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CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 03/05/2017, 15MA05036, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme Steinmetz-Schies

Rapporteur : Mme Florence HERY

Commissaire du gouvernement : M. THIELE

Avocat : CAVIGLIOLI


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cegelec Défense et Naval Sud-Est a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'office public d'HLM de Toulon " Toulon Habitat Méditerranée " à lui verser la somme de 304 702,53 euros en réparation des préjudices résultant de l'exécution du lot n° 5 du marché public de travaux de réhabilitation de la résidence Aristide Briand.

Par un jugement n° 1300778 du 23 octobre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 décembre 2015 et 6 juillet 2016, la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 octobre 2015 ;

2°) de condamner " Toulon Habitat Méditerranée " à lui verser la somme de 304 702,53 euros hors taxes ;

3°) d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires contractuels, ceux-ci étant majorés de cinq points en cas d'inexécution de l'arrêt à intervenir dans les deux mois suivant sa notification ;

4°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de Toulon Habitat Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- elle justifie de sa qualité et de son intérêt pour agir ;
- sa demande était recevable, en l'absence de décompte général définitif régulièrement notifié par le maître d'ouvrage ;
- les retards dans l'exécution du marché sont la conséquence de fautes du maître d'ouvrage ;
- elle a droit à être indemnisée des travaux supplémentaires demandés par le maître d'ouvrage ou qui étaient indispensables à l'exécution de ses prestations dans les règles de l'art ;
- elle justifie de ses préjudices.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 avril 2016 et 19 août 2016, Toulon Habitat Méditerranée, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence de qualité et d'intérêt à agir de la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est et de la forclusion de sa demande ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;
- le code des marchés publics ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est.

Une note en délibéré présentée pour la société Cegelec Sud-Est a été enregistrée le 13 avril 2017.




1. Considérant que dans le cadre de la réhabilitation de la résidence Aristide Briand à Toulon, l'office public d'HLM de Toulon, dénommé " Habitat Toulon Méditerranée ", a confié par acte d'engagement du 14 novembre 2007 à la société Cegelec Sud-Est le lot n° 5 du marché public de travaux " électricité, courants forts et courants faibles " pour un montant global et forfaitaire de 1 065 949,05 euros hors taxes ; que la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est, venant aux droits du titulaire du marché, relève appel du jugement du 23 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Toulon Habitat Méditerranée à lui verser la somme de 304 702,53 euros hors taxes en réparation des préjudices résultant de l'allongement de la durée d'exécution du marché et de la réalisation de travaux supplémentaires ;

Sur la recevabilité de la demande :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la qualité à agir de la société requérante ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux : " (...) 13.3. Après l'achèvement des travaux l'entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble (...)/ 13.32. Le projet de décompte final est remis au maître d'oeuvre dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la réception des travaux (...)/ 13.34. Le projet de décompte final par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient alors le décompte final. / (...) 13.41. Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final défini au 34 du présent article ; - l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel (...) ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde (...)/ Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après :/ - quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final ;/ - trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde (...)/ 13.44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article 50 de ce CCAG dispose : " (...) 50.21. Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition (...) le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus./ 50.22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage./ 50.23. La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage (...)/ 50.31. Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent (...) ;

4. Considérant que la réception des travaux a été prononcée sans réserves le 15 juillet 2009 avec effet au 10 mars 2009 ; qu'alors que la société Cegelec Sud-Est n'avait pas encore dressé le projet de décompte final, Toulon Habitat Méditerranée lui a transmis le 2 septembre 2009 le procès-verbal de réception accompagné du décompte général ; que par lettre du 30 septembre 2009 adressée au maître d'ouvrage, la société Cegelec Sud-Est a expressément relevé l'irrégularité de la procédure d'établissement de ce décompte général, en se prévalant du non respect des stipulations de l'article 13 du CCAG travaux, qui prévoient que l'entreprise adresse son projet de décompte final au maître d'oeuvre, après notification du procès-verbal de réception, à charge pour ce dernier d'établir ensuite, au vu de ce décompte final, le décompte général ; que la société Cegelec Sud-Est ne peut être regardée comme ayant ainsi entendu contester le décompte général précédemment notifié, dans le cadre d'un différend survenu directement entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur au sens de l'article 50.22. du CCAG, le maître d'ouvrage s'étant ensuite engagé, par lettre du 12 octobre 2009, à " traiter le décompte général définitif de la société " dans les meilleurs délais ; qu'il résulte de cet échange que la société Cegelec Sud-Est a pu valablement estimer que Toulon Habitat Méditerranée entendait établir un décompte général selon la procédure et dans les formes prescrites par l'article 13 du CCAG et décider alors de ne pas donner suite à la procédure précontentieuse qu'elle avait initiée ;

5. Considérant que la société Cegelec Sud-Est a ensuite transmis le 21 octobre 2009 au maître d'oeuvre son projet de décompte final, accompagné d'un mémoire en indemnisation ; que ce mémoire fait état du non respect par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre de la procédure d'élaboration du décompte général mais ne comporte toutefois aucune contestation sur le fond des éléments de ce décompte ; que la société Cegelec Sud-Est ne peut par suite être regardée comme ayant renoncé, d'un commun accord avec le maître d'ouvrage, à l'application des stipulations de l'article 13-3 du CCAG ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, cette correspondance, qui ne s'inscrit pas dans le cadre de la procédure de règlement des différends prévue par l'article 50 du CCAG, ne constitue pas un mémoire en réclamation au sens de cet article ; que la société Cegelec Sud-Est pouvait dès lors, suite au rejet de sa demande le 16 décembre 2009, présenter un mémoire en réclamation au maître d'ouvrage le 12 mars 2010, dans le délai prescrit par l'article 50.21 du CCAG ; que Toulon Habitat Méditerranée a rejeté cette réclamation le 10 juin 2010 ; que le comité consultatif interrégional de règlement amiable des différends ou litige relatifs aux marchés publics saisi par la société le 23 novembre 2010, a notifié son avis à celle-ci le 20 janvier 2012 ; que dès lors que l'article 50.31 du CCAG ne prévoit aucun délai de saisine du tribunal administratif, c'est à tort que le tribunal administratif a opposé à la société Cegelec Sud-Est la forclusion de son action ;

6. Considérant toutefois qu'en l'absence d'établissement du décompte général, il appartient à l'entrepreneur de mettre le maître de l'ouvrage en demeure d'y procéder, préalablement à toute saisine du juge ; que la société Cegelec Sud-Est, qui a seulement adressé au maître d'ouvrage son projet de décompte final en vue de l'établissement du décompte général, n'a pas procédé à cette mise en demeure ; que, par suite, sa demande présentée devant le tribunal administratif de Toulon est prématurée ; qu'il y a lieu, dès lors, d'accueillir la fin de non-recevoir opposée en première instance à titre subsidiaire par Toulon Habitat Méditerranée et tirée de l'absence de mise en demeure d'établir le décompte général ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Toulon Habitat Méditerranée, qui n'est pas partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par Toulon Habitat Méditerranée ;


D É C I D E :


Article 1er : La requête de la société Cegelec Défense et Naval Sud-Est est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Toulon Habitat Méditerranée tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cegelec Défense Naval Sud-Est et à Toulon Habitat Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2017, où siégeaient :

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 3 mai 2017.
5
N° 15MA05036



Abstrats

39-05-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités.

Source : DILA, 16/05/2017, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 03/05/2017