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CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 24/05/2016, 15MA00291, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. GONZALES

Rapporteur : Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ

Commissaire du gouvernement : M. ANGENIOL

Avocat : SERFATI-CHETRIT


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C...a, dans le dernier état de ses écritures, demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir à lui verser la somme globale de 45 678,80 euros au titre d'une indemnité compensatrice de congés payés, d'une revalorisation de l'indemnité de loyer, du paiement des 1er mai et de celui des dimanches et jours fériés autres que le 1er mai, ainsi qu'une indemnité visant à réparer le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1205173 en date du 21 novembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir à verser à Mme C... la somme de 37 678, 80 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2012 avec capitalisation des intérêts à compter du 17 juillet 2013.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier 2015 et 8 février 2016, le centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir, représenté par Me B...F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement précité rendu le 21 novembre 2014 par le tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de fixer l'indemnité de loyer due à la somme de 3 506,24 euros ;

3°) de fixer l'indemnité due au titre des 1er mai à la somme de 152,86 euros ;

4°) de rejeter les autres prétentions de Mme C... ;

5°) de mettre à la charge de Mme C... le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le jugement attaqué a été produit ;
- la prescription quadriennale avait été régulièrement opposée en première instance par son avocat ;
- la demande tendant au versement d'une indemnité de congés payés entre 1993 et 2004 est prescrite ;
- la demande de revalorisation du loyer n'est, compte tenu de la prescription, envisageable qu'à compter du 1er janvier 2009 pour un montant de 3 506,24 euros ;
- s'agissant de la demande afférente aux 1er mai, Mme C... ne peut prétendre qu'à la somme de 152,86 euros à compter du 1er janvier 2009 ;
- s'agissant du paiement des dimanches et jours fériés, les demandes sont prescrites pour l'année 2004 ;
- en tout état de cause, le décret n° 92-7 du 2 janvier 1992 ne s'applique qu'aux agents titulaires ;
- Mme C... ne justifie d'aucun préjudice moral ni de troubles dans ses conditions d'existence.



Par mémoires et pièces enregistrés les 23 juin 2015 et 22 février 2016, Mme C..., représentée par Me D...A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir ;

2°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a limité à la somme de 4 000 euros l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis ;

3°) de condamner le centre hospitalier requérant à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis, avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2012 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Léon Jean Grégory le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens.

Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;
- ledit jugement n'est pas produit ;
- il n'est pas justifié de la qualité pour agir du directeur du centre hospitalier ;
- l'exception de prescription quadriennale n'a pas été régulièrement opposée en première instance ;
- les moyens de la requête sont infondés.




Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 92-7 du 2 janvier 1992 ;
- le décret n° 2010-928 du 3 août 2010 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- le code de la santé publique ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant MmeC....



1. Considérant que Mme C... a été recrutée par le centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir en qualité d'accueillant familial thérapeutique à compter du 15 mars 1993, dans le cadre tout d'abord de contrats à durée déterminée d'une durée de trois mois, six mois ou un an, puis, à compter du 4 avril 2012, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que Mme C... a ainsi accueilli à son domicile une personne handicapée ; qu'elle a présenté au centre hospitalier de Thuir une demande tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés afférente aux années 1993 à 2004, d'une actualisation de l'" indemnité de loyer " de 1993 à 2011, des 1er mai travaillés pendant 19 années, des dimanches et autres jours fériés travaillés de 1993 à 2011 ainsi qu'au paiement du préjudice moral qu'elle estimait avoir subi du fait du défaut de paiement de ces sommes ; que la réponse que lui a apportée le centre hospitalier le 1er octobre 2012 ne l'ayant pas satisfaite, elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'un recours de plein contentieux ; que, par un jugement en date du 21 novembre 2014, le tribunal a condamné le centre hospitalier de Thuir au versement de la somme de 37 678,80 euros ; que le centre hospitalier interjette appel dudit jugement ; que, pour sa part, Mme C... forme un appel incident contestant le fait de n'avoir pas obtenu intégralement satisfaction s'agissant de la réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;


Sur les fins de non-recevoir soulevées par Mme C... :

2. Considérant, en premier lieu, que le centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir ne se borne pas en appel à la seule reproduction littérale de son argumentation de première instance mais énonce de manière précise, et à nouveau, les arguments soulevés à l'appui de ses conclusions ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel serait, pour ce motif, irrecevable ;






3. Considérant, en deuxième lieu, que l'absence de production par le requérant du jugement attaqué a été régularisée par la présence d'une copie du jugement dans le dossier d'appel à l'occasion de la transmission à la Cour, sur sa demande, du dossier de première instance ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par Mme C... doit être écartée ;


4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique relatif aux établissements de santé : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement " ; qu'en application de ces dispositions, le directeur du centre hospitalier est seul compétent, à l'exclusion du conseil d'administration dont il n'a pas à obtenir d'autorisation préalable, pour agir en justice au nom de l'établissement ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le directeur du centre hospitalier requérant n'aurait pas qualité pour représenter l'établissement en justice ;


Sur l'exception de prescription applicable :

En ce qui concerne la prescription quinquennale :

5. Considérant que le centre hospitalier Léon Jean Grégory se prévaut, sans d'ailleurs clairement en délimiter l'étendue, de la prescription quinquennale édictée par les dispositions du code civil ;


6. Considérant qu'aux termes des anciennes dispositions de l'article 2277 du code civil : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires ( ...) " ; qu'en vertu de l'article 2224 dudit code issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" ; qu'aux termes de l'article 26 de ladite loi : " Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation " ;


7. Considérant que, par la loi précitée du 17 juin 2008 applicable au présent litige dès lors que l'instance a été introduite par Mme C... après son entrée en vigueur, le législateur a supprimé les anciennes dispositions de l'article 2227 du code civil en vertu desquelles : "L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer" ; que, dès lors, les prescriptions édictées par le code civil ne peuvent plus être soulevées par les personnes publiques ou leur être opposées ; que l'exception de prescription quinquennale doit donc, à supposer que le centre hospitalier requérant ait encore entendu la soulever, être écartée ;










En ce qui concerne la prescription quadriennale :

8. Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 7 de la même loi : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond " ;


9. Considérant que ces dispositions ne déterminent pas l'autorité ayant qualité pour opposer la prescription ni ne régissent les formes dans lesquelles cette autorité peut l'invoquer devant la juridiction du premier degré ; que ni ces dispositions, ni aucun élément tenant à la nature de la prescription ne font obstacle à ce que celle-ci soit opposée par une personne ayant reçu de l'autorité compétente une délégation ou un mandat à cette fin ; que l'avocat, à qui l'administration a donné mandat pour la représenter en justice et qui, à ce titre, est habilité à opposer pour la défense des intérêts de cette dernière toute fin de non-recevoir et toute exception, doit être regardé comme ayant été également mandaté pour opposer l'exception de prescription aux conclusions du requérant tendant à la condamnation de cette administration à l'indemniser ; que, par suite, et alors même que le changement de jurisprudence tel que résultant de l'arrêt " Commune de Scionzier " du Conseil d'Etat (n° 359769) n'est intervenu que le 5 décembre 2014, soit postérieurement au jugement attaqué, le centre hospitalier est fondé à soutenir qu'il avait régulièrement opposé, en première instance, sous la seule signature de son avocat, la prescription quadriennale ;


10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Léon Jean Grégory est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a écarté, comme étant irrecevable, l'exception de prescription quadriennale ;


Sur les conclusions pécuniaires et indemnitaires de Mme C... :

11. Considérant que, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés ;









En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de congés payés de 1993 à 2004 :

12. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la lettre adressée le 11 décembre 2008 par Mme C... au centre hospitalier de Thuir ne réclamait pas le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés mais se bornait à faire référence au repos hebdomadaire ou compensateur ; que, par ailleurs, si Mme C... se prévaut d'une lettre datée du 22 novembre 2008 qui, elle, fait référence aux congés payés, elle n'établit pas, alors que cette affirmation est contestée par le centre hospitalier requérant, avoir envoyé ce courrier ni, comme elle l'allègue, l'avoir joint à sa lettre du 11 décembre 2008 ; que les deux courriers précités ne peuvent, dès lors, être regardés comme interruptifs de la prescription quadriennale ; que, par suite, la créance dont se prévaut Mme C... était, ainsi que le soutient le centre hospitalier requérant, prescrite lorsqu'elle en a, par lettre réceptionnée le 17 juillet 2012, réclamé pour la première fois le paiement ;


En ce qui concerne la revalorisation de l'indemnité de loyer depuis 1993 :


Quant à la prescription :

13. Considérant que Mme C... n'a demandé l'actualisation du loyer réglé pour la ou les pièces réservées à la personne handicapée qu'elle accueillait que par sa lettre précitée réceptionnée le 17 juillet 2012 ; qu'elle ne peut, dès lors, en tout état de cause, se prévaloir d'une créance qu'à compter des indemnités représentatives de mise à disposition de la pièce réservée à la personne accueillie échues à compter du 1er janvier 2008 jusqu'à la date à laquelle l'accueil a cessé, soit le 19 décembre 2011 ;


Quant au bien-fondé de la créance :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 443-10 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable : " (...) Pour chaque personne accueillie, l'établissement ou service de soins passe avec l'accueillant familial un contrat écrit. / En contrepartie des prestations fournies, l'établissement ou service de soins attribue : (...) 3° Un loyer pour la ou les pièces réservées au malade " ; qu'aux termes de l'article D.444-6 du code de l'action sociale et des familles : " l'indemnité représentative de mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie mentionnée au 4° de l'article L. 442-1 est perçue jusqu'à la date de libération de la ou des pièces mises à disposition " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 9 de l'annexe 3.8.2 du décret susvisé n° 2010-928 du 3 août 2010 portant modification de certaines dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives aux accueillants familiaux accueillant à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées : " Le montant de l'indemnité représentative de mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie est fixé en fonction de la surface des locaux mis à disposition et de leur état. Il évolue en fonction de l'indice du coût de l'IRL (indice de référence des loyers) " ;






15. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'indemnité représentative de mise à disposition de la pièce réservée à la personne accueillie par Mme C... n'a jamais été actualisée ; que, toutefois, Mme C... ne se prévaut d'aucune disposition législative ou réglementaire antérieure à celles du décret susmentionné du 3 août 2010 ni d'aucune stipulation des différents contrats dont elle a bénéficié avant cette date qui imposeraient une telle actualisation ; que, par suite, elle ne peut y prétendre que pour la période s'étendant du 3 août 2010 au 19 décembre 2011 ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner le centre hospitalier Léon Jean Grégory à verser à Mme C... une somme correspondant à l'actualisation de l'indemnité représentative de mise à disposition de la pièce réservée à la personne accueillie entre le 3 août 2010 et le 19 décembre 2011, en fonction de l'indice de référence des loyers ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme C...devant le centre hospitalier pour le calcul de la somme due à ce titre ;

En ce qui concerne le paiement des journées travaillées le 1er mai :

Quant à la prescription :

16. Considérant que Mme C... n'a demandé une majoration au titre des journées travaillées le 1er mai que par sa lettre précitée réceptionnée le 17 juillet 2012 ; qu'elle ne peut, dès lors, se prévaloir d'une créance qu'à compter du 1er mai 2008 jusqu'au 1er mai 2011, l'accueil de la personne concernée ayant effectivement cessé le 19 décembre 2011 ;

Quant au bien-fondé de la créance :

S'agissant de l'application des dispositions du décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière :

17. Considérant que Mme C... se prévaut, en premier lieu, des dispositions de l'article 5 du décret susmentionné aux termes duquel : " Les jours fériés accordés sont les fêtes légales ainsi désignées : (...) - le 1er mai (...) Lorsque le jour férié coïncide avec un jour de repos hebdomadaire, une compensation des jours fériés est accordée aux agents travaillant en repos variable, définis par le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Aucune compensation n'est accordée lorsque les repos hebdomadaires interviennent à dates fixes incluant le samedi et le dimanche. Lorsque les repos hebdomadaires interviennent à dates fixes, mais ne comprennent pas simultanément le samedi et le dimanche, la compensation est accordée quand le jour férié coïncide avec le jour ouvré " ;

18. Considérant que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles L. 441-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles relatives aux accueillants familiaux, notamment de celles de l'article L. 443-10 applicables aux personnes agréées pour accueillir à leur domicile des malades mentaux en " accueil familial thérapeutique ", que l'établissement avec lequel ces personnes ont passé contrat à cette fin a, à leur égard, la qualité d'employeur ; que, par suite, les accueillants familiaux thérapeutiques sont, lorsqu'ils sont employés par un établissement public de santé, des agents non titulaires de cet établissement, ainsi d'ailleurs que le précisent désormais les dispositions introduites à l'article L. 443-10 par l'article 92 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ; que Mme C... était ainsi agent public non titulaire employée par le centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir ;


19. Considérant, toutefois, qu'il résulte des dispositions des articles 1er et 6 dudit décret que celui-ci n'est applicable qu'aux fonctionnaires ou stagiaires des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 ; qu'il ne peut, dès lors, être appliqué à Mme C..., agent non titulaire ;


S'agissant de l'application de l'article L. 3133-6 du code du travail :

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 444-2 du code de l'action sociale et des familles relatif aux accueillants familiaux recrutés par des personnes morales de droit public ou privé : " Sont applicables aux personnes relevant du présent chapitre les dispositions du code du travail relatives : (...) 13° A la durée du travail, aux repos et aux congés, prévues à la section 2 du chapitre III du titre III et aux sections 2 et 3 du chapitre Ier et aux sous-sections 1 et 2 de la section 1 et aux sous-sections 1 à 3 et 5 à 7 et aux paragraphes 1 à 4 de la sous-section 10 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie " ; que l'article L. 3133-6 du code du travail, en vigueur depuis le 1er mai 2008, est inséré dans la section 2 du chapitre III du Titre III du Livre Ier de la troisième partie ; qu'il est donc applicable à la situation de Mme C... ; qu'en vertu dudit article : " Dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. / Cette indemnité est à la charge de l'employeur " ;

21. Considérant qu'en application des dispositions qui précèdent, Mme C... est fondée à prétendre au versement d'une indemnité pour les 1er mai travaillés de 2008 à 2011 ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner le centre hospitalier Léon Jean Grégory au versement d'une telle indemnité et de renvoyer Mme C... devant son administration pour le calcul de cette somme ;

En ce qui concerne le paiement des dimanches et jours fériés autres que le 1er mai :

Quant à la prescription :

22. Considérant que Mme C... avait, par sa lettre du 11 décembre 2008, demandé le paiement des repos hebdomadaires et compensateurs ; qu'elle avait, dès lors, à ce titre, interrompu la prescription quadriennale ; qu'elle peut ainsi prétendre au paiement des dimanches et jours fériés travaillés à compter du 1er janvier 2004 jusqu'à la date de cessation effective de son activité, soit le 19 décembre 2011 ;

Quant au bien-fondé de la créance :

23. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 92-7 du 2 janvier 1992 instituant une indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés : " Les fonctionnaires et agents des établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires susvisé perçoivent, lorsqu'ils exercent leurs fonctions un dimanche ou un jour férié, une indemnité forfaitaire sur la base de huit heures de travail effectif, dont le montant est fixé par arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre chargé de la santé " ; que lesdites dispositions sont non seulement applicables aux fonctionnaires mais également aux " agents " des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986, parmi lesquels comptent les non titulaires ; que Mme C... peut donc se prévaloir desdites dispositions contrairement à ce que soutient le centre hospitalier requérant ;





24. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté interministériel du 16 novembre 2004 fixant le montant de l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés mentionné à l'article 1er du décret du 2 janvier 1992 susvisé est fixé à 44,89 EUR à compter du 1er janvier 2004. / Le montant de l'indemnité sera revalorisé dans les mêmes proportions que la valeur annuelle du traitement des fonctionnaires de l'Etat afférent à l'indice 100 majoré " ;


25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier Léon Jean Grégory à verser à Mme C..., au titre de la période du 1er janvier 2004 au 19 décembre 2011, une indemnité pour travail les dimanches et jours fériés autres que le 1er mai calculée sur la base des dispositions précitées et des jours non contestés tel que détaillés par l'intéressée ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme C...devant le centre hospitalier pour le calcul de la somme due à ce titre ;


En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

26. Considérant que si Mme C... fait état des conditions dans lesquelles son dernier contrat aurait été rompu avant de bénéficier finalement d'un contrat à durée indéterminée, aucune faute n'est, à cet égard, établie ; que, néanmoins, le centre hospitalier requérant, en ne rémunérant pas Mme C... conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables à sa situation a, pendant de nombreuses années, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, du fait de cette faute, Mme C... a, continûment, perçu une rémunération qui n'était pas conforme à ses droits ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis à ce titre par l'intimée en les évaluant à la somme globale de 4 000 euros ;



Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

27. Considérant, d'une part, que la somme qui sera versée à Mme C... au titre des dimanches et jours fériés autres que le 1er mai sera, s'agissant de la période entre le 1er janvier 2004 et le 12 décembre 2008, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2008, date de réception de la demande préalable formulée par l'intéressée le 11 décembre 2008 ; qu'elle sera, s'agissant des rémunérations pour dimanches et jours fériés échues postérieurement au 12 décembre 2008 et jusqu'au 19 décembre 2011, assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle desdites rémunérations ;


28. Considérant, d'autre part, que la somme qui sera versée à Mme C... au titre de l'actualisation des loyers, des jours travaillés le 1er mai, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2012, date de réception de la demande préalable formulée par l'intéressée le 5 juillet 2012 ;




29. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que, pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que Mme C... a demandé, par mémoire enregistré le 22 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif de Montpellier, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts des différentes créances de l'intéressée étaient dus au moins pour une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de Mme C... à compter du 22 juillet 2013 ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

31. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le centre hospitalier Léon Jean Grégory et Mme C... en application des dispositions précitées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir est condamné à verser à Mme C... une somme, qu'il déterminera conformément aux motifs du présent arrêt, au titre de la revalorisation des loyers entre le 3 août 2010 et le 19 décembre 2011, des journées travaillées le 1er mai entre 2008 et 2011, des dimanches et jours fériés autres que le 1er mai travaillés entre le 1er janvier 2004 et le 19 décembre 2011, outre la somme de 4 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis.
Article 2 : La somme qui sera versée à Mme C... au titre des dimanches et jours fériés autres que le 1er mai sera, s'agissant de la période du 1er janvier 2004 au 12 décembre 2008, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2008. Elle sera, s'agissant des rémunérations pour dimanches et jours fériés échues postérieurement au 12 décembre 2008 et jusqu'au 19 décembre 2011, assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle desdites rémunérations. Les sommes allouées au titre de la revalorisation des loyers, des jours travaillés le 1er mai, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2012. Les intérêts échus à compter du 22 juillet 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier Léon Jean Grégory et de
Mme C...est rejeté.
Article 4 : Le jugement rendu le 21 novembre 2014 par le tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Léon Jean Grégory de Thuir et à Mme E... C....
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N° 15MA00291



Abstrats

36-12 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires.

Source : DILA, 20/06/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 24/05/2016