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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 28/06/2016, 14NT01114, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LAINE

Rapporteur : Mme Cécile LOIRAT

Commissaire du gouvernement : M. GAUTHIER

Avocat : ALLAIN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Granimond a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Saint-Arnoult à lui verser la somme de 12 500 euros augmentée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant de son éviction de l'attribution d'un marché public de réalisation d'un site cinéraire dans le cimetière municipal.

Par un jugement n° 1301475 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 avril 2014 et 6 mai 2016, la société Granimond, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 20 février 2014 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Arnoult à lui verser les sommes de 8 668,52 euros au titre des frais de présentation de son offre, 3 000 euros au titre de son préjudice moral et 5 278 euros au titre de la perte de chance d'obtenir le marché et du manque-à-gagner, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Arnoult le versement d'une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est entaché de dénaturation des faits de l'espèce, d'une part en ce qui concerne le lien de causalité entre les irrégularités commises dans la passation du marché et son éviction, et d'autre part, en ce qui concerne l'erreur manifeste commise dans l'appréciation de son offre ;
- la procédure de passation est illégale en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article 83 du code des marchés publics : le rejet de son offre n'est pas motivé et la communication ultérieure du rapport d'analyse des offres ne pallie pas cette carence ; ce défaut de motivation porte atteinte à l'égalité entre candidats ;
- la ville de Saint-Arnoult a commis une erreur manifeste d'appréciation de la valeur technique de son offre ;
- en premier lieu, l'attribution d'une note de 6/10 concernant les références, fiches techniques et types de matériaux est particulièrement injustifiée, alors qu'elle avait indiqué utiliser du granit rose de Bretagne, lequel est unique en France et correspond nécessairement au granit " clarté ", et que le règlement de consultation n'exigeait pas la production d'une fiche technique sur le granit utilisé ; en exigeant une fiche technique sur ce point, le pouvoir adjudicateur a ajouté un sous-critère d'évaluation ;
- en deuxième lieu, la note relative aux moyens humains est également manifestement erronée, alors que la société Granimond proposait un délai d'exécution de 3 à 4 semaines avec 3 personnes, l'attributaire prévoyait la mise en oeuvre de 4 personnes mais un délai d'exécution pourtant nettement plus important, entre 6 et 8 semaines ;
- la méthode de notation, qui a pour effet de ne pas attribuer la meilleure note au meilleur projet, est fortement critiquable ;
- la commune de Saint-Arnoult n'a pas respecté les clauses du contrat, qui prévoyait l'exécution du marché entre le 2 avril 2013 et la fin du mois de mai 2013 ; l'attributaire n'a en effet pas exécuté le marché dans ce délai ;
- ayant obtenu une note de 91,29 alors que l'attributaire a eu une note de 93, elle a perdu une chance sérieuse d'obtenir le marché et a droit dès lors, non seulement à l'indemnisation des frais de présentation de son offre, de 8 668,52 euros, mais également à l'indemnisation de son manque-à-gagner, de 5 278 euros ;
- en outre, son éviction irrégulière a porté une atteinte à sa réputation professionnelle, dont il doit être fait une juste réparation à hauteur de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2015, la commune de Saint-Arnoult, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la société Granimond le versement d'une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé, et, subsidiairement, que le préjudice dont il est demandé réparation n'est ni cohérent au regard du montant de l'offre de l'appelante ni justifié.






Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Saint-Arnoult (Calvados) a publié un avis d'appel public à la concurrence le 24 janvier 2013 en vue de la passation d'un marché public de travaux à l'effet de réaliser un site cinéraire, constitué d'un colombarium et d'un jardin du souvenir, dans le cimetière communal ; que par courrier du 15 mars 2013, le pouvoir adjudicateur a rejeté l'offre de la société Granimond et indiqué avoir retenu l'offre de la société OGF ; que la société Granimond a, par lettre du 18 juillet 2013, formé un recours indemnitaire préalable qui a donné lieu à une décision de rejet implicite ; que par la présente requête, la société Granimond relève appel du jugement n° 1301475 du 20 février 2014, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que la société Granimond recherche la responsabilité de la commune de Saint-Arnoult en se prévalant des illégalités fautives dont serait entachée la procédure de passation du marché susmentionné ;
3. Considérant que le règlement de la consultation prévoyait que chacun des candidats devait produire, d'une part, un dossier technique comportant les références ainsi que les moyens humains et matériels mis en oeuvre, et une note méthodologique " décrivant son offre, avec : - les références, les fiches techniques et types de matériaux qu'il pense mettre en oeuvre, - une planche photographique sur laquelle figureront les produits énoncés (...), afin de visualiser leur intégration et cohérence dans le site, en prenant en compte les essences et végétaux existants. Les moyens humains. Des références de réalisations similaires " ; que, d'autre part, l'article 2.6 du règlement de la consultation mentionnait les critères de sélection pondérés des offres suivants : 50% pour le prix global des fournitures et prestations, 30% pour la valeur technique de l'offre, l'esthétique des produits, leur intégration dans le site et leur cohérence avec l'existant, et 20% pour les délais d'exécution ; qu'il était en outre précisé que la valeur technique de l'offre serait appréciée au regard de trois sous-critères ainsi pondérés : 10% au vu de la planche photographique, 10% au vu de la production des références, fiches techniques et types de matériaux mis en oeuvre et références de réalisations similaires, et 10% en fonction des moyens humains au regard des CV et références ; qu'il était également précisé que la note de prix serait obtenue en rapportant le prix le plus bas, multiplié par 50, au prix du candidat ; que s'agissant des délais d'exécution, le règlement de la consultation renvoyait à l'article 3 de l'acte d'engagement et précisait faire application d'un barème de points : entre 20 points pour le délai le plus court et 0 pour le 11ème ; qu'en outre, il était indiqué que la grille de notation de la valeur technique serait fonction des appréciations suivantes : inacceptable, 0/ insuffisant : 1 à 4/ passable : 5 à 9 / adéquat : 10 à 13 / supérieur : 14 à 17/ exceptionnel : 18 à 20, et que la note finale de la valeur technique serait obtenue en multipliant l'appréciation par 1,5 ; qu'il résulte en outre de l'instruction que le cahier des clauses administratives et techniques paritaires (CCATP) applicable au marché mentionnait notamment que : " la ville propose deux options concernant le nombre de cases du colombarium 12 ou 18 cases ; - une colonne du souvenir sur laquelle on puisse apposer le nom des personnes dispersées ; - une stèle " jardin du souvenir " flamme, - un puisard, y compris cavotin sans fond, grille et galets, - 2 bancs, - 10 cavurnes enterrées 60 x 60 (...). / Concernant les variantes pour le colombarium : la couleur retenue est le rose, matières et aspect de finition des surfaces granit poli ou tous autres matériaux durables. / Concernant les variantes pour la stèle du jardin des souvenirs : les candidats proposeront un matériau de couleur rose, matières et aspect de finition des surfaces granit poli ou tous autres matériaux durables " ;
4. Considérant, en premier lieu, que la société Granimond soutient que l'appréciation de son offre est entachée d'une erreur manifeste, qu'en particulier la note de 6 sur 10 qui lui a été attribuée sur le sous-critère " références, fiches techniques et types de matériaux " serait particulièrement injustifiée, alors qu'elle avait indiqué utiliser du granit rose de Bretagne et donné toutes les indications nécessaires ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'il existe une grande variété de granits, notamment de nuances roses, et que l'offre de la société requérante se bornait à mentionner l'utilisation du granit rose, sans indication de provenance ni de nuance précises, alors que celle de la société OGF, attributaire du marché, qui a reçu une note de 9 sur 10 pour ce même sous-critère, indiquait que la nuance choisie était le " granit rose crépuscule ", s'accompagnait d'une fiche technique relative à ce granit comportant une photographie montrant la couleur particulière du matériau choisi, et précisait que les granits provenaient en principe de carrières françaises ; qu'ainsi, en estimant que la différence de précision entre ces deux offres justifiait une différence de 3 points, le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni ajouté irrégulièrement un sous-critère de sélection des offres non mentionné dans le dossier de consultation des entreprises ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la société Granimond soutient que c'est également au prix d'une erreur manifeste d'appréciation que la société OGF a obtenu la note de 10 sur 10 au sous-critère " moyens humains " de la valeur technique, tandis qu'elle n'a obtenu qu'une note de 9 sur 10, alors qu'avec une équipe composée d'un chef de chantier, un ouvrier spécialisé et un manoeuvre, elle garantissait un délai d'exécution de trois à quatre semaines, tandis que l'attributaire, qui mentionnait affecter quatre personnes à la réalisation du chantier, prévoyait un délai d'exécution pourtant nettement plus important, entre six et huit semaines ; qu'il résulte toutefois du règlement de la consultation que les délais d'exécution constituaient un critère à part entière, pondéré à 20%, pour lequel la société Granimond a d'ailleurs obtenu une note de 20 et la société OGF seulement une note de 16 ; que l'attributaire prévoyait l'affectation d'un plus grand nombre de personnes en indiquant affecter au chantier, outre un référent dédié local, une équipe de quatre ouvriers qualifiés et précisait les formations et qualifications du chef d'équipe ; que la requérante n'établit pas davantage l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à soutenir que la méthode de notation des offres était viciée dès lors qu'elle a permis d'attribuer le marché à une offre qui n'était pas la meilleure, la société Granimond ne peut être regardée comme établissant l'irrégularité de cette méthode ; qu'elle n'établit pas davantage que le principe d'égalité entre les candidats aurait été méconnu du fait de l'ajout d'un sous-critère propre à favoriser l'attributaire, dès lors que, comme il a été dit ci-dessus au point 4, la commune n'a aucunement rajouté un critère ou sous-critère non prévu dans le dossier de consultation des entreprises en indiquant que la société Granimond n'avait pas suffisamment précisé les caractéristiques et la couleur de son matériau ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que si le CCATP mentionnait que " le marché prend effet à compter de sa notification jusqu'à la réception complète des travaux. Les candidats reporteront la durée d'exécution pour la mise en place des prestations dans l'acte d'engagement. / le délai maximal d'exécution est de 2 mois (phase de préparation comprise). Toutefois une réunion préparatoire aura lieu avec l'entreprise retenue, afin d'établir le planning d'exécution, qui lui ne pourra être étendu mais qui pourrait être réduit en fonction des équipes mises en place et de la méthodologie de travail de l'entreprise ", il est constant que le critère de sélection des offres relatif aux délais d'exécution n'engageait les candidats que sur une durée prévisionnelle d'exécution et non sur une période d'exécution précise ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas respecté les termes du règlement de consultation en attribuant le marché à une société qui n'a pas respecté les délais d'exécution impartis, ne peut que rester sans incidence sur la régularité de la procédure de passation du marché et sur la validité du contrat ;
8. Considérant, en revanche, qu'aux termes de l'article 83 du code des marchés publics : " Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours à compter de la réception d'une demande écrite, à tout candidat écarté qui en fait la demande les motifs détaillés du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout candidat dont l'offre a été rejetée pour un motif autre que ceux mentionnés au III de l'article 53, les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l'accord-cadre " ; qu'en l'espèce, en réponse à la demande de communication des motifs du rejet de son offre formulée par la société Granimond le 28 mars 2013, la commune de Saint-Arnoult s'est bornée à lui communiquer le 2 avril suivant un rapport d'analyse des offres consistant en un tableau des notes obtenues par les entreprises candidates aux différents critères, sans un mot d'explication, et ne peut ainsi être regardée comme ayant communiqué à l'intéressée les motifs détaillés du rejet de son offre au sens des dispositions précitées ; que, toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, aucun lien de causalité direct et certain n'est établi entre cette irrégularité fautive et les préjudices invoqués, en particulier le manque à gagner en raison de la perte d'une chance sérieuse d'obtenir le marché et les frais de présentation de l'offre, dès lors qu'il ne résulte en aucun cas de l'instruction que si elle avait été régulièrement informée des motifs de son éviction elle aurait obtenu le marché ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Granimond n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Arnoult, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Granimond au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Granimond le versement à la commune de Saint-Arnoult d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Granimond est rejetée.
Article 2 : La société Granimond versera une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Arnoult en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Granimond et à la commune de Saint-Arnoult.


Délibéré après l'audience du 7 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2016.

Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS


La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01114



Source : DILA, 05/07/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 28/06/2016