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CAA de NANTES, 4ème chambre, 21/06/2017, 15NT02396, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LAINE

Rapporteur : Mme Sophie RIMEU

Commissaire du gouvernement : M. BRECHOT

Avocat : SCP PIWNICA & MOLINIE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...et M. G...ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, l'annulation de la décision du 11 juillet 2013 par laquelle le maire de la commune de Saint-Calais a refusé de transférer les restes de la dépouille mortuaire de M. D...G...dans la concession funéraire familiale, et d'autre part, la condamnation de la commune de Saint-Calais à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'ils auraient subi.

Par un jugement n° 1309067 du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Saint-Calais à verser à Mme A...et M. G...la somme totale de 5 011 euros et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 15NT02396 et deux mémoires, enregistrés le 3 août 2015, le 4 septembre 2015 et le 13 janvier 2017, Mme A...et M.G..., représentés par Me Perret, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 juin 2015 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande indemnitaire et en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Saint-Calais de faire transférer les restes de la dépouille mortuaire de M. D...G...dans la concession funéraire de M. et Mme B...G...;

2°) de condamner la commune de Saint-Calais à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) d'enjoindre au maire de Saint-Calais de faire transférer les restes de la dépouille mortuaire de M. D...G...dans la concession funéraire de M. et Mme B...G...et de faire graver les nom, prénom et années de naissance et de décès de M. D...G... ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Calais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- le jugement, en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'injonction et qu'il fixe le montant des préjudices subis, n'est pas suffisamment motivé ;
- contrairement à ce qu'indique le jugement, ils n'ont ni admis ni soutenu que le transfert de la dépouille mortuaire de leur père vers le caveau familial serait impossible du fait de son inhumation dans l'ossuaire du cimetière communal ;
- le transfert d'une dépouille correspond à une opération de réunion de corps, c'est à dire à une exhumation, qui relève des pouvoirs du maire en vertu de l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales ;
- le refus de transfert de la dépouille de leur père de l'ossuaire communal vers la concession des ses parents est contraire aux articles 16-2 et 16-9 du code civil ;
- leur préjudice moral n'a pas été intégralement réparé ;
- leur préjudice matériel n'a pas été indemnisé en prenant en compte la valeur actualisée du caveau détruit.


Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 janvier 2016 et le 23 janvier 2017, la commune de Saint-Calais conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- dès lors que le jugement rejette les conclusions à fin d'annulation présentées, le rejet des conclusions à fin d'injonction s'imposait par voie de conséquence ;
- le jugement est suffisamment motivé ;
- les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants n'étaient assorties d'aucun moyen de droit ;
- les requérants n'avaient pas demandé la valeur actualisée de la facture produite pour justifier de leur préjudice matériel ;
- le montant du préjudice moral, suffisamment motivé, correspond à ce qui était demandé par les requérants ;
- ils ne peuvent demander en appel l'indemnisation de nouveaux chefs de préjudice ;
- le transfert de la dépouille mortuaire de M. D...G...dans l'ossuaire communal a été réalisé dans le strict respect des dispositions légales et réglementaires.
Par ordonnance du 9 février 2017, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.


II. Par une requête n° 15NT02447 et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2015 et le 20 septembre 2016, la commune de Saint-Calais, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 juin 2015 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A...et M. G...devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...et de M. G...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la circonstance que Mme A...et M. G...se soient abstenus de se rapprocher des services de la commune malgré les nombreuses mesures de publicité effectuées entre octobre 2009 et février 2012, avant la mise en oeuvre des opérations de reprise ayant conduit au déplacement de la dépouille mortuaire de M. D...G..., constitue une négligence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;
- le préjudice matériel n'a pas de caractère personnel et n'a pas de lien avec l'erreur d'information commise par la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2016, Mme A...et M. G...concluent au rejet de la requête et demandent que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Calais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :
- la commune les a induit en erreur sur les droits s'attachant à la sépulture de leur père, de sorte qu'elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'arrêté du 16 octobre 2009, qui n'a pas fait l'objet d'une publicité complète et régulière ne leur est pas opposable ;
- leur préjudice matériel est personnel et directement lié à la faute de la commune.
Par ordonnance du 23 janvier 2017, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Perret, avocat de Mme G...épouse A...et de M. C...G..., et celles de M. Nicolaÿ, conseiller municipal, pour la commune de Saint-Calais.


1. Considérant que les requêtes n° 15NT02396 et 15NT02447 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. D...G..., décédé le 7 décembre 1983, a été inhumé au cimetière de Saint-Calais dans une sépulture située dans la partie commune ; que lors d'une visite au cimetière en 2013, ses enfants Mme G...épouse A...et M. C...G...ont constaté que la sépulture de leur père avait disparu et que sa dépouille mortuaire avait été déplacée vers l'ossuaire du cimetière ; qu'ils ont alors sollicité du maire l'exhumation de celle-ci et son déplacement vers le caveau familial situé dans le même cimetière ; que, par une décision du 11 juillet 2013, le maire de la commune de Saint-Calais a refusé de faire droit à leur demande ; que par un jugement du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de cette décision du 11 juillet 2013 et à ce qu'il soit enjoint au maire de Saint-Calais de faire transférer les restes de la dépouille mortuaire de leur père de l'ossuaire communal vers le caveau familial, mais a condamné la commune de Saint-Calais à leur verser la somme totale de 5 011 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis ; que sous le n° 15NT02396 Mme A...et M. G...relèvent appel de ce jugement en tant qu'il rejette leurs conclusions à fin d'injonction et qu'il limite l'évaluation de leur préjudice à la somme de 5 011 euros ; que sous le n° 15NT02447, la commune de Saint-Calais relève également appel de ce jugement et demande que l'ensemble des demandes présentées par Mme A...et M. G...devant le tribunal administratif de Nantes soient rejetées ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que le jugement attaqué, qui indique qu'il n'implique pas qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A...et M.G..., motive suffisamment le rejet de ces conclusions ; qu'il motive également suffisamment, en énonçant qu'il en fait une juste appréciation au regard des circonstances de l'espèce, le montant de l'indemnisation du préjudice moral subi par Mme A...et M.G... ;
Sur le bien fondé du jugement :
4. Considérant que les inhumations en terrain commun, pour les défunts qui n'ont pas pris de concession ou ne disposent pas de place dans une concession familiale, sont régies par les articles R. 2223-3 à R. 2223-6 du code général des collectivités territoriales et ont pour caractéristique que le terrain y est mis gratuitement à la disposition des familles ; qu'aux termes de l'article R. 2223-5 du même code : " L'ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n'a lieu que de cinq années en cinq années. " ; que l'article L. 2223-4 du même code dispose que " Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. " ; qu'enfin, en application de ces dispositions, l'article 28 du règlement général sur la police du cimetière communal prévoit l' " affectation dans l'ossuaire des restes des personnes inhumées dans les terrains concédés ou non repris après le délai de rotation,... " ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier du 11 décembre 1998, Mme A...a adressé au " service des concessions " de la commune de Saint-Calais une demande de renouvellement de la sépulture de son père, qu'elle pensait arriver à échéance quinze ans après l'inhumation ; que le 22 décembre 1998, un adjoint au maire de la commune lui a répondu que la concession où était enterré M. G...était valable jusqu'en 2035 puisqu'elle avait été renouvelée en 1985, pour 50 ans, par M. et Mme B...G... ; que dans ce courrier, la commune a confondu le caveau familial, où sont enterrés les parents de M. D...G...avec la tombe de celui-ci implantée dans la partie commune du cimetière et a ainsi donné des informations erronées à Mme A...quant aux droits attachés à la sépulture de son père ; que cette erreur est constitutive d'une faute, de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Calais ;
6. Considérant, d'autre part, que si l'arrêté du 16 octobre 2009, par lequel le maire de Saint-Calais décide que les emplacements de la partie commune du cimetière dans lesquels les dépouilles sont inhumées depuis plus de dix ans feront l'objet d'une reprise à partir du 2 janvier 2010, mentionne expressément l'emplacement de M.G..., a été affiché aux deux entrées du cimetière et a fait l'objet d'un panneau d'information placé devant les sépultures concernées, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A...ou M.G..., qui n'ont aucune obligation de venir sur la tombe de leur père et qui avaient été rassurés quant à la pérennité de celle-ci par le courrier du 22 décembre 1998, auraient eu connaissance de cet arrêté et l'auraient volontairement ignoré ; que dans ces conditions, la commune de Saint-Calais n'est pas fondée à soutenir que Mme A...et M. G...auraient commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
7. Considérant, enfin, que si le tribunal administratif a retenu un préjudice matériel, qui consiste en des frais de marbrerie funéraire exposés en 1983 pour la sépulture de M. D...G..., il résulte de l'instruction que l'emplacement de cette sépulture aurait de toutes façons été repris par la commune de Saint-Calais, en application de l'arrêté précité du 16 octobre 2009, indépendamment de la faute de la commune ayant induit en erreur Mme A...et M. G...sur les droits attachés à la sépulture de leur père ; que, dans ces conditions, la commune de Saint-Calais est fondée à soutenir que ce préjudice matériel ne présente pas de lien de causalité avec la faute qu'elle a commise et que c'est par suite, à tort que le tribunal administratif de Nantes a mis à sa charge la somme de 2 011 euros au titre de ce préjudice ; qu'en revanche, en fixant le préjudice moral subi par Mme A...et M. G...du fait de la faute commise par la commune de Saint-Calais à la somme de 1 500 euros chacun, le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice ;
8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que le montant de l'indemnité que la commune de Saint-Calais a été condamnée à payer à Mme A...et M. G...par le jugement attaqué du 3 juin 2015 doit être ramené de la somme globale de 5 011 euros à celle de 3 000 euros, soit 1 500 euros pour chacun d'eux ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que, devant le tribunal administratif de Nantes, Mme A...et M. G...n'ont présenté aucun moyen pour contester la légalité de la décision du maire de Saint-Calais du 11 juillet 2013 refusant le transfert des restes de la dépouille mortuaire de leur père de l'ossuaire communal vers le caveau familial ; que si, en appel, ils soutiennent que cette décision serait contraire aux articles 16-2 et 16-9 du code civil, un tel moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté dès lors que cette décision ne peut être regardée comme portant atteinte au corps du défunt ; que dans ces conditions, Mme A...et M. G...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au maire de Saint-Calais de faire transférer les restes de la dépouille mortuaire de Jacques G...de l'ossuaire communal au caveau familial ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A...et M. G...doivent donc être rejetées ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Saint-Calais, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme A...et M. G...la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Calais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 juin 2015 est annulé.
Article 2 : La requête n° 15NT02396 de Mme A...et M. G...et le surplus des conclusions de la requête n° 15NT02447 de la commune de Saint-Calais sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Calais et par Mme A...et M. G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A..., à M. C...G...et à la commune de Saint-Calais.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 21 juin 2017.

Le rapporteur,
S. RimeuLe président,
L. Lainé

Le greffier,
V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15NT02396 et 15NT02447



Source : DILA, 04/07/2017, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 21/06/2017