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CAA de PARIS, 5ème Chambre, 29/10/2015, 13PA04758, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. FORMERY

Rapporteur : Mme Virginie LARSONNIER

Commissaire du gouvernement : M. LEMAIRE

Avocat : EBSTEIN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2012 par lequel le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale pour abandon de poste.

Par un jugement n° 1301071/5-1 du 16 octobre 2013, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 octobre 2012 du ministre de l'intérieur, lui a enjoint de réintégrer M. B...dans les cadres de la police nationale à compter de la date d'effet de l'arrêté annulé, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M.B....

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2013 et 19 mai 2014, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301071/5-1 du 16 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris, en tant que, par ce jugement, celui-ci a annulé son arrêté du 30 octobre 2012 et lui a enjoint de réintégrer M. B...dans les cadres de la police nationale ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l'administration était également tenue de procéder à la notification de la mise en demeure adressée à M. B...à une adresse qui n'était pas celle déclarée par celui-ci à son organisme gestionnaire ;
- l'article 24 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fait obstacle à ce que l'administration puisse être tenue de procéder à la notification de ses décisions à des adresses autres que celles déclarées au service par les fonctionnaires de police ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les diligences supplémentaires accomplies par précaution et de manière surabondante par l'administration, en l'absence de certitude sur le dernier lieu de résidence de M.B..., étaient de nature à révéler que l'administration avait connaissance de la " véritable adresse " de l'intéressé ;
- le tribunal a renversé la charge de la preuve en faisant supporter à l'administration la charge de prouver qu'elle n'avait pas eu connaissance de la nouvelle adresse supposée de M. B...alors que c'était à ce dernier d'établir qu'il avait porté son changement d'adresse à la connaissance de l'administration ;
- la circonstance que l'administration ait eu connaissance, postérieurement à la notification des mises en demeure adressées à M. B...de rejoindre son poste, d'une " adresse incertaine " située dans la commune de Nandy n'est pas de nature à révéler qu'elle avait connaissance de cette adresse dès l'édiction des mises en demeure ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il connaissait " la véritable adresse " de M. B...à la date de l'arrêté contesté alors qu'il ne disposait que de l'adresse que celui-ci avait déclarée officiellement ;
- il confirme ses écritures de première instance tendant au rejet au fond de la demande de M. B...devant le tribunal ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mai 2014, M.B..., représenté par Me D..., conclut au rejet du recours du ministre de l'intérieur, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés ;
- il a été victime de harcèlement moral et l'arrêté litigieux l'a placé dans une situation de grande détresse morale.

Par une décision du 8 juillet 2014, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M.B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de M.A..., représentant le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant que, par arrêté du 30 octobre 2012, le ministre de l'intérieur a radié M.B..., gardien de la paix, des cadres de la police nationale pour abandon de poste ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 16 octobre 2013 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 octobre 2012 et lui a enjoint de réintégrer M. B...dans les cadres de la police nationale ; que M. B...doit être regardé comme demandant à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 16 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris, en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur l'appel principal du ministre de l'intérieur :

2. Considérant qu'une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 24 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont tenus de résider à leur lieu d'affectation ou à une distance telle que leur rappel inopiné soit possible en toutes circonstances et dans les délais les plus brefs. (...) Le fonctionnaire qui change de résidence doit, dans le même temps, en informer l'administration par la voie hiérarchique et préciser la date de ce changement. Les autorisations exceptionnelles de résidence éloignée ne dispensent pas les intéressés de faire connaître la date à laquelle ils prennent effectivement possession de leur nouvelle résidence. (...)" ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est absenté de son poste à compter du 20 juillet 2011 ; qu'un courrier le mettant en demeure de se présenter au service médical muni de tout document médical de nature à justifier son absence lui a été adressé, sous pli recommandé, le 1er février 2012, à l'adresse de son domicile familial situé 105 avenue du Belvédère, au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) ; que ce courrier a fait l'objet d'une réexpédition par La Poste à l'adresse située 30 rue Louis Blanc, à Paris (75010), puis a été retourné à l'administration accompagné de la mention " anomalie adresse " ; que le ministre de l'intérieur a adressé les deux courriers suivants, en date du 15 mars et du 10 mai 2012, mettant en demeure M. B...de réintégrer le service sous peine de radiation des cadres, à l'adresse située 30 rue Louis Blanc à Paris ; que ces deux courriers sont également revenus à l'administration avec la mention " anomalie adresse " ; que le dernier courrier en date du 2 août 2012 enjoignant M. B...de reprendre le service sous peine de radiation des cadres a été adressé par l'administration à l'adresse de son domicile familial situé 105 avenue du Belvédère au Pré-Saint-Gervais ; que l'arrêté contesté portant radiation de M. B...a été notifié à l'intéressé sous pli recommandé, à l'adresse de son domicile familial situé au Pré-Saint-Gervais et a été retourné à l'administration assorti de la mention " destinataire non identifiable " ; que cet arrêté lui a été également adressé, en envoi simple, à l'adresse " MmeE..., 220 avenue des Champs, à Nandy (77176) ", où il a été réceptionné par M. B...le 26 novembre 2012 ;

5. Considérant que l'administration soutient qu'elle ne connaissait pas la dernière adresse de M. B...située dans la commune de Nandy à la date des envois des mises en demeure, qu'elle était tenue en tout état de cause de notifier les décisions concernant la situation administrative de M. B...à l'adresse que celui-ci avait fournie à son organisme gestionnaire, soit le 105 avenue du Belvédère au Pré-Saint-Gervais, et qu'il appartenait à l'agent de communiquer à sa hiérarchie sa nouvelle adresse en application des dispositions de l'article 24 du décret du 9 mai 1995 ; que, toutefois, l'administration reconnaît que M. B...a communiqué par téléphone à l'un des agents de la direction territoriale de la sécurité de proximité de Seine-Saint-Denis, qui était son service d'affectation, l'adresse de Nandy " pour le renvoi de son courrier " et que l'organisme gestionnaire en a eu connaissance lorsqu'il a entrepris des démarches administratives tendant à identifier les nouvelles coordonnées de M. B...lorsque les plis contenant les mises en demeure lui ont été retournés par les services postaux ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...se serait volontairement soustrait à la notification de ces mises en demeure en s'abstenant de communiquer son adresse à son administration ; que la nouvelle adresse de M.B..., quand bien même elle ne revêtirait pas un caractère stable, était connue de l'administration au moins à la date de l'envoi de l'arrêté de radiation des cadres ; qu'il lui appartenait de faire précéder cet envoi d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service adressée à M. B...à l'adresse de Nandy ; qu'en l'absence de mise en demeure notifiée à M.B..., l'abandon de poste ne peut être regardé comme caractérisé ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 octobre 2012 ;

Sur l'appel incident de M.B... :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : "Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...)" ;

8. Considérant que M. B...demande à la Cour de condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que, toutefois, M. B...n'a pas, préalablement à la saisine du tribunal administratif, ni en cours de première instance, présenté à l'administration, comme l'exigent les dispositions de l'article R. 421-1 précité, de demande indemnitaire préalable ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires de M. B...comme irrecevables ; que M. B...ne conteste pas ce motif devant la Cour ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires, qui en tout état de cause soulèvent un litige distinct de l'appel principal du ministre de l'intérieur et ont été présentées après l'expiration du délai d'appel, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;



Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B....

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 octobre 2015.

Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
S-L. FORMERY
Le greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA04758



Abstrats

01-03-01 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - Forme et procédure. Questions générales.
36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.

Source : DILA, 12/11/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 29/10/2015