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CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 01/02/2016, 14MA04723, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. MOUSSARON

Rapporteur : M. Laurent MARCOVICI

Commissaire du gouvernement : M. THIELE

Avocat : SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée le 2 janvier 2012, Mme G...C...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur, A...H..., demeurant..., représentée par Me F..., a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Cabriès à lui verser la somme de 2 595,40 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, dont 595,40 euros au titre des frais divers et 2 000 euros au titre de son préjudice moral, en se réservant de chiffrer définitivement les préjudices subis par son fils mineur A...H...dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal.

Par un jugement n° 1200035 du 29 septembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Cabriès au paiement d'une somme de 1 756,50 euros au titre des préjudices propres subis par MmeC..., 6 975 euros au titre des préjudices subis par l'enfant mineur, et au versement de la somme de 2 358,65 euros en remboursement des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône, à la prise en charge des frais d'expertise à hauteur 1 416,19 euros, et à la condamnation au versement de la somme de 750 euros à Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête du 28 novembre 2014, la commune de Cabriès, représentée par son représentant légal en exercice, par Me D..., demande à la cour administrative d'appel de Marseille :

1°) d'annuler le jugement n° 1200035 du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires de Mme C...et de la CPAM des Bouches du Rhône ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :
- l'attitude des enfants ne présentait pas de danger particulier imposant une intervention préventive des surveillants ;
- le portillon ne donne pas accès à l'extérieur de l'établissement mais à un espace interne desservant le garage à vélos et l'accès à certaines classes et, compte tenu de sa fonction, n'est pas verrouillé par l'équipe pédagogique qui en maîtrise l'utilisation dans le cadre des activités d'enseignement et l'utilise en permanence ;
- le fait pour les agents de surveillance de n'avoir pas prévenu le comportement de l'enfant grimpant sur la clôture ou de ne pas l'avoir aperçu tenir un tel comportement ne constitue pas une faute dès lors que l'obligation de surveillance ne suppose pas la surveillance particulière de chaque enfant ;
- le comportement de l'enfant victime de l'accident a été imprudent, soudain et imprévisible ;
- le lien de causalité direct entre l'exercice de la surveillance par ses agents et la survenance de l'accident n'est pas établi dès lors que la cause directe du dommage est le fait pour l'élève d'avoir imprudemment grimpé sur la clôture.

Le 15 janvier 2015, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, représentée par Me E..., demande à la cour de condamner la commune à lui verser une somme de 4 298,99 euros au titre de ses débours, 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2015, Mme C...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur, A...H..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement n° 1200035 du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Cabriès la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- il existe une série de " désordres successifs " résultant du défaut de surveillance du personnel communal ;
- les enfants étaient peu nombreux et aucun surveillant n'a aperçu une partie de la scène ;
- l'ouverture du portillon permet aux enfants de parvenir à un espace dans lequel ils ne sont pas surveillés ;
- l'imprudence ne peut être reprochée à un enfant âgé de dix ans.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de justice administrative ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2016 :
- le rapport de M. Marcovici ;
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant MmeC..., et de Me D..., représentant la commune de Cabriès.


1. Considérant que, le 30 juin 2011, pendant la pause méridienne, avant la reprise des enseignements, à l'école le Petit Lac, à Cabriès, A...H..., alors âgé de 11 ans, sortant par un portail ouvert, est allé chercher sa casquette projetée en dehors de la cour de récréation par l'un de ses camarades ; que les autres élèves ont empêché son retour en bloquant ce portail ; qu'il a franchi un grillage et s'est blessé au bras gauche; qu'il a ensuite été hospitalisé en urgence à l'hôpital Nord, à Marseille, où le diagnostic a révélé une plaie cutanée de huit centimètres et une lésion partielle du nerf radial ayant nécessité une intervention chirurgicale le 1er juillet 2011 ; que Mme C...agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils mineur, A...H..., a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Cabriès à réparer les préjudices subis ;

2. Considérant que la commune de Cabriès relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1200035 du 29 septembre 2014 qui, après expertise, a condamné la commune au paiement d'une somme de 1 756,50 euros au titre des préjudices propres subis par MmeC..., 6 975 euros au titre des préjudices subis par l'enfant mineur, et au versement de la somme de 2 358,65 euros en remboursement des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à la prise en charge des frais d'expertise à hauteur de 1 416,19 euros, et à la condamnation au versement de la somme de 750 euros à Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant que si Mme C...soutient que le portail par lequel A...H...est sorti de la cour de récréation n'était pas fermé, il résulte de l'instruction et notamment de l'attestation de la directrice du centre de loisirs sans hébergements municipal du club de l'Arbois que le portail permet l'accès à un espace interne où se trouve le garage à vélos et certaines classes ; qu'aucune disposition n'imposait à la commune de fermer le portail à clé ; que celui-ci donne accès aux classes et n'expose pas les enfants à un danger particulier ; que, eu égard à la situation des lieux, la circonstance qu'il était ouvert ne constituait dès lors pas une faute dans l'organisation du service public ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la commune de Cabriès, compte tenu des circonstances et de l'absence de risques connus auxquels les enfants auraient été exposés, ne disposait pas d'un effectif suffisant pour assurer la surveillance des enfants ;

4. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que plusieurs camarades du jeune A...l'ont empêché de rentrer dans la cour de récréation en bloquant le portail et, alors qu'il tentait de franchir le grillage, ont poursuivi cette action, se livrant ainsi à un jeu présentant un danger ; que les agents sous la surveillance desquels ils étaient placés ne se sont pas rendus compte de cette situation et ne sont pas intervenus pour la faire cesser alors que ni le comportement d'A... H...ni celui des autres enfants ne présentaient un caractère soudain et imprévisible ; que dès lors, le défaut de surveillance commis par le personnel communal affecté à la surveillance de la cour de récréation révèle un défaut de fonctionnement du service public de nature à engager la responsabilité de la commune de Cabriès ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur ce que le défaut de surveillance du personnel communal affecté à la surveillance de la cour de récréation révélait un défaut de fonctionnement du service public de nature à engager la responsabilité de la commune de Cabriès ;

Sur la faute de la victime :

6. Considérant qu'A...H..., alors âgé de onze ans, ne pouvait ignorer l'interdiction de franchir le portail, espace auquel il ne devait normalement pas accéder ; qu'il a commis une faute en le franchissant et fait preuve d'imprudence en tentant d'escalader le grillage en cause ; que, par conséquent, A...a commis des fautes susceptibles d'atténuer la responsabilité de la commune de Cabriès à son égard, que son jeune âge ne permet pas d'exonérer ; que, compte tenu des circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident, il y a lieu d'exonérer la responsabilité de la commune de Cabriès à hauteur de 25 % des dommages subis par la victime ; que par suite, c'est à bon droit que le tribunal a condamné la commune de Cabriès à réparer les dommages en lien avec l'accident en cause à hauteur de 75 % de leur montant ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cabriès, qui ne discute pas l'évaluation des préjudices opérée par les premiers juges, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, les premiers juges ont engagé la responsabilité de la commune de Cabriès à hauteur de 75 % des dommages subis par la victime ;

Sur sa condamnation à indemniser la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône :

8. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée " ; qu' " (...)/ En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée " ;

9. Considérant que la caisse centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône établit devant le tribunal administratif de Marseille, par la note des débours en date du 12 janvier 2012 s'être acquittée de la somme de 2 740 euros au titre de l'hospitalisation d'A... H...du 30 juin au 2 juillet 2011, de celle de 129,47 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques du 2 juillet au 4 octobre 2011 et celle de 275,40 euros au titre de massages réalisés entre le 5 juillet et le 12 octobre 2011 ; que les premiers juges ont, à bon droit, estimé les débours de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à la somme globale de 3 144,87 euros et la somme due à la caisse par la commune de Cabriès, en raison du partage de responsabilité, à la somme de 2 358,65 euros ;

10. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ; qu'en l'espèce, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en estimant que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône avait droit à une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 028 euros; que, compte tenu du partage de responsabilité, c'est à bon droit que le tribunal a mis à la charge de la commune de Cabriès la somme de 771 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

13. Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par MmeC..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, et de condamner la commune de Cabriès à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie au titre de ces frais ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande formulée à ce titre par la commune ;

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Cabriès est rejetée.
Article 2 : La commune de Cabriès versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme G...C..., à la commune de Cabriès et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Moussaron, président,
M. Marcovici, premier conseiller,
Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er février 2016.
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N° 14MA04723



Abstrats

60-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité.

Source : DILA, 12/02/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 01/02/2016