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CAA de LYON, 1ère chambre - formation à 3, 15/02/2018, 15LY01560, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. BOUCHER

Rapporteur : M. Antoine GILLE

Commissaire du gouvernement : Mme VACCARO-PLANCHET

Avocat : SIGMA


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme O..., Mme H... B..., M. L... K... et M. I... K... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 12 juillet 2012 par laquelle le conseil municipal de Thyez a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune.

MM. E... et A... G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la même délibération du 12 juillet 2012 en tant qu'elle a classé en zone A leurs parcelles cadastrées section AA n° 224 et section AD n° 130.

Par un jugement n° 1205063-1300315 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes et a annulé la délibération du conseil municipal de Thyez du 12 juillet 2012.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 mai 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 13 décembre 2017 qui n'a pas été communiqué, la commune de Thyez, représentée par la SCP Sigma avocats - Chavrier Fuster Serre J... Delhomme, demande à la cour :
- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2015 ;
- de rejeter la demande formée contre la délibération du 12 juillet 2012 ou, à titre subsidiaire, de n'en prononcer qu'une annulation partielle ou de différer de deux ans les effets d'une annulation et de rejeter le surplus des conclusions des intimés ;
- de mettre à la charge solidaire de Mme M..., de Mme B... et de MM. K... une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté les fins de non-recevoir tirées de la tardiveté de la demande d'annulation du plan local d'urbanisme et de l'absence de notification du recours formé contre celui-ci conformément aux exigences de l'article R. 411-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de l'information insuffisante des conseillers municipaux, qui ont été réunis le 21 juin 2012 pour examiner le projet et ont été destinataires cinq jours francs avant la séance du conseil municipal des éléments permettant de les informer ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la présence de M. F... ne contrevenait pas aux exigences de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, dont la méconnaissance ne saurait en tout état de cause entraîner l'annulation totale de la délibération attaquée ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'absence des avis des personnes publiques associées dans le dossier d'enquête publique, qui manque en fait ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'avis du commissaire-enquêteur est suffisamment motivé ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues et leur méconnaissance ne saurait utilement être invoquée à l'encontre de la délibération en litige ;
- le moyen qu'a retenu le tribunal administratif tiré de l'illégalité de l'institution de micro-zones Nu en zone agricole n'était ni recevable ni fondé, et ne pouvait en tout état de cause entraîner l'annulation totale du PLU ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ont été écartés à juste titre ;
- eu égard aux effets de l'annulation du PLU, c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa demande tendant au report des effets de cette annulation.

Par un mémoire enregistré le 5 février 2016, Mme O..., Mme H... B..., M. L... K... et M. I... K..., représentés par la SELARL BLT droit public, concluent :
- au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à l'annulation totale de la délibération du 12 juillet 2012 ou à son annulation en tant qu'elle classe leurs parcelles en zone agricole ;
- à ce qu'il soit enjoint à la commune de Thyez de procéder sans délai à un nouveau classement en zone UB du PLU de la commune des parcelles cadastrées section A n° 1829, 2118, 2217, 2098, 2100, 1100, 1863, 1101, 1107, 1108, 1123, 1832, 1109, 1834, 1094, 1095, 1096, 1098, 1865, 1866 et 1919 ;
- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Thyez au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté leurs moyens tirés de l'insuffisante définition des modalités de la concertation au regard des exigences de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, de ce que les modifications apportées au projet après enquête publique ont bouleversé l'économie générale de celui-ci, de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le classement de leurs parcelles en zone agricole et de l'absence de prise en compte des corridors écologiques.

La requête a été communiquée à MM. E... etA... G..., qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me J... pour la commune de Thyez, ainsi que celles de Me D... pour Mme M..., Mme B... et MM. K... ;



1. Considérant que, par une délibération du 12 juillet 2012, le conseil municipal de Thyez a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ; que la commune de Thyez relève appel du jugement n° 1205063-1300315 du 12 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération à la demande, d'une part, de Mme M... et autres et, d'autre part, de MM. E...et A...G... ;


Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant que, pour demander l'annulation du jugement qu'elle conteste, la commune de Thyez réitère, sans les assortir d'éléments nouveaux, les fins de non-recevoir qu'elle a soulevées devant le tribunal administratif de Grenoble tirées, d'une part, de la tardiveté de la demande de Mme M...et autres et, d'autre part, du défaut de notification de cette demande selon les formes prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; qu'il y a lieu d'écarter ces fins de non-recevoir par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;


Sur le bien-fondé des moyens retenus par le tribunal administratif pour annuler la délibération du 12 juillet 2012 :


En ce qui concerne la convocation et l'information des conseillers municipaux :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier des productions de la commune de Thyez devant le tribunal administratif enregistrées le 21 mai 2013, que la convocation des conseillers municipaux du 6 juillet 2012 dont fait mention la délibération critiquée était accompagnée d'un rapport de présentation faisant état sur plus de quatre pages des différentes affaires soumises à délibération ; que ce rapport, rappelant la tenue d'un conseil municipal spécifique le 21 juin précédent ainsi que les étapes de la procédure d'adoption du PLU, était notamment accompagné, en vue de l'approbation du PLU inscrite au point 3 de l'ordre du jour, d'un tableau récapitulatif des demandes formulées au cours de l'enquête publique, de l'avis du commissaire enquêteur et de la position du conseil municipal sur ces demandes, ainsi que d'une note de synthèse des avis des personnes publiques associées à l'élaboration du PLU ; qu'il est constant que le projet de PLU a été arrêté par délibération du conseil municipal de Thyez du 17 novembre 2011 et que ce même conseil s'est réuni le 21 juin 2012 en vue de délibérer, ainsi qu'il l'a fait, sur le projet destiné à être formellement approuvé trois semaines plus tard ; que, dans ces conditions, et alors que les allégations des intimés, qui exposent que les élus n'auraient pas été régulièrement convoqués et que le dossier de PLU n'aurait pas été accessible en mairie, ne reposent sur aucun élément probant, l'information délivrée aux élus, qui pouvaient en outre solliciter toutes précisions ou explications complémentaires ou demander à consulter d'autres documents, leur permettait d'appréhender le contexte et de comprendre les motifs des mesures envisagées, d'apprécier les implications de leurs décisions et, ainsi, d'exercer utilement leur mandat ; que, par suite, la commune de Thyez est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour annuler la délibération du 12 juillet 2012, retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;


En ce qui concerne la participation au vote d'un élu intéressé :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité ; que, de même, la participation d'un conseiller intéressé aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité s'il a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération ; que, cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel ;

6. Considérant que, pour demander l'annulation de la délibération du 12 juillet 2012, Mme M... et autres ont fait valoir la participation active de M. N..., exploitant agricole et conseiller municipal délégué à la révision du PLU, aux travaux d'élaboration et aux débats relatifs au PLU ainsi que l'intérêt de ce dernier pour un classement en zone constructible, qu'a finalement retenu le conseil municipal, des parcelles cadastrées section AK n° 29 et 39 dont le projet initialement arrêté, s'inscrivant dans la perspective d'une insuffisance de terres arables, envisageait un classement en zone agricole ; que, la délibération critiquée ayant porté sur une révision d'ensemble du PLU de la commune qui classait déjà en zone constructible l'ensemble du tènement dont relèvent les parcelles en cause, il ressort des pièces du dossier que le classement en zone Ub de ces parcelles, situées en bordure d'une voie publique et à proximité immédiate d'une zone bâtie, a été débattu et adopté, sur recommandation en ce sens du commissaire enquêteur, pour ne faire que partiellement droit à la demande exprimée par M. N... au cours de l'enquête publique et après que celui-ci se fut retiré de la salle où le projet était débattu ; que les circonstances relevées par les intimés ne permettent pas de regarder la délibération en litige comme ayant pris en compte, du fait de l'influence qu'aurait exercée cet élu, son intérêt personnel ; que, par suite, la commune de Thyez est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu comme fondé le moyen tiré de la violation de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;


En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme :

7. Considérant que, pour annuler la délibération du 12 juillet 2012, le tribunal administratif a retenu comme fondé le moyen selon lequel, faute d'avoir précisément envisagé les objectifs poursuivis par la commune, la délibération du conseil municipal du 18 décembre 2008 prescrivant l'élaboration du PLU avait été prise en méconnaissance des exigences de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; que, s'il résulte des dispositions des articles L. 123-6 et L. 300-2 du code de l'urbanisme alors applicables que l'adoption ou la révision du PLU doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées et que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée cette concertation, délibérer sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme ainsi que sur les modalités de la concertation, l'illégalité de cette délibération ne peut cependant, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le PLU ; que, par suite, la commune requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'illégalité de la délibération du 18 décembre 2008 pour annuler celle du 12 juillet 2012 ;


En ce qui concerne la composition du dossier soumis à enquête publique :

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique (...). Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. " ; que le troisième alinéa de l'article R. 123-19 de ce code, alors en vigueur, prévoit de même que " Le dossier est composé des pièces mentionnées à l'article R. 123-1 et des avis émis par les collectivités ou organismes associés ou consultés. " ; que si les requérants ont fait valoir devant le tribunal administratif que les avis des personnes publiques associées à l'élaboration du projet de PLU en litige ne figuraient pas au dossier soumis à enquête publique, ces allégations sont contredites par les productions de la commune de Thyez devant le tribunal au nombre desquelles figure en particulier la copie, enregistrée au greffe le 16 septembre 2013, de la page de garde, visée par le maire de Thyez et revêtue du paraphe du commissaire enquêteur, de l'annexe destinée à être soumise à l'enquête publique et constituée des avis des personnes publiques consultées sur le projet en application de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme ; que, dans ces conditions, la commune de Thyez est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance à cet égard des articles L. 123-10 et R. 123-19 du code de l'urbanisme, qui manque en fait ;


En ce qui concerne l'avis du commissaire-enquêteur :

9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 123-22 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. " ;

10. Considérant que, dans son rapport du 9 mai 2012 établi au terme de l'enquête publique organisée en vue de l'adoption du PLU en litige, le commissaire enquêteur, après avoir notamment procédé à l'examen des observations du public recueillies au cours de l'enquête pour les assortir de ses commentaires ou recommandations, a relevé, dans le troisième fascicule de son rapport, les éléments constituant selon lui les points forts du projet soumis à son examen au regard notamment de la limitation de la consommation d'espace, de la lutte contre la fragmentation des espaces naturels et agricoles et contre le mitage du coteau, de la prise en compte des évolutions démographiques et des besoins de la population en termes d'équipement et de réseaux, ainsi que les points faibles de ce projet relatifs en particulier au dimensionnement des espaces agricoles au regard des perspectives de développement de la commune ; qu'au terme de cette analyse, le commissaire enquêteur a exprimé un avis favorable sans réserve au projet de PLU en invitant la commune à prendre en considération les recommandations émises en réponse aux observations du public ; qu'il ne ressort pas de son rapport que le commissaire-enquêteur aurait négligé de prendre en compte les avis émis par les personnes publiques associées ainsi que le soutiennent les requérants ; que si ceux-ci relèvent également le caractère stéréotypé de certaines des réponses apportées aux observations du public, cette circonstance ne suffit pas à caractériser une insuffisance du rapport d'enquête ; que, dans ces conditions, la commune requérante est fondée à soutenir que les conclusions du commissaire enquêteur répondent aux exigences des dispositions de l'article R. 123-22 du code de l'environnement citées au point 9 et que c'est à tort que les premiers juges ont, pour annuler la délibération du 12 juillet 2012 approuvant le PLU, retenu comme fondé le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces conclusions ;


En ce qui concerne l'institution de secteurs de zone naturelle Nu :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. / Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A. Est également autorisé, en application du 2° de l'article R. 123-12, le changement de destination des bâtiments agricoles identifiés dans les documents graphiques du règlement. " ; qu'aux termes de l'article R. 123-8 du même code, alors en vigueur : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". / Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. / En zone N peuvent être délimités des périmètres à l'intérieur desquels s'effectuent les transferts des possibilités de construire prévus à l'article L. 123-4. (...). / En dehors des périmètres définis à l'alinéa précédent, des constructions peuvent être autorisées dans des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées, à la condition qu'elles ne portent atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. " ;

12. Considérant que la délibération en litige approuve la création de plusieurs secteurs, dits de "zone naturelle urbanisée (Nu)", définis autour de constructions existantes disséminées en zone agricole et que le règlement du PLU qualifie de "secteurs d'habitat isolé de taille limitée, où seule l'évolution du bâti existant est autorisée (changement de destination et extension)" ; que la définition de ces espaces bâtis constructibles n'entre pas, en l'absence de toute référence à un objectif de protection des milieux naturels et des paysages ou de protection des espaces naturels, dans les prévisions de l'article R. 123-8 cité au point 11 définissant la vocation des zones naturelles N ; que, par suite, la commune de Thyez n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif, qui, ce faisant, n'a pas statué au-delà des conclusions de la demande dont il était saisi ni retenu un moyen reposant sur une autre cause juridique que les moyens de légalité interne initialement invoqués par les intimés, a considéré que l'institution de ces secteurs Nu en zone agricole procédait d'une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant que les dispositions du PLU de Thyez portant création en zone agricole des secteurs Nu dont le présent arrêt confirme l'annulation sont divisibles des autres dispositions du PLU ; qu'il y a ainsi lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les intimés qui tendent à l'annulation de la délibération du 12 juillet 2012 dans sa totalité ou de celles de ses dispositions qui restent en litige ;


Sur les autres moyens dirigés contre la délibération du 12 juillet 2012 :


En ce qui concerne la demande de Mme M...et autres :

S'agissant de la participation au vote d'un élu intéressé :

14. Considérant que, pour soutenir que la délibération du 12 juillet 2012 a été adoptée en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales cité au point 5, Mme M...et autres font valoir la participation active aux travaux d'élaboration du PLU de M. C..., adjoint au maire délégué à l'urbanisme dont les parcelles cadastrées section AH n° 12 et 13 situées au lieu-dit La Place ont été classées en zone constructible alors que le projet arrêté envisageait leur classement en zone agricole ; qu'alors que ces parcelles ont pu, dans le PLU approuvé par la délibération critiquée, conserver le caractère constructible que leur reconnaissait le document d'urbanisme précédent au bénéfice de la suite favorable qui a été donnée, sur recommandation en ce sens du commissaire enquêteur, à la demande formulée par l'intéressé au cours de l'enquête publique, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette délibération aurait, du fait de l'influence de ce conseiller, qui n'a participé ni au débat ni au vote de la délibération du 21 juin 2012 émettant un avis favorable au zonage envisagé, pris en compte son intérêt personnel ; que le moyen doit être écarté ;

S'agissant de la définition des modalités de la concertation :

15. Considérant que les intimés soutiennent que, faute d'avoir précisément fixé les modalités de la concertation préalable à l'adoption du projet de PLU, la délibération du conseil municipal du 18 décembre 2008 prescrivant l'élaboration du PLU a été prise en méconnaissance des exigences de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; que ce moyen doit être écarté pour les motifs énoncés au point 7 ;

S'agissant de la modification du projet après l'enquête publique :

16. Considérant que, pour soutenir que le PLU ne pouvait être approuvé sans qu'une nouvelle enquête publique ne soit organisée, Mme M... et autres exposent que le conseil municipal de Thyez a substantiellement modifié le projet initialement arrêté et soumis à enquête publique, le réexamen du classement de vingt-six parcelles se traduisant notamment par l'augmentation de la superficie urbanisable ainsi que par la réduction, à concurrence d'une quinzaine d'hectares, de la zone agricole ; que, conformément aux dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme alors en vigueur, il est loisible à l'autorité compétente de modifier le projet de PLU après l'enquête publique sous réserve que cette modification procède de celle-ci et ne remette pas en cause l'économie générale du projet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées au projet en réponse notamment aux demandes formulées au cours de l'enquête publique, qui n'ont affecté qu'environ 4 hectares de zones urbaines ou à urbaniser situées dans la plaine et en pied de coteau sur un total d'environ 350 hectares et qui, s'agissant des espaces agricoles représentant initialement plus de 340 hectares, se sont traduites pour l'essentiel par le versement d'une douzaine d'hectares en zone naturelle, ont eu pour effet, notamment par leur ampleur ou leur contrariété avec les orientations initialement retenues, de modifier l'économie générale du projet soumis à enquête ; que le moyen doit être écarté ;

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans les conditions précisées au présent article, dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d'urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle. / Jusqu'au 31 décembre 2012, le premier alinéa s'applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population. (...). / Il peut être dérogé aux dispositions des trois alinéas précédents (...) avec l'accord du préfet donné après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et de la chambre d'agriculture, (...) " ; qu'en se bornant à exposer que le PLU en litige ouvre à l'urbanisation des zones agricoles, Mme M... et autres n'assortissent pas leur moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

S'agissant du classement des terrains de Mme M... et autres :

18. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

19. Considérant qu'au soutien de leur demande d'annulation de la délibération du 12 juillet 2012, Mme M...et autres exposent notamment que les parcelles qui leur appartiennent à proximité du lieu-dit La Prat et qui ont été classées en zone agricole sont limitrophes d'une zone UB, que leur urbanisation n'affecterait pas l'objectif de limiter le développement de l'urbanisation à partir d'habitats isolés et que le classement de ces parcelles ne saurait trouver sa justification dans la volonté alléguée par la commune de préserver une coupure verte entre zones urbaines ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que ces parcelles, qui constituent d'importants tènements enherbés non construits situés de part et d'autre de la route du Plessy, se trouvent à l'extérieur de l'enveloppe urbaine définie en ces lieux autour des parcelles construites et dans la partie basse du coteau de Thyez dont les auteurs du PLU ont entendu, ainsi que le précise l'orientation n° 3 de l'objectif n° 1 du plan d'aménagement et de développement durables (PADD), préserver le paysage et le caractère agraire, le rapport de présentation soulignant par ailleurs l'importance des surfaces en herbe pour l'élevage de montagne ; que, dans ces conditions, les circonstances dont il est fait état ne permettent pas de considérer que le classement en zone agricole des espaces en cause est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la prise en compte des corridors écologiques :

20. Considérant que, pour soutenir que le PLU qu'ils contestent est entaché d'illégalité, Mme M... et autres font également valoir que ce document, par l'institution notamment d'une zone à urbaniser AUM au nord du lieu-dit Champ des Mottes ainsi que d'un secteur UX destiné, au lieu-dit Les Bossons, aux activités économiques et industrielles, néglige de prendre en compte les corridors écologiques ; que la préservation de la biodiversité, notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, est au nombre des objectifs énoncés par l'article L. 110 du code de l'urbanisme que les collectivités publiques doivent prendre en compte dans leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace ; que, cependant et alors que la commune n'est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale ou un schéma régional de cohérence écologique, que les zones naturelles et agricoles couvrent, avec près de 630 hectares, les deux tiers de la superficie de la commune, que la zone AUM en litige se trouve entre la route départementale n° 19 et la voie de chemin de fer et que le zonage UX correspond pour l'essentiel à des modalités d'urbanisation existantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu notamment des contraintes liées à la topographie de la commune s'étageant entre la plaine et le coteau et où des "coupures vertes" sont d'ailleurs ménagées, les partis d'urbanisme retenus par les auteurs du PLU de Thyez pour définir le zonage réglementaire seraient entachés d'une erreur manifeste au regard de ces dispositions ;


En ce qui concerne la demande de MM. E... et A... G... :

S'agissant du classement de la parcelle cadastrée section AA n° 224 :

21. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle dont M. A... G...est propriétaire au lieu-dit Les Rapilles, d'une superficie d'environ 4 500 m², est située en deuxième rang par rapport à la voie publique, hors de l'enveloppe urbaine définie en ces lieux par les constructions existantes et qu'elle relève d'un ensemble de parcelles en nature de champs et de prairies ou encore boisées ; que le classement en zone agricole A de cette parcelle non bâtie et dont l'absence de potentiel agronomique, biologique ou économique ne ressort pas des pièces du dossier concourt à la satisfaction des objectifs que se sont donnés les auteurs du PLU en litige et que précise son PADD de maîtriser le développement urbain en pied de coteau et d'y préserver, dans une perspective économique et paysagère, les terres agricoles relevant du "glacis" qu'il délimite ; que, dans ces conditions et alors même que cette parcelle se trouve à proximité de parcelles construites, MM. E... et A... G... ne sont pas fondés à soutenir que son classement en zone A procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant du classement de la parcelle cadastrée section AD n° 130 :

22. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle dont M. E... G... est propriétaire au lieu-dit Les Vignes de la crête est située au nord de la route de la Place qui la sépare du lotissement des Contamines et se trouve en dehors de l'enveloppe définie par les constructions et parcelles bâties qui la bordent à l'ouest ; que cette parcelle relève de l'ensemble de parcelles en nature, pour l'essentiel, de champs et de prairies au sud-ouest duquel elle se trouve ; que le classement en zone agricole de la partie non bâtie de cette parcelle d'environ 80 ares, non loin de laquelle plusieurs sièges d'exploitations agricoles ont été recensés et dont l'absence de potentiel agronomique, biologique ou économique ne ressort pas du dossier, concourt à la satisfaction des objectifs que rappelle le PADD du PLU en litige de maîtriser le développement urbain en pied de coteau et, par la préservation des terres concernées, de créer des conditions favorables à la pérennisation de l'activité agricole concourant à l'activité économique et à la gestion du paysage ; que le moyen tiré de ce que le classement en zone A de cette parcelle procède d'une erreur manifeste d'appréciation doit ainsi être écarté ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Thyez est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé totalement la délibération du 12 juillet 2012 de son conseil municipal approuvant son PLU ; qu'elle n'est en revanche pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé cette délibération en tant qu'elle approuve l'institution de secteurs Nu en zone agricole A ;


Sur les conclusions de la commune de Thyez tendant à la modulation dans le temps des effets de l'annulation prononcée :

24. Considérant qu'eu égard à la nature et à la portée du vice que le présent arrêt retient en son point 12, il n'y a pas lieu de faire droit à ces conclusions ;


Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. Considérant que le présent arrêt, qui ne confirme l'annulation de la délibération du conseil municipal de Thyez du 12 juillet 2012 que dans la mesure précisée au point 23, n'implique pas, en tout état de cause, le reclassement en zone UB des parcelles désignées par les intimés ;


Sur les frais d'instance :

26. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





DECIDE :
Article 1er : La délibération du conseil municipal de Thyez du 12 juillet 2012 est annulée en tant qu'elle approuve l'institution de secteurs de zone naturelle Nu en zone agricole A.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Thyez, à Mme O..., à Mme H... B..., à M. L... K..., à M. I... K..., à M. E... G... et à M. A... G....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 février 2018.
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
2
N° 15LY01560
md



Abstrats

68-01-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans. Procédure d'élaboration.
68-01-01-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Application des règles fixées par les POS ou les PLU. Règles de fond.

Source : DILA, 27/02/2018, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 15/02/2018