egis Bâtiments Sud-Ouest soit condamnée à la relever et garantir intégralement indemne des condamnations prononcées à son encontre. En revanche, en se bornant à faire valoir qu'en cas de condamnation des constructeurs, la cour répartira les pourcentages d'imputabilité également entre les cinq parties, à hauteur de 20 % chacune, la société Egis Bâtiments Sud-Ouest n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir que la SARL Cosil serait à l'origine des désordres affectant la chaussée routière. Il s'ensuit que ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la SARL Cosil doivent être rejetées.

B/ En ce qui concerne les conclusions des parties relatives à la partie piétonne de la place de la Victoire :

S'agissant de la garantie décennale des constructeurs :

31. Pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par Bordeaux Métropole, et tendant à ce que les constructeurs de l'ouvrage soit condamnés à lui verser la somme totale de 1 304 387,87 euros TTC au titre des travaux de reprise de la partie piétonne de la place de la Victoire, les premiers juges ont relevé que " les seuls éléments concernant la partie piétonne de la place produits par Bordeaux Métropole au soutien de sa requête sont des photographies issues d'un rapport interne du 21 février 2007, et un constat d'huissier établi le 6 décembre 2013 ; que celui-ci observe, en plusieurs endroits de la place, des " dégradations ", " détériorations " ou " fissurations " du pavage ; qu'il relève également, d'une part, des " défauts de planitude " du sol, et d'autre part des trous dont la profondeur ne dépasse pas 3,6 cm [et] que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les désordres affectant la partie piétonne de la place, apparus dans le délai d'épreuve de 10 ans ou susceptible d'apparaître dans un délai prévisible, seraient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, notamment en présentant un risque pour la sécurité des piétons ". Pour contester cette motivation, Bordeaux Métropole se borne à se prévaloir en appel de ce que les travaux d'aménagement de la partie piétonne de la place de la Victoire ont été réalisés dans le cadre du même projet et d'un même contrat, ainsi que par la même équipe de maitrise d'oeuvre et le même groupement d'entreprises. Toutefois, et alors que Bordeaux Métropole reconnait elle-même que les deux espaces de la place ont fait l'objet, à la suite de la réalisation des travaux, de sollicitations différentes de leurs revêtements, la partie chaussée étant soumise au quotidien à un trafic continu de très nombreuses automobiles et de centaines de poids-lourds, à l'inverse de la partie piétonne, les pièces qu'elle produit, y compris pour la première fois en appel, qui se résument à des tableaux détaillés de divers frais engagés et un constat d'huissier du 6 décembre 2013, ne suffisent pas à établir que les désordres affectant la partie piétonne de la place de la Victoire seraient de nature à compromettre sa solidité ou la rendre impropre à sa destination. Dès lors, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ils ne sauraient être regardés comme revêtant un caractère décennal.


S'agissant de la responsabilité contractuelle du groupement de maîtrise d'oeuvre :

32. La réception mettant fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, elle interdit, par conséquent, après qu'elle a été prononcée, au maître de l'ouvrage de rechercher la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre et du contrôleur technique à raison des fautes qu'ils auraient commises dans la conception de l'ouvrage, la surveillance des travaux ou le contrôle technique. En revanche, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. A cet égard, si la seule circonstance que le maître d'ouvrage ait connaissance des désordres affectant l'ouvrage avant sa réception ne suffit pas à exonérer le maître d'oeuvre de son obligation de conseil lors des opérations de réception, la responsabilité du maître d'oeuvre peut être écartée si ses manquements à son devoir de conseil ne sont pas à l'origine des dommages dont se plaint le maître d'ouvrage.

33. Bordeaux Métropole fait valoir en appel, comme elle l'a d'ailleurs déjà fait devant les premiers juges, que le groupement de maîtrise d'oeuvre n'a pas alerté le maître de l'ouvrage sur l'existence d'éventuels désordres faisant obstacle à ce que Bordeaux Métropole puisse procéder aux opérations de réception, ou sur l'inadéquation du lit de pose réalisé par les entreprises, alors que le maitre d'oeuvre aurait dû en avoir connaissance s'il avait rempli correctement sa mission, en procédant à la vérification des données d'entrée transmises par le maitre d'ouvrage sur le trafic, alors qu'il y était contractuellement tenu, et n'a pas rempli ses obligations au titre du suivi de l'exécution du contrat. Toutefois, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la partie piétonne de la place serait affectée du même défaut d'exécution que la chaussée, il résulte de ce qui a déjà été dit au point 16 que le maître d'ouvrage, qui avait lui-même rédigé un programme d'aménagement d'espaces publics concomitants au projet de tramway pour la place de la Victoire, pouvait, compte tenu notamment de la compétence de ses services techniques, déceler les insuffisances de conception de l'ouvrage dès l'élaboration des documents contractuels par le maître d'oeuvre, puis lors de l'édiction de l'ordre de service n° 6. Dans ces conditions, les dommages dont se plaint Bordeaux Métropole au titre des désordres affectant la partie piétonne de la place ne peuvent être regardés comme trouvant leur origine directe dans un manquement du groupement de maîtrise d'oeuvre à ses obligations de conseil mais dans sa propre faute. Il s'ensuit que Bordeaux métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires sur ce second fondement de responsabilité.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

34. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de ces dispositions.








DECIDE :
Article 1er : La condamnation in solidum des constructeurs, prononcée par le tribunal, à réparer les préjudices subis par Bordeaux Métropole du fait de la survenance des désordres affectant la partie chaussée de la place de la Victoire, est ramenée à la somme totale de 882 152,38 euros TTC.
Article 2 : La société Egis bâtiments Sud-ouest est condamnée à relever et garantir intégralement indemne la société Cosil des condamnations prononcées à son encontre.
Article 3 : Le jugement n° 1400907 en date du 3 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à société Egis bâtiments Sud-ouest, à la société Colas Sud-Ouest, à Bordeaux Métropole et à la société Cosil.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

Le rapporteur,
Axel Basset
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
4
N°s 16BX03829, 16BX03843



Abstrats

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.
39-06-01-04-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.
54-01-06 Procédure. Introduction de l'instance. Capacité.

Source : DILA, 02/01/2019, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 17/12/2018