Base de données juridiques

Effectuer une recherche

CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 03/10/2016, 15MA01607, Inédit au recueil Lebon

  • Favori

    Ajoutez ce texte à vos favoris et attribuez lui des libellés et annotations personnels

    Libellés

    Séparez les libellés par une virgule

    Annotations

  • Partager
  • Imprimer

Président : M. MOUSSARON

Rapporteur : Mme Florence HERY

Commissaire du gouvernement : M. THIELE

Avocat : SCP D'AVOCATS ALAIN ROUSTAN - MARC BERIDOT


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogev a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 32 418,65 euros TTC au titre du règlement du lot n° 1 du marché conclu le 30 juillet 2007 pour la réalisation de cinq courts de tennis et d'un club house, cette somme étant assortie des intérêts moratoires à compter du 15 février 2010.

Par un jugement n° 1003731 du 17 février 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 avril 2015 et le 25 avril 2016, la société Sogev, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 février 2015 ;

2°) de condamner la commune de Gardanne à lui verser la somme de 32 418,65 euros TTC, cette somme étant assortie des intérêts moratoires à compter du 15 février 2010 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Gardanne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les travaux supplémentaires dont elle sollicite l'indemnisation ont été demandés par la maîtrise d'oeuvre, ont donné lieu à l'établissement de devis transmis au maître d'oeuvre et ont été intégrés dans le projet de décompte ;
- ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
- elle justifie de leur teneur et de leur réalisation ;
- subsidiairement, elle est fondée à rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2015, la commune de Gardanne conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Sogev au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Sogev ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Sogev, et de Me C..., représentant la commune de Gardanne.


1. Considérant que dans le cadre de la réalisation de cinq courts de tennis et d'un club house, la commune de Gardanne a conclu le 30 juillet 2007 avec la société Sogev un marché à prix global et forfaitaire portant sur la réalisation du lot n° 1 " terrassements " ; que la société Sogev relève appel du jugement du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 32 418,65 euros TTC en paiement de travaux supplémentaires ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant que l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés de travaux, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que l'entrepreneur dispose d'un délai fixé selon le cas à 30 ou 45 jours à compter de la notification du décompte général par le maître d'ouvrage pour faire valoir, dans un mémoire en réclamation, ses éventuelles réserves, le règlement du différend intervenant alors selon les modalités précisées à l'article 50 ; que dans le cas d'un différend survenu lors de la procédure d'établissement du décompte général, le mémoire en réclamation mentionné à l'article 50.22 est nécessairement celui mentionné à l'article 13.44 ; qu'en conséquence, l'entrepreneur, qui a déjà adressé un mémoire en réclamation au maître d'oeuvre en application des stipulations de l'article 13.44, à charge pour celui-ci de le transmettre au maître d'ouvrage, n'est pas tenu d'adresser un nouveau mémoire de réclamation à la personne responsable du marché ;

3. Considérant que la société Sogev a adressé au maître d'oeuvre un projet de décompte final intégrant les travaux supplémentaires dont elle demandait le paiement ; que par lettre du 16 novembre 2009, le maître d'oeuvre a refusé de prendre en compte le coût de ces travaux et a demandé à l'entrepreneur d'établir un nouveau projet de décompte final ; que le 25 novembre 2009, la société Sogev a indiqué au maître d'oeuvre qu'elle refusait de modifier le projet de décompte et a joint à son courrier un mémoire en réclamation motivé et chiffré aux fins de transmission à la personne responsable du marché ; qu'il est constant que la commune de Gardanne n'a notifié aucun décompte général à la société Sogev ; que, par suite, elle ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 50.22 du CCAG ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée en première instance et tirée du non respect de la procédure fixée par ces stipulations doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

4. Considérant que le titulaire d'un marché à prix forfaitaire a droit au paiement des travaux supplémentaires qui, bien qu'ils aient été réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art ;

5. Considérant que, lors de la réunion de chantier du 25 octobre 2007, le maître d'oeuvre a demandé à la société Sogev, suite aux instructions d'Electricité de France, de " poser un fourreau de diamètre 160 entre le coffret " et le tableau général basse tension (TGBT) et de déterminer les conséquences de ces travaux au regard des moins-values générées par le marché ; que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ; qu'il ressort du devis établi le 31 octobre 2007 par la société Sogev et du bordereau de décomposition de prix que cette dernière a supporté un surcoût de 757,60 euros hors taxes du fait de la pose de ce fourreau d'un diamètre supérieur à celui initialement prévu ;

6. Considérant que la société requérante soutient avoir dû procéder à une extension du raccordement au réseau d'évacuation des eaux usées, le raccordement contractuellement imposé ne permettant pas, selon elle, d'effectuer des travaux conformes aux règles de l'art ; qu'alors que les dispositions de l'article 6 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) imposaient à l'entrepreneur d'avoir pris pleine connaissance des plans d'état des lieux et des réseaux existants et de signaler, avant la signature du marché, toute erreur ou omission dans les plans ou pièces écrites du dossier de consultation des entreprises, la société Sogev ne précise pas la raison pour laquelle le raccordement décrit par les pièces du marché n'était pas envisageable ; qu'elle ne justifie pas non plus de la teneur des travaux supplémentaires qu'elle aurait ainsi été amenée à entreprendre ni de leur coût, à l'exclusion des prestations déjà prévues contractuellement ; que, par suite, ces travaux ne sauraient être indemnisés ;

7. Considérant que l'article 1.13 du CCTP prévoyait l'obligation pour l'entrepreneur de faire effectuer par un laboratoire agréé cinq essais de portance par court de tennis ; que par lettre du 29 avril 2007, le maître d'oeuvre a demandé à la société Sogev la réalisation de 20 essais de portance pour chaque court de tennis et de 10 essais pour le demi-court de tennis, soit 110 essais au total au lieu des 25 initialement prévus ; que la société Sogev a établi un devis le 28 avril 2008, rejeté par le maître d'oeuvre qui estimait cette proposition trop onéreuse ; que si la société justifie par la production du rapport établi par la société Eiffage de la réalisation de 110 essais selon la méthode préconisée par le maître d'oeuvre et de la communication de leurs conclusions au maître d'oeuvre, elle ne justifie pas, par la production de la lettre du 4 juillet 2008 la mettant en demeure de réaliser les essais de portance, que le maître d'oeuvre aurait finalement exigé qu'elle effectue un nombre d'essais supérieur à celui contractuellement prévu ; que la société Sogev n'établit pas non plus que la réalisation d'essais supplémentaires était indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ; que, par suite, elle ne peut prétendre à l'indemnisation du coût supplémentaire généré par la réalisation de ces essais ;


En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

8. Considérant que la société Sogev n'est pas fondée à rechercher à titre subsidiaire la responsabilité de la commune de Gardanne sur le fondement de l'enrichissement sans cause, l'existence du lien contractuel l'unissant à la commune à la date de réalisation des travaux supplémentaires en litige faisant obstacle à ce qu'elle présente une demande indemnitaire sur un tel fondement ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que la commune de Gardanne doit être condamnée à verser la somme de 757,60 euros hors taxes à la société requérante ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sogev est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande relative aux prestations mentionnées au point 5 ;

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

11. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 13.44 du CCAG que le décompte général aurait dû être notifié à la société Sogev au plus tard 45 jours après la date de remise du projet de décompte final au maître d'oeuvre ; qu'aux termes de l'article 98 du code des marchés publics, alors applicable : " Le délai global de paiement d'un marché ne peut excéder 45 jours. (...) Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché (...) le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai (...) " ;

12. Considérant que le maître d'oeuvre a accusé réception du projet de décompte final adressé par la société Sogev le 16 novembre 2009 ; que le décompte général aurait donc dû être notifié au plus tard le 1er janvier 2010, le paiement du solde devant intervenir au plus tard le 15 février 2010 ; qu'il y a ainsi lieu de faire droit à la demande de la société Sogev et d'assortir la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Gardanne des intérêts moratoires à compter du 15 février 2010 ;

13. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée, et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la société Sogev a demandé pour la première fois la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée au greffe de la Cour le 17 avril 2015 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus depuis plus d'une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Sogev et de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Gardanne au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Gardanne, partie perdante dans la présente instance ;



D É C I D E :


Article 1er : Le jugement du 17 février 2015 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La commune de Gardanne est condamnée à verser la somme de 757,60 euros hors taxes à la société Sogev, cette somme étant assortie des intérêts moratoires à compter du 15 février 2010 et les intérêts étant capitalisés à compter du 17 avril 2015 pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Gardanne versera la somme de 2 000 euros à la société Sogev au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Sogev et les conclusions présentées par la commune de Gardanne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogev et à la commune de Gardanne.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2016.
''
''
''
''
2
N° 15MA01607



Abstrats

39-05-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités. Travaux supplémentaires.

Source : DILA, 18/10/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 03/10/2016