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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 14/06/2016, 15BX01061, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. PEANO

Rapporteur : Mme Marie-Thérèse LACAU

Commissaire du gouvernement : M. KATZ

Avocat : TESOKA


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D...C...et le syndicat Sud Collectivités Territoriales de Mayotte ont demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 mars 2013 du maire de Mamoudzou suspendant M. C...de ses fonctions, d'autre part, l'arrêté du 19 juillet 2013 prononçant son licenciement disciplinaire.

Par deux jugements n° 1300183 et 1300362 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Mayotte a annulé ces arrêtés.

Procédures devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 27 mars 2015 sous le n° 15BX01061, des pièces et un mémoire complémentaires enregistrés les 15 avril 2015 et 10 mai 2016, la commune de Mamoudzou, représentée par MeA..., demande à la cour d'annuler le jugement n° 1300362 du 29 décembre 2014, de rejeter la demande présentée par M. C...et le syndicat Sud Collectivités Territoriales de Mayotte devant le tribunal administratif de Mayotte et de mettre à leur charge la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.C....


Considérant ce qui suit :

1. Agent non titulaire sous contrat à durée indéterminée, M. C... a été suspendu de ses fonctions de chef de projet informatique par un arrêté du 21 mars 2013 du maire de Mamoudzou, puis, le 19 juillet suivant, licencié à titre disciplinaire. Saisi par M. C... et le syndicat Sud Collectivités Territoriales de Mayotte, dont il était l'un des secrétaires généraux, le tribunal administratif de Mayotte a, par deux jugements du 29 décembre 2014, annulé ces arrêtés. Par ses requêtes enregistrées sous les n° 15BX01061, 15BX01071 et 15BX01073, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, la commune de Mamoudzou demande l'annulation de ces jugements et le sursis à exécution du jugement annulant le licenciement.


2. En estimant que " la présente requête est en tout état de cause recevable en tant qu'elle émane de M. C...", les premiers juges ont entendu répondre à la fin de non-recevoir opposée par la commune de Mamoudzou, tirée du défaut d'intérêt et de qualité pour agir du syndicat Sud Collectivités Territoriales de Mayotte. Le bien-fondé de cette réponse est sans incidence sur la régularité du jugement. Quand bien même le tribunal aurait fait droit aux conclusions irrecevables du syndicat, cette erreur de droit, censurée dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, serait sans incidence sur la régularité du jugement. Enfin, les premiers juges qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés en défense, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la violation par M. C... de ses obligations professionnelles. Le jugement n'est donc pas entaché des irrégularités alléguées.


3. Destinée à écarter temporairement un agent du service jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa situation, la mesure provisoire de suspension peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que l'intéressé a commis une faute grave. L'article 36 du décret du 15 février 1988 prévoit que tout manquement au respect des obligations incombant aux agents publics, commis par un agent non titulaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire.


4. Il était fait grief à M. C...d'avoir " par son comportement et ses actes " contribué à la paralysie du service informatique. Plus précisément, il lui était reproché, d'une part, d'avoir, le vendredi 15 mars 2013 volontairement mis hors service le serveur de l'état civil " mamoudzou-etc01 " entre 10 heures 24 minutes 48 secondes et 11 heures 35 minutes 58 secondes, d'autre part, de s'être abstenu, les lundi 18 et mardi 19 mars suivants, de déférer aux injonctions, puis à la réquisition de reprendre immédiatement son travail en dépit de sa participation à un mouvement de grève pour tenter de résoudre la panne, qui n'a pu être réparée que le 20 mars suivant par un prestataire externe.


5. M. C...ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir de la décision de classement sans suite prise par le ministère public sur la plainte contre X formée le 19 mars 2013 par le maire, dépourvue de toute autorité de chose jugée quant à la matérialité des faits. Il conteste, toutefois, tant le constat, effectué le 19 mars par un autre informaticien de la commune, de l'interruption volontaire du serveur résultant d'un ordre de fermeture de session envoyé le 15 mars 2013 depuis l'adresse IP de son ordinateur (192.168.19.199) que le rapport remis le 18 juin suivant par la société ayant résolu la panne. Il fait notamment valoir en premier lieu que l'extinction du voyant de contrôle de mise sous tension, constatée par le prestataire extérieur permet de présumer, non une interruption volontaire, qui aurait dû donner lieu à un signal clignotant du voyant, mais une panne d'électricité, en deuxième lieu, que le serveur a été redémarré le 20 mars en appuyant sur l'interrupteur et qu'il était en l'espèce impossible de déterminer la cause de la panne, enfin, qu'il n'est pas possible de faire un état de l'arrêt du serveur sans disposer des codes d'accès et du mot de passe.


6. Les investigations menées à la demande de la commune ont donné lieu aux rapports des 18 mars, 22 mars et 18 juin 2013, dont M. C...conteste la valeur probante, en particulier celle du rapport d'enquête du 18 juin 2013, objet de la plainte pour faux et usage de faux qu'il a formée le 3 février 2014. En admettant établi que la panne résultait d'un acte de malveillance, il ressort tout au plus de ces rapports que le système informatique était très insuffisamment sécurisé et que l'ordre d'arrêt du système a été envoyé depuis le poste de M. C... par une personne disposant des codes d'accès d'administrateur. Si le rapport du 18 juin 2013 mentionne : " en tant qu'administrateur possédant les codes d'accès, et compte tenu que c'est son ordinateur qui en est à l'origine, M. C...ne peut être que responsable de cette avarie " et l'attestation d'un ancien agent établie le 16 septembre 2013 indique que le mot de passe était seulement connu de M.C..., ce dernier a produit deux attestations de tiers, non dépourvues de valeur probante, prouvant qu'il ne se trouvait pas sur les lieux le 15 mars vers 11 heures, ce que la commune ne conteste pas sérieusement en se bornant à se prévaloir de l'observatoire Windows des fenêtres d'évènements qui peut en tout état de cause être modifié. La preuve de ce que l'intéressé et son adjoint étaient les seuls à disposer des codes d'accès d'administrateur et des clés du local n'est pas davantage rapportée. Ni l'intervention d'un serrurier le 20 mars, ni les attestations de plusieurs agents communaux certifiant qu'ils ne disposaient pas des clés ne suffisent à établir que le local, accessible par deux entrées, les portes 310 et 317, ne pouvait être ouvert que par M. C...ou son adjoint. Dans ces conditions, le premier grief ne présentait pas à la date du 21 mars 2013 à laquelle a été prononcée la suspension un caractère de vraisemblance suffisant et à la date du 19 juillet à laquelle a été décidée la sanction, sa matérialité n'était pas établie.


7. Il est ensuite reproché à M. C... de n'avoir pas déféré à la réquisition du maire et, plus généralement, d'avoir méconnu ses obligations contractuelles en s'abstenant de toute initiative. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'il faisait régulièrement usage de son droit de grève, en participant à un mouvement ayant fait l'objet d'un préavis le 7 mars dans les conditions prévues par les articles L. 2512-2 et suivants du code du travail. L'autorité administrative peut apporter des restrictions au droit de grève en réquisitionnant certains agents afin de préserver la continuité du service public. Dans les circonstances de l'affaire, le refus de déférer à la réquisition du maire constituait une faute de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire. Toutefois, d'une part, eu égard à son degré de gravité, cette faute ne pouvait justifier légalement une mesure de suspension, d'autre part, en décidant de licencier M. C..., le maire lui a infligé une sanction disproportionnée à la gravité et à la nature de ces manquements.


8. Il en résulte que la commune de Mamoudzou n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Mayotte a annulé ses décisions.


9. Le présent arrêt tranche le fond du litige. La requête n° 15BX01071 tendant au sursis à exécution du jugement du 29 décembre 2014 annulant le licenciement de M. C...est, dès lors, sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.


10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné sur ce fondement au profit de la commune de Mamoudzou. M. C...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement de la somme de 1 500 euros à MeB....


DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15BX01071 de la commune de Mamoudzou.
Article 2 : Les requêtes n° 15BX01061 et 15BX01063 présentées par la commune de Mamoudzou sont rejetées.
Article 3 : La commune de Mamoudzou versera à Me B...la somme de 1.500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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N° 15BX01061, 15BX01071, 15BX01073



Abstrats

36-07-08 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Droit de grève.
36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.
36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs.

Source : DILA, 22/06/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 14/06/2016