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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 12/12/2018, 16BX02845, 16BX02846, 16BX03196, 16BX03197, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LARROUMEC

Rapporteur : Mme Florence REY-GABRIAC

Commissaire du gouvernement : Mme MOLINA-ANDREO

Avocat : CABINET ALKYNE AVOCATS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Datex Martinique a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le contrat de délégation de service public de restauration scolaire conclu par la Communauté d'agglomération espace sud Martinique (CAESM) avec la société Servichef et de condamner la CAESM à lui verser une somme de 2 358 846 euros et 25 centimes hors taxes, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts, au titre de la réparation du préjudice subi en raison de son éviction illégale de ladite délégation de service public.

Par un jugement n° 1400200 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la convention de délégation de service public de la restauration scolaire conclue entre la CAESM et la société Servichef et a condamné la CAESM à verser à la Datex, à titre d'indemnité, une somme de 2 042 226 euros , assortie d'intérêts et de la capitalisation de ceux-ci.

Procédures devant la cour :

I.- Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 août 2016 et le 23 août 2017 sous le n° 16BX02845, la Communauté d'agglomération espace sud Martinique (CAESM), représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2016 ;

2°) de mettre à la charge de la société Datex Martinique la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'annulation du contrat ne pouvait être prononcée au motif que la société Servichef n'avait pas distingué les biens de reprise, les biens de retour et les biens propres ; le défaut de distinction entre ces catégories de biens n'empêchait pas la CAESM de connaître le régime des biens affectés à la délégation lors de la fin du contrat, dès lors que ce régime ne dépend pas de la liste qu'aurait produit un candidat à l'appui de son offre, mais uniquement de leur nature à la fin du contrat, à laquelle il ne peut être dérogé contractuellement ; en l'espèce, la liste des biens de retour s'imposait aux candidats en vertu de l'article 8.2 du projet de contrat ; le régime des biens en fin de contrat est tel que fixé par la jurisprudence, rappelé par l'article 65 du projet de contrat ; l'absence de précision quant à la nature des biens figurant dans la liste produite par la société Servichef n'était donc pas de nature à entacher d'irrégularité son offre ; en effet, l'absence d'informations apportée par le candidat au regard des exigences fixées par le règlement de consultation ne peut à elle seule justifier l'irrecevabilité d'une offre si ces irrégularités n'empêchent pas d'analyser l'offre au regard des critères posés par le règlement et de la comparer avec les offres des autres candidats ; en l'espèce, il n'est pas établi que l'absence de distinction entre biens de retour, biens de reprise et biens propres ait empêché la CAESM d'analyser les offres au regard des critères posés dans le règlement de la consultation, dès lors que la liste catégorisant les biens n'a pas vocation à être figée au stade de la remise des offres et doit même être arrêtée une première fois après la notification du contrat, puis actualisée chaque année ; à ce stade de la procédure, il n'y avait donc pas lieu de lister les biens de façon plus fine ;
- en tout état de cause, l'irrégularité retenue par le tribunal, à la supposer établie, ne pouvait entraîner l'annulation du contrat, sanction ultime que le juge ne doit prononcer que pour des irrégularités d'une particulière gravité ; en l'espèce, il y a disproportion entre la nature de l'irrégularité retenue et la sanction ; à supposer même que la régularisation ne soit pas envisageable, l'annulation ne peut être prononcée que si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité ; en l'espèce, la sanction n'est pas proportionnée ; en outre, les premiers juges n'ont pas apprécié l'importance et les conséquences de la prétendue irrégularité constatée et ils ne pouvaient prononcer l'annulation du contrat sans avoir examiné la possibilité d'une régularisation, dès lors que l'annulation n'est possible que si aucune régularisation ne peut être envisagée ; ils devaient également rechercher si, à défaut de régularisation possible, le contrat était entaché d'illicéité, d'un défaut de consentement ou révélait une intention de favoriser un candidat ;
- enfin, le jugement porte une atteinte manifestement excessive à l'intérêt général ;
- s'agissant de l'indemnisation accordée à la Datex, le jugement est insuffisamment motivé ; les premiers juges n'ont pas suffisamment vérifié si la société avait des chances sérieuses d'emporter le marché si l'irrégularité n'avait pas été commise, ce qui n'est pas établi ; en effet, rien ne permet d'établir que, si l'offre de Servichef avait été écartée du fait de son irrégularité, la CAESM n'aurait pas aussi écarté celle de la Datex et déclaré la procédure sans suite, dès lors que l'offre de cette dernière société engendrait un important surcoût financier pour l'autorité délégante ; par suite, il n'est pas démontré que la Datex évincée devait être indemnisée de l'intégralité de son manque à gagner.


Par un mémoire en intervention et un mémoire complémentaire enregistrés le 16 septembre 2016 et le 23 août 2017, la société Servichef, représentée par la SELARL Symchowicz-Weisseberg, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2016, au rejet de la requête de la société Datex Martinique et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- le principe du contradictoire a été méconnu, car le tribunal a retenu un moyen finalement soulevé par la Datex dans un mémoire qui n'a pas été communiqué en temps utile ;
- pour le reste, elle s'associe aux écritures de la requérante.


Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2017 et des pièces enregistrées le 26 juillet 2017, la société Datex Martinique, représentée par Me B...et MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la CAESM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le principe du contradictoire a parfaitement été respecté ;
- le moyen d'annulation retenu par le tribunal est fondé, en droit comme en fait ;
- le vice relevé a affecté la légalité du contrat et justifié son annulation ainsi que son indemnisation ;
- elle disposait d'une chance sérieuse de remporter le contrat ;
- en outre, d'autres irrégularités commises lors de la procédure de passation sont de nature à confirmer l'annulation de la convention : la candidature de Servichef n'a pas permis d'apprécier ses capacités techniques et professionnelles, son offre était irrégulière en l'absence de reprise du personnel et en l'absence de présentation d'un plan de renouvellement.


Par une ordonnance en date du 19 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2017.


Un mémoire présenté pour la CAESM a été enregistré le 10 janvier 2018.







II.- Par une requête, enregistrée le 17 août 2016 sous le n° 16BX02846, et des mémoires enregistrés les 9 et 20 janvier 2017 et le 10 janvier 2018, la Communauté d'agglomération espace sud Martinique (CAESM), représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1400200 du 7 juillet 2016 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'ordonner la suspension des intérêts moratoires et de leur capitalisation durant la période courant à compter de l'introduction de la présente requête jusqu'à la décision du juge du fond ;

3°) de mettre à la charge de la société Datex Martinique la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les moyens qu'elle invoque dans sa requête au fond à l'encontre du jugement du 7 juillet 2016 sont sérieux et de nature à justifier tant l'annulation du jugement que le rejet des conclusions à fin d'annulation du contrat ;
- l'exécution de la décision de première instance risque d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables, en raison de l'importance de la somme à laquelle elle a été condamnée ; en effet, la condamnation représente 27 % des dépenses prévisionnelles inscrites au budget 2016 de la restauration scolaire et supposerait une augmentation des tarifs de 72 %, voire de 88 % si on prend en compte les intérêts ; le montant de cette condamnation, qui obligerait la CAESM à supporter deux fois le coût d'un même service, est donc manifestement disproportionné au regard de la nature du service public et des conséquences financières que cela entraînera ; des risques de mouvements sociaux sont également envisageables.


Par des mémoires en intervention, enregistrés le 16 septembre 2016, le 8 mars et le 4 septembre 2017, la société Servichef, représentée par la SELARL Symchowicz-Weisseberg, conclut à ce que le sursis à exécution du jugement du 7 juillet 2016 soit ordonné et à ce qu'il soit mis à la charge de la Datex la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle déclare soutenir la demande de sursis à l'exécution du jugement querellé formé par la CAESM.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 octobre 2016, le 26 juillet 2017, le 1er février et le 8 juin 2017 et le 1er septembre 2017, la société Datex Martinique, représentée par Me B...et MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la CAESM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- la CAESM ne présente pas de moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement, comme elle l'a déjà exposé dans ses écritures en défense au titre de l'instance au fond ;
- c'est également à tort que la CAESM invoque des conséquences difficilement réparables ; la CAESM n'avance à ce titre aucun élément de preuve et elle dispose sur la société Servichef d'une créance de près de 2 400 000 euros, qui devrait lui permettre de régler sans difficulté la condamnation mise à sa charge.


Par une ordonnance en date du 4 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2018.


III.- Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2016 sous le n° 16BX03196, la société Servichef, représentée par la Selarl Symchowicz-Weissberg, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400200 du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2016 ;

2°) de rejeter la requête de la société Datex Martinique ;

3°) de mettre à la charge de la Datex la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, car les premiers juges se sont fondés sur un moyen soulevé par la Datex dans un mémoire qui n'a pas été soumis au contradictoire, car trop tardif ;
- son offre était parfaitement régulière, notamment au regard des informations qu'elle a communiquées dans son annexe TE3 ; en tout état de cause, la jurisprudence n'est pas formaliste et demande de rechercher si les irrégularités qui entacheraient une offre seraient telles qu'elles empêcheraient d'apprécier sa conformité au cahier des charges ou d'effectuer utilement une comparaison avec les autres offres ; toute incomplétude de l'offre n'est donc pas, en soi, une irrégularité et même en présence d'une irrégularité, le juge doit s'interroger sur l'incidence de la non-conformité en cause ; la qualification de " biens de retour " n'est pas déterminée, à l'initiative des candidats, selon les renseignements fournis dans leur offre, mais dépend exclusivement du caractère nécessaire de celui-ci au fonctionnement du service public ; par suite, l'absence d'inscription d'un bien dans l'annexe au contrat dressant la liste des biens n'empêche pas le juge de se prononcer sur la qualification de bien de retour ; l'article 8.2 du contrat précise d'ailleurs que les biens mis à la disposition du délégataire constituent des biens de retour ; le contrat prévoyait tout à la fois la nature et le régime des biens de retour, qui n'étaient donc pas déterminés par les candidats eux-mêmes ; l'annexe TE3 n'avait donc pas pour objet de déterminer le régime des biens et leur qualification, mais seulement d'inventorier provisoirement et de façon non exhaustive les biens et équipements, liste qui n'était nullement figée et qui n'autorisait pas les candidats à passer outre les données contractuelles concernant la nature et le régime des biens ; de toutes façons, tous les biens visés à l'annexe TE3 étaient des biens de retour puisqu'en vertu tant de la jurisprudence que du contrat, les biens renouvelés et les investissements du programme sont tous des biens amortis en fin de contrat et repris gratuitement par la collectivité ; d'ailleurs, la Datex n'a pas davantage mentionné de liste de biens de reprise ou de biens propres ; l'engagement de Servichef sur la gratuité des biens en fin de contrat est exempte de toute ambiguïté ; le prétendu vice relevé par le tribunal n'a eu aucune incidence sur la comparaison des offres, aucun des critères de choix n'ayant vocation à évaluer et valoriser la liste des biens de l'annexe TE3 ; c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que le vice qu'ils ont relevé pouvait affecter la validité du contrat ; cela est contraire à la jurisprudence Tropic ou Tarn-et-Garonne, aux termes de laquelle l'annulation ne peut être prononcée qu'en présence d'un vice d'une particulière gravité ; au cas d'espèce, il y a disproportion entre la sanction et l'impact concret du grief sur la procédure et sur le contrat ;
- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande indemnitaire de la Datex ; la jurisprudence est stricte et impose la démonstration nette d'un lien de causalité entre la faute et l'éviction.


Par une ordonnance du 2 août 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 septembre 2017.



IV.- Par une requête, enregistrée les 15 septembre 2017 sous le n° 16BX03197, la société Servichef, représentée par la SELARL Symchowicz-Weissberg, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1400200 du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2016 ;

2°) de mettre à la charge de la Datex la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les moyens qu'elle a soulevés dans sa requête eu fond sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement ;
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables au plan financier, ainsi qu'au niveau des contraintes d'organisation et de fonctionnement ; les conséquences financières vont peser sur la CAESM, ainsi que sur Servichef, société qui assume des investissements qui ne pourront être amortis dans les six mois à venir, remettant en cause la survie même de l'entreprise ; en outre, le fait de différer de quelques mois l'effectivité de l'annulation ne permet pas d'assurer la continuité du service public dans des conditions acceptables, dès lors notamment que l'annulation interviendra en cours d'année scolaire.


Par une ordonnance du 4 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 janvier 2017.


Vu les autres pièces des dossiers.


Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la CAESM, et de MeC..., et Me B..., représentants la société Datex Martinique.


Une note en délibéré pour la société Datex a été enregistrée le 21 novembre 2018 dans l'instance n°16BX02845.

Une note en délibéré pour la CAESM a été enregistrée le 11 décembre 2018 dans l'instance n°16BX02845.



Considérant ce qui suit :


1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 22 février 2013, la Communauté d'agglomération espace sud Martinique (CAESM) a lancé une procédure en vue de l'attribution d'un contrat de délégation de service public de restauration scolaire portant sur la production et la livraison des repas sur le territoire de la CAESM et sur la réalisation de travaux et équipements. Par une délibération du 30 décembre 2013, le conseil communautaire de la collectivité a autorisé son président à signer la convention de délégation avec la société Servichef. La société Datex Martinique, délégataire du 1999 à 2014, qui avait présenté une offre et été admise à négocier en vue de l'attribution du nouveau contrat de délégation de service public en cause, a demandé au tribunal administratif de la Martinique l'annulation du contrat conclu entre la CAESM et la société Servichef et a présenté des conclusions indemnitaires au titre de la réparation du préjudice subi en raison de son éviction illégale de ladite délégation de service public. Par un jugement du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de la Martinique a, d'une part, annulé la convention de délégation de service public de la restauration scolaire conclue entre la CAESM et la société Servichef, motif pris d'irrégularités dans la procédure de passation de la nouvelle convention de concession et, d'autre part, condamné la CAESM à verser à la Datex, à titre d'indemnité, une somme de 2 042 226 euros portant intérêts et capitalisation de ceux-ci. Par une requête, enregistrée sous le n° 16BX02845, la CAESM demande l'annulation de ce jugement et, par une requête, enregistrée sous le n° 16BX02846, elle demande le sursis à exécution de ce même jugement. Par une requête, enregistrée sous le n° 16BX03196, la société Servichef demande également l'annulation du jugement du 7 juillet 2016 et, par une requête, enregistrée sous le n° 16BX03197, elle en demande le sursis à exécution.

2. Ces quatre requêtes, dirigées contre un même jugement, présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.






Sur les requêtes au fond n°s 16BX02845 et 16BX03196 :

En ce qui concerne l'intervention de la société Servichef dans la requête n° 16BX02845 :

3. La société Servichef était attributaire de la nouvelle délégation de service public conclue avec la CAESM, qui a été annulée par le jugement du 7 juillet 2016. Elle est par suite recevable à intervenir en appel au soutien de la requête de la CAESM.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". L'article R. 613-2 du même code dispose : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. (...) ". Selon l'article R. 613-3 dudit code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. ".

5. Il résulte de l'instruction ainsi que des mentions portées sur le jugement, que l'audience, initialement prévue le 26 mai 2016 a été reportée au 24 juin 2016, et que la clôture de l'instruction a également été reportée au 24 juin 2016 à 8 h 30. Il en résulte également que deux mémoires, l'un de la CAESM, l'autre de la société Datex, ont été enregistrés le 24 juin, puis communiqués et donc visés et analysés. S'agissant en particulier du mémoire de la société Datex, le tribunal administratif a adressé à la société Servichef un courrier en date du 24 juin 2016, nécessairement postérieur à 8 h 30 du matin, lui communiquant ce mémoire et l'invitant à produire " aussi rapidement que possible ", ses observations. Même si, contrairement à ce que fait valoir la société Servichef, le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif avait déjà été formulé par la société Datex dans un mémoire enregistré le 5 avril 2016, cette société est fondée à soutenir que, en tout état de cause, compte-tenu des délais et des conditions de communication de ce mémoire, alors que l'instruction était close et que l'audience se tenait le jour même, le principe du contradictoire a été méconnu, ce qui entache le jugement d'irrégularité. Elle est, pour ce motif, fondée à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Datex Martinique devant le tribunal administratif de la Martinique.

Sur la demande présentée par la société Datex Martinique devant le tribunal administratif :

Sur la régularité de la passation de la convention de délégation de service public :

7. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

8. Cependant, la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que le recours défini ci-dessus ne trouve à s'appliquer, selon les modalités précitées et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu'à l'encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision. En l'espèce, il résulte d'un avis n° 14 18217 publié le 12 février 2014 au BOAMP (bulletin officiel des annonces de marchés publics) qu'une délégation de service public ayant pour objet l'exploitation du service public de la restauration scolaire sur le territoire de la CAESM a été attribuée à la société Servichef, que la convention a été signée par l'autorité délégante le 17 janvier 2014 et que le contrat a été notifié à la société attributaire le 28 janvier 2014. Par suite, le recours de la société Datex Martinique doit être apprécié au regard des règles applicables avant la décision précitée du Conseil d'Etat, qui permettant à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure un contrat administratif d'invoquer tout moyen à l'appui de son recours contre le contrat.

En ce qui concerne la composition de la commission de délégation de service public :

9. Aux termes de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 1999 : " Après décision sur le principe de la délégation, il est procédé à une publicité et à un recueil d'offres dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1411-1. / Les plis contenant les offres sont ouverts par une commission composée: / a) lorsqu'il s'agit (...) d'un établissement public, par l'autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public ou son représentant, président, et par cinq membres de l'assemblée délibérante élus en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste (...) ; / Il est procédé, selon les mêmes modalités, à l'élection de suppléants en nombre égal à celui de membres titulaires. / Le comptable de la collectivité et un représentant du ministre chargé de la concurrence siègent également à la commission avec voix consultative ".

10. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la séance du 29 avril 2013 de la commission de délégation de service public, que le président de la collectivité et trois membres de l'assemblée délibérante ont siégé. Aucune disposition du code général des collectivités territoriales n'ayant fixé de quorum applicable aux délibérations de la commission de délégation de service public, celle-ci peut valablement délibérer si la majorité de ses membres ayant voix délibérative sont présents ou régulièrement représentés. Dans ces conditions, ladite commission a pu valablement délibérer dès lors que quatre de ses membres étaient réunis. Par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de délégation de service public doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens de la société Servichef :

11. Aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. Les garanties professionnelles sont appréciées notamment dans la personne des associés et au vu des garanties professionnelles réunies en son sein. Les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées peuvent être admises à présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes. (...) ".

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Servichef, nouvellement créée lors de sa candidature, a produit à l'appui de sa candidature les comptes des sociétés actionnaires dont elle est composée, à savoir les sociétés Soreserv et Sia, qui possèdent respectivement 50% et 16,7% de son capital. Contrairement à ce que fait valoir la Datex, il résulte des pièces produites par la société Servichef ces deux sociétés filiales présentaient les garanties financières et professionnelles suffisantes pour exécuter la délégation de service public de restauration scolaire. Si la société Datex soutient en outre que " l'une des maisons-mères sur laquelle s'est appuyé Servichef, la société Sofinpar, devrait 1 400 000 euros à la caisse de sécurité sociale ", il résulte du rapport d'analyse des candidatures qu'en tout état de cause la société Sofinpar n'est pas partie prenante au capital de la société Servichef.

13. En deuxième lieu, la société Datex soutient que la société Servichef se prévaut à tort du soutien de la société Cepia pour la constitution de son offre. Il résulte en effet de l'instruction que le rapport d'analyse des offres retient que les deux candidats disposent du soutien du bureau d'ingénierie agro-alimentaire Pepia basé à Poitiers, alors que la société Datex produit une attestation du cabinet Cepia, basé à Poitiers, aux termes de laquelle la société Servichef n'est pas associée audit cabinet. Cependant, dans les circonstances de l'espèce, au vu notamment de l'orthographe erronée du nom du cabinet retenu par la rapport d'analyse et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Servichef se serait prévalue d'une telle référence dans son offre, une telle mention doit être analysée comme une simple erreur matérielle laquelle est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure.

14. En troisième lieu, aux termes des articles III.1.2 et III.1.3 de l'avis d'appel public à la concurrence, les candidats doivent fournir, pour justifier de leur capacité, des extraits des bilans et des comptes de résultat des trois derniers exercices disponibles, des attestations d'assurance de responsabilité civile et professionnelle et un mémoire présentant l'entreprise et ses moyens techniques, humains et matériels. Aux termes de l'article VI.2.3 dudit avis : " (...) Au titre de l'expérience, des capacités économiques et financières et des capacités techniques, les candidats pourront demander que soient également prises en compte les capacités professionnelles, techniques et financières d'autres opérateurs quelle que soient la nature juridique des liens existants entre ces opérateurs et eux. Dans ce cas, ils doivent justifier des capacités de ce ou ces opérateurs et produire à cette fin les mêmes documents concernant ce ou ces opérateurs et produire à cette fin les mêmes documents concernant ce ou ces opérateurs que ceux qui sont exigés desdits candidats par le pouvoir adjudicateur. (...) ".

15. D'une part, il résulte de ces dispositions que si un candidat se prévaut des capacités techniques et financières de ses actionnaires, il doit produire uniquement les pièces prévues aux articles III.1.2 et III.1.3 suscités. Dès lors, la société Datex n'est pas fondée à soutenir que les actionnaires de la société Servichef auraient dû produire les attestations sur l'honneur prévues par l'article VI.2.2 de l'avis d'appel public à la concurrence ou un engagement écrit attestant de la mise à disposition pour la durée du contrat de leurs capacités techniques, financières et professionnelles.

16. D'autre part, le dossier de candidature de la société Servichef comporte les documents exigés par les articles III.1.2 et III.1.3 précités, à l'exception d'un mémoire de présentation de la société Soreserv. En tout état de cause, une telle absence n'était pas de nature à faire obstacle à ce que soit appréciée la conformité de l'offre aux exigences du cahier des charges et, d'autre part, n'était pas susceptible d'avoir une influence sur la comparaison entre les offres dès lors que l'ensemble des documents produits permettaient d'établir, comme il a été dit au point 12, que la société Servichef présentait les garanties financières et professionnelles requises pour exécuter la délégation de service public de restauration scolaire.

17. En quatrième lieu, si le capital de la société Servichef a été fixé à un montant de 40 000 euros lors de sa candidature, une telle circonstance est sans influence sur la recevabilité de sa candidature, dès lors que cette société nouvellement créée produisait par ailleurs les garanties financières permettant à la commission de délégation de service public de s'assurer de ses capacités.

18. En dernier lieu, s'agissant des moyens matériels dont disposait la société Servichef, le rapport d'analyse des offres précise que la société Servichef dispose d'une unité de transformation de produits de la mer, dénommée " Marin Pêche " qui aurait été acquise en 2013 par un de ses actionnaires, la société Soreserv. La société Datex soutient premièrement que la société Servichef s'est prévalue de façon mensongère dans son offre de ce qu'elle possédait la société " Marin Pêche " alors que l'acquisition de cette société n'avait pas eu lieu. Cependant, il résulte de l'instruction, et notamment de l'offre de Servichef, que la société délégataire a seulement fait état de ce que la société Soreserv avait fait une offre de reprise de la structure " Marin Pêche " et que cette offre bénéficiait de l'appui de la région Martinique ainsi que de l'accord du directeur de la Mer de la Martinique. Si la société Datex soutient en second lieu que la reprise de " Marin Pêche " n'a jamais eu lieu, il résulte de l'instruction que la société Servichef était, dès 2015, l'associé unique de la société " Marin Pêche ". Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la société Servichef n'aurait pas bénéficié des moyens matériels dont elle se prévalait à cet égard manque en fait.

19. Il résulte de ce qui précède que la société Datex n'est pas fondée à soutenir que la CAESM a retenu irrégulièrement la candidature de la société Servichef en raison de l'insuffisance de ses moyens.


En ce qui concerne le caractère incomplet de l'offre de la société Servichef :

20. Lorsque le règlement de la consultation ou le cahier des charges impose la production de documents ou de renseignements à l'appui des offres, l'autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public ne peut, après avis de la commission mentionnée à l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, engager de négociation avec un opérateur économique dont l'offre n'est pas accompagnée de tous ces documents ou renseignements que si cette insuffisance, d'une part, ne fait pas obstacle à ce que soit appréciée la conformité de l'offre aux exigences du cahier des charges et, d'autre part, n'est pas susceptible d'avoir une influence sur la comparaison entre les offres et le choix des candidats qui seront admis à participer à la négociation.

21. En premier lieu, s'agissant du descriptif des travaux, si la société Datex soutient que la société Servichef n'a pas fourni de descriptif des " travaux tout corps d'état " en contradiction avec le point TE3 de l'annexe unique du règlement de la consultation, il résulte de l'instruction que ce document a bien été fourni par la société attributaire. Par suite le moyen manque en fait.

22. En deuxième lieu, s'agissant de la périodicité des menus, l'annexe unique au règlement de la consultation précise à son point E4 que les menus sont établis " sur 6 semaines ". Il résulte du rapport d'analyse des offres que la société Servichef a présenté des " menus 4 composantes sur 5 semaines ". Une telle insuffisance, qui n'a pas empêché l'autorité représentant la CAESM d'apprécier la conformité de l'offre de la société Servichef au cahier des charges ni de comparer les offres, ne saurait suffire à elle seule à entacher l'offre de l'attributaire de non-conformité.

23. En troisième lieu, s'agissant des équipements des unités satellites, la société Datex soutient que l'offre de la société Servichef est irrégulière en ce qu'elle ne comprend pas la fourniture et la maintenance du matériel de restauration desdites unités. Cependant, il résulte de l'instruction que l'offre de la société Servichef comprenait cette composante, dès lors que, si le rapport d'analyse des offres constate que les équipements des unités satellites proposés par la société Servichef " ne sont pas identiques à la liste précisée par la CAESM. (...) [Ils] sont pertinents mais ne répondent pas point par point à la demande de la CAESM ", une telle analyse, qui a été relevée au stade de l'appréciation des offres, n'a pas pour effet de démontrer le caractère incomplet de l'offre mais seulement d'évaluer son adaptation au besoin exprimé par l'autorité délégante. Par ailleurs, la société Datex a obtenu une meilleure note, à cet égard, que la société Servichef.

24. En quatrième lieu, s'agissant du plan de renouvellement des équipements, l'annexe unique au règlement de la consultation prévoit au point E16 que les dossiers des candidats comprendront un tel document, incluant notamment un plan prévisionnel détaillé sur la durée du contrat constituant l'engagement de renouvellement patrimonial, que ce plan sera détaillé site par site pour chaque unité centrale de production et pour les équipements des Unités Satellites, qu'il mentionnera chaque bien prévu en renouvellement et que la charge financière globale du plan sera lissée sur la durée du contrat. ". Par un courrier en date du 6 novembre 2013, le président de la CAESM invitait les candidats à présenter leur " offre ultime consolidée " en rappelant que celle-ci devait comprendre les documents prévus par le règlement de la consultation. Enfin, le projet de contrat prévoit dans ses annexes : " (...) annexe 10.3 : Plan prévisionnel de renouvellement, d'entretien et de maintenance [à fournir par le candidat] (...) / Annexe 10.5 : Liste non limitative des opérations de gros entretien et renouvellement [à fournir par le candidat - Règlement de la consultation , Notices : E16] / Plan prévisionnel de gros entretien et renouvellement contractuel valorisé par année sur la durée du contrat [à fournir par le candidat - Règlement de la consultation, Notices : F.2.4] (...) ".

25. Il résulte de l'instruction que la société Servichef n'a pas fourni les documents prévus au point E16 de l'annexe du règlement de la consultation mais uniquement un tableau précisant la dotation annuelle pour chaque unité centrale et les unités satellites en ce qui concerne le gros entretien et le renouvellement (GER). Le contrat final ne comporte pas les annexes relatives à la grille de répartition des opérations de gros entretien et renouvellement d'une part, à la liste de ces opérations d'autre part, et, enfin, au plan prévisionnel de gros entretien et de renouvellement. Le rapport d'analyse des offres constate d'ailleurs que le plan de renouvellement est " présent mais incomplet " et que " son niveau de détail est insuffisant ". Toutefois, au vu des éléments fournis par la société Servichef, et notamment le programme pluriannuel de renouvellement qui précisait la dotation annuelle consacrée sur ce point par la société aux unités de production, l'autorité représentant la collectivité délégante était à même de comparer avec le montant de la dotation annuelle de gros entretien renouvellement proposé par l'autre candidat. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, ces insuffisances n'ont pas empêché la CAESM d'apprécier la conformité de cette offre au cahier des charges ni de comparer les offres, alors que, par ailleurs, une telle offre constituait bien un engagement ferme.

26. En cinquième et dernier lieu, s'agissant des biens de retour, l'article TE3 de l'annexe au règlement de consultation précisait que l'offre des candidats devait comporter : " le descriptif qualitatif des travaux tout corps d'état, y compris matériels, comprenant le listing quantitatif par local et descriptif qualitatif en distinguant les acquisitions " biens de reprise ", les acquisitions " biens de retour " et les acquisitions " biens propres ", les équipements renouvelés et leur pérennité ". L'offre de la société Servichef comportait une annexe TE3 divisée en deux parties, le " descriptif des travaux et les " acquisitions/biens de reprise ". La société Datex soutient qu'en ne distinguant pas entre les biens de reprise, les biens de retour et les biens propres, cette offre était irrégulière car elle ne permettait pas à la CAESM de connaître le régime des biens affectés à la délégation en fin de contrat et de comparer les offres sur ce point et que, par suite, la procédure est entachée d'une irrégularité de la mise en concurrence qui a porté atteinte aux droits des tiers et n'est pas susceptible de régularisation.

27. Dans le cadre d'une concession de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique. A l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application de ces principes, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d'une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession. Les règles énoncées ci-dessus trouvent également à s'appliquer lorsque le cocontractant de l'administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu'il a, en acceptant de conclure la convention, affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci. Une telle mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique, dans les conditions énoncées ci-dessus. Elle a également pour effet, quels que soient les termes du contrat sur ce point, le retour gratuit de ces biens à la personne publique à l'expiration de la convention, dans les conditions sus-énoncées. (CE, cocomm de la vallée de l'Ubaye, 29 juin 2018, 402251, A).

28. Il en résulte que la nature des biens, qu'ils soient " de retour " s'agissant des biens appartenant à l'autorité délégante et mis à disposition du concessionnaire, ou " de reprise " s'agissant des équipements acquis par l'exploitant en cours de délégation et nécessaire au fonctionnement du service public, n'est pas définie par le délégataire, et ne dépend donc pas de la liste biens produite par un candidat à l'appui de son offre, mais de la nature desdits biens en fin de contrat et ce, même dans le silence de la convention puisqu'en l'espèce, seuls les biens mis par le délégant à la disposition du délégataire sont définis comme constituant des biens de retour par l'article 8.2 du projet de contrat. Dès lors, l'annexe critiquée, nonobstant les dispositions précitées de l'article TE3, ne peut avoir pour objet de déterminer le régime des biens et leur qualification en fin de contrat, qualification qui peut d'ailleurs être déterminée par le juge en cas de contestation à l'issue de la convention, une telle liste ne pouvant que constituer un inventaire à un instant donné, inventaire qui est destiné à évoluer tout au long de la vie de la concession en fonction des acquisitions ou des renouvellements par le délégataire des biens et équipements et alors en tout état de cause que les biens renouvelés et les investissements du programme deviendront des biens de retour en fin de contrat, dès lors qu'ils seront indispensables au fonctionnement du service public de la restauration scolaire. Au surplus, il résulte des documents produits par la société Datex à l'appui de son offre, et en particulier de sa propre annexe TE3, que cette société n'a pas davantage fourni de catégorisation des biens selon leur destination finale. Dans ces conditions, la société Datex n'est pas fondée à soutenir que une telle absence de catégorisation dans l'offre de la société Servichef aurait constitué une irrégularité, ni qu'elle aurait faussé la comparaison des offres.

En ce qui concerne les modalités d'exécution du contrat :

29. S'agissant de l'utilisation des unités centrales de production et, en premier lieu de celle de Ducos, l'article 1 du règlement de la consultation dispose que les candidats " devront faire leur proposition d'utilisation des unités mises à leur disposition librement ". A ce titre, il résulte de l'instruction que la société Servichef a proposé dans son offre de transformer à terme l'unité centrale de production de Ducos en " légumerie " au service, pour partie, de la délégation de service public et de concentrer la production des repas scolaires sur les unités centrales de Rivière-Pilote et Rivière-Salé. Au vu de l'objet de la délégation de service public, rien n'interdisait à la société Servichef de proposer une telle transformation de l'unité de production de Ducos et aucune disposition du règlement de la consultation ni du projet de convention ne fait obstacle à ce que l'unité centrale de Ducos ne produise pas de repas adaptés pour régime alimentaire. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Datex, une telle utilisation n'a pas pour effet de déléguer une compétence en matière industrielle.

30. D'autre part, avant de mener librement avec les candidats des négociations à l'issue desquelles elle choisit le délégataire, l'autorité délégante est tenue de mettre en oeuvre une procédure de publicité et de recueil des offres des candidats. Le respect du principe d'égalité entre les candidats qui découle de ces dispositions exige que la collectivité respecte les règles qu'elle s'est elle-même fixées dans le cadre de cette procédure. Si elle peut légalement apporter à ces règles des adaptations correspondant à des éléments d'information complémentaires apparus nécessaires en cours de procédure, elle est tenue d'en informer les candidats et de leur permettre de modifier leur offre en conséquence, en prolongeant au besoin le délai de remise des offres. En revanche, elle n'est pas tenue de faire connaître à l'avance ses critères de sélection des offres. A cet égard, comme il a été dit au point précédent, la transformation de l'unité centrale de Ducos en " légumerie " ne constitue pas une dérogation au règlement de la consultation. Dès lors, le moyen tiré de la rupture d'égalité doit ainsi être écarté, la circonstance que la CAESM n'ait pas communiqué à la société Datex l'information selon laquelle la société Servichef aurait recours à des financements européens pour la réalisation de la " légumerie " ne constituant pas une attitude discriminatoire à l'égard de la requérante mais résultant de la mise en oeuvre par l'autorité délégante de son pouvoir de négociation.

31. Enfin, le cahier des charges de la prestation alimentaire pour la délégation de service public de la restauration des écoles maternelles et élémentaires de la CAESM précise qu'il conviendra que le délégataire définisse le niveau de prise en charge pour la mise en place de " repas adaptés pour régime alimentaire ". Il n'est ainsi pas fait aux candidats obligation de produire eux-mêmes de tels repas mais seulement de prendre en compte la nécessité de les proposer à la demande. La circonstance que le cahier des charges précise les différents types de prise en charge (repas pour allergies simples, repas pour régimes pathologiques, repas pour allergies complexes) n'a pu avoir pour effet d'obliger les candidats à produire eux-mêmes ces différents types de repas. La société Servichef, en proposant de produire à Rivière-Salée les repas sans porc et végétariens et de sous-traiter les autres types de repas, a dès lors fourni à la CAESM les éléments permettant d'apprécier la validité de son offre et de la comparer à celle de la société Datex. En tout état de cause, un tel manquement ne serait pas de nature à entacher à lui seul l'offre de la société Servichef de non-conformité. Par suite, la société Datex n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société attributaire n'est pas conforme aux dispositions du règlement de la consultation et aux stipulations du projet de convention en ce qu'elle ne prévoit pas la production de tous les types de repas adaptés pour régimes alimentaires.

32. S'agissant de l'unité centrale de Rivière-Pilote, en premier lieu, le point VI.2.1 de l'avis d'appel public à candidature précise que la fabrication des repas se fera " à partir de l'unité centrale de production de Rivière-Salée mise à disposition par la CAESM et, le cas échéant, à partir des autres unités centrales de production de Ducos et de Rivière-Pilote mises à disposition par la CAESM. L'article 3 du (projet de) contrat stipule que " La fabrication des repas (...) doit s'opérer principalement à partir de l'Unité centrale de production de Rivière-Salée. Si les autres unités centrales de production (Ducos et Rivière-Pilote) peuvent également être utilisées à cette fin, elles sont principalement destinées à la fabrication des repas destinés à des clients extérieurs ainsi qu'aux repas spécifiques pour les scolaires soumis à un régime alimentaire particulier. ". Dans ces conditions, la société Datex n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société Servichef n'est pas conforme aux stipulations du projet de convention en ce qu'elle prévoit que l'unité centrale de Rivière-Pilote produirait des repas scolaires.

33. En deuxième lieu, l'avis de publicité informait les candidats de la possibilité d'utiliser l'unité centrale de Rivière-Pilote afin de produire " les repas des scolaires du 1er degré de la ville de Rivière-Pilote ". Le règlement de consultation a informé les candidats de l'abandon de cette possibilité et de ce que les indications suscitées portées au VI.2.1 de l'avis d'appel public à candidature devaient être respectées par les candidats. Par suite, l'abandon de cette hypothèse alternative ne peut avoir eu pour objet, comme le soutient la société Datex, de réserver exclusivement cette unité à la fabrication de repas pour les clients non scolaires.

34. En troisième lieu, le président de la CAESM a adressé, le 15 octobre 2013, à la société Datex, dans le cadre des négociations, un courrier dans lequel il demandait à cette société de " préciser quelles mesures [elle envisage] pour minimiser l'impact RH de la reprise des agents de la Régie UCP/Rivière-Pilote et leur possible changement d'affectation ". Dans la mesure où l'offre initiale de la société Datex prévoyait de n'utiliser l'unité centrale de Rivière-Pilote que pour la production de " repas tiers ", l'autorité représentant la collectivité délégante pouvait interroger la société candidate sur la réaffectation des agents en poste à Rivière-Pilote. Une telle question ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la société Datex, une modification des conditions de la délégation ni une " dérogation au règlement de la consultation ".

35. En quatrième lieu, par un courrier du 6 novembre 2013, le président de la CAESM a donné aux candidats les dernières précisions en vue de la remise des offres ultimes le 15 novembre 2013 et a notamment indiqué que " l'offre ultime consolidée du candidat devra tenir compte du besoin d'un maintien des agents transférés rattachés à (...) l'UCP Rivière-Pilote ". En demandant à ce que les candidats maintiennent à l'unité de production de Rivière-Pilote les agents transférés qui y étaient en poste, ce qui impliquait que les offres prévoient que des repas scolaires continuent d'être produits par cette unité, l'autorité représentant la collectivité délégante a modifié les conditions d'exploitation de la délégation de service public. Eu égard à l'ampleur de la modification ainsi apportée et à la brièveté du délai laissé aux candidats pour revoir, le cas échéant, leur offre, la société requérante est fondée à soutenir que la CAESM a, sur ce point, a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

36. En dernier lieu, les moyens soulevés par la société Datex et tirés de ce que la société Servichef n'aurait pas réalisé une " légumerie " à Ducos, les travaux de réhabilitation de la cuisine centrale de Rivière Salée ou certains des investissements prévus par la convention, tels que les bornes dans chaque école, sont sans incidence sur la régularité de la passation de la convention litigieuse.

En ce qui concerne la reprise du personnel :

37. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Il résulte de l'instruction que la CAESM a précisé que les offres des candidats devaient " intégrer la reprise du personnel du délégataire actuel sortant dans le respect de l'article L. 1224-1 du code du travail ". Elle a également transmis aux candidats la liste du personnel à reprendre qui avait été fournie par la société Datex et a enfin précisé dans un courrier du 15 juillet 2013 que le montant global des charges de personnel à reprendre par le futur délégataire était estimé à 3 992 363 euros par an. Elle doit ainsi être regardée comme ayant rempli ses obligations de publicité en transmettant aux candidats les informations qu'elle avait en sa possession, sans qu'elle ait été tenue en revanche de communiquer le courrier de la société Servichef en date du 12 juillet 2013 qui sollicitait la communication d'informations sur les personnels affectés au service délégué à reprendre.

38. En deuxième lieu, si l'autorité représentant la collectivité délégante est tenue d'écarter les offres qui ne respectent pas la condition de reprise du personnel, rien n'interdit à un candidat de ne proposer de reprendre que la partie du personnel affecté à l'entité économique constituée par l'exploitation de la délégation de service public dès lors qu'il justifie des raisons de son choix, à charge pour l'autorité représentant la collectivité délégante de rejeter l'offre si les motifs de la non-reprise du personnel ne sont pas justifiés. En l'espèce, la liste du personnel à reprendre fournie par la société Datex Martinique prévoyait 123 emplois à temps plein à reprendre, dont 104 parmi son personnel. Il est constant que la société Servichef a procédé à la reprise de 96 contrats de travail, dont 77 salariés de Datex, qu'elle estimait effectivement affectés au contrat. Il résulte de l'instruction que certains des salariés de la société Datex Martinique figurant sur la liste du personnel à reprendre étaient affectés, au moins partiellement, à d'autres contrats de restauration, d'autres étant affectés au siège du délégataire sortant sans qu'il soit établi qu'ils étaient affectés à la délégation de service public. Par ailleurs, il résulte des propres rapports d'activité de la société Datex que 68 personnels étaient affectés à la concession de restauration pour les années 2010 et 2011. En outre, la CAESM et la société Servichef soutiennent, sans être contredites, d'une part que 81 personnes étaient employées par le délégataire pour l'année scolaire 2011-2012 et, d'autre part, que l'offre de la société Datex prévoyait d'affecter 89 emplois équivalent temps plein au service public de restauration. Dans ces conditions, l'autorité délégante n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'obligation de reprise du personnel était satisfaite par la société Servichef.

39. En troisième lieu, si le coût correspondant à la reprise de salariés imposée par les dispositions du code du travail ou par un accord collectif étendu constitue un élément essentiel du marché, dont la connaissance permet aux candidats d'apprécier les charges du cocontractant et d'élaborer utilement une offre, le prix de cette offre ne doit pas nécessairement assurer la couverture intégrale de ce coût, compte tenu des possibilités pour l'entreprise de le compenser, notamment par le redéploiement des effectifs en son sein ou, si l'exécution de ce marché n'assure pas un emploi à temps plein des salariés concernés, de la possibilité de leur donner d'autres missions et donc de n'imputer, pour le calcul du prix de l'offre, qu'un coût salarial correspondant aux heures effectives de travail requises par la seule exécution du marché. Par suite, à supposer que la société Servichef ait repris l'ensemble des 123 personnels, elle n'était, en tout état de cause, pas tenue de tous les affecter à l'exécution de la délégation de service public et pouvait, dès lors, proposer un prix de repas calculé sur les effectifs de personnels qu'elle a affectés par elle à la concession de restauration. Dès lors, le moyen tiré de ce que le prix proposé par Servichef aurait été plus élevé si cette dernière avait repris l'intégralité du personnel de la société Datex doit être écarté.

40. En quatrième lieu, aux termes du projet de convention, le délégataire doit " conduire une action d'insertion des personnes en difficultés pour accès à l'emploi " sous le contrôle du délégant. L'article 69 de la convention soumise à l'approbation du conseil communautaire prévoit ainsi que 25 920 heures par an seront réservées à l'emploi de personnes en difficulté. Ainsi, la société Servichef n'a-t-elle pas intégré dans son offre l'emploi d'intérimaires en remplacement des salariés du délégataire sortant, comme le soutient la société Datex, mais une action en faveur de l'emploi comme le prévoyait le projet de convention. Par suite, le moyen tiré de ce que la société Servichef aurait bénéficié d'une dérogation aux obligations fixées par le dossier de consultation manque en fait.

41. En dernier lieu, si la société Datex soutient que la CAESM n'aurait pas dû répondre, par lettre du 18 juillet 2013, au courrier du 12 juillet 2013 par lequel la société Servichef demandait la communication d'informations concernant les personnels à reprendre dès lors que ce courrier avait été présenté en dehors du délai prévu par le règlement de la consultation, il résulte toutefois de l'instruction que la CAESM n'a pas répondu à cette demande par un courrier du 18 juillet 2013 mais a seulement joint, à un courrier en date du 15 juillet 2013 qui répondait à la première série de questions posées par les candidats, un tableau rectificatif relatif aux charges de personnel annuelles, tableau rectificatif qui avait été transmis à la CAESM par la société Datex Martinique dans un courrier du 26 juin 2013, par suite, le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'analyse des offres :

42. En premier lieu, comme cela a été dit au point 13, la référence erronée à la société Pepia est sans incidence sur la régularité de la convention litigieuse.

43. En deuxième lieu, il résulte du rapport de l'analyse des offres que les sociétés Servichef et Datex ont obtenu la même note pour le sous-critère " qualité des approvisionnements de l'organisation des achats et de la performance en matière développement des approvisionnements directs des produits de l'agriculture ". Si la société Datex fait valoir qu'elle aurait dû obtenir une meilleure note, le rapport précité relève cependant que la société Datex a développé un accord avec un groupement de producteurs " bio " alors que la société Servichef a une implantation locale importante par la mise en place d'une " légumerie " et le développement de la filière pêche. Par ailleurs, ledit rapport précise que les deux candidats développent les filières courtes. Dans ces conditions, et malgré la circonstance que le projet de la société Servichef " demeure à préciser " selon les termes du rapport, l'autorité délégante n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne l'analyse des offres au regard de ce sous-critère.

44. En troisième lieu, comme cela a déjà été dit ci-dessus, la circonstance que la société Servichef n'aurait pas réalisée de " légumerie " depuis la signature du contrat est sans incidence sur l'analyse de son offre. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la structure " Marin Pêche " n'aurait pas été reprise par la candidate manque en fait comme cela a été exposé au point 18.

45. En quatrième lieu, la société Datex soutient que l'entité adjudicatrice a fait une " présentation intentionnellement trompeuse de l'offre de la société Servichef " en relevant dans le rapport d'analyse des offres que la société Soreserv avait repris la structure " Marin Pêche " en 2013 alors que cette reprise n'avait pas encore eu lieu. Toutefois, s'il est vrai que la conclusion générale du rapport d'analyse des offres relève de manière erronée que la structure " Marin Pêche " a été " reprise par la société Soreserv en 2013 ", les autres passages du rapport mentionnant cette structure font état d'une proposition de " création " (page 15), du " développement de la filière pêche (...) via la reprise de Marin Pêche " (page 22) et de ce que la structure doit " être mise en place " (page 26). Ainsi, la CAESM ne saurait être regardée comme ayant volontairement fait une présentation trompeuse de l'offre de la société Servichef. En outre, chaque fois que la présence de " Marin Pêche " dans l'offre de la société Servichef a été prise en compte pour la notation d'un sous-critère, le rapport d'analyse des offres n'évoque pas une reprise qui aurait déjà eu lieu. Par suite, l'autorité délégante n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société Servichef sur ce point.

46. Enfin, en ce qui concerne le régime des biens en fin de contrat, la proposition de la société Servichef, qui prévoyait une " proposition de simplification du dispositif sur les biens de reprise (validation a priori des investissements réalisés) " a été jugée sur point très satisfaisante, ce que critique la société Datex. Cependant, quand bien même l'offre de la société Servichef ne précisait pas le régime des biens en fin de contrat, pour les raisons exposées aux points 27 et 28, en valorisant ainsi un dispositif consistant à regarder l'ensemble des biens de la délégation comme des biens de reprise, la CAESM n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.


Sur les conséquences de l'unique irrégularité commise :

47. Il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.

48. Si la procédure de passation de la convention litigieuse doit être regardée comme irrégulière en ce que la CAESM n'a pas laissé un délai suffisant aux candidats pour prendre en compte la modification des conditions d'exploitation de la délégation de service public induite par l'obligation du maintien d'agents à l'unité de production de Rivière-Pilote, il résulte de l'instruction que la société Datex Martinique avait proposé dans un courrier du 24 octobre 2013, soit antérieurement à la modification susmentionnée des conditions d'exploitation intervenue le 6 novembre, une alternative incluant le maintien à l'unité de Rivière-Pilote des agents qui y étaient en poste. Par suite, l'irrégularité en cause, qui ne saurait avoir eu une influence sur le choix du délégataire, la société Datex Martinique ayant intégré dans son offre une telle option, n'affecte pas la validité de la convention litigieuse et n'appelle pas de mesures de régularisation.


Sur les conclusions indemnitaires présentées par la Datex :

49. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure dont il a été évincé, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier quelle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation.

50. Il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit ci-dessus au point 48 que la seule irrégularité entachant la passation de la convention en litige n'a pas eu d'influence sur le choix du délégataire. Dans ces conditions, la société Datex, qui n'a pas été irrégulièrement évincée, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la CAESM de ce fait.

51. il résulte de tout ce qui précède que la société Datex Martinique n'est pas fondée à demander l'annulation du contrat de délégation de service public conclue entre la CAESM et la société Servichef, ni à se prévaloir d'un préjudice indemnisable.


Sur les requêtes à fin de sursis à exécution n° 16BX02846 et 16BX03197 :

52. Le présent arrêt statue sur les requêtes au fond de la CAESM et de la société Servichef. Par suite, leurs requêtes à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2016 sont sans objet.


Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

53. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la CAESM, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, les sommes que demande la société Datex sur ce fondement. Les conclusions présentées sur le même fondement, par la CAESM et la société Servichef dans les quatre instances susvisées sont, dans les circonstances de l'espèce, rejetées.

DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes à fin de sursis à exécution n° 16BX02846 et 16BX03197.
Article 2 : L'intervention de la société Servichef dans les instances n° 16BX02845 et n°16BX02846 est admise.
Article 3 : Le jugement n° 1400200 du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2016 est annulé.
Article 4 : La demande présentée par la société Datex Martinique devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions de la CAESM et de la société Servichef présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Communauté d'agglomération espace sud Martinique, à la société Datex Martinique et à la société Servichef.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2018.

Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 16BX02845, 16BX02846, 16BX03196, 16BX03197



Abstrats

39-01-03-03 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Diverses sortes de contrats. Délégations de service public.

Source : DILA, 26/12/2018, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 12/12/2018