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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 19/03/2015, 14NC00166, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. EVEN

Rapporteur : M. Olivier FUCHS

Commissaire du gouvernement : M. COLLIER

Avocat : ROTH


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2014, présentée pour M. E...C..., demeurant..., par MeA... ;

M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203875 du 21 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 juillet 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a suspendu de ses fonctions à compter de son retour de congé de maladie ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Il soutient que :

- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'autorité administrative n'avait pas l'obligation d'engager des poursuites disciplinaires ;
- la décision de suspension est insuffisamment motivée ;
- les faits constituant le motif de la décision de suspension sont inexistants ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'arrêté en litige a été signé par une personne compétente ;
- le moyen tiré de l'absence de motif de la décision est inopérant ;
- la décision n'avait pas à être motivée ;
- la circonstance que l'administration décide de ne pas engager de poursuite disciplinaire est sans incidence sur la légalité de la mesure de suspension ;
- le requérant ayant été mis en examen le 24 juillet 2012 des chefs de " détournement de la finalité d'un fichier de traitement des données à caractère personnel ", ainsi que " d'escroqueries en bande organisée et tentatives d'escroqueries en bande organisée ", l'administration disposait d'éléments présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier que soit prise une telle mesure ;

Vu les mémoires, enregistrés les 28 novembre 2014 et 15 janvier 2015, présentés pour M. C..., qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient également que :

- les faits qui lui sont reprochés n'ont pu être portés à la connaissance de l'autorité hiérarchique qu'en raison d'une violation délibérée du secret de l'instruction ;
- il appartenait à l'autorité de nomination dans le grade de consulter l'autorité de nomination dans les fonctions avant de prendre la décision en litige ;
- la circulaire du 24 décembre 2014 du préfet de la zone de défense et de sécurité Est, préfet de la région Lorraine et de la Moselle, démontre que seul le préfet pouvait prendre la décision en litige ;
- les faits reprochés n'étaient pas suffisamment vraisemblables pour justifier sa suspension ;
- ils n'étaient pas suffisamment graves, comme en témoigne le fait que le magistrat chargé de l'instruction n'a pas estimé que sa situation était incompatible avec l'exercice de ses fonctions ;
- sa mise en examen n'impliquait pas, de manière automatique, sa suspension ni l'engagement de poursuites disciplinaires ;
- l'administration n'a pas réellement vérifié l'existence d'une faute, ni examiné sa situation ;
- la décision de différer l'application de la mesure de suspension après la fin de son congé maladie constitue un moyen détourné d'écarter le requérant de ses fonctions pour un délai de plus de quatre mois ;
- l'exécution immédiate de la mesure de suspension, dès le 27 juillet 2012, avec, en particulier, remise de ses effets de service, est illégale ;
- la procédure pénale déclenchée à son encontre est entachée de partialité et résulte de l'animosité de certains collègues à son égard compte tenu de son témoignage dans une enquête portant sur les circonstances d'un décès survenu dans les locaux de l'hôtel de police de Metz ;

Vu l'ordonnance du 16 septembre 2014, fixant la clôture de l'instruction au 14 octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative et l'ordonnance du 15 octobre 2014 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 3 février 2015 fixant la clôture de l'instruction au 3 février 2015, en application des articles R. 611-11-1 et 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale ;

Vu la circulaire du 24 décembre 2014 du préfet de la zone de défense et de sécurité Est, relative à la réforme organisationnelle du centre de rétention administrative de Metz ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M.C... ;

1. Considérant que M.C..., capitaine de police, exerçant la fonction de chef du centre de rétention administrative de Metz, a été suspendu de ses fonctions par une décision du ministre de l'intérieur du 27 juillet 2012, après qu'a été retiré un premier arrêté en date du 25 juillet ayant le même objet mais qui ne tenait pas compte du congé de maladie de l'intéressé ; qu'il relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 novembre 2013 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;




2. Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'article 30 précité de la loi du 13 juillet 1983 dispose que la mesure de suspension est prononcée par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ; qu'en vertu de l'article 19 de la même loi, le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale, qui s'applique notamment au grade de capitaine de police alors occupé par l'intéressé, les officiers de police sont nommés par arrêté du ministre de l'intérieur ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne peut en tout état de cause utilement invoquer la circulaire du préfet de la zone de défense et de sécurité Est du 24 décembre 2014 relative à la réforme organisationnelle du centre de rétention administrative de Metz, laquelle est postérieure à la décision attaquée, la décision de le suspendre de ses fonctions appartenait au ministre de l'intérieur ; que, par une décision du directeur des ressources et des compétences de la police nationale du 18 octobre 2010, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française, M. D... B..., adjoint au chef du bureau des officiers de police du ministère de l'intérieur, a reçu délégation afin de signer, au nom du ministre, les arrêtés, instructions et documents visés à l'article 1er de la décision du 6 septembre 2010 portant délégation de signature ; que cet article vise, notamment, les arrêtés portant suspension de fonctions des capitaines de police ; que, par suite, la décision contestée du 27 juillet 2012 suspendant M. C... de ses fonctions était au nombre des actes que M. B...pouvait signer au nom du ministre de l'intérieur ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte ni de l'article R. 553-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'aucune autre disposition qu'il appartenait au ministre de l'intérieur de consulter l'autorité administrative l'ayant affecté au centre de rétention administrative de Metz avant de prendre la décision de suspension ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée et de l'existence d'un vice de procédure manquent en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'une mesure de suspension de ses fonctions d'un fonctionnaire est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'ainsi, elle n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ou d'un autre texte ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que M. C...ait été en congé de maladie lorsqu'a été prise la décision en litige ne faisait pas obstacle à ce que l'administration puisse valablement décider qu'il serait suspendu de ses fonctions à compter de la date à laquelle expirait ce congé ;


6. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, qui impartissent à l'administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire ayant fait l'objet d'une mesure de suspension, ont pour objet de limiter les effets dans le temps de cette mesure sans qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire, ni même fasse obligation à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'engager une procédure disciplinaire ; qu'il n'est pas établi que l'administration aurait détourné la procédure applicable en prolongeant cette mesure de suspension au-delà d'un délai de quatre mois ; que, par ailleurs, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur aurait entaché sa décision de suspension d'illégalité en n'engageant pas une action disciplinaire doit être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., capitaine de police, exerçant en tant que chef du centre de rétention administrative de Metz depuis le 3 janvier 2011, a été interpellé à son domicile et placé en garde à vue le 23 juillet 2012 puis mis en examen, le 24 juillet 2012, pour détournement de la finalité d'un traitement de données à caractère personnel, escroquerie en bande organisée et tentatives d'escroquerie en bande organisée et placé sous contrôle judiciaire ;

8. Considérant, d'une part, que la circonstance selon laquelle ces faits auraient été portés à la connaissance de l'administration par une violation délibérée du secret de l'instruction, ainsi que le soutient le requérant, est relative au déroulement de la procédure pénale et ne peut être utilement invoquée devant le juge administratif ; que, de la même manière, est sans incidence dans le présent litige le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité de la procédure judiciaire préalable à sa mise en examen ;

9. Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée n'est pas dépourvue de motifs justifiant que soit prise une décision de suspension de fonctions ; que les faits rappelés ci-dessus présentaient en effet, à la date de la décision attaquée du 27 juillet 2012, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier qu'une mesure de suspension soit prise à l'égard de l'intéressé, compte-tenu en particulier de la nature de ses fonctions et du niveau de responsabilité qui était le sien, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le magistrat instructeur n'a pas édicté une mesure d'interdiction d'exercice de ces fonctions ;

10. Considérant, en sixième lieu, que les faits postérieurs à cette décision de suspension, ainsi que les conditions de la notification de la décision en litige, sont sans incidence sur sa légalité ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration se serait estimée liée par sa mise en examen et n'aurait pas examiné la situation personnelle du requérant avant de prendre la mesure contestée ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;





D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et au ministre de l'intérieur.

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N° 14NC00166



Abstrats

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.

Source : DILA, 09/04/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 19/03/2015