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CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 20/12/2016, 15NC02371, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme ROUSSELLE

Rapporteur : M. Olivier FUCHS

Commissaire du gouvernement : M. COLLIER

Avocat : BCV AVOCATS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2014 par lequel le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social lui a infligé la sanction du déplacement d'office ainsi que la décision du 8 octobre 2014 par laquelle ce ministre l'a affecté, à compter du 15 octobre 2014, à l'unité territoriale de la Marne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Champagne-Ardenne.

Par un jugement n° 1402192 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 30 novembre 2015 et les 4 et 24 novembre 2016, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 octobre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2014 par lequel lui a été infligée la sanction de déplacement d'office ;

3°) d'annuler sa décision d'affectation à l'unité territoriale de la Marne du 8 octobre 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le jugement souffre d'un défaut de motivation, en particulier car les premiers juges n'ont pas suffisamment précisé les faits sur lesquels ils se sont fondés ;
- le tribunal a méconnu son droit à un procès équitable ;
- le conseil de discipline a été saisi par un rapport non daté et non signé ; aucun élément ne permet d'établir l'autorité dont émane le rapport ; l'article 2 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 a été méconnu ;
- le conseil de discipline n'a pas statué de manière impartiale sur sa situation ;
- il n'a pas été confronté aux collègues qui ont porté des accusations à son encontre ;
- la matérialité des faits de pression aux fins d'obtenir des faveurs sexuelles n'est pas établie ; l'administration n'a au demeurant pas saisi le procureur de la République de sa situation ;
- la sanction retenue est disproportionnée ;
- il est atteint d'un état pathologique de " désinhibition ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.B....
1. Considérant que M. B...exerçait les fonctions de contrôleur du travail au sein de l'unité territoriale de l'Ain de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Rhône-Alpes ; que par un arrêté du 1er octobre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social lui a infligé la sanction disciplinaire du déplacement d'office ; que par un arrêté du 8 octobre 2014, M. B...a été affecté, à compter du 15 octobre 2014, à l'unité territoriale de la Marne de la DIRECCTE de Champagne-Ardenne ; que le requérant relève appel du jugement du 6 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'au point 5 du jugement attaqué, les premiers juges ont indiqué les éléments objectifs sur lesquels ils se fondaient, en particulier le rapport de saisine du conseil de discipline, le procès-verbal de la séance au cours de laquelle ce conseil a examiné la situation de l'intéressé ainsi que les témoignages versés au dossier, pour conclure que la matérialité des faits reprochés à M. B...était établie ; que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par le requérant, a ainsi répondu de manière suffisamment précise au moyen tiré de l'absence de matérialité des faits ;
3. Considérant que si le requérant soutient que le tribunal a méconnu le principe d'impartialité et d'égalité des armes en se bornant à reprendre le " sentiment exprimé " par l'administration sans chercher à réellement établir l'existence des pressions à caractère sexuel qui lui étaient reprochées, les premiers juges se sont fondés, ainsi qu'il a été dit, sur des éléments objectifs versés au dossier et dont la pertinence a été discutée au cours de la procédure juridictionnelle, par M.B..., qui a en outre pu produire toute pièce de nature à éclairer la juridiction sur sa situation ;
4. Considérant que, par suite, les moyens tirés du défaut de motivation du jugement attaqué et de la méconnaissance du principe d'impartialité par le tribunal administratif doivent être écartés ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué n'est pas, pour ces motifs, irrégulier ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté du 1er octobre 2014 infligeant la sanction de déplacement d'office :
Quant à la légalité externe :
5. Considérant, en premier lieu, que M. B...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de la violation de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat et, en particulier, de l'absence de signature du rapport de saisine de la commission administrative paritaire statuant en formation disciplinaire ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...fait valoir que, lors de la séance la commission administrative paritaire statuant en formation disciplinaire sur sa situation, un représentant du personnel a fait preuve de partialité à son égard ; que, toutefois, il ne ressort ni du procès-verbal de cette séance, ni d'aucune autre pièce du dossier, que ce représentant du personnel, qui était libre d'exprimer une position similaire à celle des représentants de l'administration et dont les interventions n'ont jamais, contrairement à ce que soutient le requérant, dépassé le cadre du débat qui doit se tenir devant le conseil de discipline, aurait manifesté une animosité personnelle à son égard ou fait preuve de partialité ; qu'ainsi, le moyen tiré du manque d'impartialité du conseil de discipline doit être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, que si M. B...soutient qu'il n'a pas été confronté aux personnes qui ont porté des accusations à son encontre dans le cadre de l'enquête menée par le directeur de l'unité territoriale de Savoie, cette circonstance ne saurait avoir entaché la procédure d'irrégularité dès lors que l'administration n'est pas tenue d'organiser une telle confrontation ;
Quant à la légalité interne :
8. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
9. Considérant que M. B...reconnaît l'existence de propos déplacés mais conteste que ceux-ci aient eu une connotation sexuelle et qu'il ait fait pression sur certaines collègues pour obtenir des faveurs sexuelles ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des témoignages concordants de plusieurs de ses collègues recueillis dans le cadre de l'enquête menée par le directeur de l'unité territoriale de la Savoie, que M. B...a, de manière répétée et insistante au cours des années 2013 et 2014, tenu des propos inappropriés et eu des gestes incorrects à destination de deux collègues de sexe féminin afin d'obtenir des faveurs sexuelles ; que ces comportements ont perduré en dépit des objections non ambiguës formulées par les personnes concernées ainsi que par d'autres collègues alertés de cette situation ; que si M. B... produit en défense plusieurs témoignages relatifs à son bon comportement général, ceux-ci ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments exposés ci-dessus ; que, contrairement à ce qu'il soutient, ni l'absence de saisine du procureur de la République et de la juridiction pénale, ni l'absence de lien hiérarchique l'unissant aux personnes ayant subi son comportement ne sont de nature à prouver l'absence de matérialité des faits qui lui sont reprochés ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits reprochés à M. B...est établie ; que si le requérant produit le certificat médical d'un psychiatre en date du 10 août 2016 mentionnant qu'il " a déjà présenté une désinhibition responsable d'un trouble de comportement au travail pour lequel il a eu une sanction disciplinaire ", cette seule indication, qui n'est assortie d'aucune précision quant à ce trouble précis, ne saurait permettre de regarder M. B...comme atteint d'une pathologie qui aurait provoqué son comportement et serait de nature à expliquer médicalement les faits qui lui sont reprochés ; que, contrairement à ce qu'il soutient, ces faits constituent donc des fautes de nature à justifier une sanction ;
11. Considérant qu'eu égard à la nature des faits qui lui sont reprochés, et à supposer même que la manière de servir de l'intéressé aurait donné entière satisfaction depuis son recrutement en 1990 et qu'il aurait reconnu le caractère inapproprié de son comportement, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant la sanction du deuxième groupe de déplacement d'office ;
En ce qui concerne l'arrêté d'affectation du 8 octobre 2014 :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2014 l'affectant à l'unité territoriale de la Marne par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2014 lui infligeant une sanction ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

2
N° 15NC02371



Abstrats

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.

Source : DILA, 03/01/2017, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 20/12/2016