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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 février 2016, 15-11.257, Publié au bulletin

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Mme Batut

Mme Duval-Arnould

M. Cailliau

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 novembre 2014), que Mme X..., à qui ont été prescrites, entre 1998 et 2008, des cures de Mediator comportant du benfluorex, présente une double valvulopathie aortique et mitrale ; qu'elle a assigné en référé la société Les Laboratoires Servier (la société) pour obtenir la désignation d'un expert et le paiement de provisions à valoir sur la réparation de son dommage et les frais de procédure ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt, statuant à l'issue de l'expertise médicale ordonnée par le premier juge, d'accueillir les demandes de provision de Mme X... alors, selon le moyen :

1°/ que c'est seulement dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable que le juge des référés peut accorder une provision au créancier, qu'il s'agisse d'une provision sur dommages-intérêts ou d'une provision ad litem ; qu'une contestation sérieuse survient lorsque la prétention du demandeur repose sur des fondements incertains, l'applicabilité au litige de la règle de droit invoquée étant raisonnablement discutable ; que tel est le cas s'agissant de la question de l'imputabilité d'un dommage à la prise d'un médicament, surtout lorsque les troubles allégués peuvent raisonnablement avoir une ou plusieurs autres origines, tenant notamment à la prescription d'autres médicaments ayant fait l'objet d'un retrait du marché ou à l'existence de nombreux facteurs de risque chez le patient ; qu'en décidant en l'espèce que « l'appelante établit sans contestation sérieuse l'existence d'un lien de causalité entre l'existence de sa pathologie et la prise du Mediator pendant dix années, à hauteur du pourcentage proposé par l'expert », tout en constatant dans le même temps que la société avait mis en exergue l'existence chez la demanderesse, non seulement d'une insuffisance mitrale préexistant à son traitement, mais également de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension artérielle, cardiomyopathie, diabète de type II, dyslipidémie, surpoids et extrasystoles auriculaires), et souligné par ailleurs que Mme X... s'était vu prescrire deux autres médicaments retirés du marché, l'Isoméride et le Tenuate Dospan, tous éléments dont il résultait que la question de l'imputabilité des troubles de Mme X... à la prise du Mediator était l'objet d'une discussion technique complexe et donc d'une contestation sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que c'est seulement dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable que le juge des référés peut accorder une provision au créancier, qu'il s'agisse d'une provision sur dommages-intérêts ou d'une provision ad litem ; qu'une contestation sérieuse survient lorsque la prétention du demandeur repose sur des fondements incertains, l'applicabilité au litige de la règle de droit invoquée étant raisonnablement discutable ; qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment du moment de la mise en circulation du produit ; que cela suppose en conséquent que l'état des connaissances scientifiques permette au producteur d'avoir connaissance des risques liés au produit lors de sa mise sur le marché, ou, à tout le moins, au moment de son utilisation ; qu'en décidant en l'espèce, pour octroyer les provisions litigieuses, que le produit était défectueux en raison du « déséquilibre défavorable avantage/ risque démontré par les études réalisées et sanctionné par le retrait du marché » et de « l'absence totale d'information sur la notice accompagnant ce médicament » sur les risques liés à son utilisation, sans constater que l'état des connaissances scientifiques au jour de la mise en circulation du « Mediator », ou à tout le moins au moment de la prescription du médicament à Mme X..., permettait à l'évidence à la société d'avoir connaissance des risques liés au produit litigieux, et relevant au contraire que, d'un côté, le « Mediator » avait été prescrit à Mme X... de 1998 à 2008 », et d'un autre que le médicament n'avait fait l'objet d'une décision de suspension d'autorisation de mise sur le marché qu'en novembre 2009, et de retrait qu'en juin 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

3°/ que la société faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'au regard des publications et études scientifiques réalisées jusqu'à la fin de l'année 2009, publications qu'elle détaillait et produisait en pièces, ainsi que de la position des autorités de santé et de la pharmacovigilance jusqu'à la même date, l'état des connaissances scientifiques ne permettait pas avant la fin de l'année 2009 de déceler le défaut du produit ; qu'en retenant cependant que la société n'opposait pas « d'élément sérieux permettant de considérer que l'état des connaissances scientifiques au cours des dix années de 1998 à 2008 où le médicament a été prescrit à Mme X..., le défaut n'avait pas été décelé », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en ne recherchant en tout état de cause pas si les nombreuses publications et études scientifiques réalisées jusqu'à la fin de l'année 2009, publications détaillées dans les conclusions d'appel de la société et produites en pièces, ainsi que la position des autorités de santé et la pharmacovigilance jusqu'à la même date, n'établissaient pas le caractère sérieusement contestable des conditions de la responsabilité de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt constate que l'expert judiciaire a imputé la pathologie de Mme X... à la prise du Mediator, rejoignant ainsi à cet égard l'avis du collège d'experts désigné par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'occasion de la procédure amiable antérieure engagée par l'intéressée ; qu'il relève que, répondant aux dires de la société contestant cette imputabilité au regard de l'état de santé antérieur de la patiente, de ses facteurs de risque et de la prescription antérieure d'Isoméride et de Tenuate Dospan, cet expert a exclu l'implication de ces médicaments dans la survenue de l'affection litigieuse et fixé à 80 % la part des préjudices imputable au Mediator ; que la cour d'appel a pu en déduire qu'un lien de causalité entre cette pathologie et la prise du Mediator pendant dix années, dans la limite du pourcentage proposé par l'expert, n'était pas sérieusement contestable ;

Attendu, ensuite, qu'aux termes de l'article 1386-4, alinéas 1er et 2, du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et qu'il doit être tenu compte, dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; que la constatation, par le juge, du défaut d'un produit, à la suite de la mise en évidence de risques graves liés à son utilisation que ne justifie pas le bénéfice qui en est attendu, n'implique pas que le producteur ait eu connaissance de ces risques lors de la mise en circulation du produit ou de sa prescription ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, après avoir retenu que le Mediator était un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 du code civil, n'a pas modifié l'objet du litige et n'était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise, dès lors que la société ne s'était pas prévalue d'une exonération de responsabilité fondée sur l'article 1386-11, 4°, du code civil ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Les Laboratoires Servier.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'il a condamné les laboratoires Servier à payer à Madame X... la somme de 10. 000 euros à titre de provision pour frais d'instance et l'infirmant, d'avoir condamné la société Les laboratoires Servier à payer à Madame X... la somme de 50. 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme Hélène X..., née en avril 1951, s'est vue prescrire le médicament Isoméride pendant 24 mois, de 1992 à 1994. La pièce 14 produite par l'appelante intitulée « Etude de suivi prospectif Benfluorex » mentionne l'année 1994 comme date d'arrêt du traitement. De 1998 à 2008, le médicament Médiator lui a été prescrit. Présentant une double valvulopathie aortique et mitrale, elle a saisi l'ONIAM en septembre 2011 d'une demande dirigée contre l'AFSSAPS et Les laboratoires Servier. Dans son rapport du 5 janvier 2013, l'ONIAM a estimé que le dommage subi était en lien direct et certain avec la prise de Benfluorex (molécule du Médiator). Le 25 juillet 2013, Les laboratoires Servier ont offert à Mme X... une indemnisation de 5. 000 euros que celle-ci a jugé insuffisante, ce qui l'a amenée à saisir le juge des référés de Nanterre. Dans ses conclusions, en point 7, l'expert indique que Mme X... présente de façon directe et certaine une double valvulopathie mitro-aortique imputable au Benfluorex. Il précise que Mme X..., du point de vue de son état antérieur, souffrait d'une cardiopathie hypertensive qui l'avait amenée à consulter de nombreuses fois jusqu'à stabilisation de cette pathologie, que c'est en 1999 qu'une insuffisance mitrale sera retrouvée pour la première fois, que sur ce terrain de cardiopathie hypertensive stabilisée, après traitement de son hypertension artérielle, elle va développer une pathologie mitro-aortique, dont les caractéristiques (fuite centrale bilatérale avec épaississement des valves) sont définies grâce à l'échocardiographie réalisée par le docteur A...le 11 juillet 2014. L'expert indique que l'insuffisance aortique de grade I au repos passe au grade II à l'effort avec une intolérance constatée pour un effort minime. Il évalue les postes de préjudices qu'il retient. Dans leur dire du 22 août 2014, Les laboratoires Servier avaient rappelé que l'insuffisance mitrale préexistait à la prise de Benfluorex, comme le montrait l'échocardiographie réalisée le 12 octobre 1995, citée par l'expert en page 6 de son pré-rapport, que cet état antérieur avait été relevé par le collège d'experts de l'ONIAM dans son rapport d'expertise définitif du 28 mars 2013, que ce diagnostic précédait de 3 ans la prise du Médiator. Ils avaient ajouté que d'une part, Mme X... présentait antérieurement ou concomitamment à ses troubles valvulaires de nombreux facteurs de risque cardio-vasculaire puisqu'elle avait présenté à partir de 1994 une hypertension artérielle d'origine familiale, une cardiomyopathie dès cette date, outre un diabète de type II, une dyslipidémie, un surpoids et des extrasystoles auriculaires, d'autre part, elle s'était vue prescrire de l'Isoméride et du Tenuate Dospan en 1992, qui faisaient partie des autres produits potentiellement valvulotoxiques retirés du marché. Ils en déduisaient que la prise de ces produits empêchait de retenir le rôle certain et exclusif du Médiator dans la survenance de l'insuffisance mitrale diagnostiquée en 1995 et également de l'insuffisance aortique diagnostiquée en 2003, en l'absence d'échocardiographie détaillée entre ces deux dates. L'expert a répondu à ce dire en point 9 de son rapport, comme suit :
- concernant la valvulopathie aortique, il indique que la description faite par le sapiteur montre une fuite centrale sur des valves épaissies ce qui est caractéristique d'une valvulopathie toxique,
- concernant la valvulopathie mitrale, il répond que ses conclusions prennent en compte l'influence de l'état antérieur d'une cardiomyopathie hypertensive préexistante, qu'il propose en effet une ventilation de l'imputabilité de l'état antérieur et de la valvulopathie toxique à hauteur de 20 % pour la première et de 80 % pour la seconde,
- il précise qu'aucun des antécédents, y compris l'âge et les facteurs de risque n'est susceptible d'expliquer les lésions échographiques ni leur retentissement fonctionnel, que par ailleurs, la toxicité valvulaire de l'Isoméride et du Tenuate Dospan se produit après 2 à 3 mois de traitement et ne se manifeste plus deux ans après la dernière prise thérapeutique, or la valvulopathie aortique n'est apparue qu'en 2003 tandis qu'on assistait parallèlement à une majoration de la valvulopathie mitrale, de sorte que la prise des deux médicaments (Isoméride et Tenuate Dospan) consommés en 1992 et 1994 ne peuvent être responsables de la double valvulopathie mitro-aortique de Mme X...,
- dans le cadre de sa réponse au dire concernant le déficit fonctionnel permanent, il indique que la valvulopathie toxique s'est greffée sur une cardiopathie hypertensive et que c'est la raison pour laquelle l'insuffisance mitrale mentionnée en 1995 (souligné par la cour) liée à l'hypertension artérielle ne s'accompagne pas d'épaississement des valvules mitrales qui ne sera identifiée qu'en 2011, après l'exposition au Médiator.
L'expert ayant ainsi répondu au dire des LABORATOIRES SERVIER, pouvait clôturer son rapport, de sorte que le grief pris de l'absence de réponse à un nouveau dire postérieur au dépôt du rapport est inopérant. Dans cette réponse au dire, l'expert a pris en compte l'insuffisance mitrale diagnostiquée en 1995, et non en 1999 comme indiqué en point 7 du rapport (la pièce médicale mentionnant cette insuffisance mitrale est effectivement du 12 octobre 1995 ¿ pièce 5 de Mme X...). Par ailleurs, l'importance de l'essoufflement à l'effort a été mesurée le 20 mai 2014 par le docteur C...qui note clairement qu'à 50 watts, il existe une franche majoration de l'insuffisance mitrale et l'apparition d'une dyspnée lesquelles obligent à limiter à quelques secondes le test ensuite porté à 75 watts. Il est constant que le Médiator, ayant pour indication initiale le traitement des hypertriglycéridémie et diabète de type II, mais étant de fait également prescrit dans des proportions non négligeables dans un but d'amaigrissement, a été commercialisé par Les laboratoires Servier en France à partir de 1974, que ce médicament a fait l'objet d'une décision de suspension d'autorisation de mise sur le marché en novembre 2009 puis de retrait en juin 2010, en raison de sa toxicité cardio-vasculaire, caractérisée par un risque d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies. Les éléments produits aux débats permettent de considérer le Médiator comme un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 du Code civil, en ce qu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, en raison du déséquilibre défavorable avantage/ risque démontré par les études réalisées et sanctionné par le retrait du marché, mais également de l'absence totale d'information figurant sur les notices accompagnant le produit tel que distribué au patient et même au résumé des caractéristiques du produit (RCP) disponible au dictionnaire Vidal pour 2009, année de son retrait, sur le risque, même présenté comme exceptionnel, d'apparition d'une HTAP ou d'une valvulopathie. La responsabilité sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil est une responsabilité de plein droit. Comme vu plus haut, l'appelante établit sans contestation sérieuse l'existence d'un lien de causalité entre l'existence de sa pathologie et la prise du Médiator pendant 10 années, à hauteur du pourcentage proposé par l'expert. Les laboratoires Servier, auxquels incombe la charge de cette preuve, n'opposent pas d'élément sérieux permettant de considérer qu'en l'état des connaissances scientifiques au cours des 10 années de 1998 à 2008 où le médicament a été prescrit à Mme X..., le défaut n'avait pas été décelé. Il n'appartient pas à la cour, en matière de référés, d'ordonner une nouvelle expertise. L'obligation des LABORATOIRES SERVIER n'est pas sérieusement contestable, les demandes de provision sont fondées en leur principe. Il convient, pour les justes motifs du premier juge que la cour adopte expressément, de confirmer la fixation à 10. 000 euros de la provision pour frais d'instance allouée par l'ordonnance à la demanderesse. La provision à valoir sur la réparation des dommages sera fixée à 50. 000 euros. La demande de garantie bancaire, non justifiée, sera rejetée. Il n'y a pas lieu de donner à la CPAM des Hauts-de-Seine les actes qu'elle requiert. Il sera alloué en équité la somme de 3. 000 euros à l'appelante en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de 500 euros sur le même fondement à la CPAM » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « conformément à l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision pour frais d'instance s'il est justifié du caractère non sérieusement contestable de la prétention au fond et de la nécessité d'engager des frais pour lesquels la provision est demandée. Mme X... entend rechercher la responsabilité des LABORATOIRES SERVIER sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, prévoyant que le producteur est de plein droit responsable du dommage causé par un défaut de son produit, sauf à lui de justifier de l'existence d'une cause d'exonération et notamment, en application de l'article 1386-11 alinéa 4 du même code, en établissant que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation n'a pas permis de déceler l'existence du défaut. Il est constant que le Médiator (Benfluorex) a été commercialisé en France à partir de 1997, ayant pour indication initiale le traitement des hypertriglycéridémie et diabète de type II, mais étant de fait également prescrit dans des proportions non négligeables dans un but d'amaigrissement. Il a fait l'objet d'une décision de suspension d'AMM en novembre 2009 puis de retrait en juin 2010, en raison de sa toxicité cardio-vasculaire, caractérisée par un risque d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies. Mme X... justifie avoir été traitée par administration de Médiator par cures de 1998 à 2008 ; elle présente depuis 2003 une fuite mitrale de grade II à III et une fuite aortique de grade I. L'avis du collège d'experts désignés par l'ONIAM, même s'il ne s'agit pas d'une expertise judiciaire, a été donné dans des conditions de respect du contradictoire ayant ainsi permis aux LABORATOIRES SERVIER d'en discuter les conclusions, notamment en ce qui concerne l'existence d'un lien de causalité entre la prise du Médiator et les pathologies développées par Mme X.... Cet avis permet de considérer, à ce stade, avant que l'expertise judiciaire soit réalisée pour établir clairement le dommage résultant de la prise du Médiator, que l'insuffisance aortique est la seule pathologie imputable au Médiator, de sorte qu'il n'est pas sérieusement contestable qu'il existe un lien entre le Médiator et l'apparition de la pathologie aortique, justifiant l'allocation de la provision pour frais d'instance au profit de Mme X... à hauteur de 10. 000 euros, sans qu'il y ait lieu préalablement d'exiger la production des justificatifs demandés par les LABORATOIRES SERVIER, l'allocation de la provision n'étant pas soumise à conditions de ressources. Cette provision pour frais d'instance permettra à Mme X... de faire chiffrer son préjudice direct et certain en lien avec la prise du Médiator » ;

ALORS QUE, D'UNE PART, c'est seulement dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable que le juge des référés peut accorder une provision au créancier, qu'il s'agisse d'une provision sur dommages-intérêts ou d'une provision ad litem ; qu'une contestation sérieuse survient lorsque la prétention du demandeur repose sur des fondements incertains, l'applicabilité au litige de la règle de droit invoquée étant raisonnablement discutable ; que tel est le cas s'agissant de la question de l'imputabilité d'un dommage à la prise d'un médicament, surtout lorsque les troubles allégués peuvent raisonnablement avoir une ou plusieurs autres origines, tenant notamment à la prescription d'autres médicaments ayant fait l'objet d'un retrait du marché ou à l'existence de nombreux facteurs de risque chez le patient ; qu'en décidant en l'espèce que « l'appelante établit sans contestation sérieuse l'existence d'un lien de causalité entre l'existence de sa pathologie et la prise du Médiator pendant dix années, à hauteur du pourcentage proposé par l'expert », tout en constatant dans le même temps que la société Les laboratoires Servier avait mis en exergue l'existence chez la demanderesse, non seulement d'une insuffisance mitrale préexistant à son traitement, mais également de nombreux facteurs de risque cardio-vasculaire (hypertension artérielle, cardiomyopathie, diabète de type II, dyslipidémie, surpoids et extrasystoles auriculaires), et souligné par ailleurs que Madame X... s'était vu prescrire deux autres médicaments retirés du marché, l'Isoméride et le Tenuate Dospan, tous éléments dont il résultait que la question de l'imputabilité des troubles de Madame X... à la prise du Médiator était l'objet d'une discussion technique complexe et donc d'une contestation sérieuse, la Cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, c'est seulement dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable que le juge des référés peut accorder une provision au créancier, qu'il s'agisse d'une provision sur dommages-intérêts ou d'une provision ad litem ; qu'une contestation sérieuse survient lorsque la prétention du demandeur repose sur des fondements incertains, l'applicabilité au litige de la règle de droit invoquée étant raisonnablement discutable ; qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment du moment de la mise en circulation du produit ; que cela suppose en conséquent que l'état des connaissances scientifiques permette au producteur d'avoir connaissance des risques liés au produit lors de sa mise sur le marché, ou, à tout le moins, au moment de son utilisation ; qu'en décidant en l'espèce, pour octroyer les provisions litigieuses, que le produit était défectueux en raison du « déséquilibre défavorable avantage/ risque démontré par les études réalisées et sanctionné par le retrait du marché » et de « l'absence totale d'information sur la notice accompagnant ce médicament » sur les risques liés à son utilisation, sans constater que l'état des connaissances scientifiques au jour de la mise en circulation du « Médiator », ou à tout le moins au moment de la prescription du médicament à Madame X..., permettait à l'évidence à la société Les laboratoires Servier d'avoir connaissance des risques liés au produit litigieux, et relevant au contraire que, d'un côté, le « Médiator » avait été prescrit à Madame X... de 1998 à 2008 », et d'un autre que le médicament n'avait fait l'objet d'une décision de suspension d'autorisation de mise sur le marché qu'en novembre 2009, et de retrait qu'en juin 2010, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ;

ALORS QU'EN OUTRE, la société Les laboratoires Servier faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'au regard des publications et études scientifiques réalisées jusqu'à la fin de l'année 2009, publications qu'elle détaillait et produisait en pièces, ainsi que de la position des autorités de santé et de la pharmacovigilance jusqu'à la même date, l'état des connaissances scientifiques ne permettait pas avant la fin de l'année 2009 de déceler le défaut du produit ; qu'en retenant cependant que la société Les laboratoires Servier n'opposait pas « d'élément sérieux permettant de considérer que l'état des connaissances scientifiques au cours des dix années de 1998 à 2008 où le médicament a été prescrit à Madame X..., le défaut n'avait pas été décelé », la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS QU'ENFIN, en ne recherchant en tout état de cause pas si les nombreuses publications et études scientifiques réalisées jusqu'à la fin de l'année 2009, publications détaillées dans les conclusions d'appel de la société Les laboratoires Servier et produites en pièces, ainsi que la position des autorités de santé et la pharmacovigilance jusqu'à la même date, n'établissaient pas le caractère sérieusement contestable des conditions de la responsabilité de la société exposante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile.

Source : DILA, 12/07/2018, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction judiciaire

JURIDICTION : Cour de cassation, hors Chambre criminelle

FORMATION : Première chambre civile

Date : 13/11/2014