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CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 20/06/2017, 15LY01385, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. ALFONSI

Rapporteur : Mme Nathalie PEUVREL

Commissaire du gouvernement : M. CLEMENT

Avocat : SCP MAJNONI D'INTIGNANO-BUHAGIAR


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme et M. C...ont demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) de condamner la commune de Créancey à leur verser la somme de 15 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du refus du maire de Créancey d'autoriser l'inhumation de M. B...G...dans le cimetière communal ;

2°) de mettre à la charge de la commune une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Par un jugement n° 1400099 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015, Mme et M.C..., représentés par Me F..., de la SCP Majnoni d'Intignano - Buhagiar -F...- Pizzolato, avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 3 février 2015 ;

2°) de condamner la commune de Créancey à verser à chacun d'eux une indemnité de 15 000 euros à titre de dommages intérêts résultant du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi du fait du non-respect des dernières volontés émises par M. B...G...;

3°) de condamner la commune de Créancey à verser à chacun d'eux une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au titre de la première instance, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes frais exposés pour la présente instance.

Ils soutiennent que :
- en refusant par principe de prendre en compte les attestations qu'ils ont produites pour démontrer la réalité de leur demande d'inhumation de M. G...dans la commune de Créancey, les premiers juges ont méconnu les règles d'administration de la preuve, laquelle peut être rapportée par tous moyens, y compris des attestations, à condition qu'elles soient suffisamment probantes ;
- les attestations produites ayant été appréciées différemment selon qu'elles étaient produites par leurs soins ou par l'administration, sans que cette différence de traitement ne soit justifiée, les premiers juges ont méconnu les principes d'impartialité et d'égalité des armes consacrés par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le maire de Créancey était saisi d'une demande d'inhumation de M. G...dans le cimetière de Créancey et non dans le caveau familial ; ce n'est qu'après le refus opposé par le maire de faire inhumer M. G...dans une concession individuelle que la société de pompes funèbres a sollicité une inhumation dans le caveau familial ;
- aucun motif ne justifie le refus du maire ;
- la commune n'a pas proposé de concession individuelle moyennant le règlement d'une redevance à M.C... ;
- le refus de la commune est entaché de détournement de pouvoir en ce qu'il repose sur des considérations étrangères à l'intérêt général ou le respect du cadre législatif et réglementaire.


Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2015, la commune de Créancey, représentée par MeD..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou, à titre subsidiaire, à ce que les prétentions indemnitaires des requérants soient réduites à la somme de 500 euros chacun.

Elle fait valoir :
- à titre principal : que toutes les attestations produites par les requérants en première instance l'ont été postérieurement à la date de clôture de l'instruction, ce qui n'est pas le cas de ses propres attestations ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la preuve d'une demande d'inhumation dans une concession individuelle n'était pas rapportée ; qu'à supposer que les appelants aient souhaité que l'inhumation soit organisée dans une concession individuelle, ils n'ont pas donné suite aux démarches à entreprendre ; que la volonté de M. G... d'être inhumé à Créancey, qui n'a pris aucune disposition en ce sens de son vivant, n'est pas établie ; que, compte tenu de l'absence de relations avec sa famille, il n'avait pas de raison personnelle de vouloir être inhumé dans le cimetière communal, que la concession soit individuelle ou familiale ; que le maire a bien été saisi d'une demande d'inhumation dans la concession familiale, laquelle supposait la réduction des corps inhumés ; qu'il était tenu de rejeter cette demande, compte tenu du désaccord des plus proches parents des personnes inhumées ; que la décision du maire n'est pas entachée de détournement de pouvoir ; que le défunt ne disposait d'aucune dette à l'égard du maire ;
- à titre subsidiaire, pour le cas où sa responsabilité fautive serait retenue, que la demande indemnitaire doit être rejetée, en l'absence de préjudice ;
- à titre infiniment subsidiaire, que si une indemnisation devait être allouée aux requérantes, elle ne saurait excéder 500 euros chacun.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour la commune de Créancey ;



1. Considérant que Mme et M. C...relèvent appel du jugement du 3 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Créancey soit condamnée à leur verser une indemnité de 15 000 euros chacun en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi du fait du refus du maire de Créancey d'autoriser l'inhumation de leur concubin et père, M. B...G..., dans le cimetière de la commune ;



Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2223-1 du code général des collectivités territoriales : " Chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de cimetières dispose d'au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l'inhumation des morts (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 2223-3 de ce code : " La sépulture dans un cimetière d'une commune est due : 1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ; 2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ; 3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille (...). " ;


3. Considérant qu'à la suite du décès de M. B...G..., le 23 juillet 2013, sa concubine, Mme E...C..., et leur fils, M. A...C..., ont demandé que le défunt soit, conformément à ses dernières volontés, inhumé dans le cimetière de la commune de Créancey, où il était né et avait vécu la majeure partie de sa vie et où il bénéficiait dans le cimetière de la commune, en qualité de successeur et en l'absence alléguée de dispositions testamentaires contraires, d'une concession funéraire fondée par ses parents, qui y reposent ; que, si M. G...n'a pris aucune disposition de son vivant afin d'être inhumé à Créancey, cette seule circonstance ne permet pas d'établir que tel n'était pas son souhait, alors que, outre sa concubine et son fils cadet, une amie et une ancienne employée du défunt témoignent de cette volonté ; qu'ainsi, alors même que M. G...n'est pas décédé à Créancey où il ne résidait pas au moment de son décès, le maire de Créancey, qui n'était pas saisi d'une demande tendant à l'octroi d'une concession et n'était saisi qu'à titre subsidiaire d'une demande d'inhumation du défunt dans le caveau familial, était tenu, en application des dispositions précitées de l'article L.2223-3 du code général des collectivités territoriales, d'autoriser son inhumation dans le cimetière communal ; que les circonstances que le défunt n'entretenait plus de relation avec sa famille à la suite de différends successoraux et que le caveau familial ne permettait pas d'accueillir un nouveau corps, le regroupement des corps qui y sont inhumés n'étant pas possible, était sans incidence sur cette obligation puisqu'il appartenait au maire, dans une telle hypothèse, d'autoriser l'inhumation dans un terrain du cimetière consacré à l'inhumation des morts, au sens de l'article L.2223-1 précité du code général des collectivités territoriales ; qu'ainsi, et alors même que les deux attestations produites par les requérants selon lesquelles le maire de Créancey aurait subordonné son autorisation au règlement par M. C...d'une dette dont le défunt aurait été redevable envers la commune ne permettent pas, à elles-seules, d'établir que son refus de faire procéder à l'inhumation de M. G...dans le cimetière communal serait également entaché de détournement de pouvoir, le maire de Créancey, saisi d'une demande d'inhumation d'une personne bénéficiant d'un droit à être inhumée dans la commune en vertu du 3° de l'article L.2223-3 du code général des collectivités territoriales, a, en rejetant cette demande, commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu'il suit de là que Mme et M. C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a, pour rejeter leur demande, écarté l'existence d'une telle faute ;



Sur le préjudice :

4. Considérant que la faute commise par la commune, qui ne saurait utilement faire valoir que les requérants n'établissent pas avoir demandé l'octroi d'une concession dans le cimetière de Créancey en vue de l'inhumation de leur concubin et père, ni que M. C...ne se serait pas déplacé pour accomplir les formalités nécessaires à l'acquisition d'une concession, n'a pas permis aux requérants de respecter les dernières volontés de M.G..., lequel a été inhumé le 25 janvier 2014 dans la commune de Bellenot sous Pouilly où il résidait ; que cette faute est à l'origine, pour Mme et M.C..., d'un préjudice moral, dont il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation en condamnant la commune de Créancey à leur verser une somme de 1 000 euros ;



Sur les frais non compris dans les dépens :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce la somme que la commune de Créancey demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de Mme et M. C..., qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Créancey le versement aux requérants d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 3 février 2015 est annulé.
Article 2 : La commune de Créancey versera à Mme et M. C...une indemnité de 1 000 euros.
Article 3 : La commune de Créancey versera à Mme et M. C...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C..., à M. A...C...et à la commune de Créancey.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2017.
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N° 15LY01385




Abstrats

135-02-03-03-03 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Services communaux. Opérations funéraires.

Source : DILA, 04/07/2017, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 20/06/2017